Chapitre 9. II.

Les bois aux sorcières étaient bien plus sinistres de nuit que de jour. L'atmosphère était malsaine et Scarlett sentait un certain mal-être se diffuser dans ses veines sans qu'elle ne puisse le contrôler. Au-dessus d'elle, la Lune régnait, attendant de pouvoir mettre la main sur elle.

Se dissimulant encore plus sous sa capuche, la faucheuse restait attentive au moindre son sans pourtant se laisser envahir par un quelconque sentiment de crainte. C'était simplement l'appréhension qui précédait un combat.

Soudain, elle se figea. Un immense arbre se dressait face à elle, plus grand que les autres. Ses branches étaient noircies par le mal et le tronc était si épais qu'il aurait pu abriter un studio.

Elle était en face d'un arbre aux sorcières !

Elle y était.

Se constituant un masque éploré, Scarlett sorti tous ses talents d'actrice pour lancer d'une voix chevrotante et d'un ton désespéré :

« Il y a quelqu'un ? Aidez-moi je vous en prie !

Sa voix claire et apeurée résonna dans toute la clairière. À cela elle ajouta une gestuelle de proie effrayée : regard furtif, tremblement, repli sur soi même... toute la panoplie de la parfaite future victime. Son jeu était si excellent qu'elle songea un instant qu'elle méritait bien un oscar. Voire deux ! Pourtant, elle n'était pas douée en mensonge et manipulation. Il s'agissait simplement d'agir comme elle l'aurait fait à ses onze ans. Comme elle l'avait fait. Sauf que cette fois-ci, ce n'était pas elle qu'on bernerait.

Enfin, après des minutes à s'égosiller, son travail porta ses fruits. Alors qu'elle reprenait son souffle, une voix âpre mais se voulant douce résonna à son tour, répondant à ses appels au secours.

— Tu es perdue, mignonne ?

Une femme sortit de l'ombre, se tenant dans le faisceau de la lumière lunaire. Son sourire se voulait rassurant, mais Scarlett était loin d'être naïve. Grâce à sa nature de faucheuse, elle pouvait voir le véritable visage de celle qui lui faisait face : son teint était cadavérique, et ses yeux de la couleur des ténèbres entourés de veines noircies. Mais ce n'était pas tout. À en croire les marques symboliques sur le visage de la femme qui lui faisait face, elle avait à faire à une sorcière plutôt puissante.

Bingo !

C'était exactement ce qu'il leur fallait. Une novice n'aurait pas eu les réponses à leurs questions. Mais une vieille sorcière, forte qui plus est, saurait forcément. Scarlett se dit qu'elle la dévisageait avec un air effaré depuis trop longtemps puisqu'elle sourit, légèrement, presque avec dépit.

— Je ne trouve plus mon chemin. Pourriez-vous m'aider ?

Par tous les dieux, avec cette voix niaise à souhait, il était impossible que la sorcière ne tombe pas dans le panneau.

— Bien sûr ! Que fais-tu ici, toute seule ?

— Je campais mais je me suis éloignée et... Et je me suis retrouvée là. Et vous ?

— J'habite dans le coin.

Existait-il des personnes assez naïves pour tomber dans le piège de cette femme ? Qui pourrait croire que ce lieu soit habité ? Mais ne laissant rien apparaître de ses pensées intérieures, Scarlett se fendit d'un nouveau sourire hébété et souffla :

— Voulez-vous bien m'indiquer la route ?

La sorcière acquiesça, sans se départir de son masque de gentillesse. En temps normal, à présent que ses griffes s'étaient refermées sur sa victime, c'était le moment de passer à l'attaque. Mais la faucheuse, toujours attentive, emboîta le pas à la servante du mal, qui l'emmenait encore plus profondément dans les bois. Même un sot s'en apercevrait.

— Nous ne sommes pas loin.

Elle ne tressaillit même pas en entendant la voix de Lowell.

— Valentin demande à ce que tu l'occupes encore un peu.

Soit... ça n'allait pas être bien difficile... Soudain, la sorcière fit volte-face lui lança un sortilège. La faucheuse ne sut trop lequel puisqu'il n'eut aucun effet. Merci le chaperon de maman ! Elle eut juste le temps de voir la magie se précipiter vers elle pour échouer. En revanche, elle put admirer à loisir l'expression déconfite de la servante de la Lune.

— Comment est-ce possible ?

Scarlett abandonna son air ahuri pour afficher un sourire empli de malice avant de répliquer :

— Sachez que tout est possible dans ce monde !

La sorcière comprit au quart de tour.

— Une faucheuse !

— Scarlett, pour vous servir !

Sa rivale s'enflamma aussitôt de rage et lança à nouveau des sortilèges. Sachant que la magie de son chaperon avait des limites, la blonde préféra les éviter agilement. Elle n'attaquait pas, elle se contentait d'esquiver, ni trop rapidement – pour ne pas se fatiguer – ni trop lentement – pour ne pas se faire toucher. Cette stratégie qui n'était pas celle habituelle des faucheurs surpris la servante de la Lune qui ricana.

— Tu n'as pas l'air très douée pour une chasseuse de sorcière.

— C'est parce que je n'en suis pas une !

Et elle tira une balle en direction de la sorcière. Celle-ci la stoppa. En revanche, elle ne vit pas arriver la dague enflammée qui se figea dans sa cuisse.

— Moi, en revanche, j'en suis un.

La voix de Valentin résonna puissamment de cette clairière de malheur allant jusqu'à couvrir le hurlement qu'elle poussa sous le coup de la douleur. Elle se mit à vociférer des imprécations en tentant d'extraire la lame avant de mourir.

Elle y parvint mais déjà le fils du Patron était à ses côtés. Il lui donna un violent coup de poing qui envoya la sorcière au sol. Malheureusement elle se releva. Elle se relevait toujours...

Les deux faucheurs échangèrent un regard avant de se disperser d'un commun accord.

S'ils peinaient autant à vaincre la sorcière c'était parce qu'il fallait la laisser en vie. Valentin était doué pour les tuer. Non pour les épargner. Leur adversaire était coriace, difficile à neutraliser.

Quant à Scarlett, les sorcières n'étaient vraiment pas son rayon, elle s'en rendait compte aujourd'hui alors qu'elle esquivait un sort qui vit jaillir de la Terre une immense racine. Celle-ci s'enroula autour de la cheville de la faucheuse et la tira brusquement au sol. La chute fut douloureuse d'autant plus que la plante continuait son ascension le long de la jambe. La blonde grogna, s'efforçant de s'en débarrasser. Malheureusement, la liane se resserrait toujours plus et son étreinte commençait à être douloureuse.

En face, Valentin se débrouillait mal. Il était à deux doigts de tuer la sorcière et devait se retenir à chaque fois. En conséquence, ses attaques n'avaient pas de réelles portées. Cependant, ce n'était pas cela qui comptait. Leur mission était simplement de distraire la sorcière. De l'occuper, de l'affaiblir à coup d'incandescentoria.

Leur vrai objectif était autre.

Le hurlement sinistre d'un loup figea les trois combattants. Les lianes cessèrent de grimper tandis que l'attention de la jeteuse de sort et des faucheurs se porta au même endroit.

La sorcière sourit en apercevant Lowell qui mit à son tour pieds dans la clairière. La silhouette massive du loup géant se découpait dans l'obscurité menaçante. La cruelle femme, trop réjouie à l'idée d'avoir trouvé un allié éructa, dans un rire fou :

— Bâtard de la Lune ! Attaque-les ! »

Lowell fit un pas dans la clairière. Puis un autre. Mais il ne s'avançait pas vers Scarlett ou Valentin. Le rire de la sorcière s'envola. Le loup géant darda sur elle un regard furieux, enragé.

Puis il bondit sur elle.

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