Chapitre 15. I.

"Un ennemi ne peut trahir.
Un être aimé si."

Maxime sur la trahison.

*

« Gretel ? Sors de ta cachette, arrête de jouer !

Les cris du petit garçon s'élevaient dans la petite forêt. Mais Gretel refusait de bouger. Elle secoua négativement la tête, sachant pourtant très bien qu'il ne voyait son geste, ses petites tresses brunes fouettant ses épaules maigrelettes. L'écorce de l'arbre dans son dos lui rappelait que les lieux étaient hostiles.

Ce n'était pas son frère mais un monstre qui avait pris son apparence.

— Gretel, j'ai peur tout seul. Aide moi, arrête de te cacher !

Ce n'était pas son frère, ce n'était pas son frère... Un craquement sinistre la fit sursauter. Soudain, un hurlement enfantin déchira l'air. Les jambes de la fillette cédèrent et elle se retrouva assise par terre, dans la boue et la terre, dissimulée derrière son arbre. Sa main était plaquée contre sa bouche, elle se refusait à faire le moindre bruit. Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues tandis que les hurlements continuaient de l'appeler avec désespoir.

— Gretel ! »

La jeune femme se releva en sursaut, les yeux écarquillés à la recherche de l'air. Ce hurlement l'avait tiré hors de ce cauchemar atroce, ayant traversé son corps et son âme toute entière. La faucheuse battit des paupières.

Tremblante, Gretel se laissa tomber de l'étrange autel qui lui servait de lit. Ses bottes rencontrèrent silencieusement un sol terreux et noirâtre, recouvert de racines. Elle frémit, refermant ses bras sur elle. On lui avait pris son manteau, ses armes... Tout ce qu'elle avait ! À l'exception de sa chemise, son corset, son pantalon et son médaillon. Non pas notre médaillon... Celui de Blanche.

La jumelle tituba violemment avant de rejeter la tête en arrière. Ses yeux lui piquaient tandis qu'elle retenait des larmes amères. La princesse était morte. Pour de bon. « Par ta faute » insinua le ricanement dans son esprit. Non ! Pas sa faute... La sienne... Celle de son frère, de sa moitié, de son jumeau... Il avait tué celle qu'elle aimait. Cette réalité, si violente, si affreuse la glaça et elle serra les poings. Gretel fit alors taire son cœur. La crainte l'emporta sur la douleur, l'instinct de survie sur le besoin de pleurer.

Il fallait qu'elle sorte de là.

Mais quel était ce là ? Pour la première fois, elle détailla la pièce dans laquelle elle se trouvait. Il s'agissait d'une sorte de caverne, de terrier, qu'elle devinait sous terre et plus précisément sous un arbre aux sorcières à en croire les immenses racines qui soutenaient le plafond et recouvraient les murs. Elle était sous terre, dans une cachette de sorcière ! L'endroit était sombre, éclairé d'un flambeau et sans le moindre mobilier autre que l'autel sur lequel elle s'était réveillée. Elle s'approcha d'un des murs avec difficulté, curieuse. Dès lors que sa main entra en contact avec la surface terreuse, la faucheuse fut brusquement projetée dans la mémoire du lieu.

Avec une rapidité surréelle, les images s'enchaînèrent dans son esprit. Le bois aux sorcières, un arbre immense et effrayant, à son pied, une maison en sucrerie... Une maison qu'elle connaissait si bien pour s'y être rendue six siècles auparavant... Une maison que jamais elle ne pourrait oublier. Sa porte en pain d'épice s'ouvrit brutalement révélant sur son seuil des ténèbres profondes dans lesquelles elle plongea, poussée par un souffle glacé. La lumière revint en un flash brutal et elle se retrouva dans un souterrain meublé seulement d'un autel. Un autel couvert de sang. Gretel n'eut pas le temps de s'en remettre que le lieu continua à interagir avec elle, lui montrant sang, tortures, crimes et autres horreurs. Avec pour facteur commun à tous ces faits une seule et même personne. Son frère.

La jumelle recula en chancelant, blêmissant à vue d'œil. Elle peinait à respirer, elle avait l'impression d'étouffer dans son corset, qu'il était trop serré.... Sa vision devenait floue, imprécise, des tâches noires dansaient devant ses yeux. Quelque chose dans cet air l'empoisonnait. S'appuyant contre un des murs, ses doigts se refermèrent sur une des imposantes racines. Une quinte de toux la secoua tandis que sa peau se recouvrit de chair de poule. Le mal était là, le mal était présent... Il rongeait cet endroit !

Des sorcières ! Partout... Il y en avait plein !

Elle sentait leur maléfique présence, une présence qui tiraillait sur les bords meurtri de son esprit, augmentaient sa sensibilité. Et pour empirer le tout, l'endroit – à qui elle avait ouvert son esprit – en profita pour continuer à l'assiéger de souvenirs et d'images qui finirent de l'anéantir.

Hansel causait du mal. Hansel faisait couler le sang. Hansel torturait. Sa silhouette masculine et fière, ses cheveux gris, son regard sanguinaire... Ce n'était plus son frère, c'était un monstre de la lune. Un atamé dans les mains, il s'approchait d'une faible créature au sol, de ce qui semblait être une nymphe. Lui saisissant brusquement le bras, il humait le parfum de la peur. Celui de la mort. Puis d'un geste sans la moindre pitié, il se pencha sur sa victime et l'égorgea, sa lame tranchant sa gorge sans hésiter avec une précision mortelle. Et le sang coulait... Du rouge sur le blanc de la peau de la nymphe.

Gretel s'écroula au sol, roulée en boule contre un des murs, ramenant ses jambes contre elle. Ca ne pouvait être réel... jamais il ne ferait ça... Jamais ! Elle était secouée de spasme à chaque projection d'atrocités commises par son frère ou par des sorcières. Le silence l'oppressait et pourtant les litanies et les chuchotements effrayants résonnaient dans sa tête. Elle se boucha les oreilles pour ne plus entendre les murmures maudits des dizaines d'incantations qui lui parvenaient. En vain. Ses bras encerclèrent son corps si faible en cet instant, si fragile... La crainte l'étouffait, la folie tournoyait dans son esprit.

Elle était prise au piège dans cette tanière de vipères.

« Priiise au piège... Tout est de ta faute ! Blanche est morte à cause de toi, tu l'as tuée ! Tu n'as que ce que tu mérites ! Nous n'avons que ce que nous méritons... Souffrance et douleur. »

« Tais-toi ! » hurla-t-elle dans l'espoir que pour une fois, les voix obtempèrent et la laisse tranquille.

Elle cognait sa tête contre le mur pour les chasser. Ce n'était pas de sa faute, ce n'était pas de sa faute...

« En es-tu certaine ? »

Gretel attrapa un caillou au sol et le serra avec fureur dans sa main. La pierre s'enfonça dans sa paume déjà cisaillée et la douleur que cela causa la déchira. Elle avait de plus en plus mal et les voix se taisaient de plus en plus difficilement. Une lueur de folie dans le regard, la jumelle entreprit de se causer plus de tort encore, sans se soucier du sang. Seule cette douleur si réelle importait. Il n'y avait qu'ainsi qu'elle se sentait exister, qu'elle s'accrochait à la réalité. Il n'y avait qu'ainsi qu'elle ne glissait pas dans un monde d'hallucinations et de folie.

Soudain, une main intercepta son poignet pour l'empêcher de se causer plus de mal qu'elle ne s'en était déjà fait, récupérant la pierre pour la jeter au loin. Gretel frissonna de terreur et releva la tête, ses cheveux glissant le long de son visage révélant ses joues ravagées de larmes. Elle tomba aussitôt sur un regard gris comme l'acier.

Hansel.

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