Chapitre 7. I.

« Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre Village. En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n'osa, à cause de quelques Bûcherons qui étaient dans la Forêt. Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu'il est dangereux de s'arrêter à écouter un Loup, lui dit : Je vais voir ma Mère-grand, et lui porter une galette, avec un petit pot de beurre et de la confiture, que ma Mère lui envoie. »

Le petit Chaperon Rouge – Charles Perrault.

*

Quitter le manoir sans être vue avait été aussi simple que d'y pénétrer. La sécurité commençait réellement à laisser désirer. Ce n'était pas Scarlett qui s'en plaindrait mais il fallait peut-être que l'Ordre réagisse avant qu'une quelconque créature de la Lune ne s'en aperçoive et ne vienne semer la zizanie parmi les faucheurs. La déesse sauterait sur n'importe quelle occasion pour affaiblir ces adversaires et plus particulièrement la Mort. La rivalité entre les deux déesses avait causé de nombreux dégâts et les humains en avaient souvent pâtis. Ils n'étaient certes, pas innocents, mais ils étaient bien impuissants face aux forces obscures qui s'affrontaient lorsque les heures étaient les plus sombres.

Et voilà que la blonde voulait aider un de ces monstres...

Scarlett était sortie à la faveur de la nuit et avant l'aube, elle était déjà en route vers le bois d'Abernethy, dans une voiture louée qui avalait l'asphalte sous elle. Le soleil se levait, projetant des feux rougeoyants dans le ciel et bannissant la Lune petit à petit vers les ténèbres. Scarlett était presque seule sur la route qui montait vers le Nord, vers l'Ecosse. Hormis deux trois autres voitures, il n'y avait personne et elle roulait à toute vitesse, sans respect aucun pour les limites qu'elle dépassait. À côté d'elle, sur le siège passager, se trouvait son sac de voyage dans lequel elle avait jeté ses armes, gardant à portée de main le pistolet à balle d'argent. Un flacon d'incandescentoria fourré dans ses poches, elle était prête à toute éventualité.

Elle avait fui le manoir à toute vitesse, peu rassurée quant au fait que Valentin ait connaissance de ses projets. S'il était aussi déterminé à ce que la mission soit accomplie, il valait mieux qu'elle soit plus rapide que lui. Cependant, ce n'était plus seulement une créature qu'elle était censée chasser mais une sorcière, une sorcière qui lui permettrait de trouver une solution au maléfice que subissait Lowell. C'était peut-être le plus compliqué à imaginer pour elle. Elle n'avait jamais traqué de sorcières. Voilà qu'elle devait à présent en capturer une, et la faire parler. Or, il était certain qu'elle ne dirait rien d'elle-même. Ce serait être irréaliste que d'y croire et si Scarlett était optimiste, elle n'était pas naïve. Cela l'inquiétait et lorsqu'elle était inquiète, elle pouvait faire des erreurs.

Ce n'est pas le moment de déconner ma vieille ! se fustigea-t-elle. Elle devait garder les idées claires et faire les choses dans l'ordre. Trouver le bois aux sorcières, rejoindre Lowell, lui expliquer son plan et le mettre en application. Ils n'avaient pas le droit d'échouer. Parce qu'alors, elle devrait le tuer.

Après des heures de conduites, elle parvint enfin à Aviemore, la ville qui bordait la forêt. Elle y laissa la voiture. Elle espérait la retrouver plus tard mais elle avait plus important à faire. Balançant son sac de voyage sur son épaule, elle se rendit compte que son téléphone avait sonné de nombreuses fois. Valentin ! Elle grimaça. Il avait laissé un message vocal après une dizaine d'appels manqués. Fébrile, elle déclencha la messagerie vocale tout en se dirigeant vers le bois.

« Scarlett, je ne sais pas ce que tu fais mais attends-moi. C'est trop dangereux de te lancer là-dedans toute seule. Dis-moi où tu es ! Rappelle-moi ! C'est urgent ! »

Il n'en disait pas plus. La faucheuse pinça les lèvres, songeuse. Devait-elle réellement le rappeler ? Devait-elle se méfier ? Son instinct qui lui aurait été bien bénéfique à cet instant semblait se taire, la laissant se débrouiller seule. Ah ça ! Pour la lancer dans des quêtes impossibles, et des trahisons terribles, il était bien présent mais lorsqu'il fallait l'aider à prendre les bonnes décisions, il disparaissait.

Surprise, la jeune femme se rendit compte qu'elle avait aussi des messages d'Aurore.

« Je m'inquiète Scarlett, je n'ai aucune nouvelle de toi. Es-tu toujours dans le bois sorcière ? As-tu trouvé ton monstre ? J'aurais juré t'avoir aperçu à la fenêtre hier soir mais avec mon manque de sommeil, je dois avoir halluciné. Rassure-moi si tu as mes messages ! »

À nouveau elle hésitait. Cependant, elle trouva plus judicieux de ne pas prévenir son amie. Heureux étaient les ignorants car ils n'avaient point à se soucier de ce qui échappait à leur connaissance. Ainsi, ils ne souffraient pas ou n'espéraient pas en vain. Ainsi, elle n'entraînait personne dans sa voie sombre et pleine de danger, une voie qui pourrait lui coûter beaucoup et qu'elle n'aurait jamais empruntée sans ce fichu pressentiment. Elle ne mêlerait jamais personne à ses ennuis. Hormis Valentin. Et elle était partagée à ce sujet. Elle ne désirait pas qu'il prenne des risques pour elle pourtant, elle craignait de devoir l'affronter.

Avec un soupire, elle rangea son téléphone avant de s'engouffrer pour de bon dans la forêt. Sa détermination était telle qu'elle ne craignait pas ce qui allait suivre. Elle était sûre d'elle.

« Bois aux sorcières, j'arrive ! »

*

Scarlett avait trouvé le bois aux sorcières après deux heures d'errance. La Mort l'avait guidée jusqu'à l'orée de la zone maudite de la forêt d'Abernethy. Les arbres morts, le sol pourri, les ombres effrayantes et l'absence de vie... Le royaume de la Lune. Heureusement pour la Faucheuse, la fatigue ne l'impactait pas réellement. Cependant, elle se devait d'être entièrement reposée et en pleine possession de ses moyens avant de s'y engouffrer à nouveau. Après avoir bivouaqué à la limite-même du bois pendant une petite heure elle était repartie, avec l'énergie de la détermination et la conviction de faire ce qui était juste qui brûlaient dans son cœur.

Retrouver la piste de Lowell ne fut pas bien difficile. Elle se révéla d'elle-même dans le curieux but d'attirer la jeune femme dans un piège mortelle. L'endroit dégageait de mauvaises ondes que même sans pouvoirs, Scarlett pouvait ressentir. Ses instincts de chasseuse étaient constamment sur le qui-vive, et le moindre mouvement attirait son attention. Sur sa cuisse, le tatouage brûlait d'une étrange manière, à la recherche de ce qui ressemblait le plus à un loup dans les environs ; c'est-à-dire Lowell lui-même. Elle se rappelait encore du moment où le symbole était apparu. Sur la peau de sa cuisse, une tête de loup était tracée à l'encre noire à même sa chair, indélébile. Elle le porterait pour l'éternité. Comme pour lui rappeler ses raisons de combattre, le sang que les loups garous avaient versé, le sang des siens. Un sang qui la tâcherait à tout jamais. Plus que ses vêtements rouges, c'était ce tatouage qui le lui rappelait.

La Mort avait choisi à dessein de lui donner ce totem. À la fois un motif de courage et une torture. Car Scarlett n'avait jamais cessé de haïr les loups, presque de les craindre, transformant cette crainte en une rage suffisante pour combattre ceux de la Lune : loups garous, Fenrir, Sköll et Hanti, bêtes en tout genre – du Gévaudan comme des Vosges – cerbères, chien noir, crocotta et autres esprits malins à la forme lupine.

Ce qui faisait d'elle une excellente chasseuse, Une chasseuse épaulée par les loups de la Mort, les carnivores mortels qui côtoyaient cette Terre aux côtés des Hommes. La Faucheuse avait accepté difficilement ce fait. Au moins n'était-elle pas tombée sur les serpents qui lui faisaient une sainte horreur !

Alors même qu'elle se faufilait silencieuse comme une ombre à travers celles du bois maudit, un craquement la fit sursauter et se retourner, à la recherche de l'origine du bruit. L'air déjà frais était devenu glaciale. Ses doigts se resserrèrent autour de la crosse de son arme.

Mais alors qu'elle se retourna, prête à continuer sa route, elle se figea, l'adrénaline se déversant en un torrent déchaîné dans ses veines tandis que son cœur manqua un battement. Scarlett n'aurait su décrire cette apparition. Une immense créature se dressait sur deux pattes devant elle et semblait constituée de ténèbres malléables à l'exception de son crâne d'où sortaient deux cornes recourbées. Elle aurait pu croire à un démon mais la chose était bien trop réelle. Ses immenses mains se terminaient par des griffes recourbées et lorsque le monstre sourit, une lueur s'alluma dans ses yeux rouges. Une lueur affamée. Une lueur qui glaça de terreur la Faucheuse.

Tout ce qu'elle put faire, c'est bondir sur le côté lorsque la créature tendit vers elle une de ses pattes, avide de sang et de violence. Alors qu'elle lui échappait, le monstre poussa un rugissement affreux, semblable au cri des banshee en bien plus atroces encore. Scarlett cru que sa tête allait exploser face à ce son.

Et comme pour affirmer cette impression, elle se rendit compte que du sang s'était mis à couler de ses oreilles, tachant ses mains. Elle était perdue.

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