Chapitre 14. II.

*

Impassible, l'homme observait la jeune femme de toute beauté agoniser à ses pieds, son corps grand et musclé projetant une ombre effrayante. La plus belle de toute s'éteignait. Il aurait dû se sentir triste de la voir ainsi, elle qui avait longtemps été son amie. Il ne ressentait rien autre que la satisfaction de s'être débarrassé d'un obstacle en plus. Un obstacle qui le séparait du pouvoir absolu, du mal, d'elle.

Un ricanement sinistre lui échappa tandis qu'il s'accroupi au-dessus de la brune avant de caresser rapidement son visage. Cependant ce geste n'avait rien de tendre. Il savourait sa souffrance, sa douleur, sa peine, sa mort.

« Blanche, Blanche, Blanche... Pauvre petite princesse... Tu n'aurais jamais dû te mêler de cette sombre histoire. Sache que ta mort me sera très utile. Sois en paix. Je saurai m'occuper d'elle.

La faucheuse voulut répliquer quelque chose mais le sortilège qui s'écoulait dans ses veines étaient si puissant qu'elle étouffait.

— Co...Comment ?

— Comme je suis parvenue à tuer une immortelle si facilement ? Mais en étant le mal absolu ma chère. Plus puissant que n'importe quelle sorcière. Il m'est si simple de te retirer ce que la mort t'a offert...

— Gret... Gretel...

La princesse fut soudain secouer d'un spasme. Déjà son regard s'éteignait tandis que son souffle vital s'échappait. L'homme secoua la tête. Gretel... Un sourire cruel étira ses lèvres.

— Un destin très spécial l'attend.

Blanche ouvrit la bouche, dans l'espoir de répliquer quoique ce soit. Mais un dernier éclair de douleur la déchira.

À la place de cette silhouette masculine qui lui était jadis connue, une forme sombre se dessinait. La Mort... Celle-ci penchait son visage doux et accueillant sur sa fille, sa guerrière. La brune écarquilla des yeux. Sa douleur avait disparu. La déesse l'avait emportée. À présent c'était elle qu'elle allait emmener. Une larme roula le long de la joue de la faucheuse avant que son âme ne s'envole en compagnie de la Mort.

Sa dernière pensé fut pour Gretel. Elle ne pourrait plus jamais lui dire à quel point elle l'aimait...

Constatant que la vie avait quitté sa victime, l'homme se recula, satisfait. Il n'y avait en lui pas la moindre once de culpabilité. À présent que la faucheuse était morte, il ne lui restait plus qu'à...  Son nom, hurlé avec hargne, résonna dans toute la clairière :

— Hansel !

Il tourna la tête surpris par cette voix, ce ton et cette fureur. Il la reconnaîtrait entre mille. Gretel ! Elle était là, plus belle que jamais, son regard déséquilibré se posant sur le corps de l'immortelle.

Elle s'agenouilla près de son amante, les yeux écarquillés tandis que la panique la gagnait.

— Blanche ?

Mais la princesse ne répondit pas. Elle restait au sol, plongée dans un sommeil, éternel cette fois-ci. Aucun baiser ne pourrait l'en tirer. Les mains de la jumelle se mirent à trembler alors qu'elle secouait le corps de sa comparse dans l'espoir de l'éveiller.
Non, non, ça n'était pas possible ! Blanche était une immortelle, Blanche ne pouvait pas mourir...

Pourtant cette fois ci, la Faucheuse dû se rendre à l'évidence. La princesse était plus pâle que d'habitude, plus pâle que la mort, plus pale que la neige elle-même. Si pale qu'elle portait à ce moment bien son nom. Ses lèvres grenat avaient perdu leur somptueuse couleur et ses yeux vides fixaient le ciel sans plus la moindre lueur de vie et de jovialité. L'esprit d'allégresse qu'était Blanche Neige s'en était allée. Et malgré tout cela, elle restait belle. La plus belle d'entre toutes.

— Aucun baiser ne pourra la réveiller cette fois-ci chère sœur. J'apprends des erreurs des autres.

La voix sombre de son frère s'infiltre dans son esprit, résonnant dans son être entier et brisant son cœur sans la moindre pitié. Une gifle monumentale, monstrueuse.

Gretel cru que son cœur aller céder et cesser de battre dans sa poitrine pour y laisser un trou béant alors que les voix hurlaient de douleur dans son crâne. Mais la réalité, si sombre, si mortelle, la rattrapa bien vite. Tout comme la fureur. Une immense vague de magie enflait en elle, gonflait, sur le point d'exploser. Pourtant, elle implosa de l'intérieur permettant à la faucheuse une maîtrise extérieur glaçant.
Elle leva des yeux froids et furibonds sur Hansel qui lui adressa un sourire rassurant et s'approcha d'elle.

— Gretel ! Tu es enfin...

— Sortie comme tu le vois !

Il fut surpris. Elle semblait avoir les idées claires et cela le rassurait presque autant que ça ne le terrifiait. Se relevant, elle le toisa avec tant de dédain et de froideur qu'il retint le sourire narquois qui allait faire son apparition sur ses lèvres. Dans un murmure menaçant, la faucheuse gronda :

— Tu as tué Blanche.

— Elle a tenté de me tuer la première.

— Menteur ! Tu l'as tuée !

Son hurlement de rage déchira la clairière. En un rien de temps elle se trouva devant lui, à quelque centimètre à peine, le regard flamboyant de haine.

— Tu es le mal ! C'est toi, ça a toujours été toi.

L'homme leva les mains en signe de paix mais ne put empêcher cette fois-ci un étrange sourire écorcher son expression impassible. Un rire mauvais dans la gorge, sa sœur reprit :

— Quand cesseras-tu de mentir ? Quand diras tu enfin que tous se sont trompé ?

— Depuis quand le pressentais-tu ?

Hansel était calme, presque amusé par la situation. Elle recula de quelques pas avant d'esquisser une moue enfantine et de passer ses mains dans ses épais cheveux gris.

— Depuis que tu t'y es introduit ! elle donna un petit coup dans sa tempe avant de poursuivre : nous y avons vu pareil... L'un tuant l'autre... La prophétie parlait des ténèbres et tu étais la lumière de tous. Celui qui n'avait pas tué tout un contingent dans un accès de folie... Folie.. Folie ténébreuse...

Elle semblait se perdre dans ses pensées, son regard s'obscurcissant peu à peu. Hansel la coupa en lâchant, presque narquois.

— Tu ne le savais pas avant maintenant.

— Non, la sorcière m'a montré !

Un ricanement lui échappa. Il poussa un soupire et attrapa sa sœur pour lui faire face. Son regard dément alors qu'elle se mordait la lèvre inférieure, cet air fou sur le visage lui rappela qu'il avait grillé les neurones de sa jumelle.

— Tu es gentille n'est-ce pas Gretel ? Tu me rejoindras dans les ténèbres et nous pourront enfin vivre heureux ! Mettre fin à tout ceci.

— Mettre fin... Fin... Et si je refuse ?

Il fronça des sourcils et sa poigne sur les épaules se renforça, arrachant à la faucheuse un gémissement de douleur. D'une voix presque plaintive, elle souffla :

— Tu ne ferais pas de mal à ta sœur ?

Il sourit. Elle était telle une souris et elle lui appartenait. Il la posséderait, son petit ange, il la pervertirait et la ferait rejoindre les rangs de son armée maléfique...

— Et toi, en ferais tu à ton frère ?

Elle répondit à son sourire avant de poser une main contre le cœur du jeune homme. Son regard fuit tout de même vers le corps de son amie - non son amante! - étendue, sans vie. Un rire sans joie franchit ses lèvres. Elle ne parvenait même plus à souffrir. Reportant ses yeux sur son frère, la jumelle murmura :

— Blanche était ma sœur...

Et bien plus encore.

Hansel se courba sous le coup de poignard que Gretel lui avait enfoncé dans le ventre. Un poignard qu'elle venait de lui voler sans qu'il ne s'en aperçoive. La douleur fut fugace mais suffit à déclencher les hostilités. Il rugit de colère face à ce qu'il considérait comme une trahison et la poussa avec tant de violence qu'elle s'écrasa contre un arbre avant de choir au sol. Sonnée elle passa une main sur son front. Son arcade sourcilière saignait. S'approchant d'un pas déterminé, il lâcha, sèchement :

— Grave erreur ma chère...

La jeune femme tenta de se relever lorsque son regard se posa sur les bottes usées de son jumeaux. Celui-ci lui saisit la gorge sans lui laisser le temps de se débattre et la releva comme si elle n'était qu'une poupée de chiffon. L'air commença à lui manquer mais Gretel parvint à souffler, dans un rire étranglé :

— Tu... N'es pas... Mon frère.

Sans la lâcher, il caressa sa joue de son autre main, un éclat attendri dans le regard :

— Si Gretel, je suis ton frère. Et en tant que frère, il est de mon devoir de prendre soin de toi et de te protéger. Même contre toi-même.

Elle commençait à voir flou, des tâches noires obstruaient sa vue. Des frissons la parcouraient. Elle allait s'évanouir, elle le savait. Il ne comptait pas la lâcher, elle le voyait à son regard, sa détermination, au ton qu'il employait. Un ton qui trahissant un esprit bien plus dérangé que ce qu'elle n'aurait jamais. Il était fou, d'une folie différente de la sienne : si elle était instable à cause d'une sensibilité exagérée, l'esprit de son frère avait été perverti par la mal. C'était un fanatique, un dégénéré.
À bout de souffle, réunissant ses dernières forces, Gretel parvint à lâcher :

— Qui me... Protégera de... Toi ? »

Hansel n'eut pas le temps de répondre. Les yeux gris de sa jumelle se révulsèrent et il l'a rattrapa de justesse dans ses bras alors qu'elle s'effondrait.
Tout allait exactement comme ce qu'il avait prévu... Bientôt, il aurait atteint son objectif. Bénie soit la lune.

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