Chapitre 11
Quelques jours plus tard
Camille et moi avons beaucoup discuté, ces derniers jours. J'ai beaucoup appris sur lui, et je pense qu'il en a appris sur moi aussi.
Nous sommes la veille des vacances de Noël. Je vais enfin revoir ma famille. Dans quelques heures, je pourrai les serrer dans mes bras.
Mais avant, c'est l'heure du déjeuner. Je suis assise en compagnie de Camille, Ludovic et leurs amis ; Clara et ses autres amies refusent de m'adresser la parole, me fuyant comme la peste. J'ai hâte de quitter l'atmosphère étouffante de la chambre que je partage avec Clara... Elle est très gentille, mais elle m'en veut, alors que nous commencions tout juste à devenir amies...ou, tout du moins, à bien nous entendre.
Cette pensée me fait tellement de mal que je la repousse. Souvent, je sens le regard de Jenny peser sur moi, mais je n'arrive pas à déchiffrer ce qu'elle ressent à propos de moi. Est-elle déçue ? En colère ? Je ne la connais pas très bien, donc je n'arrive pas bien à savoir.
Mais peu importe. Pendant deux semaines, je n'aurai plus besoin de penser à toute cette atmosphère qui me pèse et me ronge.
Et puis, maintenant, j'ai Camille. Il a été d'un grand soutien ces derniers jours et, grâce à lui, j'ai plus envie de rire qu'auparavant. Il m'apporte le bonheur que je n'ai que rarement ressenti dans ma vie. Il est ma bouffée d'oxygène, et je lui en suis reconnaissante.
— Je reviens, prononce Camille à mon intention. Je dois aller voir le directeur, j'arrive tout de suite.
J'acquiesce, et il attrape son sac et son plateau pour se diriger vers la sortie. Il débarrasse la plateau de son assiette et ses couverts, puis sort dehors. Je le suis des yeux un moment, puis retourne à ma propre assiette, avant de remarquer que seul Ludovic est resté à la table, alors qu'il y avait une petite dizaine de personnes assises autour de la table auparavant. Ils se sont tous éclipsés...
Je pousse un soupir. Ça me permet de voir quels sont mes véritables amis, au moins...
— Merci d'être resté, je murmure à Ludovic en prenant une bouchée de purée.
— Pas de souci, Stella. Tu peux compter sur moi !
Je lui adresse un regard reconnaissant, lorsqu'il se penche soudain vers moi, l'air mal à l'aise.
— Et puis, j'ai quelque chose à te dire.
Je fronce les sourcils.
— C'est à propos de Camille, précise-t-il.
Intriguée, j'acquiesce tout de même, attendant qu'il développe. Mais Ludovic jette un coup d'œil autour de lui, puis murmure :
— Pas ici.
Ça doit être vraiment important, pour ne pas qu'il en parle ici...
Je finis mon assiette de purée en vitesse et me dirige vers la sortie avec Ludovic. Il m'attrape par le bras et m'entraîne dans un coin plus reculé de la cour, où il n'y a personne.
Mes expériences avec les autres me remontent brusquement en mémoire et je me dégage de sa poigne. Que pourrait-il me faire ? Va-t-il me frapper, maintenant que nous sommes seuls ? Ou pire ? Est-ce que je pouvais vraiment lui faire confiance ? Ou est-ce que j'aurai dû me méfier ? Il a peut-être caché son jeu, peut-être qu'il est comme les autres qui m'ont fait du mal...
Ces pensées venimeuses s'insinuent lentement dans mon esprit, se répandant tel un poison. Je finis par perdre le contrôle, et ma respiration se fait saccadée.
— Stella, tout va bien, respire... Je ne vais rien te faire... Je ne vais pas te faire de mal...
J'ouvre brusquement les yeux, les plantant dans les siens, marrons.
— Comment es-tu au courant ? Pour mes... antécédents.
— Camille m'en a parlé, fait-il, la voix sombre. D'après ce qu'il m'a dit, les autres t'ont harcelée... Je suis désolée. Mais surtout, je comprends, parce que ça m'est arrivé à moi aussi.
— Comment tu t'en es sorti ?
Je retiens mon souffle alors qu'il me dévisage de son regard sombre.
— Je les ai tabassés.
Choquée, je l'observe, la bouche ouverte. Jamais je ne l'aurai cru capable de faire une telle chose...
— Je sais ce que tu penses, rit-il tristement. Mais je n'avais pas le choix. C'était soit moi, soit eux. J'ai choisi que ce soit eux.
— Camille est au courant ?
— C'est lui qui m'a aidé à m'en sortir. C'est comme ça que nous sommes devenus amis, d'ailleurs.
Un silence s'ensuit, alors qu'il semble se plonger dans ses souvenirs. Puis il me regarde à nouveau.
— Stella... Il faut que je te dise quelque chose à propos de Camille, tu te souviens ?
J'acquiesce, nerveuse.
— Il t'aime beaucoup, tu sais. Et je sais que toi aussi.
Je commence à protester, mais Ludovic lève une main entre nous pour me couper d'une voix douce :
— Je le vois à la façon dont tu le regardes. Mais, Stella...
Il inspire, puis expire.
— Je dois te mettre en garde. Camille est... violent. Ce que je viens de te dire n'est pas la seule preuve.
Sonnée, je l'écoute.
— Il a frappé Julien, l'autre jour. Il t'a défendue, mais de la mauvaise manière. Et ce n'est pas la première fois...
Je recule de quelques pas, mettant de la distance entre ce menteur et moi.
— Il m'a juste défendue.
— De la mauvaise façon, répète Ludovic. Julien s'est excusé d'avoir voulu te faire une farce, mais Camille l'a frappé jusqu'au sang. Julien a passé quatre jours à l'infirmerie. S'il te plaît, Stella, crois moi. Je te dis la vérité.
Je recule encore, profondément dégoûtée par son attitude.
— Comment peux-tu dire des choses pareilles sur ton meilleur ami ? C'est cruel de ta part, Ludovic !
Il ferme les yeux un court instant, l'air de prendre sur lui pour ne pas s'énerver.
— Je te mets simplement en garde, Stella, reprend-il, la voix plus dure. Camille n'est pas le garçon que tu crois. Pour l'instant, il est gentil, il est heureux, il te protège, et te fait du bien. Mais je le connais. Il a un passé difficile, et il ne se contrôle pas. Il est violent, c'est une vérité. Tu es mon amie, Stella, et il faut que je te le dise, ajoute-t-il, la voix soudain radoucie, remarquant que je pleure.
Il tend une main vers moi pour essuyer mes larmes avec gentillesse, mais je le repousse brusquement.
— Je...je crois que je suis...amoureuse de lui...
Ludovic contracte la mâchoire et détourne le regard.
— Je suis désolée, Stella. Je ne veux pas briser ton bonheur, mais je veux que toi, tu ne te brises pas. Tu as déjà assez de maux sans lui.
— Je ne peux pas, Ludovic. Je ne peux pas... Je ne te crois pas. Camille n'est pas comme ça.
Camille est gentil, il a le cœur généreux. Je sais qu'il perd facilement patience, et qu'il se met régulièrement en colère, mais jamais contre moi.
— Même si c'était vrai, je reprends, la voix chevrotante, je pourrai tempérer sa colère. Je pourrai l'aider.
Ludovic acquiesce lentement, tristement.
— Si tu le dis.
Mais il ne semble pas convaincu le moins du monde.
Je serre la mâchoire et le repousse pour de bon, en colère.
— Je ne peux pas te croire, Ludovic. Et je ne peux pas...rester amie avec toi. Pas si tu plantes un couteau dans le dos de ton meilleur ami de cette manière. Ce que tu dis est impossible. Camille n'est pas comme tu le décris. Il n'est pas...violent.
Je crache ce dernier mot comme s'il était porteur d'une maladie contagieuse. Je hais la violence, qui me rappelle trop ma mère et ce qu'elle a fait.
Je recule de quelques pas, puis tourne le dos à Ludovic. Alors que je m'enfuis comme une lâche, je l'entends murmurer :
— J'aimerais tellement me tromper...
Les larmes coulent librement sur mes joues, à présent. Et, je crois qu'elles couleront toujours, malgré tous mes efforts.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top