Chapitre 20 Akurio
Point de vue Yakiro
Lorsque je me réveille, je met un moment avant de retrouver mes repères. Je sens le souffle d'Airy dans mon cou, ce qui me fait sourire. Le feu s'est éteint et j'apprécie la chaleur de son corps contre le mien. Je me prépare à me rendormir quand mon sixième sens se manifeste. Il y a quelq'un d'autre que nous dans la clairière. Je saisis mon arc à côté de moi le plus discrètement possible et réveille Airy. Son regard ensomeillé se pose sur moi. Je lui fait signe de ne pas faire de bruit et elle acquiesce en silence. Je sors doucement du sac et me rapproche de la silhouette assise près de la gamine que nous avons récupérée. Elle se retourne d'un coup et la lumière de la lune éclaire ses yeux verts. C'est un jeune homme de mon âge à peu près. Et je le reconnais : c'est encore un H'riar. Je pointe ma flèche sur lui et bande mon arc.
- Bouge pas !
Malgré mon avertissement, il se déplace d'un bond et se place entre la fille et moi.
- Qu'est ce que vous lui avez fait ? Siffle-t-il.
- Rien. On l'a sortie de la rivière c'est tout. Maintenant calme toi.
Il a les lèvres bleues et l'air à bout de nerfs. C'est seulement alors que je remarque à quel point lui aussi à l'air mal nourri. Certe moins que la fille mais quand même. Des ombres creusent ses joues et il flotte sous sa veste trop légère pour le froid qu'il fait.
- Pourquoi est ce que je me calmerais ? Nous sommes ennemis.
- Nous avons déserté, je lui explique, nous n'avons plus rien à voir avec l'Imperator.
Il a l'air plutôt sceptique alors pour lui montrer que je ne lui veut pas de mal je pose mon arc et me retourne pour raviver le feu. Airy observe la scène depuis le sac de couchage, un air attentif sur le visage. Pendant que je remue les cendres pour trouver une braise, j'allimente la conversation dans l'espoir de le détendre.
- Quel âge as tu ?
Il hésite un moment avant de répondre.
- Dix-huit gelées.
Soit deux ans de moins que moi. J'ai l'impression que tout les H'riars sont jeunes et ont des problèmes. Les deux que j'ai vraiment eu le temps d'observer jusqu'à présent sont trop maigres et ont une allure de bêtes traquée. Ça me fait un peu de peine pour ces gamins. Perdu dans mes pensées, je remarque trop tard le mouvement d'Airy et ses yeux qui s'agrandissent, déjà, la lame froide d'un couteau est posé sur ma gorge. Toutefois, je ne me sens pas en danger. Il tremble trop. Son corps est parcouru d'un long frisson et je fais signe à ma coéquipière de ne pas bouger. Doucement, je lève mes mains à hauteur de mon visage et éloigne la lame de mon cou. L'arme tombe au sol dans un bruit sec et l'assassin s'écroule à genou derrière moi.
Je me tourne doucement vers lui. Il a le regard fiévreux et je remarque les bleus sur sa tempe et sa pommette ainsi que sa lèvre enflée. Il a du prendre un coup. Il vacille un peu et je le rattrape. Je saisis ma cape d'hiver et l'emmitouffle dedans. Il frissonne encore un peu puis se détend bien malgré lui. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé aujourd'hui mais le fait est que nous nous retrouvons avec deux assassins ennemis en piteux état sur les bras. Je pousse un long soupir avant de déposer le garçon endormi au sol. Il nous expliqueras la situation demain. Pour le moment, il a besoin de dormir. Malheureusement pour moi, celui là, je ne peux pas le laisser sans surveillance. Je fais donc signe à Airy de se rendormir et je m'installe près du feu pour finir la nuit. Loin de m'écouter, elle se lève et prépare une infusion. Puis elle vient se coller à moi, une tasse fumante entre les mains, elle m'en tends une. Je souris doucement et referme ma main sur le récipient qui diffuse une douce chaleur dans mon corps. Un soupir de contentement m'échappe. La vapeur d'eau se condense en petits nuages de fumée blancs. Épaule contre épaule, nous laissons flotter le silence entre nous, profitant de ce instant de calme. Après plusieurs heures de veille silencieuse, Airy s'est endormie et le soleil se lève doucement, faisant sintiller la neige qui s'est déposée durant la nuit. Un rouge-gorge sautille dans la clairière. Je me relève et souffle sur le feu. Les flammes s'élèvent un peu plus haut. Le garçon se retourne dans son sommeil et un air agité passe sur son visage. Sa respiration s'emballe légèrement et il ouvre les yeux. Le temps d'un instant et il est debout, en garde, prêt à en découdre. Il a reprit des couleurs, c'est déjà ça. Mais s'il pouvait éviter d'être aussi dynamique dès le matin ça m'arrangerait.
- Viens t'assoir au lieu de faire l'idiot. On va manger, on discute après.
Je m'approche de mon sac et en sors la réserve de fruit sec et du pain. Il est tout sec et je grimace à l'idée d'avaler ça. Il s'approche rapidement, m'attrape le pain des mains et le découpe en tranche. Je l'observe faire, un peu étonné. Il fabrique ensuite rapidement une sorte de grille sur laquelle il pose le pain et qu'il tient au dessus des flammes. Quelques instants plus tard, il me tend les tranches, parfaitement grillées des deux côtés. Ensuite il repart sans un mot à l'autre bout du campement sans dire un mot. Il n'a même pas pris à manger. Cet enfant est stupide. Je me lève pour lui apporter sa ration.
Ses yeux verts détaillent chacun de mes mouvements. Ça va être difficile de l'apprivoiser. Quand je suis à environ un mètre de lui, il recule, sur ses gardes. Je m'arrête et lui tend le pain et les fruits. Puisqu'il ne bouge pas, j'enlève mon manteau, le dépose au sol et met la nourriture dessus. Puis je retourne près du feu, ma simple chemise ne suffisant pas à me tenir chaud. Je l'observe du coup de l'oeil. Il ne semble pas vouloir céder mais s'approche finalement à petits pas. Il mange une petite partie et range le reste dans une de ses poches.
- Tu peux tout manger, je chasserais pour ce midi. Lui dis-je.
Il va s'assoir près de la fille inconsciente et termine son repas.
Je me tourne vers Airy pour la réveiller. Il faut qu'on réfléchisse à la suite des événements. Avec deux bouches en plus à surveiller et à nourrir, ça va demander un peu plus d'organisation. Je secoue ma camarade qui se réveille en maugréant et finit pas émerger des profondeurs du sac de couchage les cheveux en batailles. Je réprime un sourire. Même de si bon matin et avec une nuit compliquée, elle est toujours aussi belle. Je lui tends le pain grillé et une poignée de fruits secs avant de me retourner vers l'assassin, décidé à obtenir des informations.
C'est alors que je remarque les traces violacées autour de son cou, sa paleur extrême et son souffle eratique. Il se tient légèrement penché comme pour soulager la douleur. Il va bien plus mal que je ne le pensais en réalité. D'un coup, il se lève est boitille jusque derrière un arbre. Je le suis et le retrouve à genou en train de cracher ses tripes. En plus de son repas, il vomit du sang. Quand il remarque ma présence, il se relève brutalement. Un peu trop à priori. Il pâlit encore et se mord les lèvres comme pour éviter de crier. Il s'appuie au tronc, l'air prêt à s'écrouler. Derrière son regard fier, je lit toute sa peur et sa douleur. Il y a vraiment un problème avec ces H'riars. Je me rappelle soudain que sans Airy, je ne serais sans doute pas là. Moi aussi je me suis engagé chez les Danseurs par ce que je voulais fuir mon passé. Nous avons tous des problèmes. Quelle personne totalement heureuse se destinerait à une vie de mort et de combat. Je suis interrompu dans mes pensées par le violent frisson qui traverse l'assassin en face de moi et je me rend compte que cet idiot à délaissé ma cape fourrée pour sa veste bien trop légère.
- Airy ! Ma cape s'il te plait !
Je me suis retourné pour crier et il tressaille.
Ma partenaire qui me regarde d'un air curieux depuis tout à l'heure attrape le manteau et me le lance. Je le réceptionne sans mal et me tourne vers le gosse que je vais devoir apprivoiser avant qu'il ne meurt de froid. Ce qui me laisse à vue de nez deux minutes. Il me regarde d'un air sauvage et, malgré sa fragilité actuelle et son air juvénile, il est dangereux. Rien n'est plus imprévisible qu'un animal blessé et acculé.
L'idiot se met en garde. Je soupire. Ça risque d'être plus compliqué que prévu.
- Calme toi. Tu vas te faire mal. Tout va bien d'accord. Je ne te ferais rien. C'est promis.
J'avance d'un pas. Il recule et butte contre un racine. Il trébuche et s'étale au sol. Je refais un pas. Calmement, mains levées pour lui montrer mes intentions.
- Aller t'inquiètes pas. Tu as besoin d'être soigné et de chaleur. On soigneras ton amie aussi. Laisse toi faire.
Sa poitrine se lève de plus en plus vite et je crains qu'il ne tombe dans l'hyperventilation. Je me rapproche encore tandis qu'il tente de s'éloigner sur les mains. Il s'ecorche les paumes au sol et elles commencent à saigner. Je ne suis plus très loin alors je comble l'espace qui nous sépare d'une enjambée et l'enveloppe d'autorité dans ma cape. Il tremble comme une feuille, de froid ou de douleur je ne saurais pas dire. Je le soulève du sol pour le ramener près du feu quand il se met à pleurer. De grosses larmes coulent sur ses joues et bientôt, il est agité de sanglots. Une de ses mains aggripent ma chemise tandis que l'autre presse ses côttes. Il grimace de douleur à travers ses larmes. Je retourne m'asseoir près des flammes et le laisse sanglotter autant qu'il le veut. Je lui poserais mes questions plus tard.
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