Tournesol | Clair de lune
ÉTÉ 2018
Il y avait cet arbre
Seul
Puis le vent l'a remarqué
Et le vent a soufflé
Ses feuilles se sont envolé
Quelques-unes lui tombaient dessus
Et c'était comme si l'arbre lui partageait ses larmes
Jungkook marche sous un ciel mystérieux, en plein milieu d'un coin perdu. Quand il regarde à gauche, il voit un ciel nuancé de gris. Un ciel orageux. Quand il regarde à droite, il voit le tournesol géant. Le soleil brûlant. Posé sur un bleu presque ennuyeux.
Et c'est tellement beau.
Parfois, des nuages un peu trop jaloux glissent devant le tournesol géant. Ils ont l'air de sortir d'un dessin animé de Studio Ghibli. Seuls quelques rayons arrivent à s'échapper. C'est ce qu'il imagine, Jungkook.
Et c'est encore plus beau.
Jungkook est heureux. Parce que aujourd'hui, il porte ses baskets préférées. Jaunes, à tige haute. Il se sent libre et entouré. Des kilomètres de champs de fleurs de toutes les couleurs. Parfois, une maison ou un moulin se pointe. Jungkook marche. Sur le sentier. Et le sentier est parfois accompagné d'une rangée d'arbres, sur lesquels les couleurs du ciel sont imprimées.
Une cigarette derrière l'oreille, et des écouteurs dans les deux, il aperçoit les notes de piano qui colorient le paysage. Au loin, près d'une ferme, un arbre aux branches robustes dénudé de feuillage attire son attention. Les notes glissent du bas du tronc jusqu'au sommet de la plus haute branche. Elle est beaucoup plus fine que ses sœurs plus bas. Il est bizarre cet arbre. Sans feuilles en plein été. Mais ses yeux s'adaptent et Jungkook regarde l'arbre avec le paysage dans son intégralité. C'est plus bizarre du tout en fait. Finalement, il trouve que l'arbre est vraiment bien accompagné par ce ciel mystérieux.
Jungkook fume. Il n'aime pas le goût. Mais il fume quand même. Il s'imagine être filmé. Sinon, ça ne sert à rien de fumer.
Jungkook, marche. Marche. Marche. Le vent est arrivé pour balayer ses cheveux bruns tout fins. Le soleil est ni trop haut ni trop bas. L'arbre est plus proche de ses pas. Et c'est là qu'il les vit. Sous l'arbre aux branches robustes. Les feuilles. Qui coulent. Coulent. Coulent. Des yeux cachés par une chevelure couleur miel. Les feuilles coulent à flots, sur une peau au teint olive. Elles s'échappent des yeux d'un noir profond. Des yeux asymétriques. Imparfait. Tellement parfait. C'est le vent qui le lui a dit.
Un des écouteurs retiré et pendu par le bout des doigts, Jungkook tend le fil vers ce visage attristé. Il le regarde et l'invite, lui et sa salopette vert foncé. C'est chouette. Depuis le début des vacances d'été, c'est la première fois qu'il rencontre un garçon de son âge. Ça l'intrigue tout ça. Ces nuages jaloux qui ont englouti le soleil, dominant le ciel.
Le garçon au teint olive et à la chevelure couleur miel a un regard éberlué. Il toise ce garçon pendant longtemps, baladant son regard au-dessus de sa tête, pour ensuite le glisser plus bas. Des baskets. Jaunes, à tige haute. Ses yeux finissent par remonter, tombant sur le regard du brun. Noirs. Cosmiques. Les feuilles coulent encore. Mais c'est presque automatique. Parce qu'il ne pense déjà plus à ça. Parce que c'est rare qu'il rencontre un garçon de son âge qui ne le regarde pas avec mépris. Alors il hésite.
Et si ce sont eux qui l'ont envoyé?
Finalement, il accepte l'écouteur. Parce que ses yeux à lui sont différents. Alors il lui fait de la place à sa droite, sous cet arbre gigantesque. Et Jungkook se pose à coté de lui, à califourchon, les mains sur les genoux et la tête contre le tronc plein de rides.
C'est qu'il doit avoir beaucoup de vécu cet arbre.
C'est ce qu'il se dit, juste avant de fermer les yeux. Les gammes défilent à nouveau. Ces mêmes notes qui défilent à la chaîne depuis le début de sa balade matinal. Parce qu'on ne change pas les couleurs d'un tableau.
Il ne met pas directement l'écouteur en place, le garçon à la chevelure couleur miel. Il toise encore une fois le garçon au pantalon en jeans délavé, avec le bas un peu replié et aux baskets à tige haute. All star. Jaune. Joie. Il se dit que c'est bizarre tout ça. Ce soleil qui apparaît de nulle part.
Ayant enfilé l'écouteur, le garçon voit des gammes noirs et blancs qui passent des coups de pinceau en couleurs sur le paysage. Des petits points timides. Bleus. Gris. Des traits qui glissent des fois. Roses. C'est doux. Soudain, une montée de frissons. Une explosion de jaune. Puis les derniers coups de pinceau se terminent en notes douces. Encore du bleu et du gris. Mais en plus timide encore, si c'est possible.
Jungkook ouvre les yeux, retire l'écouteur et se retourne vers l'autre garçon.
- "Tu vis dans le coin?"
La réponse arriva juste après une longue brise.
- "À la ferme juste derrière."
Il est un peu dérouté Jungkook. Il ne s'attendait pas à entendre une voix aussi grave. Grave, envoûtante et apaisante à la fois. Alors il reste là, le corps et le regard un peu dans le vide, avant de se retourner pour voir ladite ferme.
- "Toi?"
Jungkook se retourne à nouveau, le regarde le temps d'un battement ou deux de cils, puis finit par ramasser une branche du parterre presque chauve et dessine sur la terre sèche devant lui, entre ses jambes à présent repliés. C'est un amas de lignes entremêlés. Une personne ordinaire dirait que c'est du gribouillage. Mais le garçon à la chevelure couleur miel interprète ça comme le bruit qui s'évade et s'étale, à la recherche d'une issue quelconque.
- "Nous sommes en vacances."
Et le garçon à la chevelure couleur miel hoche de la tête. Comme pour dire:
Je comprends.
- "Elles étaient jolies, les couleurs de cette chanson."
Et Jungkook cesse ses griffures sur le sol et se retourne, lui offrant un sourire vraiment sincère, presque enfantin.
- "Clair de lune. Debussy."
Un avion passe au-dessus de leur tête. Ils le regardent partir au loin, abandonnant derrière lui une traînée de nuages roses. Le garçon à la chevelure couleur miel regarde le profil du garçon qui est juste à coté de lui. Il renifle, s'essuie les yeux et se racle la gorge.
- "Tu veux entendre un poème?"
Et Jungkook a les yeux grands ouverts comme des soucoupes.
- "J'adorerai."
Alors il lui récite le poème. Qui parle de nébuleuses et de galaxies. De l'univers. Et de la rencontre d'étoiles qui s'entrechoquent.
Et le soleil a le regard parsemé d'étoiles.
- "Je... C'est... vraiment très beau. Tu en connais beaucoup des poèmes par cœur?"
Taehyung fait un mouvement d'épaules. Comme pour dire, si l'on veut, puis lui dit que pour être honnête, il a un peu triché. Parce que ce poème-là, c'est lui qui l'a inventé.
"Du coup, c'est plus facile à retenir.", dit-il tout en se massant la nuque d'une main.
Et Jungkook le trouve mignon, avec son air tout timide comme ça et sa salopette toute verte. Et surtout, il pense qu'il a peut-être rencontré une personne un peu comme lui. Et ça, ça change tout son monde.
Le soleil descendait petit à petit. Le ciel est en feu. Jungkook tend une main vers le garçon aux feuilles à présent séchées.
Contact chaud. Douceur électrique. C'est l'orage qui s'échappe du ciel et s'enroule autour de leur poignée. Et ce qui est sûr, c'est que pour tous les deux, c'est un sentiment tout nouveau.
- "Jungkook."
- "Taehyung."
Jungkook hausse le menton de haut en bas, au même rythme que leur poignée de main, accompagné d'un sourire narquois collé aux lèvres.
- "Taehyung. Taehyung, Taehyung, Taehyung."
Et Taehyung a le sourire qui laisse apercevoir toutes ses jolies dents. Parce que c'est la première fois que quelqu'un prononce son nom comme ça. Et Jungkook tombe complètement sous le charme de ce sourire si singulier.
Quelques minutes de silence passent. Ou peut-être même quelques heures. Ils ne savent pas. Parce qu'ils sont comme ça, Taehyung et Jungkook. Ils sont le genre de personnes qui arrivent à se divertir du silence. Et quand le ciel est un dégradé de bleu foncé, que le soleil est vraiment très bas, et que ça se gatte pour pouvoir retrouver son chemin du retour sur ce sentier sans lampadaires, Jungkook se met debout sur ses deux pieds. Il marche lentement, à reculons, les mains dans les poches de son pull à capuche noir un peu trop grand pour lui et avec ce sourire mi-narquois, mi-amusé, qui lui va si bien.
- "Tu sais quoi Taehyung. J'ai bien envie qu'on se revoit."
Ce dernier a un regard inquisiteur et réjoui à la fois.
- "Rendez-vous ici même, demain matin."
Et Taehyung regarde le soleil partir.
Elles étaient jolies, les couleurs de ce garçon.
C'est ce qu'il se dit. Et quand l'euphorie commence à se dissiper, qu'il se dit qu'il devrait peut-être rentrer et que demain matin, il va s'en doute devoir partir en ville pour aider son grand-père, il se dit aussi:
Merde.
Peinture 'Le Prince Lointain' de Eugène Brouillard
- Tournesol -
La fleur du soleil, elle symbolise l'admiration sans fin.
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