Chapitre 12 Ikar
Point de vue Akene'yre
Le crépuscule vient de tomber et la bataille s'arrête enfin. Je ne sais même pas si on peut appeler ça une bataille. Pour les soldats qui se battaient contre les H'riars, c'était surtout une mise à mort. Ce sont des paysans ou des enfants enrôlés de force, si dix savent se battre, ce serait un miracle.
Je laisse mes pensées vagabonder pendant que les infirmiers investissent le champ de bataille.
Comme des milliers d'autres orphelins, je me suis engagé dans l'armé au début de la guerre. Il y avait trop de rage en moi depuis que la rue m'avait pris mon petit frère. J'ai vite été remarqué par les instructeurs, je savais me battre, j'avais même un certain talent. Ils m'ont formé avec les autres, ils nous ont tout appris. L'espionnage, l'assassinat, la guerre, les armes et le combat. Les plus faibles étaient renvoyés, on ne les revoyait pas. Je me suis accroché comme un diable jusqu'à la fin de la formation. J'étais désormais un assassin de l'empereur.
Avant ça, je croyais tout savoir. Je pensais connaitre la souffrance, je suis tombé de haut quand je suis arrivé au camp d'entraînement. Il n'y avait pas de place pour les fortes têtes, j'ai du rentrer dans le lot, sans quoi c'était l'expulsion assurée. Finalement, ils ont réussi à me discipliner, à faire de moi un vrai tueur.
Quand ils nous ont jugé prêt, ils nous ont répartis dans des groupes avec des élèves d'autres camps.
Ils nous on dit :
- Ces personnes sont désormais les plus importantes au monde. On ne vous demande pas de créer une famille, on vous ordonne de vous protéger. Si l'un de vous meurt, il y a de fortes chances pour que les autres meurent aussi. Soit vous vous battez ensemble, soit vous ne vous battez pas du tout. Bonne chance à tous.
Ça posait plutôt bien les bases.
Je me suis approché de mon groupe, je n'ai rien remarqué d'anormal au premier coup d'œil.
Le général, Ayron, avait une lueur froide au fond des yeux, le prototype parfait de l'homme dangereux : bien battit, musclé et calculateur. Kyon lui déborde d'arrogance, ça se voit dans sa manière de se tenir. Je décide qu'il sera parfait à narguer. Les deux autres se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Akan et Akanour, les jumeaux. Je ne suis pas arrivée à me faire une idée sur ces deux là mais ils ont l'air fort. J'étais plutôt content de mon groupe, jusqu'à ce que je remarque la demi-portion cachée derrière Akan. Pas plus d'un mètre soixante-cinq, les cheveux courts en bataille, engoncée dans un gilet en fourrure beaucoup trop grand, les yeux baissés. Je me suis demandé ce que ce gamin faisait la. C'était le plus jeune de groupe à n'en pas douter, il devait avoir deux gelées de moins que moi et il n'avait absolument pas l'air dangereux. Je commençais à ouvrir la bouche pour faire une remarque quand le général lança :
- Je suis le général Ayron, je serais en charge de la fin de votre formation puis de votre groupe tant que vous servira l'empereur. Présentez vous.
- Je m'appelle Kyon, j'ai 18 gelées, je me bat au fléau de préférence. Mais je peux manier d'autres armes sans problème.
- Moi c'est Akan, j'ai 19 gelées et je suis epéiste.
- Akanour, tout pareil que mon frère.
- Ikar, enchanté de vous rencontrer ! J'ai 16 gelées, et je me bat avec un sabre. Enfin un katana plus tôt.
J'essaye de détendre l'ambiance, ils avaient tous l'air super crispé. Ça a pas l'air de trop marcher, tant pis. C'est au tour du gamin, j'ai pas retenu comment il s'appelait. Je me demande avec quoi il se bat. Des hochets peut être ?
Lorsqu'il relève la tête, je me rend compte que j'ai eu tort de le sous estimer. Il vrille ses yeux d'un bleu indéfinissable dans les miens et un frisson me parcourt, ils sont tellement pleins de haine qu'elle pourrait déborder. Et en même temps, ils sont un abîme sans fond de tristesse.
- Je m'appelle Uki, j'ai quatorze gelées. Je me bat au couteaux ou avec la technique des doubles sabres.
Le soir, sous la tente, on avait tous essayé d'en savoir plus les uns sur les autres, les discussions allaient bon train, entre les vantardises de Kyon et les phrases laconiques d'Akanour. Lorsqu'on a demandé à Uki d'où il venait, il nous a répondu sèchement que ça ne nous regardait pas mais que si on voulait vraiment savoir, c'était un enfant du néant. Il y a eu un grand blanc dans la tente.
Le général a levé la tête de la carte qu'il étudiait :
- Vous devez apprendre à vous faire confiance, Uki, raconte ton histoire.
- Non.
Ce soir la, j'ai admiré son courage. N'importe qui aurait cédé devant le regard d'Ayron. Mais pas lui. Il a gardé la tête haute même quand le général s'est levé et l'a attrapé par le bras. Sa main était tellement énorme par rapport à ce gamin maigre comme une allumette que c'en était effrayant. Notre général l'a attaché à un poteau et l'a fouetté, cinquante coups. Uki n'a pas desseré les dents une seule fois, pas un seul cri n'a passé la frontière de sa bouche. Ce qui a énervé Ayron, le gamin à donc passé la nuit, attaché au poteau de la tente, le dos à vif. Le matin, Kyon à tranché ses liens à la demande du général. Uki s'est effondré au sol, sans une plainte. Il est resté inconscient une bonne heure. Puis il s'est relevé, il est parti dans la salle d'eau, à desifecté son dos à l'alcool et à remis une chemise propre. Ce soir la, contre tout attente, il avait gagné malgré la furie d'un homme plus fort que lui. C'est sans doute ce qui m'a poussé à me rapprocher de lui. Mais je ne sais pas comment j'ai fais pour apprivoiser ce gamin à moitié sauvage. Ça fait presque deux gelées maintenant que je suis assassin, et je me rend compte qu'Uki n'est pas aussi fort qu'on pourrait le croire. Il y a quelque chose de cassé à l'intérieur de lui. Je me demande bien ce que c'est.
Soudain, un choc me sort de mes pensées.
Je suis brutalement ramené au présent par une boule de fourrure qui me sert de toutes ses forces. Sur le coup je n'ai pas compris. Puis je me suis rendue compte que le paquet tremblant à deux doigts de s'écrouler n'était autre qu'Uki. Je le décolle de moi avec peine et l'examine. Il est couvert de sang et de terre, ses yeux tirent sur le vert cette fois, ça doit correspondre à la panique. Il regarde dans le vague et n'arrête pas de trembler. Je ne pense pas qu'il soit blessé trop gravement mais son état m'inquiète un peu. Je le ramène à la tente d'une main ferme et l'assois sur son lit.
- Enlève ton gilet.
Ses doigts tentent machinalement de défaire les boutons mais il n'y arrive pas.
Je pousse ses mains et m'en occupe.
Je le deleste de ses armes et il enlève ses bottes. D'un coup, il paraît beaucoup plus maigre. Je soigne les coupures qu'il a sur les bras puis je commence à soulever sa chemise pour vérifier son torse. Il s'éloigne brusquement, je n'ai pas eu le temps de bien vérifier mais il n'a pas l'air de s'être bléssé. Son comportement m'intrigue mais je ne pose pas de questions, bien plus préoccupé par l'image de ses côtés qui semblent à la limite de déchirer sa peau. Il ne mange décidément pas assez.
- Vas te rincer et te changer, je te prépare à manger.
Il titube jusqu'à la salle d'eau. Pendant ce temps, je réchauffe deux bols de soupes et ajoute quelques épices.
Il ressort quelques minutes plus tard, les cheveux dégoulinants sur ses épaules. Il va attraper la mort ce gosse ! Je récupère une serviette et lui frictionne la tête. Ensuite je lui fourre le bol de soupe fumante entre les mains et je m'assois à côté de lui. Je souffle doucement sur ma soupe qui a l'air meilleur que la veille, les épices y sont sans doutes pour quelque chose. Je surveille que Uki mange du coin de l'oeil. Ce soir, il avalé sa soupe sans faire de cinéma, c'est déjà un progrès. Je termine la mienne, et, à peine j'ai posé mon bol que le gamin débile dont je m'occupe me sert de ses petits bras, la tête enfouie contre moi. Je ne sais pas ce qu'il a ce soir mais on dirait qu'il a besoin de chaleur et de réconfort. Je lui caresse doucement les cheveux et attend qu'ils s'endorme. De temps en temps, son corps est traversé d'un frisson et il se sert encore plus contre moi. Ça me rappelle quand mon petit frère s'endormait sur mes genoux en hiver, avant qu'il ne tombe malade.
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