Chapitre 24 Ikar

Akurio me traîne de force jusqu'à notre chambre. Je me dégage violement. J'ai peut être eu un moment de faiblesse lors des derniers jours mais pas question de rester aussi vulnérable. Je dois être fort.
Il soupire et s'assied sur le lit.

- Je vais demander à ce qu'on nous fasse monter de l'eau, je veux que le guérisseur t'examine aussi, mais pas question que tu sois dans cet état là. Tu es noir de crasse.

Suite à ces paroles, Akurio sors de la pièce. Je peux enfin me détendre. Mes côttes me font souffrir le martyr. Je sais bien que je n'aurais pas du courir avec mes blessures mais je ne voulais pas monter avec la danseuse. Ses paroles m'ont blessé plus qu'elles n'auraient du. Une violente contraction me sert le ventre et je me précipite vers le pot de chambre pour vomir. La bile me brûle la gorge. Comme Akurio m'avait prévenu, je crache du sang. Encore une fois, ma tête tourne. Depuis qu'Uki est inconsciente, je me sens bien trop faible pour que ce soit normal. Déjà que je n'arrivais plus à avaler mes portions en entier, mais maintenant je ne peux plus rien digérer. Je jette un regard au miroir et mon reflet me fait un choc. J'ai des cernes noires sous les yeux, ma pommette vire au bleu foncé suite au coup de Kyon et mes cheveux sont raides et abîmés. Le danseur à raison, il est temps que je prenne un bain.
Akurio revient dans la chambre suivi d'un homme qui porte une bassine. Je suis toujours à genoux. L'homme dépose son fardeau et sors en lançant :

- Il a pas l'air bien votre ami !

J'entend Akurio se tourner vers moi et je me redresse aussitôt. Je n'ai pas le droit d'avoir l'air faible. Il s'approche de moi et pose sa main sur mon épaule.

- C'est vrai qu'on dirait que tu vas encore plus mal que d'habitude. Va prendre un bain pendant que je vais voir les filles. J'acquiesse sèchement et attend qu'il sorte pour me déshabiller. Je me glisse dans l'eau chaude et soupire de plaisir. C'est tellement agréable que je laisse tout mes muscles se détendre pour la première fois depuis longtemps. Je me débarrasse de toute la saleté dont mon corps est recouvert puis sors de l'eau. Une fois encore, je tombe sur mon reflet dans le miroir. Couvert de bleus et de vieilles cicatrices qui me rappellent les  jours dans la rue et les longs mois d'entraînement avant de devenir h'riar. J'évite mon regard et détourne les yeux. Je ne me retrouve pas dans cette image de moi. Je me trouve trop gros. Ou trop maigre, je ne sais pas très bien. Je n'arrive pas à mettre un doigt sur ce je ressens. Mon moment de paix n'a duré qu'un moment. Je me détourne de ce miroir de malheur et m'enroule dans une serviette. J'ai complètement oublié que je n'avais rien à me mettre. Assis sur le lit, j'entend l'aubergiste revenir avec une autre personne, sans doute le guérisseur. Akurio réapparaît dans la chambre.

- Est-ce que Uki va bien ?

C'est la seule question qui tourne dans ma tête pour le moment.

- Le médecin à dit qu'il lui fallait de la chaleur et à boire. Il lui a prescrit une tisane. Il finit l'examen puis c'est ton tour.

Je me crispe un peu et reprend ma voix froide, rassuré pour Uki.

- Pas besoin, je vais très bien.

- Tu ne discutes pas tu ne vas pas bien du tout. Et je vais te prêter des habits le temps qu'on t'en rachète de nouveaux.

Il va farfouiller dans son sac et en ressort des vêtements. Je m'habille rapidement et à peine ai-je fini de passer la chemise que quelqu'un toque à la porte. Akurio se lève et va ouvrir. Je croise les bras sur ma poitrine.
Le guérisseur est assez jeune, des cheveux chatains en bataille et des lunettes rondes sur le bout du nez derrières lesquelles pétillent des yeux marrons. Il est plus grand qu'Akurio mais beaucoup plus dégingandé.

- Alors, ou est le gamin rétif dont je dois m'occuper ?

Je vois que le danseur lui a parlé de moi, manifestement pas de manière très flatteuse. Je me renfrogne un peu plus quand son regard joyeux se pose sur moi.

- Trouvé ! S'exclame-t-il.

Et il vient se poster devant moi.

- Enlève ta chemise.

Je lui lance un regard noir qu'il soutient sans peine. Je remarque du coin de l'oeil Akurio esquisser un mouvement vers moi mais le guérisseur l'arrete.

- Pourriez vous attendre dehors s'il vous plaît ?  Je maîtrise la situation mais je pense que ce sera plus simple si vous n'êtes pas présent.

Après un regard d'avertissement, Akurio quitte la pièce. Le médecin se tourne vers moi.

- Bien, enlève ta chemise je vais t'examiner.

- Je vais bien, ce n'est pas la peine.

Bien entendu, c'est le moment que choisissent mes nausées pour revenir et je me plie en deux.

- Je ne vais pas me répéter déshabille toi sinon je demande à ton ami de revenir et ce sera beaucoup moins agréable.

- Ce n'est pas mon ami. Je marmonne en obtempérant.

Le sourire affable de l'autre s'efface quand il voit mon torse.

- Et tu n'as rien ? Tu te moques de moi ? C'est étonnant que tu sois encore debout. C'est quoi votre problème à toi et à la gamine d'à côté. J'ai rarement vu des gens aussi maigres et avec autant de cicatrices et de traces de coup. Est-ce-que tu as vomi du sang dernièrement ?

- ...

- Je n'ai rien entendu.

- Oui.

- De mieux en mieux. Tu as de la chance que le garçon dehors soit plus raisonnable que toi. Maintenant tu me racontes ce qui t'es arrivé. À toi et à la fille aussi que je puisse affiner le traitement. Mais avant ça montre moi ton dos.

Je n'ose pas répliquer devant son ton autoritaire. Aussi jeune soit-il, cet homme force le respect. Je me tourne et je sens ses mains effleurer mon dos. Je tressaille.

- Tu as les mêmes marques que la gamine même si elles sont moins récentes. Dis moi que ce ne sont pas des traces de fouet.

- Si.

- Regarde moi.

Je me remet face à lui et ses yeux accrochent les miens.

- Vous venez d'où ?  Qui êtes vous ? Et ne me mens pas, qu'importe ta réponse je vous soignerais quand même.

- H'riars. Nous sommes des déserteurs. Les cicatrices viennent du camps d'entraînement et de vieilles blessures. Les plus récentes des punitions infligées par notre général pour insolence ou désobéissance, les coups, ce sont les autres.

Je ne veux pas affronter son regard après ce que je viens de lâcher. Je ne sais pas pourquoi mais cet homme m'inspire confiance et je ne veux pas le décevoir.

- Vos camarades n'avaient pas l'air très sympathiques. Je te remercie d'avoir été honnête.

Il fouille un instant dans sa sacoche et en sors de la pommade, des bandages et des sachets de plantes séchées. Il passe rapidement ses mains sur mon torse et je me rétracte instinctivement. Il recommence plus doucement et je me laisse faire.

- Tu as trois côttes cassées et un hématome abdominal, si tu vomis un peu de sang c'est normal mais si c'est trop rappelle moi. Pour le reste, je ne peux rien faire. Par contre, tu es beaucoup trop maigre. Tu dois manger, même si tu doit te forcer. Et puis tu devrais parler à quelqu'un. Tu est très tendu et sur tes gardes. Ton corps n'arrive plus à se détendre. Si tu continues tu vas t'effondrer. La guerre laisse des séquelles mentales mais je pense que tu avais des problèmes avant. Ne garde pas tout pour toi, ce n'est pas bon.

Je marmonne quelque chose d'inintelligible.

- Pardon ?

- Je n'arrive pas à manger.

- Je m'en doutais un peu. Essaye pour le moment, de toute manière je reviens dans deux jours. Si tu ne réussi pas on en reparlera. Et je pense que tu peux te confier à la grande perche derrière la porte. Il a l'air digne de confiance. Allonge toi et essaye de dormir pour le moment, je vais lui expliquer ton traitement et on se revoit bientôt.

Je me glisse difficilement sous la couette et le guérisseur sort de la chambre. Il discute un moment avec Akurio puis ce dernier rentre dans la chambre. Comme il voit que je le regarde, il m'ordonne de dormir et mes yeux se ferment tout seuls.

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