Chapitre 23 Akurio

J'en veux un peu à Airy. Elle n'aurait pas du être aussi dure envers le garçon. Mais elle a dit qu'elle s'excuserait, et elle a aussi eu des derniers jours difficiles. Elle se réveille presque toutes les nuits à cause de ses cauchemars, ça me fait de la peine de la voir comme ça. D'ailleurs, elle se redresse en sursaut, l'air perdue.

- Tu as révé de Mia ?

Elle acquiesce, l'air malheureux. Je l'attire contre moi, mes griefs oubliés. Je la sens se détendre quand l'autre personne à problème de ce campement se réveille à son tour. Pour me faciliter la vie, il a l'air d'avoir aussi fait un cauchemar. Airy se lève.

- Je vais m'excuser. Dit-elle.

Elle s'approche du gamin qui se met à hurler, totalement paniqué.

- Il faut partir !

Vu l'état d'agitation dans lequel il est, je préfère intervenir avant qu'il ne se fasse mal ou qu'il s'en prenne à Airy.

- Calme toi, tout va bien. Chuchoté-je

- Non ! Vous ne comprenez pas ! Ils vont nous tuer !

Il saute sur ses pieds tellement rapidement que je n'ai pas le temps de réagir. Il se précipite vers Uki, ou quelque soit son nom et s'agenouille à côté d'elle.

- Allez ! Réveille toi, s'il te plait ! Il faut qu'on parte. Sinon ils vont venir. Et ce sera encore pure qu'avant. S'il te plait. Debout. Allez debout Uki !

Il commence à la secouer alors je l'attrape par les épaules et l'éloigne.

- Bon tu te calmes et tu m'expliques maintenant.

Son regard change. Comme s'il avait fermé une porte. Toutes ses émotions disparaissent, il ne reste rien d'autre qu'une froide détermination. L'assassin est de retour, plus de place pour l'enfant terrifié.

- J'ai déserté. Ils pensent peut être qu'Uki est morte mais ils savent que moi non. La punition dans ces cas là, c'est la mort. Après plusieurs jours de tortures bien entendu. Les autres H'riars sont sans doute déjà à notre recherche. C'est même étonnant qu'ils ne nous aient pas trouvés. S'ils nous repèrent, nous sommes morts. Vous aussi. Vous êtes des danseurs, il n'y aura pas de pitié. Ils s'amuseront sans doute avec ta camarade avant de la tuer. Si on veut éviter ça, il faut bouger. Maintenant.

Je reste sidéré par le brusque changement qui vient de s'opérer devant mes yeux. Plus de gamin fragile. Il a disparu, enfoui sous des couches d'entraînement. La voix est froide, les yeux vides. Je me demande depuis combien de temps il se cache derrière cette armure.
Finalement, l'idée d'assassins ennemis posant leur mains sur mon Airy me fait réagir.

- Très bien. On lève le camps. Aide nous à tout empaqueter et à effacer nos traces. Airy prépare la gamine pour qu'on puisse la transporter. De toute manière, il fallait qu'on l'amène chez un guérisseur.

Nous nous affairons en silence. Le peu d'affaires que nous avons est chargé sur les chevaux.
Je reprend la parole après un long silence :

- On a que deux chevaux. Je prend Uki avec moi et tu montes avec Airy pour équilibrer le chargement.

- Non.

Il a refusé catégoriquement.

- Ce n'était pas une question.

- Je ne monte pas avec elle. Je préfère courir à côté.

C'est qu'il est borné en plus. Mais je ne peux pas céder.

- Très bien. Ne viens pas te plaindre si ça abîme tes côttes cassées.

Nous partons aux premières lueures du jour. Finalement c'est Airy qui s'occupe de la fille. Qui d'ailleur commence à délirer. Ikar marche à côté des chevaux. Il commence à trottiner quelques instants plus tard pour pouvoir suivre le rythme. Je le surveille du coin de l'oeil mais pas un seul signe de douleur ne transparaît sur son visage. L'ambiance est lourde. Je vois bien qu'Airy se sent coupable et elle ne prononce pas un mot. Les minutes s'egrennent au rythme de pas des chevaux, ponctuées par de légers gémissement d'Uki et le souffle d'Ikar. Au bout de deux heures, nous croisons un ruisseau et faisons une petite pause pour faire boire les chevaux. Je plonge ma tête dans l'eau fraîche en soupirant de soulagement. Ikar s'éloigne dans les bois. Il revient quelques minutes après, l'air de rien. Airy s'approche de lui.

- Je voulais m'excuser pour hier. Je ne le pensais pas vraiment ...

Il lui coupe brusquement la parole.

- Aucune importance. Je suis un assassin après tout. Tu avais raison. Rien de plus qu'un chien dressé à tuer. Et nous sommes ennemis. Aucun besoin d'excuses.

- Mais ...

Il lui tourne le dos et repart en courrant. Nous remontons à cheval et reprenons la route.

Lors de la deuxième pose, je sors le peu de fruits qu'il me reste de ma sacoche de selle et distribue les rations. Ikar refuse de manger. Je n'insiste pas, de peur de plomber encore plus l'ambiance. Nous remontons à cheval. Je jette un oeil rapide sur ma boussole. Nous sommes toujours dans la bonne direction. Si mes souvenirs sont bons, nous devrions arriver dans un peu moins de trois heures.
Uki qui avait arrêté de gémir pendant un petit moment recommence à marmonner de manière incompréhensible. Airy me lance un regard inquiet. Je soupire de frustration. Pourquoi est-ce que c'est sur moi que ça tombe ?

Nous sortons de la forêt en début d'après-midi, la ville s'élève un peu plus loin. Le brique changement de luminosité me fait plisser les yeux. Après une petite dizaine de minutes, nous franchissons enfin les portes. La rue principale est animée, des enfants courent, des marchands interpellent les passants dans un joyeux capharnaeum. C'est jour de marché, la chaussée est bondée mais les gens s'écartent pour nous laisser passer. Je pense d'abord que c'est lié aux chevaux mais je remarque qu'Airy à son uniforme de danseuse, ce qui explique les murmures et les regards jaloux des femmes. Je souris en coin. Comme d'habitude, la beauté de ma camarade fait effet. Les chevaux sont repassés au pas et Ikar peut enfin arrêter de courir. J'hésite entre admirer sa résistance à la douleur ou le secouer pour sa stupide fierté. Contrairement à nous, les gens ne le laissent pas passer facilement et il doit jouer des coudes. Un homme lui rentre dedans. Je suis ébahi, c'est une montagne de muscle. Je n'ai jamais vu personne d'aussi grand et d'aussi large. Il attrape le gamin par l'épaule et le retourne violemment. Je descend de cheval et me rapproche de la scène prêt à intervenir.

- Dis donc gamin. Tu me bouscules et tu ne t'excuse même pas ? Tu as bien du culot, je devrais te remettre à ta place.

Un attroupement se forme autour du géant suite à son grondement. Ikar paraît minuscule à côté. Il ne va pas faire le poid.
Une vague d'intention meurtrière déferle sur la foule. Comme une nappe noire et glacée. Tous reculent d'un pas. Le géant à lâché le h'riar qui le regarde d'un air assassin . Je retire ce que j'ai dit. J'ai tendance à trop vite oublier qu'Ikar fait partie du meilleure groupe de tueurs des deux royaumes. Je me rapproche tant bien que mal de lui, l'attrape par le bras et l'entraîne derrière moi, les rênes de mon cheval en main.

- Ne te fais pas remarquer s'il te plait.

- Lâche moi.

Il se dégage brusquement et s'éloigne de moi. Airy nous attend devant une auberge. Je la rejoins. Elle descend de cheval et Ikar récupère Uki. Nous confions nos chevaux au petit palefrenier et je lui glisse une pièce.
Je rentre en premier dans l'établissement et, quand la porte se ferme derrière nous, le brouhaha de la rue s'éloigne. Une lumière tamisée règne, le parquet est propre, l'air sent le cirage. Deux hommes discutent au comptoir, une chope de bière entre les mains. La tenancière sors de la cuisine pour nous accueillir. Elle est un peu ronde et un grand sourire éclaire son visage.

- Bonjour, bonjour. Je ne vous ai jamais vu ici, vous êtes de passage en ville ? Qu'est ce que je peux pour vous ? J'ai des chambres de libre si vous voulez. Et ce soir au menu, c'est ragoût de boeuf au vin et pommes de terre sautées.

Son flot de parole me surprend un peu et je begaye.

- Euh je, enfin nous...

Heureusement pour moi, Airy prend le relai.

- Bonjour madame. Il nous faudrait deux chambres côtes à côtes s'il vous plaît. Et nous aurions aussi besoin d'un soigneur si vous pouviez nous en recommander un ce serait parfait.

L'aubergiste remarque alors Ikar et Uki et elle se précipite de l'autre côté du comptoir.

- Mais qu'est ce qu'il vous est arrivé mes enfants ?  Venez je vais vous montrer vos chambres.

Elle nous précède dans les escaliers et nous ouvre deux pièces. Je rentre dans la première suivi d'Airy et d'Ikar qui dépose la gamine toujours inconsciente sur le lit.

- Bien, dis-je, ce sera la chambre des filles, Ikar on dormira à côté.

- Je veux rester avec Uki ! 

- Tu n'as pas le choix.

Il me lance un regard furieux.

- Mes enfants, je vais vous chercher un guérisseur, ne bougez pas je reviens. Nous lance l'aubergiste.

J'attrape le gamin par le bras et le traîne dans l'autre chambre.

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