Chapitre 10. II.

*

Des larmes glissaient silencieusement le long des joues de la jumelle qui ne s'en rendit pas compte. À travers le brouillard qui s'était emparé d'elle, elle sentit la main de Blanche qui se perdait dans sa chevelure, caressant lentement les mèches grises afin de l'apaiser.

Gretel avait toujours pensé que la folie la gagnerait pour de bon s'il lui fallait évoquer un jour ces sombres événements. Pourtant, dans cette chambre d'hôtel, allongée juste à côté de Blanche qui la fixait de ses grands yeux caramels, elle se sentait un peu comme... hors du temps. Elle avait commis le pire des crimes, et pourtant, à cet instant précis, elle était juste... bien. Ni folie, ni peur, ni meurtre. Juste Blanche et elle.

Était-ce cela la paix ?

Gretel se releva et la princesse l'imita. Rivant ses prunelles argentés à celles brune qui la dévisageaient, la jumelle s'enquit, la voix rauque d'avoir tant parlé :

« Maintenant que tu sais, que vas-tu faire ?

Blanche battit des paupière une ou deux fois avant de souffler :

— Ça !

Surprenant sa comparse, elle l'attira dans ses bras et l'étreignit de toutes ses forces. La faucheuse aux cheveux cendré lui rendit aussitôt son étreinte alors que son cœur s'emballait dans sa poitrine. Elle avait l'impression de fondre à ce contact, une étrange chaleur s'emparant d'elle et se diffusant dans ses veines. Le parfum de la princesse était sucré, envoûtant, apaisant.

Gretel la serra bien plus contre elle, fascinée par la tendresse qui se dégageait de leur embrassade. La tête posée sur l'épaule de la brune, elle ferma les yeux, écoutant la mélodie de leurs battements de cœur. Elle souhaitait que cet instant ne se brise jamais, qu'il dure pour toujours. Elle était bien... Si bien. La main de la princesse s'était mise à caresser son dos lentement, jouant parfois avec les pointes des mèches grises, effleurant la taille de la faucheuse.

Pourtant, Gretel finit par rompre leur étreinte, reprenant ses distances de sécurité. À voix basse, elle souffla :

— Merci.

Le regard brillant, Blanche balaya d'un geste de la main les remerciements. La poussière qui la recouvraient suite au combat contre le croque-mitaine dissimulait le rosissement de ses joues. Se relevant, elle piétina un instant sur place avant de s'exclamer :

— Bon et bien... Je vais peut-être aller me débarrasser de toute cette crasse !

Cependant, alors que la brune se levait pour rejoindre la salle d'eau et mettre en exécution ses paroles, son téléphone sonna. Elle le porta à son oreille avant de froncer des sourcils un instant. Avec un profond soupir, elle éloigna le combiné de son oreille avant de se tourner vers sa comparse :

— Gret' ? Quelqu'un veut te parler ?

La jumelle fixa un instant le téléphone que lui tendait Blanche, l'air effrayée par cette technologie. Méfiante elle s'en saisit tandis que la princesse entrait dans la salle de bain. Peu sûre, la Faucheuse murmura :

— Allo ?

Ce fut la voix grave et basse de Valentin qui lui répondit :

— Salut Gretel.

— Valentin !

Elle entendit le rire de son ami et étonnamment, cela la réconforta, éveillant en elle un semblant d'émotion positive. Elle en oublia presque l'évocation douloureuse de ses souvenirs. Moqueuse, elle reprit de sa voix traînante :

— Ravie de voir que tu ne me détestes toujours pas...

— Qui te dit que ça n'est pas le cas ?

— Essaye donc de me détester !

Nouveau rire bas de la part du faucheur. Pourtant celui ci se reprit immédiatement et il soupira, le ton soudain pressé, comme si quelque chose n'allait pas :

— Je dois faire vite Gretel, mon père ne voulait pas que je t'en parle, il ne te fait toujours pas confiance.

— Me parler de quoi ?

— Les sorcières se déplacent de par le monde entier et se réunissent.

— Où ?

— Dans la région même où vous vous trouvez toi et Blanche... Faites attention !

D'abord sans voix, Gretel fronça des sourcils. Quelque chose clochait dans cette histoire. Quelque chose n'allait vraiment pas. Si la jeune femme voulait bien croire un peu au hasard, elle peinait en cet instant à lui confier grand crédit. Lentement, les pièces s'assemblaient dans son esprit perturbé et quand elle comprit, elle faillit lâcher le téléphone de surprise. La voix rauque, presque en proie à la panique, elle s'étouffa :

— Valentin, sais-tu où nous sommes ?

Silence de l'autre côté du combiné. Un silence qu'elle ne pouvait qu'interpréter. Bien sûr qu'il savait. Il le confirma lui même en finissant par lâcher :

— Oui...

— Ça n'est pas une coïncidence pas vrai ?

— J'aimerai bien croire que non mais... D'abord cette prophétie, puis la disparition de ton frère, les faits étranges de cette dernière année, la soudaine grande activité des sorcières et enfin leur réunion dans la région même où tu as grandis... C'est étrange! Trop pour que ça soit normal.

Tellement étrange que personne ne pouvait le nier. Gretel se mit à se ronger l'ongle du pouce pour maîtriser ses tremblements. Elle n'aimait pas cela, elle avait peur. Tu aurais dû fuir, petite faucheuse... Fuir ? Elle secoua la tête vivement avant de récupérer un peu le contrôle et de demander, d'une petite voix :

— Tu as ta petite idée là derrière, je me trompe ?

— Non... Mais je ne peux rien te dire pour l'instant.

— Ton père ?

— Pas vraiment... Je ne lui en ai pas fait part. Écoute Gretel ce n'est pas que je n'ai pas confiance en toi, au contraire, si je devais mettre ma vie entre les mains de quelqu'un, ce serait toi.

— Mauvaise idée de mettre sa vie entre les mains d'une personne psychologiquement instable... l'interrompit elle, songeuse.

— Tais toi ! la rabroua-t-il avant de reprendre : je te fais confiance et je sais très bien ce que je fais mais je dois m'assurer de ne pas avoir tort. Pour cela, j'ai besoin de ton aide.

— Je t'écoute.

— Il me faudrait le code d'accès aux archives.

Elle se tu. Elle savait ce qu'il lui demandait. Mais elle n'était pas sûre de pouvoir y parvenir. Plus maintenant... Son cœur battait fort dans sa poitrine, le sang pulsait contre ses tempes, elle avait l'impression de couler tandis que ses yeux lui piquaient. Rien qu'à l'entente de ces mots et de ce qu'ils impliquaient, quelque chose en elle réagissait. Une étincelle qui s'éteignit bien vite. Face au silence de son ancienne amante, Valentin ne pu s'empêcher de relancer :

— Je t'en prie Gretel... Nous avons besoin de ton don de vision.

— Je ne te promets rien. finit-elle par répondre, la voix rauque.

— Merci, tu es un ange ! Ne dis rien à personne, pas même à Blanche et n'oublie pas, prends garde à toi !

— Ne t'en fais pas.

— Jure le moi.

Silence.

— Je ne tiendrais pas cette promesse tu le sais ?

— Jure le!

— Promis.

Sur ce, il raccrocha presque aussitôt laissant une Gretel perplexe, assise sur le lit, les yeux dans le vague. Blanche passe la tête par l'encadrement de la porte, sa chevelure d'ébène encore trempée :

— Qu'a-t-il dit ?

La jumelle leva ses prunelles grises sur elle et battit des paupières. Se rappelant les dires de Valentin et sa mise en garde, elle mesura ses paroles :

— Qu'il me faisait confiance.

La brune fronça des sourcils avant de lâcher :

— Je ne l'ai jamais vu prendre une décision aussi sage.

Il n'y avait nulle trace d'ironie bien qu'une légère pointe d'amertume fit vibrer la voix de la Faucheuse. Gretel s'en aperçu et repliant ses genoux contre elle, s'enquérit :

— Tu es jalouse ?

— De quoi le serais-je ?

— Peut-être de mon lien avec lui ?

Blanche eut un rire sans joie avant de rétorquer :

— Je ne suis pas jalouse. Je te fais aussi confiance.

— Ça fait une idiote de plus.

— Idiote toi même.

Gretel soupira, se passant une main dans les cheveux. La situation était délicate. Entre les mises en garde de Valentin, l'épée de Damoclès au dessus de la tête des jumeaux, l'attachement qu'elle avait pour Blanche... S'il y avait une chose dont la jumelle était sûre, c'était le fatal sort qui l'attendait. Elle était consciente de leurs destins et de ce qui l'attendait. Elle y était même résolue. Ce qui ne semblait pas être le cas de sa comparse. D'une voix plus douce que d'ordinaire, elle murmura :

— Je t'ai tout raconté Blanche. Tu sais maintenant ce qui va arriver... Je vais tuer mon frère ou il s'en chargera. Et... Et c'est la seconde option qui aura lieu parce que... Le bien gagne toujours à la fin. N'est-ce pas ?

La princesse secoua négativement de la tête, les lèvres pincées.

— Je t'ai déjà dit que je ne croyais pas en cette prophétie.

— Il ne s'agit plus d'une prophétie mais d'une vision ! Les miennes se réalisent toujours. Et dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux que celui que tu aimes survives ?

La brune grimaça soudain avant de claquer la porte de la salle de bain derrière elle. Les gestes brusque elle se mit à ranger ses affaires. Intriguée par le comportement de son amie, la jumelle s'enquit :

— Blanche ?

— Tu n'as jamais su comprendre pas vrai ?

Gretel pencha la tête sur le côté, soudain intriguée. Quelle mouchait piquait donc la si joviale Blanche ? Celle-ci affichait une moue lasse, presque désespérée.

— Ce n'est pas ton frère que j'aime bougre d'idiote. C'était toi !

La faucheuse à la chevelure cendré frémit et brusquement un vase explosa sans qu'aucune d'entre elles n'y prête la moindre attention.
Elle peinait à y croire. À ses yeux, jamais, au grand jamais elle n'avait été à la hauteur de Blanche. Blanche était... Blanche. Et Gretel n'était que Gretel. Elle faisait du mal à ceux qu'elle aimait...
Que des balivernes... Qu'attends-tu bon sang ? Ce n'est pas comme si tu avais toujours voulu...
Pour une fois Gretel se sentit bien tentée d'écouter la voix. De céder. Tout simplement. D'enfin étreindre véritablement la princesse... Désemparée elle secoua la tête et répéta, la voix éraillée sous le coup de la surprise :

— Tu quoi ?

— Je t'aime Gret' ! »

Le monde pouvait-il paraître autant sans dessus-dessous que ce soir là ? Gretel ne le savait pas. Mais qu'importait... Levant son regard sur son amie qui semblait soudain lasse de porter le poids de ce secret qu'elle avait toujours tu, un étrange sourire se peignit sur ses lèvres. À quoi bon laisser les doutes décider ? Elle avait déjà trop perdu.

Alors, avant même que Blanche ne puisse réagir, la jumelle l'attira à elle et l'embrassa.

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