Chapitre 2

   À la fin de la journée, je retourne rapidement au dortoir. Il y a de l’agitation dans les couloirs, car nous sommes vendredi soir. Ce qui signifie que certains rentrent chez eux. Et pour une fois, j’en fais partie. Tout le monde court partout, rigole ou se dispute. Il y a une bonne ambiance après cette longue semaine de cours, et c’est agréable.

   Clara n’est pas encore dans la chambre. J’en profite pour me dépêcher de fermer ma valise, offerte par tante Ophélia au début de l’année. Avant, j’utilisais un sac de voyage, mais il a cédé l’année dernière. Je n’ai pas beaucoup d’affaires à emmener pour le week-end.

   Soudain, la porte s’ouvre et Clara fait irruption dans la pièce. Nous ne nous sommes pas vues ce matin. Je suis toujours levée aux aurores. Surtout cette nuit, parce que je n’ai pas dormi, donc je me suis levée tôt.

   — Tu pars ? s’étonne-t-elle.

   — Oui, je réponds, assez fière.

   Je sais que tante Ophélia me dit que je peux revenir quand je veux, et que j’ai toujours une place chez eux, j’hésite toujours et je finis par ne pas rentrer. Mais là, j’ai pris mon courage à deux mains, et j’ai appelé ma tante pour lui demander si je pouvais rentrer.

   — Tu fais ce que tu veux, Stella, tu n’as pas besoin de ma « permission » ! a-t-elle ri. Émilien sera ravi de t’accueillir ! Nous faisons quelques travaux chez nous, donc je ne voudrais pas que ma nièce dorme dans les odeurs de peinture !

   J’ai failli refuser, je l’avoue. Je vais devoir me confronter à mon frère. Je n’ai pas beaucoup de contact avec lui. En fait, c’est bête à dire, mais... Il m’intimide. Comme tous les gens. Mais lui, plus particulièrement, parce que je l’aime, et je ne sais pas comment lui montrer. Nous avons été séparés trop longtemps, et je trouve ça bête...même si je suis responsable de tout ce qui s’est passé.

   — D’habitude, tu restes tout le temps, observe Clara.

   Je hausse les épaules.

   — Je n’aime pas déranger mon oncle.

   Clara porte une main à sa bouche d’un air désolé.

   — J’avais oublié que tes parents étaient morts, excuse-moi.

   Je balaie ses excuses d’un geste de la main.

   — Ce n’est pas grave. Je préfère qu’ils soient morts, plutôt que vivants.

   Elle me sourit avec empathie en s’appuyant contre le montant du lit superposé.

   — Je comprends. Mes parents ne sont pas morts, mais je vis seule avec ma mère, parce que mon père est parti à ma naissance. Heureusement, j’ai un beau-père formidable !

   Mon attitude change un peu. Peut-être que Clara et moi ne sommes pas si différentes que ça, finalement... Je tends une main hésitante vers elle.

   — Écoute, Clara... Je suis désolée d’être aussi distante avec toi. La vérité, c’est que je n’ai jamais eu d’amies, et je... Je ne sais pas comment m’y prendre... (J’avoue en baissant la tête, honteuse.)

   Une main attrape la mienne.

   — Pas de soucis. Tu as l’air d’avoir eu une vie difficile.

   — Je vais faire des efforts.

   Clara me sourit.

   — Ne t’en fais pas. J’ai moi aussi mauvais caractère ! rit-elle.

   — Merci, Clara.

   — De rien, Stella. A dimanche !

   Je porte la valise jusqu’à la porte, que j’ouvre en grand.

   — Et toi, tu restes ici, ce week-end ?

   Elle acquiesce.

   — Les billets de train coûtent trop chers. Je ne rentre pas tous les week-end.

   Je n’avais même pas remarqué... Je suis vraiment détestable !

   — À dimanche !

   Je ferme la porte derrière moi, et fais une dernière fois l’inventaire de mes affaires dans ma tête en m’éloignant dans les escaliers, ma valise à la main. L’important, c’est d’avoir mon badge ainsi que mes clés pour pouvoir rentrer dans la chambre dimanche et des sous-vêtements. Le reste... Je sais qu’Ophélia ou Amelia pourraient me dépanner, si besoin. J’adore mes tantes, même si je suis plus à l’aise avec Ophélia. C’est peut-être parce que je la connais depuis toute petite, mais... je place toute ma confiance en elle. Elle est formidable.

   Je montre au surveillant mon autorisation de sortie, et il me fait signe que je peux y aller. J’enroule mon écharpe autour de mon cou, boutonne correctement les derniers boutons de mon manteau, et sors dans le froid glacial.

   L’air frais me donne le coup de fouet qu’il me fallait. Je le respire à pleins poumons en faisant rouler ma valise derrière moi, marchant à bon pas jusqu’à la gare. J’adore l’hiver. Enfin, nous ne sommes pas encore en hiver, mais ça ne saurait tarder. Trois week-end après celui-ci, et ce sera les vacances de Noël. Je n’ai jamais aimé Noël, mais je sens que cette année, ce sera différent. Comme je suis née le 27 décembre, je n’avais pas encore 18 ans et donc, je ne pouvais pas décider où passer Noël l’année dernière. Ophélia m’avait invitée chez eux, mais ma famille d’accueil avait refusé. Ils voulaient me garder le jour de Noël, alors que j’aurai été mieux avec ma famille de sang. Cette année, j’ai décidé de passer Noël avec ma vraie famille. J’ai hâte d’annoncer la nouvelle à Ophélia. J’espère qu’elle sera heureuse que je sois là !

   — Stella ! fait soudain une voix essoufflée derrière moi. Tu prends quel train ?

   Je me retourne en poussant un soupir discret. C’est Camille qui me fait face. Ses joues sont rouges. Il a dû me voir de loin et courir jusqu’ici. Ce n’est pas malin, avec les plaques de verglas au sol !

   — Je vais vers le sud. Et toi ?

   — Moi aussi !

   Ah, il semblerait que je me sois faite un compagnon de voyage... Il va insister, et je vais l’envoyer promener parce que je n’arriverais pas à me retenir...

   — Écoute, Camille, je...

   Soudain, il attrape ma main et m’entraîne vers le comptoir.

   — Tu as montré ton billet ? Le train va bientôt partir, on devrait se dépêcher !

   Sa main dans la mienne me dérange, mais je ne la retire pas. Je le regarde en silence un moment, un peu gênée, puis je vais montrer mon billet, et nous nous dirigeons vers le quai. Camille soulève ma valise dans le compartiment, m’adresse un sourire, puis commence à s’éloigner. Surprise, je l’interpelle :

   — Tu...tu ne restes pas ?

   Il se retourne. Cette fois, c’est lui qui a l’air surpris.

   — Tu veux que je reste ?

   Un silence s’installe entre nous. J’ouvre timidement la bouche mais un sifflement m’interrompt. Le train va partir ! Je n’hésite pas et prend Camille par le bras pour le ramener à l’intérieur. La place à côté de moi est vide. Parfait ! Camille s’y installe.

   — Je ne pensais pas que tu voulais que je reste avec toi, alors je voulais te laisser tranquille, dit-il en enlevant son bonnet.

   Il s’ébouriffe les cheveux, qui sont devenus tout plats.

   — C’est vrai. Mais tu n’as pas l’air méchant.

   C’est de la bêtise d’accorder ma confiance à ce garçon, mais... Il y a quelque chose en lui qui me plaît, sans que j’arrive à déterminer quoi. Aucun garçon ne m’a jamais attirée. Alors, pourquoi lui, plus qu’un autre ?

   Je sors mes affaires de cours de mon sac à dos, et les pose sur la tablette devant moi. Camille m’observe en silence, puis pose une feuille devant moi.

   — Ce sont mes notes. Recopie-les pendant le trajet, me propose-t-il.

   J’ouvre la bouche pour refuser une seconde fois puis pousse un soupir et m’empare de la feuille.

   — Merci.

   Mes remerciements sont sincères. Il se frotte à nouveau la nuque, mal à l’aise, et détourne le regard pour regarder dehors.

   — Il n’y a pas de quoi.

   Son sourire est doux, et beau. Il me donne envie de sourire, à moi aussi.


❄️❄️❄️


Hello ! Alors, que pensez-vous de Camille, pour le moment ?? Et de Stella ?

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