Chapitre 58 : Ouvrir son esprit

Chapitre 58 : Ouvrir son esprit

Quand il se réveilla le lendemain matin, Alan crut que ce qui s'était passée la veille était un mélange étrange de cauchemar et de rêve, une sorte de songe aux sentiments contraires issu du passé. Il voulut se retourner sur Eve et l'enlacer pour se rendormir et oublier ce rêve, mais la jeune femme semblait déjà être sortie du lit. Alan s'efforça donc d'ouvrir un œil et de se redresser, frissonnant et grommelant. Il enfila un tee-shirt qui trainait et agrippa sa béquille pour sortir du lit. Eve était effectivement sur la table de la cuisine, une tasse de thé dans une main et son autre main tapant sur son ordinateur, ses lunettes plantées sur son nez. Alan lut l'heure sur l'horloge du four et poussa un grondement sourd.

-Eve ... Il est sept heures, tu es au courant de cela ?

-Je suis enceinte, mon chéri. Mon corps a sa propre horloge. (Elle releva un regard brun et rieur sur son fiancé). J'ai envie de pancake. Tu peux me faire des pancakes ?

-Tu détestes les pancakes.

-Oui, mais j'ai envie d'essayer.

Alan leva les yeux au ciel et finit par céder à sa belle. Les mots « je suis enceinte » provoquèrent des espèces de fourmillement au sein de son estomac et il picora un baiser sur les lèvres d'Eve.

-Je suis presque sûr que tu profites de la situation, dit néanmoins Alan en prenant les ingrédients.

-Absolument pas, je profite de ce répit pour regarder les prix pour le Pays de Galles.

Alan fit tomber de la farine sur le sol, pris de court. Eve eut un sourire méchant.

-Dommage qu'on n'ait pas une baguette magique pour nettoyer tout cela, pas vrai ?

-Très spirituel, ma chérie. Tu ... Pourquoi tu cherches des billets pour le Pays de Galles ?

-Bien ... Tu disais que ce qui te dérangeait le plus, c'était cette histoire de magie – ce que je peux parfaitement comprendre. Mais les garçons doivent être à l'école, non ? Alors je trouve que ça serait une bonne idée d'aller voir ta mère, un week-end. Briser la glace, faire les retrouvailles, tout doucement ... Avant que les garçons ne reviennent et que le rush commence ?

Sur le papier, le plan d'Eve se tenait et était censé. Mais pourtant, entendre ça lui tordit les entrailles.

-Eve ... ça va trop vite. Moi aussi j'ai besoin de digérer tout cela ...

Il posa les yeux sur le ventre de sa fiancée, qui soupira profondément. Elle retira ses lunettes pour les pointer sur lui.

-OK, je te laisse une semaine pour t'en remettre. Après on va voir ta mère. Ça ne t'intéresse peut-être pas, mais moi je veux des détails sur la magie.

-Je n'en doute pas, ironisa Alan en se reprenant. Allez, tais-toi un peu que je me concentre pour vous nourrir.

Eve eut un sourire presque attendri et caressa son ventre d'un air rêveur. Alan se mit aux fourneaux, songeur. Il n'en revenait toujours pas qu'Eve ait accepté de rester avec lui, après toutes les folies qu'il lui avait racontées.

Et qu'ils allaient avoir un enfant.

Après la journée qu'il venait de passer, il se sentait euphorique, sur un petit nuage. La détresse et la stupeur étaient passées. Maintenant, il était décidé à profiter. Et à arranger les choses. Il finit par servir ses pancakes à Eve et ils déjeunèrent ensemble, plaisantant légèrement. Toute la mauvaise humeur de la veille était passée. Elle se remettait même à râler et ragea contre l'un de ses clients copieusement quand la sonnette retentit dans l'appartement. Alan laissa sa fiancée à sa hargne, craignant qu'elle n'agresse le pauvre facteur si elle ouvrait la porte. Mais ce n'était pas le facteur qui se retrouvait sur leur seuil.

C'était Molly Weasley.

La jeune femme eut un sourire penaud. Elle portait toujours son long manteau et ses cheveux étaient cette fois lâchés sur ses épaules.

-Je sais que vous ne voulez sans doute plus me voir ... Mais il se trouve que j'ai oublié mon écharpe.

Alan la dévisagea un instant, hébété. Il n'aurait pas pensé la revoir si tôt. Mais à dire vrai, ça tombait assez bien. Malgré son empathie envers cette jeune femme – il n'avait pas apprécié d'être pisté, ni le fait qu'elle avait souhaité lui effacer la mémoire – il décida d'être aimable.

-Je sais. Eve demande votre parfum, d'ailleurs.

-Je doute qu'elle ne le trouve chez nous, fit valoir Molly, visiblement prise de court. Je l'ai acheté sur le Chemin de Traverse.

-Qu'est-ce que c'est ?

Molly dressa un sourcil surpris et son regard s'assombrit.

-Pourquoi ? Ça vous intéresse maintenant ?

Alan prit la remarque comme un pique glacé dans le ventre. Oui, il le méritait un peu, après tout ce qu'il avait dit la veille.

-Ma petite-amie est enceinte.

Il ne savait pas pourquoi il lui avouait cela. Sans doute parce que cela lui avait complétement retourné l'esprit. Qu'il avait besoin de s'exprimer – d'essayer de se faire comprendre. Molly parut déboussolée, mais eut assez de contenance pour lancer :

-Mes félicitations.

-Et je pense ... enfin ... que ma mère aimerait bien connaître ses petits-enfants.

Le sourire de Molly se fit plus franc, et ses yeux étincelèrent. Sans doute cernait-t-elle mieux les changements qui avaient eu lieu pendant la nuit.

-Oui, ça me paraît naturel. Ce qui veut dire ... que vous êtes prêts à nous écouter ... ?

A l'approbation d'Alan, le sourire de Molly s'élargit. Elle coinça une mèche rousse derrière son oreille.

-Vous voulez que je vous en parle maintenant ?

-Vous ne travaillez pas ?

-Nous sommes dimanche, rappela Molly avec amusement. Et les sorciers respectent le week-end. Quand je vous disais que nous n'étions pas si différents de vous ...

Alan se sentit quelque peu stupide. Et ce fut pire quand il se rappela l'entretient de la veille. Si Eve l'avait vu ainsi ... Peut-être l'aurait-elle vraiment quitté.

-Donc ? insista Molly.

Alan jeta un coup d'œil à l'intérieur. Il apercevait Eve depuis la cuisine, savourant ses pancakes et pianotant sur son téléphone. Son visage s'empourpra quand il songea à la réaction qu'elle aurait en considérant Molly. La jeune femme était assez belle en soi et Eve avait toujours détesté qu'on l'approche de trop près – c'était lourd à supporter, mais il acceptait pour la rassurer.

-Euh ... Ce n'est pas que je ne veux pas mais ... Ma petite-amie est assez jalouse.

-La mienne aussi, répliqua Molly avec un sourire amusé. J'espère que votre amie n'est pas trop jolie.

Alan dévisagea la jeune femme, qui le fixait avec des yeux étincelants. Il la considéra avec des yeux nouveaux. Rien ne laissait supposer en elle qu'elle était homosexuelle – mais rien n'indiquait non plus qu'elle était une sorcière et de toute manière de n'était pas censé être marqué sur le front. Mais cette information donnait une autre dimension à Molly, une dimension qui atténuait son côté sorcière. Cela attestait de ce qu'elle démontrait la veille : elle était normale. Il reprit alors contenance et eut un sourire sarcastique.

-Navrée pour votre copine, mais si, Eve est très jolie.

-Daphnéa fera avec, alors. Et vous lui ... avez parlé de nous ?

-Hier soir. Il ne fallait pas ?

Mais Molly secoua la tête pour le rassurer.

-Non, non, c'est très bien. Si vous avez été capable d'assumer la bizarrerie de vos frères devant elle, c'est que vous êtes en bonne voie de guérison.

-Très drôle. Bon, vous voulez rentrer ?

-Volontiers.

Alan s'effaça et Molly entra dans l'appartement avec plus de légèreté et moins de rage que la veille. Quand elle déboucha dans la cuisine, le visage d'Eve se ferma immédiatement et elle la jugea de ses yeux plissés.

-Chérie, entonna alors Alan, amusé par la cocasse situation. Je te présente la propriétaire du foulard bleu.

Le regard d'Eve ne s'adoucit pas et se fit agressif quand il se posa sur Alan. « C'est qui elle ?! » semblaient-t-ils hurler.

-La vieille Dawson, marmonna-t-elle en secouant la tête. Tu n'as définitivement aucune imagination.

-Je m'appelle Molly, en réalité, se présenta la sorcière d'un ton presque professionnel. Je travaille au Ministère de la Magie au département de la Coopération Magique Internationale, et j'ai une petite-amie Daphnéa qui est journaliste sportive. Ma petite sœur m'a demandé de retrouver Alan pour son ami Adam.

Les yeux d'Eve s'écarquillèrent à mesure qu'elle emmagasinait les informations. Elle lâcha son téléphone et son visage blêmit tellement qu'Alan était persuadé qu'elle craignait que Molly ne la change en crapaud.

-Je ..., bredouilla-t-elle, déroutée. Je suis désolée ...

-Et au cas où vous vous poserez la question, poursuivit Molly avec un sourire affable. Non, nous ne sommes pas chauves et nous n'avons pas les pieds carrés.

-Et vous ne volez pas sur des balais ? s'étonna malgré tout Eve.

Les yeux de Molly roulèrent dans leurs orbites et Alan pouffa sous cape. Ça promettait d'être un moment épique.

-Certains d'entre nous le font, mais c'est plus sportif qu'autre chose.

-Donc les balais c'est vrai !

Molly lui jeta un regard éberlué. Eve parut soudainement honteuse et se tordit les mains de gêne.

-Désolée pour l'air désagréable.

-Pas de problèmes.

Pour se racheter, Eve consentit à se lever de sa chaise pour faire un café à Molly. La sorcière récupéra son foulard et s'installa sur une chaise, les mains dignement posées sur la table. Eve posa une tasse fumante devant elle et ils s'assirent devant elle.

-Dites, commença alors l'avocate avec indécision. Euh. Alan ne m'a mis au courant pour la magie que ... y'a pas longtemps. Alors ... j'ai du mal encore à y croire. Est-ce que vous pouvez juste me faire ... Une petite démonstration ? ça m'aidera peut-être ...

-Bien sûr, accepta Molly avec amabilité. Bien, euh ... Je vais faire léviter ma tasse, d'accord ?

Eve hocha la tête et la jeune femme fouilla ses poches pour en sortir une longue baguette de bois sombre. Elle s'éclaircit la gorge et gazouilla des mots aussi ridicules qu'Alan se l'était imaginé. Pourtant, il resta cloué sur sa chaise quand la tasse s'éleva de quelques centimètres, suivant les mouvements la pointe de la baguette. Eve ouvrit de grands yeux tétanisés alors que Molly reposait tranquillement sa tasse et rangeait sa baguette.

-D'ac...cord, souffla alors l'avocate, figée. Euh ... C'est ...

Visiblement, Eve ne savait pas réellement c'était, car elle n'acheva pas sa phrase et fixa la tasse comme si elle allait s'envoler à nouveau. Alan avait vécu bien pire avec Gethin – toutes ses choses qu'il avait semblé voir avant qu'elles ne se passent – mais pourtant, cette autre forme de magie le glaça jusque la moelle. Molly parut gênée par leur malaise.

-C'est un sortilège qu'on apprend aux premières années. Gethin doit sans doute savoir le maitrisé, à l'heure qu'il est.

-Gethin c'est celui du milieu ? chuchota Eve à Alan.

-Non, le plus petit.

Molly eut un petit sourire indulgent.

-Bien. Si je peux vous être utile pour vous aider à mieux comprendre mon monde, j'en serais ravie.

-Est-ce que vous pouvez faire apparaître de l'argent ? s'enquit immédiatement Eve. J'essaie justement d'acheter des billets pour le Pays de Galles.

Alan la foudroya du regard alors que Molly souriait patiemment.

-Non, l'argent fait partie des exceptions des lois de Gamp sur la Métamorphose Elémentaire. Comme la nourriture, l'amour ou la vie.

-Et vous avez un sport où vous volez sur des balais ?

-Ça s'appelle le Quidditch. Et j'aimerais être plus précise, mais ça n'a jamais été ma passion. Il faudrait que vous parliez à Daphnéa ou à mon cousin Fred ... La seule chose que je peux vous dire c'est qu'Adam y joue à Poudlard et qu'il a fait faire une chute à ma sœur. Elle en a ragé tout l'été.

Alan esquissa un petit sourire attendri. Adam avait toujours aimé le sport : le foot, le rugby, il avait tout testé quand il était petit. Rien d'étonnant qu'il ait adopté le sport des sorciers. Molly demanda s'ils avaient d'autres questions mais ni Eve ni Alan ne savaient par ou commencer. La sorcière sourit alors avec douceur.

-Bien. Je vais peut-être vous expliquer la magie en général. Ce qu'on fait, ce qu'on n'a pas le droit de faire, nos institutions. Ce sera peut-être un bon commencement, non ?

Alan acquiesça et Eve hocha vivement la tête, piquée par la curiosité. Les yeux de Molly pétillèrent.

Il est temps de s'ouvrir l'esprit.

***

Molly vint presque tous les jours, dès qu'elle rentrait du « Ministère de la Magie », leur gouvernement au sein duquel elle travaillait. Alan fut choqué d'apprendre qu'elle était la fille de l'équivalent sorcier du Premier Ministre. Les ramifications de la Communauté le fascinaient, à sa plus grande surprise. C'était plus facile d'imaginer et d'accepter une fois que l'on avait des détails qui rendaient la chose plus concrète, moins effrayante. Le lendemain de leur première discussion, Molly était revenue mais elle n'était plus seule. Un homme l'accompagnait, d'environ le même âge qu'elle – la petite vingtaine – la peau mate et les cheveux noirs attachés en catogan sur sa nuque.

-Je vous présente mon cousin Fred, l'avait-t-elle introduit avec un sourire penaud. Je vous demande d'avance d'excuser son comportement, il est assez démonstratif. Mais comme on va parler de Poudlard aujourd'hui, je me suis dit que ce serait mieux d'avoir un spécialiste.

Fred l'était effectivement, démonstratif, mais Alan apprécia immédiatement son franc parlé et son sens de l'humour. Il leur expliqua que pendant ses études, il était connu comme était le Chahuteur-en-chef de son école, mais également pour être un « grand Capitaine de Poudlard », ce à quoi sa cousine lui répondit par un long regard dubitatif. Il leur raconta ses pires frasques à Poudlard, faisant s'étrangler d'indignation Molly, qui eut l'air d'en apprendre autant qu'Alan et Eve. Fred leur vanta également les louanges d'Adam, un des meilleurs joueurs qu'il eut sous son aile – mais le sorcier avait une telle proportion à l'exagération qu'Alan ne sut s'il devait le croire. Ils les avaient alors interrogés sur leur famille, les Weasley. Ils étaient à présent très nombreux – les enfants de sept frères et sœurs – presque tous roux et très soudés. Malgré leur tableau qui faisait chaud au cœur, une ombre demeurait sur leurs visages et Molly finit par avouer à Alan en privé qu'un de leur cousin, James, était dans le coma depuis quelques semaines, conséquences d'attaques qui avaient lieu à l'école.

-Mais je ne pensais que Poudlard était dangereux ! s'étonna Alan, effaré.

-Ça ne l'est pas, habituellement, répondit tristement Molly. C'est juste que cette année ... Mais ne vous en faites pas pour vos frères, des Aurors – euh, notre police d'élite si vous voulez – sont à Poudlard et depuis il n'y plus d'attaque.

La détresse avait percé son regard – sans doute, malgré ses paroles rassurantes, s'inquiétait-t-elle pour sa propre sœur. Vu son émotion apparente, Alan préféra ne pas insister. Malgré cela, ils rirent beaucoup, ce soir-là et les cousins restèrent même mangé chez eux.

Quand ils ne parlaient plus magie, Alan et Eve essayaient d'organiser leur nouvelle vie : fixer une date pour le mariage, premiers rendez-vous gynécologiques, éplucher internet pour trouver un nouvel appartement (le leur était trop petit pour un enfant) ... Cela leur fit deux jours bien vifs et chargés.

Fred revint avec Molly le mardi matin – Eve avait pris sa matinée et les sorciers ne travaillaient pas ce jour – et tentait désespérément de leur expliquer les règles du Quidditch.

-Mais c'est pourtant simple ! Le match se finit quand un Attrapeur attrape le Vif d'or.

-Ce n'est pas les Poursuiveurs qui attrapent ça ? se récria Eve avec un froncement de sourcil.

Fred soupira avec agacement et se tourna vers Alan :

-Dis-moi, c'est être enceinte qui la rend aussi stupide, ou bien c'est comme ça tout le temps ?

-Fred, siffla Molly en le frappant derrière la tête. Je ne t'ai pas demandé de te tenir ?

-Si tu voulais quelqu'un qui se tienne, t'avais qu'à demander à Teddy !

La sorcière abandonna son cousin avec un soupir et se réfugia dans le salon. Alan eut pitié d'elle et la suivit, laissant Eve s'échinait à comprendre le sport sorcier. Molly détaillait la pièce avec intérêt quand il la rejoignit.

-Ça doit différer de chez vous, non ?

-Beaucoup, confirma la jeune femme avec un petit sourire. Tout ce qui marche à l'électricité on ne l'a pas – ou alors différemment. Et nos photos bougent, aussi.

-Elles bougent ?

Molly opina du chef et sortit un porte-monnaie de son sac. Elle en extrait une photo qu'elle montra à Alan. Il y avait deux filles sur l'image, deux rousses qui effectivement étaient animées. Molly était reconnaissable et se tenait dignement, jetant un regard réprobateur à l'autre fille. Elle était plus petite, le visage plus mince et le nez long, mais respirait la vie avec ses grimaces et des éclats de rires qui se devinaient.

-Votre sœur ?

-Lucy, oui. Elle est intenable, elle aussi.

Alan eut un demi-sourire. Ça, il n'en doutait pas une seule seconde, cette gamine avait la malice qui se lisait sur le visage. Molly rangea la photo.

-Alors ? Vous ne regrettez pas d'apprendre à nous connaître ?

-Non, évalua Alan avec sincérité. Non, je pense que j'avais besoin de savoir. J'aurais fait une crise de conscience, un jour ou l'autre. A l'approche du mariage, etc ... Votre arrivée et celle du bébé ... On va dire que ça a accéléré le processus. Je ne dis pas que j'ai tout intégré. Je dis juste que ça m'aide à avoir les idées claires.

-C'est toujours mieux de comprendre, ça atténue la peur et l'appréhension. Eve m'a dit que vous essayez d'aller au Pays de Galles ?

Alan hocha doucement la tête. Oui, il commençait sérieusement à y songer. Depuis deux jours, il commençait à se remémorer les choses. La douceur de sa mère, le rire de Meredith, la moue boudeuse de Morgan, les histoires d'Adda, les plats de Gwen. Pour la première fois depuis cinq ans, il s'autorisait à effleurer ce vide qui s'était creusé dans son cœur depuis son départ de chez lui. Et de ce fait, il ressentait atrocement ce manque, cette perte qui saignait en lui.

Il fallait qu'il rentre chez lui.

-C'est une bonne chose, se réjouit Molly. Ce ne sera sans doute pas simple au début mais sur le long terme ...

-Oui, je sais – et c'est pour ça que je le fais. Il est temps que je répare mes tords, non ?

Molly eut un sourire penaud et hocha doucement la tête. Elle l'interrogea sur quelques objets dans la pièce et Alan s'arma de patience pour tout lui expliquer – comme elle avait dû ronger son frein en lui présentant son monde.

-C'est fascinant, souffla Molly quand il eut fini de lui expliquer le rôle de l'ordinateur. Daphnéa adorerait.

-Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

-Trois mois, presque quatre. Sa mère est une moldue alors quand elle retrouve les trucs de son enfance, elle est euphorique. Et elle aime beaucoup le foot.

-Une sainte personne.

-Une affreuseté, intervint Fred en revenant avec Eve de la cuisine. Elle m'a privée de la coupe pour ma dernière année, cette gourde. Saloperie. Non, en fait la saloperie c'était Lucy. Et Montague. Et si, quand même Daphnéa.

Molly leva des yeux désabusés au ciel. Eve annonça fièrement qu'elle avait enfin compris quelque chose au Quidditch et exigea qu'il l'emmène voir un match de son frère.

-Et la deuxième femme dont tu m'as parlé ? s'enquit alors la jeune femme. Elle ne vient plus ?

-Susan ? devina Molly. Oh, elle a énormément de travail en ce moment. Je ne sais pas si vous avez réalisé, mais vous avez eu devant vous l'équivalent de la Ministre de la Justice ... Bref, avec la loi d'Amnistie qui ne va pas tarder à être votée ... Les débats ouvrent aujourd'hui d'ailleurs, Fred ?

-J'en sais rien, répliqua vertement son cousin. Mon père déteste cette loi et moi aussi.

Molly fusilla Fred du regard, mais ne parut pas vouloir entrer dans la polémique sans y parvenir.

-Pour la millième fois, Freddy, Rookwood restera bien au chaud derrière les barreaux, cingla-t-elle avant de se tourner vers Alan avec un sourire. En tout cas, j'ai quand même parlé à Susan de nos réunions, poursuivit-t-elle néanmoins. Et elle est très contente.

Alan fut soulagé d'entendre cela. La déception qu'il avait lu dans les yeux de Susan le jour de leur seule rencontre l'avait blessé et il était heureux de redorer son blason auprès d'elle. Ils s'assirent dans le salon avec l'intention de boire l'apéritif et Fred leur sortit fièrement l'une de leurs spécialités sorcières, la « bière au beurre » - comment avaient-ils pu décemment faire une bière au beurre ? Eve eut un sourire malicieux.

-Bien, puisque j'ai fait l'effort de comprendre les règles du Quidditch ... Fred, laisse-moi te rendre la pareille ! Tu as déjà entendu parler du foot ?

Molly parut désespérée d'avance et Alan éclata de rire devant une Eve enthousiaste de les inviter au dîner pour regarder un match de Premier League au soir. Fred était déjà en train de négocier son départ quand on toqua à la porte. Eve alla ouvrir et ramena derrière elle, pour leur plus grande stupeur, Susan Finnigan.

-Ah Molly, tu es là, constata-t-elle avec crispation. Je ne m'y attendais pas.

-Je te l'ai dit pourtant, s'étonna Molly en se levant. Tu dois avoir l'esprit agité avec la loi ...

Agitée, Susan avait l'air de l'être tout particulièrement. Ses doigts tripotaient son sac à main avec nervosité et ses yeux détaillaient la pièce sans jamais se poser nul part. Alan dressa un sourcil, perplexe.

-Vous allez bien, Mrs. Finnigan ?

Susan le scruta un instant, se mordant la lèvre inférieure. Eve l'interrogea du regard, mais Alan ne put qu'hausser les épaules. Puis la sorcière soupira profondément :

-Je ne pense pas que c'est utile de vous le cacher ... (Elle posa des yeux résolus sur Fred et Molly). Ils ont enfin trouvé un antidote.

Les deux cousins ne réagirent pas dans un premier temps. Puis Molly plaqua brutalement ses mains sur sa bouche, les yeux brillants et Fred poussa un cri de victoire en sautant du canapé. Son euphorie était telle qu'il prit la première chose qui se trouvait sous sa main – en l'occurrence, Eve – et la souleva de terre pour plaquer un baiser sur sa joie, comme si c'était de son fait. L'avocate jeta un nouveau regard déboussolé à Alan, mais son fiancé était tout aussi perdu qu'elle.

-Donc ... Donc ils vont soigner James ? haleta Molly, les larmes aux yeux.

Susan se dandina, passant d'un pied à l'autre et finit par lâcher :

-Cela a été testé sur James. Et c'est parce que ça marche qu'on sait que l'antidote est viable.

Alan comprit alors que cela concernait ces affaires d'agression à Poudlard. Il sentit son cœur s'envolait de soulagement. Quoiqu'il arrivait, si ça arrivait à ses frères, ils seraient sauvés.

-Mais c'est une formidable nouvelle ! s'écria Fred, surexcité. Quand est-ce qu'on peut aller le voir ?

-Pourquoi vous faites cette tête, alors ? s'enquit Molly au même moment.

-Il faut que j'aille voir tante Hermione pour l'embrasser, là !

-Hermione n'a rien à voir là-dedans, finit par avouer Susan. Ce sont des élèves qui ont trouvé l'antidote.

Un silence s'abattit alors sur le salon. Eve continuait de chercher le regard d'Alan. « Mais de quoi ils parlent ? » articulait-t-elle silencieusement. « Je t'expliquerais », tenta de lui répondre son fiancé. Puis après un instant de silence pesant, Molly finit par lâcher en toute brutalité :

-Je vais la tuer.

-Ce n'est peut-être pas ..., voulut dire Fred.

-Si, bien sûr que si c'est elle ! (Molly se leva de frustration et se mit à faire les cents pas devant le canapé). Par le caleçon de Merlin, elle fait tout de travers depuis le début d'année, qu'est-ce qui lui prend ?!

-C'est elle ? demanda Fred à Susan, qui lui servit un regard éloquent. D'accord, c'est elle. Bien dans ces cas-là, elle vient de sauver James alors je ne crois pas que tu puisses lui en vouloir pour ...

-D'abord il y a eu ce qu'il s'est passé sur le terrain de Quidditch ! cria Molly, visiblement hors d'elle. Et James qu'elle découvre ! Elle me fait ensuite le coup du dragon dans Poudlard, puis elle va jouer les héroïnes en allant sauver une gamine dans son dortoir inondé ! Et maintenant elle risque le renvoi !

-Avoue que c'est moins pire que le dragon, le renvoi ...

Mais cela ne parut pas calmer Molly, qui passa ses mains dans ses cheveux avec hargne. Eve se rapprocha discrètement d'Alan et lui glissa :

-Des dragons, des inondations dans les dortoirs ... Chouette école, Poudlard.

C'était précisément ce à quoi était en train de penser Alan. Il avait deviné que « elle » contre qui la sorcière était si en colère était sa petite sœur, encore à Poudlard. Susan leva les mains au ciel pour apaiser les tensions et précisa :

-Il n'y pas que Lucy, Molly. Ils étaient cinq, de ce que la directrice m'expliquait dans sa lettre.

-Luke Zabini, devina immédiatement Fred. Lucy ne saurait pas faire un coup sans lui.

-Lysander, ajouta Molly en s'efforçant de rester calme. Si elle a fait un antidote – non mais je vous jure ... Bref. Ça me paraît impensable qu'elle n'ait pas associé Lysander.

-C'est qui, les deux autres ?

Susan se mordit la lèvre.

-Shannon. Ça explique pourquoi elles trainent ensemble maintenant alors que je n'ai pas entendu parler de Lucy en quatre ans.

-Oh par Merlin ..., gémit Molly. Susan, je suis désolée que ma sœur ait mêlé votre fille à ça ...

-Shannon est grande, elle sait prendre ses propres décisions. Elle aurait pu refuser. Quant au cinquième ... C'est la raison de ma venue, à vrai dire. C'est Adam.

Alan s'en était douté, dès que Susan avait avoué qu'ils avaient été cinq dans la confection de l'antidote. Il devinait facilement, à la gêne de Susan et la fureur de Molly, que ce qu'ils avaient fait n'étaient pas franchement autorisé par le règlement intérieur de l'école. Les yeux de Susan tombèrent sur lui et Alan lui renvoya un regard dérouté.

-Je pars pour Poudlard, expliqua-t-elle alors en prenant place sur le fauteuil, près de lui. La directrice, Minerva McGonagall, à demander à voir les parents pour expliquer ce qu'il s'est passé. Je ne sais pas si Molly vous a parlé du contexte actuel à Poudlard ...

-Vaguement. Des attaques, un cousin agressé ?

-Trois personnes, en réalité, sans lien apparent. L'enquête piétine, et personne n'arrivait à trouver d'antidote au poison qui mettait les garçons dans cet état.

-Mais ils ont réussi à trouver un antidote, comprit Alan avec un hochement de tête. Une bande de gosse qui a surement allégrement transgresser le règlement. Donc ils convoquent les parents pour une sorte de conseil de discipline, jusque là je pige. En quoi ça me concerne ?

Car il était clair maintenant qu'elle était venue pour lui. Pour lui parler d'Adam. Les doigts de Susan se tordirent un peu plus quand elle entonna :

-Je sais que ce serait beaucoup vous demandez ... Enfin si nous avions un autre choix, je ... Minerva savait que j'avais commencé des recherches sur votre famille et m'a demandé d'aller prévenir votre mère – pour les moldus, on préfère envoyer quelqu'un plutôt qu'une lettre. Mais votre mère est malade. Oh ce n'est rien de grave, le rassura-t-elle quand il ouvrit des yeux paniqués. Vos grands-parents s'occupent d'elle, mais elle ne peut pas se déplacer, elle est coulée au lit. Elle m'a dit d'aller chercher sa fille, votre sœur, mais là encore ... Mrs. Barry – car elle s'est mariée, vous l'avez su ? – était débordée à son travail, et quand je suis arrivée vers elle, elle m'a beuglé d'aller voir quelqu'un d'autre, qu'elle n'avait pas le temps. (Susan secoua la tête). Les hôpitaux moldus ... C'est à la limite de l'inhumain, autant pour les patients que pour le personnel.

-Vous voulez que je vienne avec vous ? saisit Alan avec stupeur. Que je vienne avec vous dans cette école et que je représente mon frère que je n'ai pas vu depuis cinq ans ?

Susan parut comprendre l'absurdité de la situation. Pourtant, elle hocha la tête.

-Oui, Mr. Donovan. C'est à peu près cela.

Alan n'en croyait pas ses oreilles. Il faisait des efforts pour un jour reprendre un contact avec sa famille, mais ... Il n'était pas prêt. Il ne se sentait déjà pas encore armé pour revoir sa mère, alors Adam ... Et Gethin, réalisa-t-il soudain. Parce que je ne peux pas aller là-bas sans voir Gethin.

-Je ne sais pas ... Mrs. Finnigan, ça va trop vite, je ...

-Je sais que vous avez juste commencé à vous ouvrir à notre monde, le coupa Susan. Et c'est admirable. Mais il faut un adulte présent pour représenter Adam. Je ne dis pas que ce sera facile ...

-Lui ? douta alors Molly. Face aux Zabini ?

-C'est justement ce qui me fait peur, avoua Susan avant de se tourner vers Alan. Il y a des courants assez ... anti-moldu, au sein des sorciers. Ils ne sont pas dominants, loin de là, mais ils existent. La famille Zabini fait parti de ce mouvement et sera sans doute hostile ...

Comme c'est rassurant ...

-Mais vous êtes la troisième personne à demander en cas d'urgence, si les circonstances l'exigent, lui apprit alors Susan avec un pauvre sourire. Et oui, même après votre départ, votre mère vous a mis sur cette liste qu'elle a confié à Poudlard. Et de toute manière, vous être le seul autre adulte qui puisse vous présenter ...

-Mes grands-parents ? tenta Alan avec la force du désespoir. Grand-père serait comme un gosse à Poudlard ...

-Ils s'occupent de votre mère, lui rappela Susan. Et ils sont âgés ... Je ne préfère pas prendre le risque de confronter de vieilles personnes moldues à la magie. Vous n'êtes pas obligé d'accepter, je peux toujours aller kidnapper Mrs. Barry à l'hôpital ...

Meredith la tuerait sans doute pour cet affront – elle était réellement du genre fougueuse, dans les souvenirs d'Alan. Il aurait voulu éviter cette peine à Susan, sincèrement. Mais la perspective d'aller à Poudlard revoir ses deux frères – qui devaient cordialement le haïr – le clouait sur place et lui glaçait les veines. Il crut qu'il allait faire une véritable crise de panique, acculé de toute part, quand la voix d'Eve emplit l'espace :

-Il faut que tu y ailles, Alan.

Il la dévisagea avec de grands yeux, un regard qui devait être (à sa plus grande honte) dominé par l'effroi. Eve ne sourcilla pas et posa distraitement la main sur son ventre. Sur leur enfant.

-Ton frère a besoin de toi, déclara-t-elle avec fermeté. Et laisse-moi te rappeler que si ce n'est pas toi, ni ta sœur, ni ta mère, on serait capable d'aller chercher ton père.

Alan ne dit rien, mais il savait que c'était impossible, pour la simple et bonne raison que son père était derrière les barreaux depuis trois ans pour avoir tué quelqu'un. D'après la lettre qu'il avait reçue de son avocat, il était alcoolisé au volant et n'avait pas vu la personne découchée sur le passage piéton. Cet enfoiré avait eu le culot de lui demander de venir à la barre prendre sa défense. Il avait brulé la lettre sans en parler à personne, pas même à Eve. Laquelle poursuivit sa plaidoirie avec la ferveur de l'avocate :

-De toute manière, ça allait bien arriver un jour, cette rencontre. Je sais que ça paraît tôt mais dis-toi que ... c'est comme arracher un pansement. Ça va faire mal sur le coup, mais une fois que ce sera fait, tu seras tranquille. Tes frères t'en veulent peut-être, c'est vrai et qui pourraient les blâmer ? Mais si tu fais ça pour eux, que c'est toi qui vas vers eux ... Alan, ça pourrait bien se passer. En plus avec les cours intensifs sur le monde magique que tu suis depuis deux jours, tu baignes dedans. Tu pourras les comprendre et peut-être que tu pourras aussi te faire comprendre. De toute façon, il faut bien que tu te jettes à l'eau un jour ou l'autre.

Alan la dévisagea, les yeux écarquillés. Il était terrifié à l'idée de revoir ses frères, de subir leurs yeux accusateurs posés sur lui, d'être inondé de leurs reproche. Non, il n'était pas prêt à cela.

Mais en même temps, le serait-il un jour ?

Ses yeux se posèrent sur la photo de sa famille, qu'Eve avait encadrée et poser sur un meuble. Les yeux d'espoir de ses frères le fixaient, figés. Alan pensa à tout ce qu'il avait appris ses derniers jours, à toutes ses choses qui s'étaient passées et qu'il avait raté, et à toutes celles qui venaient et qu'il refusait de ne pas voir, à la curiosité qui le rongeait de voir comme toute sa famille avait évoluée. Ça le rongeait : il fallait qu'il les voit.

Mais il avait peur de les voir.

Il chercha la réponse dans le regard intraitable d'Eve. Dans ses yeux chocolat il lut ses inquiétudes et ses espoirs. Sa main était toujours crispée sur son ventre.

C'est comme arracher un pansement. C'est comme arracher un pansement...

Sans savoir ce qu'il faisait, sur pilotage automatique, il hocha doucement la tête. Oui. Oui, il allait à Poudlard voir Adam. Et sans doute Gethin.

Susan soupira de soulagement et frappa une fois dans ses mains.

-Parfait. Merci beaucoup, Alan, merci pour eux ...

-Tu es sûr ? s'enquit Molly, soucieuse. Les Zabini ne seront vraiment pas faciles, ils ...

-Ils ne seront pas pires que mon père.

-Euh ...

Molly se tut, mais son silence parut éloquent à Alan. Il dressa un sourcil, interloqué, le cœur battant à la chamade.

-Lucy m'a toujours dit qu'elle soupçonnait des sortes de violences chez eux, admit alors Molly dans un filet de voix. Donc bon ...

-Oh génial ... Vous en avez encore d'autres, comme ça ?

-Bien ... La mère de Lysander – si elle est là. Elle est bizarre, ne faites pas attention et si elle vous parle de Ronflaks Cornus, ne répondez pas. Au fait ... (elle se tourna vers Susan avec un froncement de sourcils). Je dois venir aussi ? Pour Lucy ...

-Inutile, ton père se déplace.

Un air de profonde stupeur se peignit sur le visage de Molly. Alan se souvint que leur père faisait parti du gouvernement et il s'imaginait l'un de ses dirigeants se déplacer lui-même pour les frasques de ses enfants. Hautement incongru.

Pas autant que se déplacer pour des frères qu'il n'avait pas vu depuis cinq ans.

Alan attrapa sa béquille et se leva avec difficulté, prétextant qu'il allait chercher ses affaires. Arrivé dans sa chambre, il s'écroula sur son lit, le visage entre ses mains. Ce fut ainsi qu'Eve le trouva un instant plus tard, toujours prostré. Elle le prit doucement entre ses bras et embrassa ses cheveux avec douceur.

-Mais qu'est-ce que je fais ? gémit-t-il en se blottissant contre sa fiancée.

-Quelque chose de bien, lui assura-t-elle en le caressant doucement. Ça ne sera pas facile, mais il faut que tu le fasses ...

Alan expira profondément pour se calmer. Eve le serra un peu plus fort.

-Moi je suis fière de toi. (elle prit sa main pour la poser sur son ventre). On est fiers de toi.

Alan eut un petit sourire et Eve l'embrassa doucement pour lui insuffler du courage. Il finit par avoir la force de se lever, de prendre ses papiers d'identités et de mettre son menton. Son cœur s'emballait sous le coup l'appréhension. Quand ils sortirent de la chambre, Alan fut surpris de voir que Fred et Molly s'étaient rhabillés et s'insurgeaient contre Susan : celle-ci ne voulaient pas qu'ils les accompagnent quand les cousins souhaitaient se rendre à Poudlard (pour voir James ou tuer Lucy, le suspens était entier). Susan finit par céder devant leur air buté et ils s'empressèrent de s'excuser à Eve. Celle-ci gratifia son fiancé d'un sourire rassurant.

-Ne t'en fais pas, je vais allez voir ma mère. Il faut bien que je lui dise que je vais avoir un bébé avec son athée de beau-fils.

-Vous allez avoir un bébé ? se récria Susan, un immense sourire retroussant ses lèvres. Toutes mes félicitations !

Eve en rougit quand la sorcière l'enlaça pour la congratuler. Puis elle se tourna vers Alan avec une mine plus sérieuse.

-Vous êtes prêt, Mr. Donovan ? Bien, ajouta-t-elle quand il eut acquiescé. Molly vous a expliqué ce qu'était le transplanage ?

-Vaguement, oui. C'est de la téléportation, en fait ?

-On va dire ça. Et bien nous allons vous faire transplaner. Il se peut que vous ne vous sentiez pas bien pendant l'opération mais n'ayez nulle honte, c'est normal. Nous atterrirons près de Poudlard.

-La directrice c'est Minerva McGonagall, précisa Molly. Appelez là « Madame » ou « Professeur ».

-Faites attention à Peeves, l'esprit frappeur, enchérit Fred avec un sourire de coin. La dernière fois que ma mère est venue pour une de mes conneries, il lui a balancé une bouteille d'encre dessus.

-Dites donc, vous, vous ne tentez pas de lui faire peur, par hasard ?

-Non, répondirent les cousins en un ensemble harmonieux.

Alan eut un sourire indulgent. Bien au contraire, les babillages et les soins de Molly et Fred lui faisaient chaud au cœur. Il y avait longtemps qu'on ne s'était pas intéressé à ce qu'il ressentait, qu'on n'avait pas tenté de le protéger, lui. Susan lui prit doucement le bras.

-Vous êtes prêt ?

-Oui, répondit-t-il fermement. Allons-y.

Susan sourit tranquillement, et salua Eve. Alan contempla un instant son petit ange aux cheveux bruns et aux yeux rieurs et leva la main pour lui dire au revoir. Il y eut juste le temps de voir Eve lever la sienne avant que le décor ne s'efface et qu'il ne se sente aspirer dans un tourbillon de magie et d'étrangeté. 

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