Chapitre 17 Uki
Point de vue Akene'yre
Lorsque je me réveille le lendemain, la douleur dans mon dos manque de me faire hurler. Je me recroqueville un peu plus sous les draps, le souffle coupé par la souffrance. Le jour filtre à travers la toile de tente et les autres sont déjà debout. Ils discutent avec Ayron. Je me lève le plus doucement possible pour éviter la douleur. Je pose mes pieds sur le sol froid et frissonne un peu. J'ai souvent très froid en ce moment. Je sors et respire un grand coup avant de me diriger vers leur petit groupe. Ikar m'entend arriver et se retourne vers moi, un grand sourire aux lèvres :
- Uki ! Nous sommes invités au palais de villégiature de l'empereur. Bien sûr il n'y sera pas mais il y aura quelques nobles et on sera bien logé.
J'esquisse une ébauche de sourire pour lui faire plaisir. Ça a l'air de le rendre tellement heureux.
Ayron m'informe que nous partons dans une petite heure et que nous n'en aurons que pour trois heures de cheval. Je retourne à la tente pour préparer mes affaires. En passant derrière moi, Kyon m'assene une grande claque dans le dos qui me fait tomber.
Ikar se précipite vers moi, un air mauvais sur le visage.
- Ce n'est pas grave. Lui dis-je
- Bien sûr que si !
- Non.
- Bon en tout cas cette invitation est la bienvenue, elle te laissera un peu de temps pour cicatriser.
- Oui.
Il s'inquiète encore pour moi. Je suis vraiment un poid pour lui. Je termine mon paquetage et me dirige vers les chevaux. Comme je suis en état de monter seul, j'attrape le mien et lui enlève ses entraves*. Je le brosse rapidement et lui met son filet et sa selle. Les autres arrivent et font de même avec leurs propres montures. Je met un pied à l'etrier et grimace de douleur en sentant la peau de mon dos s'étirer. Je serre les dents et enfourche mon cheval. Nous partons au petit trop puis nous prenons le galop. Ikar se place à côté de moi et je sens son regard soucieux de temps à autre. Je cherche une position confortable. Ça m'enerve d'être bléssé par ce que j'adore le galop et que je ne peux même pas en profiter.
Le château apparaît à l'horizon. Les details se dessinent au fur et à mesure que nous approchons. C'est une sorte de pavé à deux étages avec de grandes fenêtres. Vu de l'extérieur il n'est pas très beau mais les pièces doivent être très lumineuses. Mon dos me fait de plus en plus souffrir et je pense qu'une de mes plaies s'est rouverte. Un liquide chaud et poisseux dégouline dans mon dos. Après une petite demi-heure de galop, nous repassons les chevaux au trot puis au pas pour ne pas qu'ils arrivent trop essoufflés au château. Nous entrons dans la cours et mettons pied à terre. Je m'apprête à conduire mon cheval vers les écuries mais un valet me prend les rênes des mains et un autre nous invite à le suivre. J'emboite le pas aux autres, pressé de pouvoir me reposer.
Nous rentrons dans le hall. Je ne me suis pas trompé. Les grandes fenêtres illuminent la pièce tout en longueur. L'endroit est meublé avec goût. Le tapis gris clair est moelleux sous mes pieds. J'ai la forte impression de detonner avec mes habits couverts de poussière et de sang. Un groupe de noble se dirige vers la sortie. Ils froncent le nez à notre approche. L'homme du milieu est petit et gras, un sentiment de malaise m'envahit au fur et à mesure qu'il s'approche de moi. Je n'arrive pas à distinguer son visage. Lorsque je croise son regard, je le reconnais. Un violent mal de tête me serre les tempes et j'ai une forte envie de vomir. J'esquisse un mouvement de recul, à deux doigts de m'évanouir. Je me reprend dans la seconde et redresse la tête, tout en priant pour qu'il ne me reconnaisse pas, je passe à côté de lui, essayant d'ignorer ses petits yeux porcins qui s'attardent un moment de trop sur mon visage. Je continue d'avancer comme si de rien n'etait, rongé par la peur.
Le noble adresse une parole que je n'entend pas à son voisin qui se retourne. Ma nausée se fait plus forte.
- Hey gamin !
Le groupe s'est arrêté. Je me fige, tout comme les autres. Une main se pose sur mon bras et me retourne. Je sens le sang quitter mon visage.
- Je te parle gamin !
Ce noble me souffle son haleine pourrie au visage.
- Oui ?
- On ne se serait pas déjà croisé ?
- Je ne pense pas monsieur.
J'empêche mes mains de trembler en enfonçant mes ongles dans ma paume.
- Tes yeux me rappellent quelqu'un.
- Je suis sur de ne vous avoir jamais vu monsieur.
Ikar pause sa main sur mon épaule. Son intervention me permet de souffler.
- Je suis désolé monsieur mais nous avons tous besoin de repos. Nous nous reverrons sans doutes dans les jours qui suivent.
Il me tire ensuite derrière lui.
Le valet tourne dans un couloir et monte les escaliers. Il se dirige ensuite vers un corridor avec plusieurs portes en enfilades.
- Voici vos chambres, elles sont toutes équipées de la même manière.
Il nous considère d'un oeil critique.
- Nous vous avons fait verser un bain, l'eau doit être chaude.
Puis il tourne les talons. Ayron nous donne rendez-vous au dîner et rentre dans sa chambre. Les jumeaux et Kyon l'immitent sans tarder. Ikar me retient par le bras.
- Tu connaissais cet homme n'est ce pas ?
- Non, il se trompe de personne.
Je me dégage et rentre dans ma chambre, son regard dubitatif sur mon dos.
La pièce est petite et lumineuse. Elle est simple. Un lit, une petite table et un fauteuil. Un petite salle à côté fait office de salle de bain. Un grand miroir accroché au mur me renvoie mon regard, la baignoire fume. Je ne sais pas depuis combien de temps je n'ai pas pris un bon bain. Je me dirige dans la salle d'eau et me déshabille rapidement. J'enlève les bandes qui compriment ma poitrine et pour la première fois depuis des mois, je peux respirer librement. J'esquive mon reflet et me plonge dans l'eau brûlante. La chaleur delasse presque instantanément mes muscles et une douce quiétude s'empare de moi. Je me savonne pour enlever toute la crasse qui s'est incrustée dans ma peau et grimace quand mes blessures piquent. Une fois propre, l'eau est noire. Je m'aperçois avec bonheur qu'il y a une deuxième dose d'eau chaude. Je vide la bassine et la reremplit avant de me replonger dans l'eau avec délice. Je m'endors peu à peu.
Je me réveille en sursaut quelques instants plus tard. L'eau à refroidi et je frissonne, quelques lambeau de mon rêve persistant dans mon esprit. Un souffle rauque près de ma joue, une déchirure en moi, les pleurs, la douleur et les cris. Je me précipite vers le pot de chambre et vomi mes tripes. Lorsque je me relève, je tombe sur mon reflet accusateur. Je suis maigre. Trop maigre, mes côtes on l'air de vouloir trouer ma peau, mes yeux me mangent la moitié du visage. Mes cheveux en épis soulignent mes pommettes saillantes et des cernes noires me font comme du maquillage. Je détaille mon corps. Loin de la volupté et de la douceur des paysannes, je n'ai là où il faudrait des rondeurs et de la chair, que de la peau et des os. Face à mon double, je détourne les yeux.
Je traverse la chambre pour me diriger vers l'armoire qui trône dans un coin. Je l'ouvre et une esquisse de sourire se dessine sur mes lèvres. Un pantalon large, des sous-vêtements propres et une veste à capuche neuve sont proprement pliés sur une étagère. Je remarque que mes vieilles affaires on êtes emportées, sans doute pour les laver. Néanmoins, un problème se pose. Je n'ai plus les bottes. Elles ont du partir à la blanchisserie avec le reste. Je dois aussi laver mes bandes afin de me rebander la poitrine. Je profite encore un peu de ce moment de liberté quand la porte s'ouvre violement sur Kyon et les jumeaux. Je recule d'un pas. Malgré la veste à capuche et le fait que mes formes soient très discrètes, si ma poitrine n'est pas bandée, je risque d'avoir des problèmes. Je croise les bras en catastrophe mais c'est déjà trop tard. Kyon à remarqué. Il ricane.
- Le noble nous avait dit que tu cachais quelque chose d'intéressant et que nous pourrions nous amuser, mais de là à savoir que tu es une fille ! Effectivement, on va s'amuser.
Je recule encore un peu mais je me retrouve bloquée contre le mur, submergée par la panique. Les trois hommes s'approchent avec des sourires menaçants. Kyon me plaque contre le mur et passe ses mains sous ma veste. Alors c'est plus fort que moi, les souvenirs remontent trop vite et je m'ecroule en hurlant.
Je vois vaguement Ikar débarquer dans la chambre et se jeter sur Kyon. Il se fait arrêter par les jumeaux. Kyon se redresse, le nez en sang.
- Tu ne le savais pas hein ? Que Uki t'as menti.
Son air satisfait me donne envie de pleurer. Les yeux d'Ikar font des aller-retours entre lui et moi comme pour me demander de nier. Je ne peux soutenir son regard.
- Uki est une fille.
La sentence est tombée et je vois Ikar ouvrir grand les yeux pendant que Kyon hurle de rire. Je me relève comme dans un rêve et me précipite vers la porte. Je devalle les escaliers, traverse le corridor et me jette dehors, pieds nus. Les premiers flocons de neige se mettent à tomber du ciel sans plus discontinuer et, à travers le rideau blanc, je me dirige à l'aveugle vers la falaise que j'ai repérée à notre arrivée. J'entend Ikar hurler mon prénom mais je ne veux pas l'affronter. Je ne veux pas voir son regard déçu. Je continue de courir pendant que le vent se lève et, arrivée au bord, je saute sans hésiter. La chute est longue. Mon corps heurte l'eau avec un bruit sourd et je me sens sombrer. De toute manière, je n'ai plus de raison de vivre. Alors j'abandonne.
* des entraves sont des liens que l'on pose sur les antérieurs et sur un postérieur des chevaux pour les lier entre eux afin de restreindre leurs mouvements. Cette technique est utilisée lorsque les chevaux sont laissés en liberté la nuit pour éviter qu'il ne s'éloignent trop.
Voilà j'espere que le chapitre vous à plu 😆
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