Chapitre 10 Uki
Point de vue Akene'yre
Je reprend conscience sur un cheval, j'ai encore la tête dans le flou mais j'ai surtout très froid. Je me pelotonne contre la source de chaleur dans mon dos. L'étreinte se resserre et je m'agite un peu.
- Rendors toi idiot !
Je sursaute en entendant la voix d'Ikar sortant de derrière moi. Je gigotte encore un peu pour la forme puis je m'arrête de bouger pour observer le paysage autour de moi. Ça doit faire un moment que je suis inconscient car la forêt primaire qui entourait notre camp a laissé place à une immense plaine rouge qui s'étend à perte de vue. Intrigué par la couleur je regarde d'un peu plus près. Ce n'est pas l'herbe qui est rouge mais la terre, elle suinte d'une couleur écarlate qui me donne des frissons. Cette terre à été nourrie de sang et de douleur. J'entend presque les cris des milliers de fantômes qui sont mort ici.
Je remarque soudain quelque chose de bien plus effrayant que l'atmosphère de cette plaine. Je tourne discrètement la tête et je croise les yeux brûlants de haine de Kyon. Malgré les promesses de morts atroces contenues dans son regard, je ne peux m'empêcher de sourire. Il a un oeil au beurre noir et les bras couverts de bleus qui virent peu à peu au noir. Je dois avouer que je suis assez fier de moi.
Je laisse de nouveau mes muscles se détendre et, bercé par le galop du cheval, je sombre dans une somnolence agitée.
Nous arrivons au camp sous la lueur blafarde de la lune, l'odeur poisseuse du sang emplit les narines. Les soldats sont hagards, plusieurs n'ont pas vingt gelées. Ceux qui en sont encore capable sourient à notre passage. Là présence de tueurs professionnels doit les rassurer. Je pense qu'ils sont surtout heureux de savoir que nous ne nous battrons pas contre eux.
Ayron nous envoit nous reposer.
- Demain sera dur. Votre tente est la dernière du camp, vous avez quartier libre ce soir.
Lorsque nous arrivons devant notre tente, des soldats prennent nos chevaux en charge. Ça m'arrange bien. Je passe à peine la porte que je m'écroule sur le lit. Le matelas est dur et inconfortable mais c'est tout ce dont j'ai besoin pour le moment. Je commence à m'endormir, je sens vaguement Ikar vérifier ma température puis je sombre. Je me réveille quelques minutes plus tard et je vois les autres assis en cercle. Mon lit grince légèrement quand je m'assois. Ikar se retourne. Je me lève mais je suis pris d'un vertige et je manque de tomber.
Je me rattrape in extremis au bord du lit et je me remet tant bien que mal sur mes jambes.
Ikar se lève pour me soutenir.
- Tu sais pourquoi ?
Je le regarde sans rien dire.
- Tu ne manges pas assez.
Il m'attrape par le poignet d'un test vif. Je tente de me dégager maladroitement.
- C'est bon je fais ce que je veux !
J'ai crié. Je m'en veux un peu, il est tellement gentil.
Loin de me lâcher, il ressere sa prise. Il me traîne jusqu'au cercle où les autres lorgnent sur mon bouillon et me force à m'asseoir.
- Mange ! Sa voix claque durement dans mes oreilles, ma tête résonne. Il commence à me faire mal.
- Lâche moi ! Les mots ont jailli derrière mes dents serrées. Je retire ce que j'ai dit, il n'est absolument pas gentil.
- Désolé mais c'est hors de question.
Il accentue la pression sur mes poignets. Il commence à me faire peur, ma respiration s'affole. Je tente désespérément de me libérer, en vain.
- Calme toi. Il me dit ça d'une voie douce, comme s'il pouvait comprendre ! Personne ne comprend ! Je respire de manière ératique, au bord de la panique totale.
- Lâche moi ! Ma voix s'étrangle au fond de ma gorge, je suis pitoyable.
Je crois que j'ai énervé Ikar :
- Mais pourquoi tu manges pas ?! Tu te mets en danger tu nous met tous en danger ! Comment veux tu qu'on fasse si tu t'effondres en mission ? Ça suffit maintenant tu arrêtes de faire l'enfant et tu avales ta soupe !
Il me bloque les bras à l'aide de ses genoux et m'ouvre la bouche avec deux doigts. Il attrape mon bol de bouillon et m'en fourre une cuillère dans le bec. Je le regarde et lui recrache tout à la figure.
- J'ai dit que je voulais pas !
- M'en fous ! Tu manges !
Il s'essuie d'un revers de manche et réitère. Cette fois il ne se fait pas avoir, il me ferme la bouche et me pince le nez. Je m'étrangle à moitié avant d'avaler le liquide infâme. Il me relâche et, lorsque j'ouvre la bouche pour respirer me remet une cuillère sous le nez. Il fait vraiment peur. Je fais ''Ah'' et dégluttis docilement. Mon estomac proteste, ça fait trop longtemps que je n'ai pas mangé. Ikar me force encore à avaler deux cuillères puis me relâche.
- Ça suffira pour ce soir.
- Je te déteste !!
Je me roule en boule à même le sol. Je ne veux pas le voir. Je croyais que c'était mon ami. La sensation du bouillon coulant dans ma gorge me fait frissonner, je suis pris d'une violent envie de vomir.
Ikar m'attrape et me pose sur mon lit.
- Je peux avoir le reste ? Demande Kyon.
Ikar a du le provoquer car j'entend le bruit d'un crachat.
Finalement tout le monde va se coucher.
Lorsque je me réveille, la lueur blanche de l'aube vient à peine d'effleurer la tente.
Les Yakiros attaquent. J'attrape mes sabres et me précipite dehors. Le camps est sans dessus-dessous. J'avance jusqu'au lieu des combats, sabres au clair. Une première coupe me suffit pour me laisser emporter par la mélodie de l'acier. J'esquive, je frappe, je me couvre au fur et à mesure de sang mais je continue sans m'arrêter. À droite, à gauche, je me bats pour survivre.
Je ne comprend pas bien comment l'ennemi peut être aussi nombreux, j'ai beau enchaîner, je n'en vois pas le bout. Le soleil est haut dans le ciel et les combats ne font que devenir plus brouillons. Le champ de bataille est une véritable boucherie. Pendant que les soldats meurent, les généraux restent dans leur tentes à tenter de trouver une faille dans la défense de l'ennemie. C'est une véritable partie d'échec grandeur nature où les pions ne sont que de la chair à canon. Et moi, perdue au milieu de cette guerre tactique, je ne peux que tuer encore et encore. Je ne suis rien qu'un engin de destruction et de mort au service de l'empereur, que pourrais-je faire d'autre ? Enfin, le flot d'ennemis s'arrête. Tout les soldats Yakiros ont déserté le combat. Je relève la tête, la plaine est noyée sous les cadavres. L'adrenaline retombe et mes muscles se rappellent à moi avec véhémence. Déjà les soigneurs se précipitent, tentant de discerner les blessés des morts au milieu de ce carnage. Je vais leur prêter mains forte. Je repère les vivants et les ramène à la tente de soin. Je perd le fil d'aller-retours que je fais, un homme sur le dos entre l'infirmerie et la zone de combats. Je titube pour retourner en chercher un, mais une main entre dans mon champs de vision.
Je n'entend pas ce que me dit la personne qui me parle. Tout est flou autour de moi. Je contourne l'obstacle et continue mon chemin, un pied devant l'autre.
Je remarque un jeune soldat gémissant de douleur non loin de là. Je me dirige vers lui et le charge sur mon dos. Ou plutôt j'essaye. Je m'écroule sous son poid, face contre terre. Je n'arrive plus à me dégager. Le soldat m'écrase, je ne peux même plus bouger. Je me met à hurler. C'est totalement incontrôlé mais je ne supporte pas qu'on me touche sans que je puisse bouger.
Quelqu'un attrape le soldat et me libère du carcan qui écrase ma poitrine. Je saute sur mes pieds et me met à courir, une seule idée en tête :
- Je veux Ikar !
Je n'arrive plus à raisonner sous l'effet de la panique. En plus je n'ai pas vu mon camarade depuis le début du combat, j'espère qu'il est vivant.
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