Lamier | Halfway to Nowhere

C'est le matin. Jungkook a déjà mangé, très tôt. Et même qu'il a vu le soleil se lever, assis au bord de la fenêtre comme tous les matins et soirs, dégustant du lait chocolaté et une pomme mal lavé. Les premières notes de musique s'évadaient de son enceinte au même instant que les premiers rayons de soleil pointaient le bout de leur nez . Il ne comprenait pas trop les paroles. II voudrait apprendre l'anglais juste pour cette raison-là. Mais ce n'était pas bien grave. Le son allait très bien avec les ondes que les couleurs projetaient à l'aube. Du bleu nuit au bleu cérulé, suivie d'un orange pêche au rose de dragée. Compagnon homérique, la musique était un peintre inégalé.

Après sa contemplation du ciel, Jungkook s'était précipité vers les escaliers en bois, les dévalant avec fougue. La raison? Il ne fallait pas la chercher très loin , car il n'y avait rien de cartésien à cette action. Abstraite matérialisation de son imagination. En effet, comme le soleil lui avait offert une abondance de rayons, il s'était dit qu'il était assez rechargé pou prendre la forme d'un photon et de tester sa vitesse en descendant les escaliers.

Finalement, peut-être fallait-il chercher très loin pour comprendre.

Au rez-de-chaussée règne un silence cosmique. Jungkook fit mine de réfléchir, les yeux plissés ainsi que l'annuaire et le pouce sous le menton. Ses parents dorment encore.

Une perquisition de l'habitation s'impose.

Il ouvre une armoire qui trône dans le salon. Ses yeux scannent chaque étagère. Vide. sans pellicule de poussière. Il marche jusqu'à la salle à manger et fait le tour de la table. Des fleurs sauvages agonisent lentement dans un verre à moitié rempli d'eau. Torture esthétique. Il se met sur son ventre, rampe entre les chaises, observe la table d'en dessous. C'est une table ronde en carreau, de la même couleur que la fameuse fenêtre fumée mordorée. Quelle idée de polluer une si jolie table d'une couche de tissu tout sauf pellucide. Sans cette nappe immonde, il aurait pu voir le plafond comme s'il regardait une ancienne photo en sépia. Le présent serait alors la nostalgie. Déçu, il décide de sortir de là et de continuer sa recherche. Il passe à nouveau vers le salon, marche jusqu'à la cuisine et passe une main par-dessus le plan de travail en bois peint en blanc. Il ouvre les tiroirs. Il y a moins d'ustensiles de cuisine que le nombre de doigts d'une main. C'est-à-dire pas beaucoup et Jungkook se dit que sa mère doit être formidable pour savoir faire des plats avec si peu. Il prend la cuillère en bois et l'observe, la retourne et la malmène dans tous les sens. Il ne trouve rien. Tous les ustensiles passent à la casserole, jusqu'à ce qu'il trouve. Mais il ne trouve rien. Il ouvre le four, plonge sa tête dedans et attend. Toujours rien. Il se lève et se dirige vers le levier. La vaisselle est toute retournés. Il prend deux verres vides qu'il utilise comme jumelles, regarde autour de lui. Toujours rien. Et même que c'est un peu flou. Jungkook cherche quelque chose. Mais il ne sait pas quoi. Il n'est même pas vraiment sûr de savoir s'il cherche réellement quelque chose. C'est toujours pareil. Et il sait qu'il recommencera. Jusqu'à ce qu'il trouve.

Mais quoi?

Jungkook passe une dernière fois la main sur le plan de travail, croise une pêche qui lui fait de l'œil.  Il finit par l'ignorer et quitte la cuisine pour venir s'allonger sur le tapis bleu azur, intermédiaire entre le salon et la salle à manger. Un soupir s'échappe de ses lèvres. En face de lui, un tableau est pendu contre le mur en briques couleur crème. Il voit le tableau mais ne regarde pas l'œuvre. Il ferme son œil droit, puis l'ouvre et ferme celui de gauche. Le tableau semble avoir bougé. Il n'est pas sûr, alors il jongle avec ses yeux. Pouvoir magique. Illusion optique. Jungkook se souvient d'un seul coup que ce n'est pas la première fois qu'il vit cette expérience. Et c'est comme s'il retrouve une part du petit Jungkook. Jungkook s'amuse avec ce pouvoir retrouvé et déplace le tableau de droite à gauche, de plus en plus vite. Et la vue se transforme en flashs. Ça lui fatiguent les yeux, alors il finit par cesser ce jeu et soupir encore une fois, les bras derrière la tête. Pendant quelques instants, c'est le vide dans sa tête. Mais pas pour longtemps. Jamais assez longtemps. C'est un luxe que sa masse grise lui permet très rarement. Son regard se rive vers salon. Il toise le lustre rustique en fer forgé, les sourcils froncés. Une espèce de longue bande jaune et collante y est suspendue. La dame d'âge mûr qui leur loue le gîte en a mis un peu partout dans chacune des pièces. Et Jungkook se rappelle de cette phrase.

- "C'est un piège à mouches.", avait-elle dit.

Jungkook trouve ça dégueulasse. Il ne comprend pas pourquoi ce piège a été conçu.

Elles n'ont pas demandé d'exister les mouches. Puis ils n'ont qu'a bien couvrir la nourriture, et ne pas être embêté pour un rien.

Alors il se lève, survol le long tapis bleu azur, surement acheté au marché, et se retrouve à nouveau à la salle à manger. Il prend une chaise en rotin desséchée et l'a place juste en dessous du lustre. Ça grince de partout et les branches emmêlées lâchent un cri aiguë quand il monte dessus. Il décroche le long truc jaune et collant. Le piège atterrit dans la corbeille. La chaise retourne à sa place. Jungkook est satisfait. Il retourne s'allonger sur le petit bout d'océan et fait l'étoile de mer. Une mouche vole au-dessus de sa tête et Jungkook lui sourit. Son regard se tourne vers l'énorme pendule au coin de la pièce et il se dit qu'il est encore un peu trop tôt pour sortir. Au même instant, les escaliers font du bruit. C'est son père qui descend. Il le sait que c'est lui. Ce sont les rythmes de ses pas qui le lui ont dit.

- "Bonjour."

- "Bonjour."

Jungkook lui sourit. C'est à peine perceptible mais l'espoir l'y oblige. Mais son père ne le voit pas et passe à côté du optimiste.

- "Tu as mangé?"

- "Oui."

- "Ne traîne pas trop, on sort toute la matinée."

- "J'avais justement prévu de sortir comme hier."

Il le regarde cette fois, les yeux plissés d'un air dur.

- "Il en est hors de question jeune homme. Tu nous accompagnes au village."

Géniale. Palpitant.

Jungkook pourrait être ironique, avec ses amis. Mais il n'a pas d'amis. Alors Jungkook est sarcastique. Ça lui arrive quand il n'est pas content. Et là, il n'est pas content. Parce qu'il est obligé d'obéir, et qu'il est adolescent. Plus important encore, il va devoir laisser tomber son rendez-vous avec Taehyung.

C'est dommage, la journée avait bien commencé. Mais peut-être que l'univers ne veut pas l'habituer à trop de bonheur. Il ne faudrait pas abuser de l'euphorie quand même. Jungkook n'est pas un profiteur. Et puis parfois, il faut gouter à la déception, pour ne pas devenir capricieux et trop gourmand. C'est ce qu'il se dit Jungkook, le temps que ses parents se préparent.

Jungkook attend ses parents, assis sur une marche en marbre du perron. Il voudrait courir sur le sentier de pierre. Courir sous le soleil du matin, jusqu'à la ferme. Il lui suffirait de mettre ses parents au courant, leur expliquer la situation. Ça ne prendrait que quelques minutes, juste le temps de prévenir Taehyung de son empêchement, dû aux exigences de ses parents. Mais il reste pourtant là. Parce qu'il refuse de partager l'existence de son arbre avec les adultes. Parce que les adultes pensent tout savoir sur la vie, alors qu'ils sont incapables de lire sa poésie. Ou peut-être qu'ils ont juste oublié comment elle se lit. Alors il reste sur cette paire d'escaliers en marbre blanc, le regard au loin. Il voit le parterre de verdure et de fleurs encore endormis qui disparaît à l'horizon. Et c'est comme si tout s'arrêtait là. Et lui, il est coincé ici. Le soleil l'aveugle. Le ciel est bleu et ça l'ennui. Il imagine les marches décorés de vases en terre cuite, contenant des fleurs de lamier. Personne ne plante des lamiers dans des pots. Et c'est pourtant cette fleur-là qu'il sème.

Dans cette voiture un peu trop étouffante, Jungkook regarde les arbres qui défilent à grande vitesse. Des Ginkgo. Ils seront encore plus magnifiques en automne. La voiture prend un tournant et c'est un autre paysage que Jungkook voit. Une route ordinaire, avec quelques arbres auxquels on leur a interdit l'accès d'un tapis de goudron. Jungkook finit par mettre ses écouteurs et ferme les yeux. aucun son n'en sort. Mais ça, ses parents ne le savent pas. Alors il peut faire semblant de ne pas les entendre quand ils lui parlent. Il écoute et sens le mouvement des roues sous ses pieds. Ça le détend.

- "Un jour je vais lui confisquer ses écouteurs, qu'il sorte un peu de son monde et rentre dans la réalité."

Sa mère entend mais ne dit rien. Jungkook aussi entend, mais il n'en a que faire de ces paroles. Il pourrait méditer là-dessus et trouver mille et une façons à retourner cette remarque contre lui. De toute façon, il ne comprend rien son père. Il ne cherche pas à le comprendre, juste à lui imposer à être quelqu'un qu'il n'est pas, qu'il ne sait pas être. Alors Jungkook fait abstraction, de ses râlements et ses convictions.

Dans son sac à dos, un carnet vert y repose dans le noir. Il est très inspiré sur le coup et voudrait lui faire voir le jour. Mais il ne peut pas. Parce que ses parents sont là. Son père pourrait le voir par le rétroviseur et il a peur qu'on lui demande ce qu'il fait. Ça leur arrive parfois, à ses parents, de lui demander ce qu'il fait. Mais ses questions sonnent plus comme un contrôle plutôt qu'à de l'intérêt pour lui. Son carnet vert est son bien le plus intime. C'est pourquoi les réponses à leurs interrogatoires sont toujours composées de"rien". Et ils pensent alors qu'il ne fait rien. "Mon fils est un bon à rien." C'est ce qu'il dit souvent, son père.

Jungkook mémorise ses vers, pour ne pas les oublier et les écrire dans son carnet quand l'occasion se pointera. La poésie le fait vivre, et elle pourrait être encore plus vivante sa poésie, s'il pouvait la partager avec quelqu'un. Parce que c'est ce que Jungkook avait prévu aujourd'hui, alors que l'univers en a décidé autrement. Et finalement, il lui en veut terriblement.




- Lamier -

Exprime le reproche.

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