Partie 5

Bonjour à toutes et tous,
Je vous poste un nouveau chapitre pour compenser l'absence de publication due à mes vacances, ensuite je publierai le vendredi comme d'habitude.

Quelqu'un m'a demandé combien de chapitres je prévoyais pour cette histoire, pour l'instant il y en a 9 ou 10.

Merci pour vos commentaires à chaud et vos votes, vous êtes adorables, continuez comme ça,
Bonne lecture !

***

Dans l'alcôve sombre du café moldu qui jouxte le Ministère, je m'accroche à ma tasse de thé comme à une bouée. J'essaie d'étouffer l'angoisse qui menace, mais c'est trop tard. Je n'arrive plus à ignorer les souvenirs qui remontent. A chaque inspiration que je prends, une bouffée de honte m'enserre le cœur.

Je tourne mécaniquement ma petite cuillère dans ma tasse de thé et j'y plonge mon regard. Si j'arrête mon geste, je suis certain que je vais m'effondrer.

- Tu sais, c'était bien plus que de la confiance à l'époque Hermione, j'aurai pu lui confier ma vie...
- Harry...

Les larmes, ces traîtresses, ont finalement fini par couler. Je les efface rageusement du revers de ma manche. Que je puisse m'y noyer pour oublier.

- Tu le savais Hermione, que je l'ai aimé à Poudlard, peut-être avec l'énergie du désespoir, tu l'avais deviné... et j'ai cru... je sais pas... je croyais que l'impossible était possible à l'époque...

Hermione tend le bras par dessus la table et me presse la main. Les larmes coulent sur ses joues aussi.

- Oh Harry, pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ?
- J'avais honte Hermione d'avoir pu tomber amoureux d'un garçon, d'un mangemort qui plus est... je sais pas, avec lui à mes côtés, ça semblait facile, j'y croyais pour deux, mais seul, c'est devenu insurmontable, puis irréel... je ne pouvais pas accepter tout ça, c'était trop dur...
- Il n'est peut-être pas trop tard Harry...

La mémoire est une drôle de chose. Elle a la capacité à mettre sous le tapis les poussières douloureuses de la vie. Comment peut-on oublier ces choses si importantes ? Comment peut-on se persuader que ces poussières n'ont jamais existé ? Peut-on refouler quelque chose si profondément en soi au point d'avoir l'impression de l'avoir rêvé ?

Les souvenirs remontent à la surface et laissent des traces sur mes joues. Les yeux au fond de ma tasse de thé brûlant, j'essaie de mettre des mots sur cette réalité fuyante.

- Je me suis senti tellement sale d'avoir pu ressentir ça, pour lui, si tu savais...

Hermione se mord la lèvre et sèche ses larmes.

- Harry, écoute-moi bien, il n'y a rien de sale à aimer un garçon, tu m'entends ? Tu n'es ni anormal, ni déviant. Il n'y a rien de mal dans ce que tu ressens, d'accord ? Je ne veux pas t'entendre dire ça ! Je peux comprendre que tu sois perdu, mais ne parle pas de ce qu'il s'est passé comme ça ! Ça arrive d'être attiré physiquement ou de tomber amoureux d'une personne du même genre, ça arrive même d'être attiré par les deux et de ne pas vouloir choisir, tu n'es pas le seul à qui ça arrive, il n'y a rien de mal à ça, et surtout pas de honte à voir... tu m'entends ?

Je lève mes yeux embués de larmes vers elle. Elle a son regard plein de bienveillance farouchement planté au fond du mien. Je hoche la tête difficilement et j'essaie d'effacer mes larmes mais quelque chose s'est débloqué et je n'arrive plus à retenir mes sanglots.

Je prends ma tête entre mes mains, à la fois pour cacher ma faiblesse et pour essayer de me calmer. Hermione se lève pour contourner la table et s'asseoir sur la banquette à mes côtés. Elle passe un bras réconfortant autour de mes épaules et je viens poser ma tête contre elle.

- Tu n'as rien à te reprocher Harry, la seule question à te poser, c'est de savoir si tu te sentais bien avec lui ?

Les souvenirs remontent moins amers, plus doux. Ça me soulève le cœur de honte, mais ça me le fait aussi battre plus vite. Mes entrailles se tordent quand je me souviens de nos rendez-vous secrets au bord du lac, de nos premiers baisers échangés entre terreur et excitation.

Je me remémore les dalles froides de Poudlard que je parcourais en pleine nuit pour retrouver ses bras chauds dans sa chambre de préfet. Poudlard. Une autre époque. Des bribes de bonheur que j'avais méticuleusement enfoui parmi tous mes souvenirs douloureux de fuites, d'abandon et de batailles.

- Par Merlin, si tu savais Mione, je me sentais comme le roi du monde à l'époque ! Je me sentais invincible avec lui, la Guerre semblait insignifiante à ce moment-là, le plus important c'était juste de profiter de sa présence, il m'apaisait, il me permettait de rêver à un futur impossible, il me sortait de mon quotidien fait d'entraînements et de préparation à la Guerre... avec lui je pouvais mettre la foutue pression de Dumbledore entre parenthèses, il me voyait comme Harry, le garçon que j'étais et pas comme le Sauveur du Monde Sorcier ou n'importe quel autre rôle qu'on m'a fait endosser... avec lui, j'étais juste moi et ça me faisait tellement de bien à l'époque... et je, je l'aimais pour ça, pour la façon dont il avait de me regarder, de me toucher, de croire en moi...

Hermione m'observe en larmes. Elle se mord la lèvre, essaie de sécher ses larmes en vain et se racle la gorge pour retrouver sa voix.

- Harry, je suis tellement désolée de ne pas t'avoir soutenu plus que ça à l'époque, désolée de ne pas avoir compris l'importance de cette étrange relation, désolée de ne pas avoir perçu ton désarroi...

Je lui tapote la main et essaie d'afficher un sourire, qui doit plutôt ressembler à une grimace.

- Ça ne sert plus à rien de ressasser le passé Hermione, tu le sais aussi bien que moi, notre rôle dans la Guerre avec la recherche de ces foutues Horcruxes nous a bien cabossé, on avait tous mille choses à penser, mille choses à préparer à l'époque, ça ne sert à rien de ruminer tout ça aujourd'hui...

Elle hoche la tête. Tu as raison. Elle se redresse, essaie de reprendre une contenance.

- Tu as raison Harry, la vraie question, la plus importante, c'est : est-ce que tu ressens encore quelque chose pour lui aujourd'hui ?

La question à mille gallions ! Celle que je ne veux pas me poser. Comment savoir ? Comment démêler mes sentiments à moi tapi au fond de mes entrailles, du masque que j'ai façonné pour le monde sorcier ? J'ai l'impression de ne même pas avoir le choix, de ne même pas pouvoir y réfléchir.

Je hausse les épaules et je secoue la tête.

- J'en sais rien Hermione, c'est possible d'être amoureux d'un souvenir, d'un fantôme du passé ? Comment je pourrais gérer ça aujourd'hui de toute façon ? Mes moindres gestes sont scrutés par les sorciers du monde entier, je ne sais pas quoi dire à Ginny, et ô misère Ron, ne lui dis rien surtout, je ne veux pas qu'il le prenne mal !

- Harry, ralentis, une chose après l'autre ! Concentre-toi d'abord sur toi et sur tes sentiments. Et pour Ron, ne le sous-estimes pas Harry. Il n'est pas toujours l'ami bourru que tu imagines, il préférera de loin te voir heureux plutôt que de te morfondre sur ton sort.
Et pour Ginny... je l'adore, vraiment, mais tu es mon meilleur ami, et aucune relation n'est figée et éternelle, tu ne dois pas vivre ta vie par rapport aux autres...

- Vraiment ? C'est pas l'histoire de ma vie ça ?

- Il est peut-être temps que ça change justement, qu'est-ce que tu en dis ? Il est peut-être temps que le grand Harry Potter descende de son piédestal et qu'Harry vive sa vie. En tout cas, il faut que tu lui parles, c'est le premier pas !

- A Ginny ?
- Non à Drago.

***

Les barricades autour de ma mémoire sont tombées une par une, plus les souvenirs remontaient, plus mon cœur se gonflait, hésitant entre honte et espoir.

Mais ce n'était plus la honte de l'avoir aimé qui me submergeait, c'était la dure réalité de l'avoir abandonné là-bas, au cœur des ténèbres. Je réalise avec dégoût que j'ai baissé les bras avec une facilité qui me convenait bien, mais qu'il en fallait du courage pour aller affronter Voldemort de l'intérieur.

On a remis le titre de héros à la mauvaise personne, je n'ai fait que mentir et suivre le courant, toujours épaulé par des personnes bien plus fortes et intelligentes que moi. Ce sentiment lancinant est familier, depuis des années, mais il revient avec force, cette désagréable sensation de n'être qu'un imposteur, tandis que d'autres ont donné ou risqué leurs vies sur le front.

Dans mon grand appartement londonien, la vérité me claque au visage. Je ne suis pas ce que les autres croient que je suis. J'ai abandonné, baissé les bras, je me suis laissé porter par les autres et j'ai eu une chance inouïe de m'en sortir. Point.

Je n'ose même pas imaginer ce que Drago a du vivre. Essayer de poser des images sur ces trois ans chez les Mangemorts me fiche des frissons et un profond sentiment de culpabilité.

J'essaie de repousser ces assauts à coup de gorgées de whisky pur-feu, enfoncé dans mon canapé. Le goût du liquide ambré me brûle l'œsophage, je n'ai jamais aimé cette saveur, mais je me force pour étouffer la douleur de mes remords.

Derrière moi Ginny prépare le repas. Elle évolue avec grâce dans la cuisine ouverte, en chantonnant, et la scène me semble irréelle. Elle s'approche dans mon dos, et pose ses mains sur mes épaules. Tu es tendu ! Fait-elle en commençant à me massant le haut du dos.

- C'est le procès de Malfoy qui te met dans cet état ? Je te l'avais dit, tu n'aurais même pas du y aller, je ne sais pas pourquoi tu te donnes cette peine...

- Il le fallait.

- Pourquoi ? C'est un Malefoy, il est coupable depuis toujours, rien que par son sang.

- Ça ne marche pas comme ça Ginny ! Les gens peuvent changer tu sais...

Elle passe sa main dans mes cheveux, dans un geste qui m'a toujours détendu d'habitude. Mais pas cette fois. Je me lève, mon verre à la main, elle pose ses mains sur ses hanches.

- Ils ont tué Fred, Rémus, Nymphadora et bien d'autres... tu les as oublié ? Tu as la mémoire courte Harry !

- Ce n'était pas lui.

- Ils étaient tous complices Harry. Ils savaient tous ce qu'ils faisaient. Pourquoi tu le défends ?

- Bon sang Ginny... ce n'est pas aussi simple ! La vie n'est pas toujours toute noire ou toute blanche, il y a des nuances !

- Tu as toujours été empathique Harry, mais tu n'as pas à compatir pour eux. Ne sois pas mielleux avec l'ennemi !

C'est assez rare que j'élève la voix contre Ginny, en général c'est elle qui s'emporte, mène la dispute, crie fougueusement, puis entame la phase de réconciliation sur l'oreiller. Mais pas cette fois, quelque chose s'est cassé en moi et a besoin de sortir. Je crie sans m'en apercevoir.

- Tout n'est pas si simple !!

Ginny a remarqué que la dispute prenait un tour différent. Elle essaie de reprendre le contrôle.

- Harry, tu es fatigué, à bout de nerfs à cause de ce procès, tu devrais aller dormir pour être en forme demain.

- Je ne suis pas fatigué, ni à bout de nerfs, dis-je à cran, arrête de croire que tu sais tout de moi ! Arrête de m'étouffer, bon sang, on dirait Molly !!

Le reproche est sorti toute seul.

Je pose brusquement mon verre de pur-feu et prend ma cape d'hiver.

- Il faut que j'aille prendre l'air !

Ginny est sur mes talons.

- Tu vas où ?

Sur le pas de la porte je me retourne.

- Est-ce que je peux aller faire un tour de quartier seul ou tu veux prévenir la Gazette ?

Elle est furieuse, les bras croisés, et je préfère sortir rapidement plutôt que de continuer l'affrontement. Le vent glacial de Londres me fouette le visage, je fais quelques pas dans le quartier plongé dans la nuit, puis avant même de savoir où me mèneraient mes pas, je transplane.

***

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