Chapitre 45 : Les récits du passé

BONJOUR TOUT LE MONDE 

Chapitre. Coupé en deux par rapport à l'original. Chapitre suivant posté dans la foulée. Bonne lecture ! 

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Chapitre 45 : Les récits du passé.

-Et tu es sûre de ce que tu as vu ?

-Pour la centième fois, Luke, oui.

-Il faudrait peut-être aller voir les profs, au moins pour Laureen ...

-Excellente idée, Scampers, railla Luke en levant les yeux au ciel. Comment nous faire découvrir en deux secondes.

-Je dis juste que pour Laureen, c'est pire qu'on ne le pensait, se défendit Adam. Un sortilège Impardonnable ... Elle devient dangereuse – y compris pour elle-même.

Lucy hocha doucement la tête. Elle était assez d'accord avec Adam sur ce dernier point. Telle qu'elle lui était apparue dans le couloir, Laureen Bones avait clairement sa place à Saint-Mangouste. Luke, Adam et elle étaient retranchés dans la Salle-sur-Demande, à côté du chat de Shannon, Mushu, qui dormait paisiblement. Luke s'en tenait le plus éloigné possible et ne cessait de lui jeter des regards méfiants. Lucy leur avait raconté la scène qu'elle avait surpris entre Shannon et Laureen Bones, et le récit avait également troublé les deux garçons, tant le comportement des deux filles ne ressemblait à celui qu'ils connaissaient.

-Et je savais que Shannon était une excellente sorcière, mais de là à maitriser parfaitement les Sortilèges Informulés..., ajouta Lucy.

-Pour moi le comportement de Finnigan est le plus normal, analysa Luke, le regard sombre. Bones – pas le prof, la psychopathe – menace son frère après lui avoir fait vivre une enfance à brûler ses peluches – et sans faire dans la niaiserie, je pense que voir ses jouets s'enflammer c'est très marquant pour un enfant. C'est parfaitement compréhensible que, de une, elle se soit entrainé très fort toutes ses années pour que Bones ne puisse plus l'intimider ...

-Et qu'elle ait pris au sérieux ses menaces et lui montre que maintenant c'est elle la plus forte, acheva Adam avec une lueur de compréhension. Si Laureen l'a brutalisée petite oui, c'est compréhensible. Je pense que j'aurais fait la même chose.

-Pareil.

Adam et Luke se dévisagèrent, l'air étonné d'avoir établi un raisonnement ensemble et en parfaite harmonie. Un petit sourire retroussa les lèvres de Lucy, mais intérieurement, elle était gênée. Ce n'était pas étonnant que les garçons comprennent Shannon, au regard de leur passé.

-Et bien Scampers, c'est qu'on commencerait presque à s'entendre, railla Luke. Weasley doit être ravie.

-Détrompe-toi, détestez-vous ça me va très bien.

-Pour en revenir à Shannon, intervint Adam avec un sourire amusé. Vous croyez qu'elle gardera son professionnalisme après avoir défier Laureen ? Je veux dire ... elle sera capable de faire l'antidote ?

-Scampers, n'essaie de pas de trouver d'excuse pour ne pas faire ce qu'elle nous a demandé.

Adam eut un sourire coupable et Luke leva les yeux au ciel. Lucy dévisagea les deux garçons, pataugeant dans la perplexité.

-Demander quoi ?

Adam et Luke échangèrent un regard gêné et le Gryffondor se tourna vers sa petite amie.

-Bien ... Lysander et elle sont venu nous voir, hier. Ils ont trouvé que c'était une bonne idée de nous envoyer à deux voler des ingrédients dans l'armoire personnelle de Campbell.

-Pardon ?

-D'un point de vue technique, ils ont raison, les défendit Luke, à la surprise de Lucy. On n'a pas tous les ingrédients et Dragonneau ne peut pas tous se les procurer. On aura besoin de piller la réserve de Campbell.

-Mais pourquoi vous ? Je peux participer aussi ! s'indigna Lucy, un peu vexée que Lysander ne lui en aie pas parler.

-Ne t'en fais pas, c'est la première chose que j'ai dite, répliqua Luke. Tu ne crois quand même pas que je vais me mouiller sans t'asperger un peu aussi, Weasley ? Mais quand j'ai été voir Shannon pour protester, elle a répliqué très justement que les professeurs doivent avoir un œil sur toi, comme tu es un peu la suspecte numéro un. Scampers et moi ? Un élève modèle et un préfet ? Au pire on aura des retenues. Toi ... Je pense que certains demanderaient ton exclusion.

Lucy grimaça en entendant ses mots, car ils étaient justes et la frustraient profondément. Il fallait qu'elle fasse profil bas en attendant que les choses se tassent, et si elle pouvait éviter les missions illégales, elle devait le faire.

-Mais comment vous allez faire, vous deux ? Vous n'avez jamais enfreint le règlement de votre vie !

-Tu me vexes Lucy, dit Adam en secouant la tête. Je ne suis pas le dernier à faire des virées nocturnes ou un tour dans les cuisines.

-Avec mon cerveau retord et les ... talents magiques, si on peut appeler ça comme ça, de Scampers, on devrait s'en sortir indemne. Pas de panique, Weasley.

Lucy les contempla, estomaquée.

-Vous savez pourquoi je ne veux pas que vous soyez amis ? Justement parce que je veux éviter que vous vous mettiez à deux contre moi !

-Weasley, soupira Luke en levant les yeux au ciel. Je déteste Boot, tu m'engueules, je m'allie avec Scampers, tu m'engueules aussi.

-Du reste, c'est loin d'être une amitié, rassure-toi, ajouta Adam. On décide juste d'enterrer la hache de guerre pour assurer la cohésion de groupe. Bon, en parlant de cuisine, je vais aller chercher un truc à grignoter.

-Ne tarde pas, Scampers, le prévint Luke alors que le Gryffondor se levait. Sinon tu vas rater le gros moment révélation de l'enquête.

Lucy et Adam dévisagèrent Luke, perplexe. Le Serpentard avait un sourire énigmatique qui laissait présager qu'il ne parlait nullement des informations recueillies par Lucy deux jours plus tôt. Adam échangea un regard avec Lucy, qui haussa les épaules, et prit la porte avec précipitation, promettant qu'il revenait vite. Luke laissa échapper un petit ricanement.

-Qu'est-ce que les gens ne feraient pas pour des informations. Les informations dominent le monde. Pour ça que je déteste les journalistes. Ils font trop « roi du monde ».

-Et moi, je déteste ceux qui cachent des informations. C'est pour ça que je te déteste toi.

-Moi ?

Lucy lui jeta un regard méfiant, alors que Luke paraissait réellement déboussolé. En réalité, c'était elle qui avait demandé à Adam de la laisser un peu avec son meilleur ami. Ils avaient à parler.

-Oui, toi. Tu es le gars le plus cachottier que je connaisse.

-Parce que je ne t'ai pas dit que j'avais du nouveau ? J'aime bien être sûr de mes infos ...

-C'est de toi que je parle. Du fait que je ne sais rien sur toi.

Luke cligna des yeux, l'air profondément surpris. Puis ses paupières se plissèrent d'un air suspicieux.

-Si tu veux parler de mon père ...

-Non. Déjà pourquoi tu ne m'as jamais dit que tu étais le cousin de Stephen Bennett ?

Luke haussa les sourcils.

-Euh ... Parce que nos mères ne se parlent plus depuis plus de vingt ans et qu'on est littéralement des étrangers l'un pour l'autre ? Oh ça va Weasley, tout ça parce que tu veux l'autographe de Victoria Bennett ... Demande à Finnigan, elle saura mieux te le fournir que moi.

Lucy plissa les yeux devant l'argumentaire et l'attitude sur la défensive de son ami. Dès qu'il était question de sa famille, les défenses qu'il s'était érigées et que Lucy avait mis des années à abattre refaisait surface.

-Très bien. Maintenant je veux parler du régime spécial que tu subis parce que ton père était assez d'accord avec les idées de Voldemort.

Les yeux de Luke s'écarquillèrent et il se redressa, un air choqué peint sur son visage.

-De quoi tu parles ?

-Du fait que tu ne peux pas quitter le territoire ? Ni avoir de postes influents ?

-Mais personne ne sait ça !

-Et c'est normal que je ne le sache pas alors que je suis censée être ta meilleure amie ?

Les yeux de Luke roulèrent dans leurs orbites et il s'avachit sur le mur, un bras sur son genou plié. Son visage était redevenu impassible après un instant de stupeur.

-Bien ... J'avoue que je ne voyais pas l'intérêt. Mais dis-moi comment tu as su ça ?

Lucy s'efforça de réprimer son agacement et son orgueil blessé. La réponse de Luke ne lui avait pas plu du tout.

-Avec Molly. Ce régime est au cœur de la loi d'Amnistie.

Sur ce, elle lui résuma en avant-première sa conversation avec sa sœur, comment la loi prévoyait d'annihiler ce traitement, ne serait-ce pour les enfants et les familles. Au fil et à mesure des mots, elle voyait le visage de Luke se détendre, laissant échapper un sentiment qui semblaient être verrouillés à double tour dans son cœur : l'espoir.

-Ce n'est pas vrai ? laissa-t-il échapper une fois que Lucy se tut. Tu veux dire que c'est fini ?

-Ce serait fait au cas par cas, mais oui. Pour les enfants, ce sera sans doute généralisé.

Le visage de Luke était dépourvu de toute expression alors qu'il regardait le vide durant quelques secondes, au point où Lucy commençait à s'en inquiéter pour lui. Puis il y une réaction tout à fait étrange en sautant sur ses pieds et laissant échapper un cri de joie comme elle n'en avait jamais entendu franchir ses lèvres, brandissant le poing.

-Enfin par Merlin ! Un peu de justice dans ce putain de monde ! Yes !

Il passa une main fébrile dans ses cheveux et Lucy se rendit compte que ses doigts tremblaient. Elle ne l'avait jamais vu dans un état pareil. Il se tourna vers son amie, un sourire à la fois radieux et féroce sur son visage.

-Merci Weasley. Tu viens de m'offrir ma plus belle chose que je n'ai jamais reçue dans ma vie.

-Quoi ? bredouilla la jeune fille, perplexe.

-Un avenir.

Luke se rassit lentement, comme toute étourdi, un sourire illuminant encore son visage. Lucy le dévisagea. Après avoir vue plus d'émotion sur le visage de son ami qu'elle n'en avait jamais vu en plus de quatre ans de vie commune, elle n'osait plus être fâchée contre lui. Aussi s'assit-t-elle prudemment face à lui, le couvrant d'un regard interrogateur.

-En quoi je t'offre un avenir ?

-Weasley, soupira Luke, un sourire béat toujours plaqué sur le visage. Toute ma vie j'ai été restreint. Restreint par mon père, qui me dictait ma façon de vivre, et par le Ministère, qui, au nom des agissements de mon père, comptait dicter ma destinée. Norie et moi, on n'a jamais pu aller en vacances en dehors du Royaume-Uni. A chaque rentrée on devait quémander un peu de notre propre argent à Gringotts, parce qu'on ne le contrôlait plus. Quand ma sœur voulait devenir guérisseuse, ma mère lui a ri au nez en jurant que le Ministère l'en empêcherait – des fois qu'elle serait capable de diriger l'hôpital un jour, tu comprends ? Et moi ... Moi je voyais toutes les portes se fermer devant moi, une par une, soit par mon père, soit par le Ministère. Oh, je m'autorise quelques actes de rébellion – sinon je n'aurais jamais été ami avec toi, Weasley. Mais c'est infime. A quoi bon travailler à l'école, puisqu'en vertu de ce traitement, mon horizon dans les longues études était limité ? Alors je me suis contenté d'y aller au talent. A quoi cela servait de jouer au Quidditch puisque notre traitement prévoit qu'on avait interdiction d'entrer dans une équipe professionnelle qui nous donnerait trop de fond et de visibilité ? Alors adieu les sélections auxquelles je rêvais quand j'étais gosse. Norie a quand même tenté, mais seulement parce qu'elle savait qu'elle ne voulait pas faire carrière dans le Quidditch. Pour ce qui est d'avoir un métier ... je ne dois ni être important, ni médiatique, ni influent et ne surtout pas quitter le territoire. Des conditions à en devenir contrôleur au Magicobus.

Il fut pris d'un ricanement amer et regarda à travers une fenêtre magique. Lucy n'osait pas bouger d'un poil, faisant oublier totalement sa présence. C'était la première fois que Luke se livrait autant et elle n'avait aucune envie de l'interrompre sur sa lancée.

-C'est devenu un peu mieux depuis que Hermione Granger est à la Justice Magique, je veux bien l'admettre. Les fonds étaient débloqués plus rapidement pour nos études et on a même eu l'autorisation de quitter le territoire avec notre grand-père maternel pour les vacances de troisième année. Mais si tout ça tombe ... si les portes s'ouvrent ... (Luke se prit la tête entre les mains, comme s'il n'osait pas y croire). Par Merlin, je pourrais faire ce que je veux de ma vie ... Je pourrais avoir le métier dont je rêve, visiter le monde, faire ce que je veux de mon argent ... être libre. (Il laissa échapper un petit rire). J'en venais à perdre le sens de ce mot.

Il se tut enfin, fermant les paupières, l'air de savourer l'instant. Lucy le laissa ainsi un instant, ne sachant si elle devait être enchantée pour son ami ou horrifiée de ce qu'il avait subi pendant des années. Luke rouvrit les yeux, et quand il le fit, son visage avait changé d'expression : il était plus déterminé, plus dur. Il fixa Lucy.

-Il faut que cette loi passe. Par pitié Weasley, dis-moi qu'elle passera !

-Etant donnée qu'elle est appuyée par ma mère, implicitement par mon père et complètement par Harry Potter, je pense qu'elle a de grandes chances de passer, évalua prudemment Lucy. Après tout peut changer, tant qu'elle n'est pas votée au Magenmagot ...

-Il faut qu'elle passe, répéta Luke d'un ton presque suppliant. Norie a le droit d'être guérisseuse et pas simple préparatrice, elle a aussi le droit d'aller visiter la France avec Marcus une fois son diplôme obtenu – elle en a toujours rêvé ... Comment on peut enfermer une fille comme ma sœur ? Mon père je ne dis pas, ma mère encore plus, mais Norie franchement ?

-Je n'ai pas la réponse. Evidemment que c'est injuste et c'est pour ça que ma mère tente de l'abroger. Tu as dit que personne ne savait ça, enchérit-t-elle alors, après quelques secondes de silence. Ces traitements. Pourquoi personne ne sait ?

Luke laissa échapper un de ses grognements qui lui étaient propres. Il replia une de ses jambes contre son torse et laissa vagabonder son regard à travers une de ses fenêtres magiques, comme s'il pouvait s'en échapper.

-Personne ne sait parce que le Ministère ne veut pas trop que ça se sache – et nous non plus, si tu veux savoir. Les anciennes familles de Partisan ont déjà leur nom proscrit alors qu'est-ce que ce serait si la Communauté Magique savait qu'elles étaient mises sous tutelles ? Nous sommes des familles fières, généralement, et nous nous drapons du peu de dignité qu'il nous reste. Ne jamais montrer aux autres à quel point nous sommes diminués. Quant au Ministère ... Pour les sorciers modérés, cette mesure aurait provoqué une véritable levée de bouclier.

-Et ça aurait été normal ! s'indigna Lucy.

-Tu dis ça parce que tu es de la génération d'après, celle qui n'a pas connue la guerre. Mais je pense qu'à l'époque, la majorité des sorciers n'avaient pas été outré par la mesure. Mais les années ont passé, les gens ont commencé à oublier et une nouvelle génération a émergée. Je ne suis plus très sûr qu'elle approuverait, beaucoup de gens seraient indignés comme toi. Je ne dis pas que notre situation est un secret, je dis juste que ça va aux deux partis de ne pas l'ébruiter. Maintenant, je comprends mieux pourquoi rien ne filtre sur la loi d'Amnistie. Les grandes familles doivent faire leur possible pour que ça se règle le plus silencieusement que possible. Gentil au département de respecter leur souhait, du reste.

-Et pourquoi moi je n'ai jamais été au courant ?

C'était plus fort qu'elle : maintenant que Luke était calmé, son orgueil blessé revenait au galop. Le préfet de Serpentard leva les yeux au ciel mais un sourire triste passa sur son visage.

-S'il y a bien un point sur lequel on se ressemble, tous les deux Weasley, c'est qu'on est tous les deux fiers. Orgueilleux. Des Serpentard qui se respectent, quoi – exception faite de Norie qui fait preuve d'une humilité aussi ennuyante que remarquable. Bref. C'est facile d'être fière et digne quand on est des familles les plus puissantes de la Communauté. Je te suis déjà inférieur en tout : moins talentueux, moins populaire – et oui Weasley, rit-t-il en remarquant la mine choquée de Lucy. J'ai peut-être plus d'autorité à Serpentard parce que je m'appelle Zabini, mais toi tu as plus d'autorité dans tout Poudlard parce que tu t'appelles Weasley. Ma famille était moins aimée, aussi. Là-dessus tu as des parents importants tout ça ... Dans ses conditions, tu n'as pas trop envie d'admettre que tu as toujours vécu dans une prison à ciel ouvert.

-C'est pas vrai ? Luke Zabini, un complexe d'infériorité ? Vis-à-vis de la stupide Weasley ?

-Il fallait bien que je te rabaisse pour avoir l'air plus grand, se défendit Luke en gardant un air digne. Et puis en ce qui te concerne, j'ai rapidement – très rapidement – remarqué que tu avais une légère tendance à ... te mêler de tout. C'est assez agaçant et je ne voulais pas que tu passes ton temps à t'indigner sur mon sort comme tu risques de le faire ses prochaines semaines. Ça risque d'être pénible.

Lucy leva les yeux au ciel, songeant qu'une fois de plus il exagérait tout. La pique n'était pas agréable, tout en plus que c'était la seconde fois en trois jours que l'on lui revoyait un portrait négatif d'elle. Ça faisait mal de se regarder dans une glace.

-Je ferais attention. Promis.

-Je t'en saurais gré, Weasley.

-Mais maintenant, si la loi passe ... Comment tu envisages cet avenir ? Auror ?

Un sourire béat réapparut sur les lèvres de Luke quand Lucy prononça le mot « avenir ». Il lui semblait être si délectable à l'écoute qu'il en ferma les yeux.

-Pas Auror, non. Je veux m'éloigner le plus que possible de la Magie Noire, même pour lutter contre. Et je n'ai pas d'assez bonnes notes pour ça. Par contre il est vrai que j'aime beaucoup enquêter. Ça m'amuse. Alors quand j'ai vu Greengrass je lui ai demandé si entrer à la Brigade Magique c'était envisageable pour moi. Tu aurais vu comment elle m'a regardé ... Je crois que je ne l'ai jamais vue aussi triste.

-Ce n'était pas possible ?

-C'est la tante de Scorpius, elle sait les entraves qui nous lient. Elle m'a avoué que Scorpius aurait aimé travailler pour Gringotts de base mais que pour ça il fallait beaucoup voyager – ce qui ne lui était pas permis. Pour moi le problème ne se posait pas là. Normalement dans la Brigade il est rare qu'on quitte le pays. Je pouvais même y rentrer ... Mais pour rester en bas de l'échelle. Jamais ils ne m'auraient laissé monter. Et je veux bien admettre qu'il faut bien passer par cette étape, mais je refuse d'être le larbin toute ma vie. Je veux finir enquêteur, avoir mes gens, mener une inquisition à bien, rendre justice dans ce monde.

Un air triste se peignit sur le visage de Luke, comme s'il venait d'entrevoir cet avenir radieux et que la porte venait de se refermer devant ses yeux sans qu'il ne puisse rien y faire. Lucy s'avança et mit une main compatissante sur son genou.

-La loi a de grande chance de passer. Et tu pourras faire ce que tu veux de ta vie, Luke.

-J'espère que tu as raison, soupira le préfet en haussant les épaules. Parce qu'il est hors de question que je devienne contrôleur du Magicobus.

-Au pire tu pourras toujours remplacer Sullivan en tant que concierge, plaisanta Lucy sans un souci d'alléger l'ambiance.

-Oh par pitié Weasley fais un effort ! Une bande de môme babillant et hurlant, je crois qu'on ne peut rien trouver de pire !

Lucy gloussa et Luke eut un sourire, déjà plus détendu, moins extatique – et moins amer. L'annonce de son amie semblait avoir fait rompre une barrière en lui, une barrière qui retenait ce qu'il avait de meilleur pour ne laisser qu'amertume et sarcasme. Lucy fut alors prise d'un fou rire quand elle repensa à leur conversation.

-Quoi ? s'enquit Luke en dressant un sourcil. C'est si drôle que ça de d'imaginer poursuivant des gnomes ?

-Non, haleta Lucy en se reprenant. Enfin si, ce serait drôle, mais pas autant que de te voir travailler pour de vrai ... Et oui, enchérit-t-elle alors que les sourcils de Luke se fronçaient. Je t'apprends que pour réussir il faut bosser. Maintenant, sous réserve que la loi passe, si tu ne réussis pas tu ne pourras pas blâmer le Ministère ...

Luke n'eut pas envie de rire du tout et Lucy le lut sur son visage de nouveau fermé. Il passa une main dans ses cheveux, avant de jeter un regard profond à son amie, plein d'une détermination peu coutumière.

-Demain on travaille la Métamorphose jusqu'à que j'en crie grâce, d'accord ?

***

Adam était revenu quelques instants plus tard, des victuailles plein les bras, suivie d'une Shannon Finnigan à l'allure très fatiguée. Lysander les suivit de quelques minutes et Lucy put résumer sa conversation avec Molly. A sa demande, elle n'évoqua pas que Luke était concerné par cette loi et se contenta de citer Scorpius Malefoy, Edward Roockwood ou les Nott. Luke avait ensuite consigné toutes les informations dans son carnet, qui semblait s'être épaissi depuis ces derniers jours.

-Je pense que le lien n'est plus à faire, conclut Shannon, la mine sombre. A mon avis, cette loi est belle et bien au cœur des attaques. Elles ont commencé alors qu'elle commence à être discutée, et tous ceux qui ont été agressé ont un lien de près ou de loin avec cette loi ...

-Je pense qu'on peut même commencer à prévoir qui seront les dernières victimes, avança Luke avec fierté. Si on suppose qu'il s'en tiendra à son compte de sept victimes ...

-C'est probable, le chiffre sept a une forte consonance dans le monde magique, approuva Adam en hochant la tête. C'est trop attrayant pour qu'il y renonce.

-... Il nous manque donc trois victimes ... Voyons, qui ce fou pourrait-il prendre comme responsable ... ?

Lucy sentit ses entrailles se geler et referma ses bras sur son ventre en un geste de repli. Son malaise était d'autant plus grand qu'Adam avait immédiatement levé les yeux sur elle, pris d'une soudaine révélation. Une à une, les têtes se tournèrent vers elle, inquiète et penaudes.

-Ah, lâcha Luke en tripotant sa plume. Oui, la préfète de Serpentard fille de celle qui a proposé le projet ... Pourquoi tu n'as pas encore été agressée, Weasley ?

-Peut-être qu'il garde le meilleur pour la fin, répliqua sèchement Lucy avec plus d'aplomb qu'elle n'en ressentait.

-Ce n'est pas drôle, Zabini, gronda sourdement Adam avec un regard noir. Il ne suivra pas son plan originel, on ne sait pas de quoi il sera capable ni ce qu'il fera s'il décide de s'en prendre à Lucy.

-Ça ne sert à rien de partir en psychose, évalua Shannon d'une voix résolument calme. On ne sait toujours pas qui est l'agresseur et comment il va s'y prendre maintenant que le Sérum est censé être obsolète – et on va s'assurer qu'il le soit. Les actions de grandes ampleurs – comme le dragon – c'est vraiment dirigé contre Serpentard qui est une sorte de huitième victime. On dirait qu'il n'a pas trouvé d'autres façons de s'y prendre pour mettre à bien son projet. Qui sait, peut-être qu'il reprendra tout de zéro ? C'est tellement théâtralisé ... Je le vois mal commencer d'un moyen et finir d'un autre. Peut-être voudra-t-il que sa vengeance soit uniforme et alors il ne faudrait pas trouver trois futures victimes, mais sept.

Le groupe se tut, perplexe et songeur. Lucy s'autorisa un instant à dévisager Shannon, qui malgré ses joues rosies, demeurait calme et raisonnable. Une étincelle avait grandi dans ses yeux, et Lucy ne put s'empêcher que cela avait sans doute un rapport avec ce qui s'était passé dans ce couloir avec Laureen.

-Malheureusement, il se peut que tu sois une victime potentielle Lucy – et ce serait surprenant que l'agresseur ne pense pas à toi, poursuivit Shannon en se tournant vers la jeune fille. Maintenant, à part faire en sorte que tu ne sois jamais seule et avancer sur l'antidote je ne sais pas trop ce qu'on peut faire ...

-Trouver l'agresseur, proposa Luke avec un sourire. Oui, trouver l'agresseur ce serait bien ...

Là-dessus, il se leva, partit chercher une caisse qu'il avait disposé dans un coin de la pièce, et la ramena au cœur du cercle. Il en sorti des liasses de journaux défraichis ainsi que des morceaux de parchemins parcourus de son écriture. Lysander écarquilla les yeux.

-Tu as du nouveau ?

-J'attendais d'être sûr et j'avais besoin d'aller dans une librairie à Pré-au-Lard pour l'être. Mais je pense avoir des éléments assez convainquant cette fois, oui.

Lucy le laissa patiemment déballer tous ces articles, mais intérieurement elle rongeait son frein – et à la vue de la lueur avide dans les yeux de ses camarades, elle n'était pas la seule.

-Bien, entonna Luke en s'éclaircissant la gorge. Je vais commencer par les débuts de ma brève enquête qui ont commencé, comme vous le savez, avec nos soupçons sur Campbell suite à la découverte de la Potion dans sa réserve. Bien. Pénélope H. Campbell tu nous a dit, Lysander, préfète de son état. Après vérification, j'ai trouvé quelques Pénélope préfète-en-cheffe dans les registres, et dans les années qui nous intéressent, la plus plausible est Pénélope Deauclaire. Mais bien sûr, ce ne sont que des suppositions.

« « J'ai donc épluché les archives de La Gazette – et croyez-moi quand je vous dis que c'était tout, sauf une partie de plaisir. Allez trouver une Pénélope là-dedans ! Alors que j'avais perdu tout espoir, je suis tombé sur cet article (il le tendit à Lucy, qui le parcourut des yeux). C'était dans La Voix du Chaudron, pour le coup, le 22 avril 2001, trois ans après la fin de la guerre.

Shannon, Lysander et Adam se resserrèrent autour de Lucy pour lire eux aussi l'article. En réalité, il s'agissait d'une interview d'une jeune femme, Pénélope Deauclaire. Dans le chapeau, on pouvait lire qu'en vertu des commémorations de la fin de la Guerre qui approchaient, des témoignages se multipliaient après trois ans de silence douloureux et replié.

-Comme vous le pouvez le voir, pas grand-chose dans cet article, admit Luke alors qu'ils tournaient sur lui des yeux déçus. Un texte assez petit et marginal qui parle notamment de la libération de la parole plus que des faits en eux-mêmes. Mais maintenant, lisez bien la dernière phrase de la journaliste ...

-« Miss Deauclaire et d'autres victimes ont d'ailleurs décidé de se confier dans un ouvrage-témoignage qui sortira le 2 Mai, jour anniversaire, aux éditions Petit Troll Rouge », lut Adam, surpris. « Des Mémoires de l'impensable a pour but, après des années à panser nos blessures, de rendre véritablement compte de ce qui passait durant ces deux années noires où l'Angleterre s'est déchirée. Parviendrons-nous à oublier ces horreurs ? ».

-Un livre dans lequel elle a témoigné ... Ça veut dire qu'elle a souffert de la guerre ? comprit Lucy.

Luke hocha doucement la tête et sortit de la caisse ses notes, ainsi que le carnet dont il ne se séparait maintenant jamais.

-Et comment. Je vous rappelle qu'à ce stade, on ne sait toujours pas si cette Deauclaire est Campbell. Et la suite va m'embêter parce que de une, Des Mémoires de l'Impensable n'est pas répertorié à Poudlard. J'ai dû attendre Pré-au-Lard pour le consulter et là encore ils ont décidé de me compliquer la tâche. La plupart des intervenants ont refusé de donner leur vrai nom et sont désignées soit pas des noms de substitution, soit par leurs initiales. Et il doit y avoir une vingtaine de témoignage.

-Génial, marmonna Lysander en levant les yeux au ciel. Va retrouver une « P.D » dans tout ça ...

-Surtout qu'il y avait deux initiales « P.D » dans le livre, ajouta Luke avec un grand sourire. Deux femmes de la même tranche d'âge. L'une était dans la partie « résistance », et l'autre « né-moldue et persécutions ». Mais, et je dois te remercier, Dragonneau, tu m'as donné une information capitale qui m'a permis de m'en sortir dans tout ça.

Lysander dressa un sourcil, l'air lui-même étonné d'avoir pu être utile. Le sourire de Luke s'agrandit.

-Pénélope H. Campbell. Et bien la jeune femme née-moldue qui a témoigné était désignée sous les initiales « P.H.D. ». Pénélope H. Deauclaire ?

-Et qu'est-ce qu'elle raconte, dans son témoignage, cette « P.H.D. » ?

Le visage de Luke s'assombrit et il rassembla toutes ses notes avec une grimace.

-J'espère que vous ne venez pas de déjeuner, parce que la suite risque d'être assez violente pour les esprits fragiles. Bien. Pénélope – parce que je pense qu'on peut affirmer que c'est elle – est effectivement une née-moldue, originaire du Surrey. Elle commence son récit par ses années à Poudlard où elle était préfète, préfète-en-chef, et meilleure de sa classe, le tout à Serdaigle. Tout allait parfaitement bien pour elle jusqu'à sa sixième année. Pour des repères chronologiques que seule Weasley maitrise à la perfection, Harry Potter était en deuxième année à l'école à ce moment-là.

-La Chambre des Secrets ? devinèrent-ils tous à l'unisson.

-Ne te donne pas d'excuse, Luke, tu es le seul ici à n'avoir jamais lu L'Histoire de Poudlard, se moqua Lucy.

-En fait, maintenant, c'est fait ! (Il sortit fièrement le volume de son carton, un immense sourire aux lèvres). Enfin, juste une partie, celle qui concerne la Chambre et qui fait état de six victimes – dont fait partie cette Pénélope si on en croit son témoignage.

-Un bon point, admit Adam en hochant la tête. Mais rien à voir avec la guerre.

-J'y viens, Scampers – apprend à être patient. Bien, toujours est-il que, comme nous l'avons vu, elle quitte l'école avec les honneurs pour entrer à Ste-Mangouste – une guérisseuse, donc assez douée en Potion, je suppose. Mais le plus intéressant c'est au retour annoncé de Voldemort en mai 1995 – admirez quand même comment j'ai appris mon Histoire de la Magie.

-C'est moi qui te l'aie rappelé, ronchonna Lucy. Bref, qu'est-ce qui s'est passé ?

-Ma partie préférée ! Dès les premiers temps, Pénélope était troublée par l'annonce du Ministère, soi-disant que « tout allait bien ». En tant que jeune femme éclairée et intelligente, elle voyait qu'il y avait des lacunes dans le discourt du Ministère. En tant que née-moldue, elle détestait le Ministre de l'époque, Fudge – un grand ami de ma grand-mère, soit dit en passant – qui traitait avec un peu trop de respect les vieilles et nobles familles de sorciers. Et surtout, elle avait peur de la possibilité d'un retour de Voldemort. Elle s'est alors, raconte-t-elle, disputée fortement avec son petit-ami de l'époque, avec lequel elle venait de prendre un appartement à Londres, avant de le quitter car il refusait d'admettre que ce que Harry Potter disait était possible. Bref, elle ne dit pas le nom du petit-ami en question, mais elle dit qu'il était son homologue à Poudlard et à Gryffondor.

Lucy laissa échapper un long gémissement en enfouissant son visage dans ses mains avec désespoir. Soudainement, l'image de son père embrassant sa prof de Potion s'imposa dans son esprit et lui renvoya le pire qu'elle savait de Percy Weasley. Lysander, lui, éclata de rire alors que Shannon esquissait un sourire.

-Elle est sortie avec mon père, couina Lucy. C'est sûr avec ça je suis la prochaine sur sa liste.

-Il faudra qu'on parle de ça après, d'ailleurs, rappela Adam en lui tapotant doucement la main, avant de se tourner vers Luke. Anecdote hilarante, Zabini, mais elle a une utilité ?

-Bien ... Comme vient de le dire Weasley, si elle est notre suspect – et à ce stade, je suis persuadé qu'elle l'est – on peut être sûr qu'elle essaiera de s'en prendre à elle. Faire cours à la fille de son ex ... brr. Bref ! Comme tout le monde le sait – et comme je l'ai si bien révisé – un an plus tard, Fudge démissionne, retour officiel et encore un an plus tard, c'est l'Année Noire : le Ministère tombe sous sa coupe. Ce jour-là, Pénélope quitte précipitamment son poste et s'enfuit par peur des persécutions. Intelligente, elle se lie avec deux autres gens en fuite et réussit à rester cachée presque pendant l'intégralité de la Guerre Ouverte. Enfin, presque. Accrochez-vous, c'est là que les ennuis commencent réellement.

Adam et Lucy échangèrent un regard et Lysander et Shannon retinrent leur souffle alors que Luke entretenait le suspens avec un silence appuyé.

-Alors qu'elle pensait que tout était derrière elle et qu'elle allait s'en sortir, tout son groupe se fait trahir par quelqu'un qui les a hébergés et que l'on a torturé. Bim, une bande de Rafleur déboule. Pénélope, excellente sorcière, ne se laisse pas faire et énerve très sérieusement ces mâles frustrés en manque de reconnaissance et les blesse très sérieusement dans leur orgueil. Si on ajoute à ça que, ça se voit encore, elle est assez jolie dans son style, dès le moment où ils l'ont vaincu, les Rafleurs se sont empressés de lui faire payer et de montrer qu'ils sont les plus forts en ...

-Oh ce n'est pas vrai, souffla Shannon en fermant les yeux, l'air de deviner la suite. Les animaux ...

-Ils l'ont violée ? s'enquit Lucy, la gorge serrée.

Luke opina sombrement du chef. Si la désapprobation se lisait dans les yeux des garçons de l'assemblée, ce n'était rien par rapport au regard horrifié qu'échangèrent les filles. Instinctivement, Lucy replia son bras sur son bas-ventre, un frisson la parcourant. Elles-seules ne pouvaient ne serait-ce qu'imaginer le traumatisme d'une féminité bafouée, d'une objectivation d'un être, de la brisure d'une âme alors que l'on sentait que son corps ne lui appartenait plus.

-Ouais, commentai Lucy avec amertume. Je peux parfaitement comprendre qu'elle ait eu la rage après.

Shannon hocha la tête en signe d'assentiment, sans un mot. Elle aussi s'était repliée sur elle-même.

-Oui, ça doit être le pire de ce qui lui est arrivé, approuva Luke. Mais le reste n'est pas joyeux non plus : elle parle de son internement, d'abord dans les geôles du Ministère où elle est passée en jugement, du traumatisme de voir sa baguette cassée par le tribunal, des Détraqueurs qui gardaient sa cellule, des sortilèges Doloris qui fusaient, parfois sans raison ... Et parfois des jeux vraiment atroces de la part des gardiens, ceux qui n'étaient pas assez important pour être Mangemort mais qui méritent Azkaban à vie : elle narre à un moment qu'ils ont lancé le sortilège d'Impérium à deux personnes nés-moldu et les ont donc forcés à ... avoir des relations intimes. Après tout, « ce ne sont que des animaux ».

-C'est eux les animaux, cracha Shannon avec une vigueur qui surpris tout le monde. N'importe qui aurait pété les plombs après ça ...

-Je suis entièrement d'accord Finnigan, néanmoins ça ne justifie pas qu'on plonge Weasley dans un coma profond, rappela Luke avec sévérité. Traitons ça avec retenue et professionnalisme : deux semaines plus tard, Bataille de Poudlard, libération de tous les prisonniers, tout ça tout ça. Evidemment, on est d'accord, des événements comme ça, ça brise une vie. Qui peuvent donner une rancœur tenace. Je pense que des personnes qui ont vécu ce genre de choses ont dû approuver les traitements réservés aux anciennes familles partisanes – et doivent voir d'un très mauvais œil cette loi d'Amnistie.

-D'accord, admit Adam d'un air sombre. Cette Pénélope Deauclaire a une bonne tête de suspect. Mais rien ne nous dit que Pénélope Deauclaire, la persécutée, est Pénélope Campbell, la prof de Potion.

-Ah ! Merci de poser la question Scampers !

Luke se replongea à nouveau dans sa caisse et en tira un exemplaire de La Gazette. Il marmonna en fouillant les pages avant de le tendre à Adam.

-La rubrique des mariages ? s'étonna celui-ci d'un air dubitatif.

-Ici ! s'exclama Shannon en pointant une annonce. « Ils se sont dit oui ! Nous sommes heureux de vous annoncer l'union d'Edward Campbell, neveu de l'emblématique joueuse de Quidditch Gwenog Jones, avec Pénélope Deauclaire, actuellement guérisseuse à Ste-Mangouste ».

Lucy lut par-dessus l'épaule d'Adam, estomaquée. Une photo accompagnait l'annonce, où un homme en costume souriait à la caméra, au bras d'une femme, très petite, mais très jolie aux cheveux bouclés. Il était impossible de ne pas reconnaître leur professeur de Potion, qui avait l'air plus jeune.

-Et ainsi, par alliance, Pénélope Deauclaire devint Pénélope Campbell, acheva Luke en écartant les bras d'un air théâtrale. Maintenant, vous pouvez m'idolâtrer, vous prosterner, me masser, j'ai trouvé le coupable.

Ils dévisagèrent tous les quatre le préfet de Serpentard, et Lucy était certaine qu'il était hors de question que quiconque masse ou idolâtre Luke.

-Dans tes rêves, Zabini, cingla effectivement Adam. En revanche, je dois l'avouer, joli travail.

-Et terriblement cohérent, poursuivit Lysander en remettant ses lunettes sur son nez. Notamment la mise en scène et le choix de l'utilisation du Sérum de Basilius. Vous ne trouvez pas qu'il a le même effet qu'un regard indirect du Basilic ? Sauf qu'au lieu d'être pétrifié, ils sont plongés dans le coma. Et les attaques ont commencé avec un message semblable et une agression qui en était inspiré. Elle a dû être traumatisée parce ce qui lui est arrivé en sixième année. Le parallèle entre la Chambre des Secrets et ce qui se passe maintenant est trop beau.

-Beau, ce n'est pas l'adjectif que j'utiliserais, intervint Shannon en plissant les yeux. Et si c'est effectivement Campbell, elle va devoir renoncer à l'attrait de sa mise en scène, maintenant que les profs cherchent l'antidote.

-Antidote que justement elle trafique et sabote, rappela Adam, l'air songeur. Elle est la maître des Potions, c'est elle qui doit être en charge de le faire. En soi, elle n'a pas besoin de changer de mode opératoire. Tant qu'elle est à la tête des opérations, la Potion ne sera pas obsolète. Peut-être bien qu'elle continuera, une fois que les tensions dans l'école se seront apaisées.

-Alors il faut qu'on se dépêche de la rendre, fit Lucy avec détermination. Shannon, Lys, ou est-ce qu'on en est ?

Ils expliquèrent qu'ils venaient de tomber d'accord sur la liste des ingrédients et confirmèrent à Lucy qu'Adam et Luke devraient aller piquer dans la réserve personnelle de Campbell. Les deux garçons échangèrent un regard sceptique, comme si leur mise en coopération leur pesait sur le cœur, mais promirent de le faire dans la semaine. Shannon, quant à elle, devait mettre au point les premiers essais pour la préparation de l'antidote. Lucy sentait l'appréhension qui étreignait la voix de Shannon alors qu'elle parlait des quelques idées qu'elle avait en tête et que seule la préfète semblait comprendre réellement. Il était évident que la Poufsouffle avait peur d'échouer dans sa tâche. Pourtant, elle ne se défila pas et eut même un sourire de reconnaissance pour Lysander. Depuis le début de cette aventure, un lien semblait s'être tissé entre les deux sorciers, dû au temps qu'ils avaient eu à passer ensemble.

-C'est tout, termina Shannon en haussant les épaules. Il faut juste les derniers ingrédients et ça ira. Tenez d'ailleurs (elle tendit un morceau de parchemin à Adam). Tout ce qui nous faut est là-dessus.

-Je ne connais pas la moitié de ces trucs, marmonna Luke, qui lisait au-dessus de l'épaule du Gryffondor. Non, en fait la moitié je suis optimiste.

-Pareil. Va falloir qu'on arrête de s'entendre, sinon Lucy ne va pas être contente.

-Rôh donnez-moi ça ! râla l'intéressée en leur arrachant le parchemin des mains. Sérieux, vous n'en connaissez pas la moitié ? Faut vraiment vous faire réviser les Potions !

-Ce ne serait pas une mauvaise idée, évalua Luke l'air extrêmement sérieux. Rajoute ça à notre liste, Weasley. Et ... oh Finnigan ? Il paraît que tu t'y connais bien en sortilège, je peux te demander quelques conseils ?

Lucy le toisa d'un air horrifié et se retint de lui faire manger le parchemin qu'elle tenait entre les mains. Adam capta le regard de Lucy, l'air surpris, lui demandant silencieusement depuis quand Luke s'intéressait aux études. Shannon, elle, jeta un regard déboussolé à Luke. Initialement, ses seuls dons étaient en Potions. C'était Adam l'ensorceleur de la bande. Le seul indice qui laissait supposer que Shannon était une puissante sorcière était la scène que Lucy avait surprise dans les couloirs.

-Non, je ... Je ne suis pas si bonne que ça, bredouilla la Poufsouffle. Adam est bien meilleur ... Pourquoi ... ?

Elle fixa Luke, penaude, puis ses yeux se plissèrent d'une façon que redoutait Lucy. Celle de la compréhension. La préfète fusilla son meilleur ami du regard, jurant de plonger son minois dans les toilettes à la moindre occasion pour lui faire payer son manque de tact.

-Je vois, lâcha Shannon d'une voix que Lucy ne put interpréter. Tu m'as vu avec Laureen.

-Pas moi, non, admit Luke sans gêne, si bien que sa meilleure amie eut envie de l'étrangler sans aucune forme de procès. En fait, c'est Weasley.

-Le tact, par Merlin ! persiffla la jeune fille avant de lancer un regard désolé à Shannon. Et sache que je ne t'ai pas espionné ni rien, je voulais juste parler à Laureen et ... voilà.

-Euh, intervint Lysander en relevant le nez des notes qu'il était en train de parcourir. De quoi on parle, là ?

Shannon ne réagit pas, se contentant de contempler Lucy, les yeux insondables. Malgré son envie d'étriper son ami, la jeune fille soutient son regard. La Poufsouffle finit par soupirer, et eut un demi-sourire. Lucy comprit qu'elle ne lui en voulait pas et lui rendit son sourire, soulagée. Shannon se tourna vers Lysander :

-Je me suis un peu énervée contre ma cousine avant-hier, on va dire ...

-En fait c'est plus Laureen qui s'est énervée et ça a un peu dérapé, précisa timidement Lucy.

Après une consultation de Shannon, qui haussa les épaules d'un air indifférent, mais crispé, Lucy raconta la scène à Lysander, y compris le moment où Laureen essaya de lancer un sortilège Impardonnable à sa cousine. Elle tut sciemment l'implication de Gethin, comme elle l'avait fait en racontant la scène à Luke. Pendant le récit, Shannon regardait le sol, et Lucy ne sut dire si elle était gênée ou honteuse. Les yeux du préfet-en-chef s'écarquillèrent quand il se tourna vers la jeune fille.

-T'as vraiment contré un sortilège Doloris ?

-Oui, enfin, non, pas vraiment ..., bafouilla Shannon en baissant la tête, un rideau de cheveux blonds cachant son visage. Elle n'avait pas la capacité magique nécessaire pour ...

-Mais même ! Même quand c'est un sortilège de maigre puissance, un sortilège Impardonnable, pour le contrer ... Il faut être une sacrée sorcière.

Lucy vit le peu de peau qu'elle distinguait rougir de manière violente. La pauvre jeune fille avait l'air un animal pris au piège. Elle se mit à tripoter son badge en forme de trèfle de façon frénétique.

-Tu ne comprends pas ... Laureen ... Quand elle s'y met, elle peut être dangereuse ...

-Ne t'en fait pas, Shannon, on comprend parfaitement, intervint Adam avec douceur. Tu n'as pas à te justifier ...

-Si. Je compte à le faire. Je veux bien croire que ce que Lucy a aperçu ne semble pas normal ...

La jeune fille prit une profonde inspiration et passa une main fébrile dans ses cheveux. Lucy sentit dans la retenue de ses gestes et la réserve dans son regard. Shannon Finnigan n'aimait pas se livrer, et encore moins être au centre de l'attention.

-Voilà, entonna-t-elle d'une voix résolument ferme. Laureen a été tout, sauf une cousine gentille et avenante. La folie de son père l'a détruite dès l'enfance. Elle n'a jamais connu aucune stabilité : son père ne cessait de faire l'aller-retour entre sa maison et Ste-Mangouste avant d'y être interné. Je pense qu'elle en a vraiment souffert de voir son père ainsi, sans aucun contrôle sur lui-même ... Ma tante Caroline a déjà raconté qu'il lui arrivait de se lever en pleine nuit et de lancer des sorts partout, persuadé d'être en pleine bataille. Ou d'oublier toute fonction vitale : il ne se nourrissait plus, il s'oubliait ... Alors je ne sais pas si c'est le manque de contrôle de son père qui l'a traumatisé, mais ce qui est certain, c'est que Laureen s'est jurée de l'avoir, ce contrôle. Quand on est petite, on partageait parfois la même chambre, comme Tante Caroline venait se réfugier chez nous après une crise de son mari. J'essayais d'être gentille, de parler avec ... Mais le problème, c'est que Laureen ne voulait pas de gentillesse. Elle voulait juste se défouler de toute l'injustice qu'elle subissait, et n'avait que moi sous la main. Si je parlais de son père, elle se levait et brûlait mes peluches. Si je disais quoique ce soit sur la Guerre, c'était mon lit qu'elle brûlait. Puis il y a eu l'escalade : mes vêtements, mon balai-jouet auquel je tenais beaucoup, elle menaçait mon frère ... On est arrivé à un moment où il n'y avait plus de raison à ses agissements. C'était juste pour que je sois entièrement sous son contrôle. J'étais faible, selon elle, comme son père. Je faisais ce qu'elle voulait, par peur, par lâcheté, peut-être, mais j'étais petite ... J'avais neuf ans quand tout ça s'est arrêté. Laureen venait de rentrer de Poudlard pour les vacances de noël et les passaient chez nous. Elle était très fière de me montrer les nouveaux sorts qu'elle avait appris ... Avec moi pour cobaye.

-Mais elle avait la Trace, non ? s'étonna Lysander. Le Ministère aurait su si une sorcière de premier cycle avait fait de la magie ...

-Ils repèrent l'acte de magie en lui-même, pas la personne qui l'a exécuté ..., répondit Lucy à la place de Shannon d'un air penaud. Un parent peut parfaitement dire que c'est lui qui a jeté le sort et pas l'enfant.

-Mais Lysander a raison, c'est bien ça qui m'a sauvé, fit Shannon avec un hochement de tête. Elle avait la Trace, ils ont détecté l'acte de magie, et un agent du Ministère a débarqué pour savoir si c'était Laureen. Evidemment, sa mère s'est dénoncée à sa place et il n'y a pas eu de poursuite, mais après ça, mes parents ont fait plus attention. Ils voyaient déjà qu'ils se passaient des choses bizarres, que je n'étais pas la même quand Laureen était là ... Mais ça a vraiment éclaté quand Laureen m'a brûlé la jambe parce que je n'avais pas fait son lit. Elle a complétement déconné et ma jupe a pris feu. Mon père était fou de rage, ma mère et ma tante se sont engueulées ... Et Laureen et Caroline ne sont jamais plus venues chez nous.

-Elle a incendiée ta jupe ? répéta Luke les yeux écarquillés. Finnigan ...

Adam avait cette même expression de stupeur, mêlée à de la compréhension. Shannon haussa les épaules, l'air de dire que ce n'était rien et qu'elle ne tenait pas particulièrement à s'attarder là-dessus.

-Et avec tes autres cousins ? demanda timidement Lucy.

-Les jumeaux ? Non ... Après, mon parrain a beaucoup été à l'étranger après la guerre, il s'est vraiment éloigné de Caroline et elle ne voulait pas aller chercher la charité chez lui ... ça a toujours été très tendu entre eux. Arwen et William connaissent à peine Lauren ...

La bouche de Shannon se tordit.

-Bref, toujours est-il que je savais que de toute manière, je reverrais Laureen à Poudlard. J'étais tellement nerveuse que je faisais tout exploser et Laureen s'en amusait beaucoup. Elle était ravie de m'avoir à nouveau sous sa coupe, au début. Mais je sais que mon père avait demandé au professeur Londubat de faire attention à moi – ils sont amis ... Alors elle ne pouvait rien faire. Et de mon côté, j'ai fait mon possible pour qu'elle ne me fasse plus rien ...

-Tu t'es entrainée, comprit Adam en hochant la tête.

Shannon opina doucement, l'air gênée.

-Tu n'étais pas lâche, Finnigan, renchérit Luke avec une surprenante douceur. Tu étais jeune. Impressionnable. Ce n'était pas toi en faute mais elle.

-Je sais. C'est ce que j'essaie de me répéter.

Elle semblait vouloir arrêter son récit là et personne ne la poussa à poursuivre. Mais Lucy en savait plus. Shannon avait vu des choses. Elle avait surpris Laureen en train d'agresser Gethin près de la salle des trophées – encore une chose que le petit Gryffondor leur avait caché ... Et si elle en jugeait par le regard inquiet que lui jetait Adam de temps à autre, cela risquerait de compromettre le secret des Scampers. Lily, Shannon ... Ça commençait à faire beaucoup de témoins. Laureen était moins prudente.

-Laureen a souffert, certes, entonna alors Lysander. Mais je n'arrive pas encore à la raccrocher à l'enquête ...

Lucy vit les yeux de Shannon se poser sur Adam, comme si elle voyait son frère à travers lui, et celui-ci vrilla son regard sur Lysander. Quant à Luke, il toisa la préfète d'un air soupçonneux qui lui fit mal au ventre. La seule chose qui reliait Laureen à l'enquête, c'était son profil. Mais ce pourquoi ils s'y étaient intéressés, c'était Gethin. Son secret n'avait rien à voir avec ce qui se passait à Poudlard ... Alors Lysander avait raison, pourquoi s'intéresser à Laureen ?

-Concentrons-nous sur la potion, d'abord, proposa Lucy d'un ton ferme. Le reste, on verra plus tard.

Shannon jeta un coup d'œil à Lucy et celle-ci comprit aisément que « plus tard » signifiait « dans la minute qui suit, loin des oreilles indiscrètes ». Elle aussi voulait savoir ce que Gethin Scampers avait à voir là-dedans. Et malheureusement, Lucy ne pouvait pas lui donner de réponse.

-Oui, d'accord Lucette, la potion. Mais pour ça .... (Il toisa Luke et Adam). N'oubliez pas notre petit service.

-Comment l'oublier, maugréa Luke en levant les yeux au ciel. Tant qu'on y est, les services, c'est donnant-donnant. Finnigan, j'ai besoin de toi.

Shannon dressa un sourcil, surprise. Même Lucy était stupéfaite de la tournure : ce n'était pas tous les jours que Luke Zabini admettait avoir besoin de quelque chose.

-Tu as l'air brillante – et accepte le compliment sans broncher ! Or, j'ai besoin de briller pour mes BUSE pour faire ce que je veux faire ...

-Qu'est-ce qui se passe, Zabini, tu n'as plus ton « talent naturel » ? se moqua Adam.

-La ferme, Scampers. Bref, toujours est-il que ... Tu peux m'aider pour les sorts ?

Shannon ouvrit légèrement la bouche sous l'effet de la stupeur. Lucy sourit, ravie que les dons de la jeune fille soient enfin reconnus et que Luke se prenne enfin en main.

-Bien, je ..., bredouilla Shannon en passant une main dans ses cheveux.

-Elle accepte, intervint à sa place Lysander.

-Je ... Non ! Adam est meilleur que moi en sortilège !

-Non seulement c'est probablement faux, mais en plus il est hors de question que je donne des cours à Zabini.

Shannon jeta un regard déboussolé à l'assistance. Le visage de Luke était impassible, mais son regard en disait long sur sa volonté de se mettre au travail. Lucy ne revenait pas du changement qui s'était opéré en son ami depuis qu'elle lui avait fait part du projet de la loi d'Amnistie. Les lèvres de Shannon esquissèrent alors un léger sourire.

-D'accord. Je ne sais pas si je suis si bonne que vous le dites, mais je ne me vois pas ne pas t'aider alors que tu en as besoin ...

-La grandeur d'âme des Poufsouffle ! s'écria Luke en écartant les bras. Tu es une Sainte, Finnigan.

-Hey, j'ai une condition quand même.

Luke perdit son sourire et plissa ses yeux sombres d'un air suspicieux. Shannon pencha la tête sur le côté, l'air vaguement mutine.

-Trouve-moi mes ingrédients, et je te jure que je ferais mon possible pour que tu aies tes BUSEs.

Luke hocha la tête et eut un sourire. Puis il attrapa le bras d'un Adam déboussolé et le força à se lever, devant le regard abasourdi de l'assemblée.

-Allez viens Scampers, on va échauffer un plan pour voler les ingrédients dans l'armoire de l'ex-copine du père de ta copine ! 

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