Chapitre 1-3- Névi
Ma sœur exagérait car je ne trouvais pas cette fille particulièrement séduisante. L'attraction que j'avais pour elle était causée par son statut en tant que meilleure combattante du royaume. Son nom courait dans les couloirs du château, hantant mes pensées depuis tout petit. Cette image d'une jeune fille, au milieu des feuilles mortes, portant le nom d'Automne, me frappa de plein fouet. Un instant d'ensorcellement qui prit fin quand les yeux d'Automne s'étaient posés sur moi. Nous nous observâmes pendant quelques secondes qui en paraissaient plus. Bien que mon regard fut de la pure curiosité, celui d'Automne ressembla à de l'animosité.
Je pensais à l'époque qu'elle n'avait pas le droit de me montrer autant de mépris car perché dans les hauteurs du château, j'étais le Prince héritier du royaume répondant au nom de Névi. Automne, dont je connaissais si bien le nom, représentait mon dégoût pour les insectes. Tels des cafards grouillant, ces gens aux peaux noires peuplaient le château, du moins au sous-sol de celui-ci. Nous, les gens d'en-haut vivions aux derniers étages et notre famille royale se trouvait à l'étage le plus supérieur.
Je pus voir qu'Automne remarqua le rictus au coin de mes lèvres, un sourire signifiant tout le mépris que j'avais également pour elle. La jeune fille baissa son regard en direction de ses vêtements souillés par la boue, le sang et l'humiliation. A l'opposé, ma silhouette brillait de mille feux. Mon costume blanc orné de boutons argentés se refletant dans la vitre me donnait une allure princière. Mais avant tout, mes cheveux blonds luisaient tandis que je considérais que la majorité des gens d'en-bas avait des cheveux de pouilleux. Je savais que je remplissais tous les critères de charme de ce royaume et que cela renforçait ma popularité. A peine reinstallé sur mon fauteuil en face de ma sœur, une servante frappa à la porte pour apporter du thé.
Elle s'apparenta à Automne mais cette dernière toutes les deux ayant la peau plus claire que les gens d'en-bas et des traits légèrement différents. A ma vue, la servante manqua de faire tomber son plateau; j'en riai. J'étais trop habitué à voir ces jeunes femmes perdre leurs moyens en ma présence. La servante versa le thé. Je me sentis déçu de ne pas pouvoir voir le rouge monter à ses joues et la voir crouler d'embarras. Elle s'éclipsa de peur de commettre une nouvelle bêtise ou surtout gênée d'être dans la même pièce que la famille royale.
Ma soeur et moi nous replongeâmes dans nos livres barbants entre histoire et politique. Après avoir bien rigolé, j'étais né prince et mon devoir était d'étendre mon savoir. Mais au lieu de s'attarder sur ces tâches, mon esprit se trouvait ailleurs. Mes pensées ne semblaient pas quitter les yeux noirs et les cils fournis d'Automne, son corps au milieu de cette nature sauvage et sa tenue noire colorée de sang.
Tout le monde la connaissait au château, et son existence se répandait même dans le royaume entier. Son talent pour l'épée ne pouvait rivaliser avec personne. Je demandais toujours comment elle avait appris à se débrouiller ainsi, elle qui n'avait rien auparavant. Je me remémorai la première fois que je l'avais croisée au château. Lorsque j'étais en chemin pour me rendre à mon académie en dehors du palais du haut de ses neuf ans, elle rentrait à peine dans le hall du château.
C'était la première fois que je vis une personne couverte d'une couleur que je ne pensais pas aussi atroce. Le sang coulait derrière elle tout comme sous son épée. Je restai bouche bée, cloué sur place face à cette image qui ne pouvait exister que dans les livres. Ce souvenir d'elle au centre du hall remplis de meubles blancs, au murs blancs et au sol blanc avec pour seule couleur le blanc éclaboussé de gouttes rouges me restait en mémoire. Elle n'était pas plus âgée que moi à cette époque bien que je ne connaissais pas son âge; cette similarité m'effrayait encore plus car j'avais peur de devenir comme elle; un monstre. Mais je n'étais pas le seul à me poser cette question car le regard de la jeune resta sur la pointe de son épée contre le sol, ses yeux posés dans le vide et le dos légèrement courbé par le poids de son existence.
Elle demeura dans cette position pendant quelques minutes lorsqu'une personne du palais l'extirpa de cette absence. La personnelle lui dit plusieurs mots ou plutôt lui hurla dessus puis la gifla lui laissant une trace rouge sur sa joue. J'entendis les cris incessants de la dame lui reprochant d'avoir sali le beau sol en mabre blanc de sa couleur noire. Les aboiements laissèrent alors place aux sanglots de la jeune fille qui tenta de retenir ses larmes, en vain. La dame avait raison les gens d'en-bas n'étaient que des chiens. Alors, pour la faire taire, la dame attrapa les cheveux frisés de la jeune fille et la tira jusqu'en dehors du château. Je me rappelle me dire qu'il fallait bien tenir les animaux en laisse après tout.
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