Chapitre 44 : La loi d'Amnistie

Et voilà la suite ! Peu modifiée, bonne lecture ! 

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Chapitre 44 : La loi d'Amnistie.

Lucy avança le long du chemin givré qui descendant en pente douce jusque la grille aux sangliers ailés. Son ventre se noua alors qu'elle avançait vers la concierge, Mrs. Sullivan. L'idée d'arracher des infos à Molly ne lui plaisait pas réellement. Elle commençait tout juste à s'entendre avec elle, sans pression ni rien.

Elle montra son autorisation à Mrs. Sullivan et s'engouffra dans le long chemin qui menait à Pré-au-Lard. Le temps était clair, idéal pour le Quidditch. Elle aperçut Eléonore et Montague sur un banc, avec d'autres Serpentard et leur fit un signe de main. Elle repéra également Luke avec Henry, Dorothy et Alexandra. Son meilleur ami lui lança un long regard pénétrant quand elle entra dans les Trois Balais, un regard qui voulait sans doute dire « ne me déçois surtout pas Weasley ». La gorge de Lucy se serra et elle entra dans le pub, volontaire. Elle trouva rapidement sa sœur, sa longue chevelure flamboyant au milieu des clients et convergea vers elle avec un sourire.

-Lucy ! s'écria Molly quand elle l'aperçut, l'air surprise. Je ne t'attendais pas si tôt !

-Ne me dis pas que tu as pris du travail ? marmonna sa sœur en avisant les parchemins qui jonchaient la table.

-Ne t'en fais pas ce n'est rien. Je range ça tout de suite.

Ce qu'elle fit, fourrant tous ses papiers dans son sac avec précipitation. Lucy reconnut l'écriture fine de sa sœur avant que tout ne disparaisse.

-Qu'est-ce qu'il vous ferait plaisir, les filles ? s'enquit Madame Rosemerta en passant près d'elle, le plateau empli de verres vides.

Lucy s'étonnait toujours de la dextérité et du courage de la patronne des Trois Balais. La soixantaine fleurissante, elle restait pourtant vive et charmante.

-Deux bièraubeurres, s'il vous plait, commanda Molly avec un sourire. Tu savais qu'elle avait une petite-fille à Poudlard ? ajouta-t-il une fois que Madame Rosemerta fut partie. Mary Arlett. Je connais son père, il travaille dans mon département.

-Je vois qui c'est, marmonna Lucy avec mauvaise humeur. Pas ma plus grande fan.

Molly laissa échapper un infime grognement et fusilla la pièce du regard. La jeune femme pouvait être sacrément intimidante quand elle le voulait. Lucy ne voulait pas s'appesantir sur les soupçons qui pesaient sur elle et enchaina sur autre chose :

-Comment va Daphnéa ? Tu m'avais dit qu'elle viendrait peut-être.

-Oh elle couvre un match ...

Une légère ombre passa brièvement sur le visage de Molly, mais avant que Lucy n'ait pu s'en inquiéter, la jeune femme enchaina sur la vie de Lucy à Poudlard : les cours, l'orientation, ce qu'elle comptait faire. Elle étonna Lucy en étant ravie d'apprendre que Greengrass l'avait poussée vers la Magizoologie, et le fut bien plus encore quand sa sœur lui avoua qu'elle songeait très sérieusement à prendre cette branche.

-Papa va détester, rappela Lucy pour modérer l'enthousiasme de sa sœur.

-On s'en fiche de ce que pense papa, répliqua Molly, à la surprise de sa sœur. Ce sont nos vies qui sont en jeu, pas la sienne.

Nos vies, releva mentalement Lucy en haussant les sourcils. Percy s'était-t-il récemment embrouillé avec Molly concernant son avenir ? Si tel était le cas, elle n'en avait reçu aucun écho. Elle s'enquit donc du nouveau travail de Molly et de ses relations avec les moldus mais à aucun instant la jeune femme n'évoqua leur peur. Rien niveau travail, donc. Lucy en profita pour glisser à Molly ce qu'elle avait appris au Pays de Galles – le réchauffement climatique, et tous ses effets – mais elle l'interrompit en disant qu'elle était au courant et qu'elle planchait sur la question. D'après elle, c'était son chantier principal, et entendre ça rassura quelque peu Lucy.

-Ce serait bien que tu en parles à papa, tenta-t-elle une nouvelle fois. Il travaille au cabinet Ministériel, après tout ...

Une nouvelle moue déforma les lèvres de Molly et Lucy eut cette fois la certitude que quelque chose s'était passé dans la famille. Elle soupira :

-Allez, balance. Qu'est-ce que papa a fait, cette fois ?

-Ce n'est pas grave, ça va passer, éluda rapidement Molly après quelques secondes de silence. Il a ... juste était déconcerté pour Daphnéa et moi.

-Tu lui as dit ? s'écria Lucy, stupéfaite. Et tu ne m'en as pas parlé avant ? Comment il a réagi ?

Molly haussa vaguement les épaules.

-C'était assez bizarre comme soirée. Ça fait presque trois mois que je suis avec Daphnéa et je commence à être sûre de nous. Je ne me suis jamais sentie aussi bien avec quelqu'un. Alors on s'est dit qu'il fallait songer à en parler à nos parents respectifs, d'autant plus qu'on commence à penser à prendre un appartement ensemble ... Alors je suis allée à la maison. Maman a été surprise, mais seulement surprise, un peu comme toi quand tu l'as su. Papa, s'était très différent. Il était assez indifférent. Pas désagréable, pas homophobe, je pense qu'il est assez tolérant là-dessus. Mais ... J'ai l'impression qu'il croit que ce n'est qu'une passade. Et il m'a fait comprendre qu'il n'était pas question que ce soit rendu publique – je pense qu'il a peur du scandale.

-Du scandale ? répéta Lucy, indignée. Mais le scandale c'est qu'il te demande de te faire, Molly ! Vivement que je rentre, je vais lui passer un sacré savon ! Il serait temps qu'il grandisse et qu'il s'intègre dans le monde dans lequel on vit : et dans ce monde, les homosexuels ne se cachent pas !

-Ne t'enflamme, lui intima Molly d'une voix un peu plus dure. Je pense qu'il est un peu traumatisé par tout ce qui se passe ... Tu sais, l'article dans La Gazette, toi qui te retrouves accusée des agressions ... Disons que mon annonce, ça a été la cerise sur le gâteau. Je comprends que ça le stresse ...

-Mais non ! protesta Lucy, inflexible. Non, ce n'est pas la question, ça n'a rien à voir !

Molly soupira devant son nouvel éclat et la considéra avec sévérité.

-Je te dis que ça va passer. Maman a réussi à le convaincre d'inviter Daphnéa à dîner cette semaine. On verra bien là comment ça se passe. De toute manière, j'ai décidé qu'il ne dictera pas ma vie. Je suis adulte, j'ai un salaire, un appartement. Je suis indépendante, et n'ait plus d'ordre à recevoir de lui.

Lucy dévisagea sa sœur, stupéfaite par son ton dur et péremptoire. Elle savait qu'une transformation s'était opérée chez Molly, mais elle n'avait pas réalisé qu'elle avait été si radicale. Jamais sa sœur n'aurait parlé comme ça avant. Si son côté rebelle qui avait plu quand elle l'avait découvert, maintenant il l'effrayait un peu. Lucy avait toujours été en contre-sens de sa famille, mais elle avait toujours su où était la limite, celle qui aurait déchiré leur groupe, celle que son père avait franchi avec sa propre famille, bien des années auparavant. Lucy n'avait jamais souhaité que la même chose se produise alors elle avait fait en sorte de rester unie avec ses parents tout en affirmant haut et forts ses idées, un jeu subtil et dangereux dont sa sœur n'avait pas l'habitude. Et si en essayant de jouer, elle déchirait leur famille ? Mais Molly eut un sourire rassurant, comme si elle devinait ce à quoi Lucy pensait et lui tapota la main.

-Mais ne t'en fais pas. Je suis sûre que maman arrivera à le convaincre. Tout va bien se passer. C'est juste avec l'article qui était sorti dans La Gazette ... Il a pris un sacré coup derrière la tête, Lucy. Et même si Hermione l'a quand même nommé sous-secrétaire d'état, il se prend encore des beuglantes et des regards noirs. Mais ça va passer ...

Lucy se trémoussa, mal à l'aise. Elle se souvint avec gêne de leur conversation devant le restaurant, du dégoût de son père pour lui-même et ses agissements passés. Pour l'hybris qui l'avait consumé ... « Tu en as un brin », avait lancé Percy avec un sourire. Le cœur de Lucy se serra.

L'orgueil démesuré. Ce n'était pas un peu de ça dont elle faisait preuve avec le plan qu'elle venait de monter ?

-J'espère pour toi, articula Lucy avec prudence, le cœur battant. Comment va maman, d'ailleurs ?

Il était temps de saisir la perche, et de mettre le plan à exécution, malgré le nouveau malaise qui la rongeait. Molly poussa un profond soupir et passa une main dans ses cheveux flamboyant.

-Elle travaille trop, évidemment. Beaucoup trop. Elle doit encore prendre des potions, et si elle continue comme ça, elle devra en prendre longtemps ... Tante Fleur est furieuse.

-Tu m'étonnes. Maman n'a jamais su s'arrêter ...

-Un peu comme toi, d'ailleurs, fit remarquer Molly avec un mélange de malice et d'avertissement.

Un sourire retroussa les lèvres de Lucy. On lui disait rarement qu'elle ressemblait à sa mère – plus qu'elle avait le caractère borné et insupportable de son père. Alors quand on lui disait qu'elle ressemblait à Audrey, elle acceptait la remarque sans broncher, même si, en l'occurrence, c'était un rappel explicite de Molly de ne pas « jouer aux héroïnes ». Si tu savais ... Les doigts de Lucy serrèrent sa bièraubeurre.

-Molly ... Victoire m'a dit quelque chose d'étrange, sur le quai du train.

Sa sœur dressa un sourcil, intriguée. Lucy s'était sentie vaguement honteuse de ne pas l'avoir évoqué avec ses partenaires, mais Victoire n'était pas sensée révéler ce genre d'information et la Serpentard ne voulait pas la mettre dans l'embarras. Cependant, si elle l'avait fait avec Lucy, celle-ci espérait qu'elle avait parlé avec Molly.

-Qu'elle va se marier ? s'enquit celle-ci avec amusement. Je suis d'accord que ça puisse être étrange, mais ce n'est pas surprenant.

-Non, pas ça. Et je trouve ça vraiment bien qu'ils se marient. Mais elle est aussi venue me parler de l'agression de maman, au Ministère et ...

Lucy fit mine d'hésiter, se balançant avec indécision sur sa chaise. Elle fut cependant rassurée quand un éclair de compréhension traversa les yeux de Molly.

-Oh. Oui, je vois. Elle m'en a parlé aussi.

Lucy fit de son mieux pour ne pas laisser transparaitre son soulagement. Une moue réprobatrice déforma les lèvres de Molly et sa sœur comprit que Victoire en prendrait pour son grade quand elle la verrait.

-Laisse la tranquille, elle a eu raison de le faire, je voulais savoir, plaida Lucy avec ferveur. Je voulais savoir pourquoi on avait agressé maman. Et je ne vois toujours pas pourquoi, d'ailleurs. C'est quoi cette loi d'Amnistie ? Victoire a dit que ça avait un lien. Une Association qui luttait contre cette loi. Je veux comprendre pourquoi ma mère s'est faite agressée Molly. Et si tu ne veux pas m'aider, et bien je trouverais toute seule.

-Ça va, pas la peine de me menacer, s'agaça la jeune femme d'un air digne.

Mais Lucy voyait bien que sa dernière phrase avait fait mouche. Molly refusait que Lucy se mouille dans cette histoire, quitte à la laisser dans l'ignorance. La Serpentard voyait sa sœur hésiter, se mordre la lèvre, réfléchir silencieusement si elle devait révéler des choses à Lucy, et si oui, dans quelle mesure. Sa réaction soulagea la jeune fille sur un point : sa sœur savait des choses. Molly jeta un coup d'œil à la ronde et se pencha sur sa sœur.

-Très bien. Ça ne me plait pas, mais tu ne me laisses pas le choix : il est hors de question que tu aggraves ton cas, papa aura assez d'un seul scandale.

-Ta relation avec Daphnéa ne sera pas un scandale, Molly, gronda Lucy en secouant la tête.

-On verra. Toujours est-il que je veux bien te dire ce que je sais, mais tiens ta langue, d'accord ?

Lucy le lui promit, chagrinée. Elle ne pourrait malheureusement pas tenir cette promesse et espérait que Molly lui pardonnerait. La jeune femme soupira longuement et entonna :

-Bien. La loi d'Amnistie est une loi qui vise les anciens criminels de guerre.

-Elle prévoit de les amnistier ? s'étonna Lucy, constatant à sa grande stupeur que Lysander avait vu juste.

Lysander qui avait dit quelque chose de sensé et réfléchi. Peut-être qu'il avait réellement sa place à Serdaigle, après tout. Les mains de Molly se crispèrent sur sa bièraubeurre.

-En réalité ... C'est un peu plus compliqué que ça.

Elle lui expliqua alors le traitement qui était réservé aux anciennes familles Mangemort, ou simplement proche de l'idéologie de Voldemort : quand elles n'étaient pas allées ou avaient quitté Azkaban, c'était interdiction de quitter le territoire, interdiction d'aller à des postes ou fonctions influentes, gèle de leurs comptes à Grigrott et mise sous tutelle financière, pour éviter les conflits d'intérêts, corruption, et investissements douteux. Mais Lucy fut horrifiée d'apprendre que ce qui s'appliquait aux parents, ils étaient vrais fut-un-temps coupables, s'appliquait aussi aux enfants.

-Mais c'est ridicule ! Être Mangemort, ce n'est pas une maladie génétique ! Des gens comme Scorpius ne sont pas leurs pères !

-Mais ils ont constaté que cela s'est quand même transmis, dans l'éducation, expliqua tristement Molly. C'est stupide, je sais, mais les événements passés l'ont démontré : Drago Malefoy est devenu comme son père, Blaise Zabini était imprégné des idées extrêmes de sa mère ...

-Zabini ? Tu veux dire que Luke est concerné par cette absurdité ?

Molly cligna des paupières, prise de court.

-Tu l'ignorais ?

Lucy sentit son cœur dévalait sa poitrine. Evidemment qu'elle l'ignorait. Luke parlait si peu de sa famille, comment pouvait-elle le savoir ? Elle venait juste d'apprendre qu'il était cousin avec Stephen Bennett ... jamais il ne l'avait évoqué. La famille était un sujet tabou. Etait-ce pour cela, pour ces choix passés, qu'il ressentait tant d'amertume envers son père ? La gorge serrée, elle se contenta de secouer la tête. Encore une fois, elle constatait l'immense gouffre qu'il y avait entre elle et son meilleur ami, et l'étendue de ce qui lui restait à apprendre sur lui.

-Quelles sont les familles concernées ? s'enquit-t-elle, la voix enrouée.

-Je n'ai pas les détails, admit Molly. Mais de que tu connais, les Malefoy, les Yaxley, les Wallace, les Roockwood, les Nott, les Zabini ... Après ils ne s'agit pas que de famille, mais d'autres personnes, des personnes influencées – soit par le chantage, soit par l'Imperium – et qui ont d'abord été enfermées à Azkaban, puis soumis à ce régime. Des gens comme Stan Rocade, tout ça ...

-Mais s'ils faisaient ça contre leur gré, alors pourquoi les enfermer ?

Molly grimaça et but une gorgée de bièraubeurre. Pendant la conversation, elle était devenue très pâle et ne cessait de jeter des regards suspicieux autour d'elle.

-Pendant la guerre d'avant, beaucoup de gens se sont dit avoir agi sous Impérium ou après avoir été torturé. C'est très difficile de discerner le vrai du faux. Est-ce que la torture est un mobile suffisant pour avoir contribué aux pogroms contre les né-moldus ? Comment savoir si l'Impérium a été appliqué ? N'aurait-il pas pu lutter ? Et comment juger tous ces gens qui n'ont rien dit et qui savaient ? C'était très compliqué et c'est en jouant sur ces nuances que beaucoup de Mangemorts – Mulciber, Malefoy ... – ont réussi à s'en tirer. A la fin de la Seconde Guerre des Sorciers, on a voulu éviter ça et la justice a été très dure pour que ça ne se reproduise plus. Il y a eu beaucoup d'arrestations et d'emprisonnement, même pour les plus petites infractions. Et quand les gens sont sortis, il y a eu cette loi qui appliquait une situation spéciale : pas que sur le condamné mais sur toute sa famille.

-Et la loi d'Amnistie veut mettre fin à ça ?

-Voilà. Tous les régimes spéciaux qui sont appliqués assez injustement. Et la libération d'Azkaban pour certains délits ou crimes « mineurs ». Evidemment, ce sera du cas par cas. Mais je pense que dans la majorité des cas, les enfants devraient être libéré de ça.

-Et les grands criminels ? Les Mangemorts et tout ?

Le regard de Molly se durcit.

-Encore une fois, ce sera du cas par cas. Drago Malefoy était Mangemort et était coupable de tentative de meurtre et usages des Sortilèges Impardonnables. Il a bien réussi à s'en sortir avec deux ans seulement à Azkaban. Il s'est avéré que ses convictions se sont volatilisées au fil du temps, ou pour le moins atténuées. Par contre pour des Mangemorts convaincus jusqu'à la moelle et irrattrapable ... Ne t'en fais pas, des gens comme Roockwood resteront bien au chaud en prison.

Lucy hocha la tête en signe d'approbation. C'était une bonne nouvelle que tous les assassins de la trempe de celui qui avait tué leur oncle reste derrière les barreaux. Mais un de ses neveu était à Poudlard, réalisa Lucy, soufflée. Dans l'équipe de Quidditch de Serdaigle ... Elle se souvenait parfaitement avoir étouffé un cri d'horreur lorsqu'elle avait entendu Campbell prononcé son nom lors de sa Répartition et l'avoir lorgné méchamment tout le long de la soirée. A présent, son propre comportement la dégoûtait. Pour l'instant, Lucy n'avait aucune objection à cette loi : le traitement réservé aux familles des Mangemorts ou partisans était révoltant, il fallait y mettre fin.

-Ça ne me semble pas infondé, alors pourquoi elle est si mystérieuse ?

-Notamment parce que beaucoup de gens s'y opposent. Pour des raisons économiques : beaucoup sont très contents que les fortunes des Malefoy et des Zabini soient contrôlées, ça leur laisse le champ libre. Et puis pour des raisons de mémoire aussi : même s'il n'est pas responsable directement, qu'est-ce que ça ferait de voir sortir de prison quelqu'un qui a permis qu'on tue toute ta famille ?

-Pas plaisir, admit Lucy. Mais s'il a été torturé, comment le condamner ?

-Si la personne qui a perdu sa famille a elle aussi été torturée mais qu'elle a résisté, comment penses-tu qu'elle réagirait à cette excuse ? Et oui, ajouta-t-elle avec complaisance en avisant la mine perplexe de Lucy. Ces questions sont très complexes et ça explique qu'ils y aient tant de gens opposés à cette loi.

-Dont des Associations ?

-Beaucoup d'Associations d'anciennes victimes, oui. Et d'après les Aurors – et Victoire – ce serait l'une d'entre elle qui aurait attaqué le Magenmagot. Une sorte de mise en garde pour ceux qui approuvent cette loi et qui la porte.

-En l'occurrence ?

Molly jeta un regard méfiant autour d'elle, et interrogateur sur sa sœur, comme si elle se demandait ce qu'elle pouvait lui révéler.

-Maman, déjà. C'est elle qui a proposé la loi, elle l'a rédigé et la défend au Magenmagot ... Et tu as dû entendre parler de Ernie Macmillan, il a beaucoup travaillé avec elle et a écrit quelques amendements. Et il y a quelques semaines, oncle Harry a avoué être favorable à cette loi, un symbole fort, mais sa popularité a pris un sacré coup après.

Lucy fit tous les efforts du monde pour rester impassible devant cette annonce – et constata avec fierté qu'elle y était arrivée. Harry s'était prononcé en faveur de cette loi ... S'il l'avait fait avant les vacances de Pâques, alors cela pouvait expliquer pourquoi James avait été agressé. Le suspect avait été déçu de la réaction du héros, et l'avait puni en le privant de son fils. Tout se tenait logiquement.

Alexandre Wallace était l'objet de cette loi, fils d'une Partisante. Lionel était l'enfant d'une traitresse et collaboratrice. Le père de Maeve avait écrit et soutenait cette loi. Et Harry, le héros de guerre, avait dû outrageusement décevoir tous ses détracteurs en l'approuvant, scellant le destin de James.

Elle s'était expliqué toutes les agressions.

Malgré tout, elle sentit une douleur sourde au creux de son estomac, comme une peur refoulée qui se manifestait. James avait été agressé. Maeve Macmillan s'en était sortie de justesse. Combien de temps avant que ce fanatique ne jette son dévolu sur elle, la fille de celle qui portait cette loi ? Elle réprima son angoisse qui montait en elle et s'efforça de sourire à sa sœur.

-C'est cool qu'oncle Harry la protège. Et qu'en dit papa ?

-Il n'a pas trop le droit de s'exprimer, comme c'est sa femme qui la défend, mais tout le monde sait qu'il est d'accord.

-Pour une fois qu'il fait quelque chose de bien ...

Le regard de Molly se durcit une nouvelle fois.

-Fais attention à ce que tu dis, Lucy. Certain commencent à dire que cette loi arrange bien papa : si oncle Harry ne l'avait pas défendu avec l'aide de maman, papa aurait peut-être fait partie de ces fonctionnaires silencieux qui ne disaient ni ne faisaient rien, mais avaient conscience de chaque détail. Il aurait pu aller quelques mois à Azkaban, s'il n'avait pas fait la Bataille de Poudlard. Et l'article de La Gazette s'est bien chargé de le rappeler ...

Ce petit rappel glaça Lucy. Elle refusait d'admettre qu'on ait pu en vouloir à son père pour ses erreurs de jeunesses et qu'ils puissent ressortir maintenant, alors qu'il était devenu un autre homme, la peinait énormément. Et cela faisait écho à cette angoisse qu'elle portait à présent en elle : fille de cet homme contesté, elle était une cible parfaite à Poudlard.

Et pour arranger le tout, elle était préfète de Serpentard. La Maison Noire de la guerre.

Molly finit par soupirer profondément.

-C'est tout ce que je peux te dire sur cette loi. Et pourquoi certain s'en sont pris à maman à cause d'elle. Maintenant, tiens ta promesse – et ta langue par la même occasion.

-D'accord...

Molly eut un sourire satisfait et acheva son verre. Lucy serra le sien entre ses doigts pour les éviter de trembler. Les révélations de sa sœur et les peurs que cela provoquait en elle. Et quelles conséquences cela aurait-il pour Molly ? Ces fous seraient-ils capables de lui faire du mal pour faire plier Audrey ? L'idée lui donnait la nausée. La jeune femme parut percevoir le changement d'humeur de sa sœur, car elle fronça les sourcils et posa une main sur son bras.

-Lucy ? Ça va ?

-Oui, je crois.

-Tu es sûre ? On dirait que ...

-Mollyly !

Molly retira sa main du bras de Lucy et les deux sœurs levèrent les yeux vers l'entrée du pub. Lorcan et Dominique venaient de passer la porte, main dans la main. Le jumeau de Lysander abordait un immense sourire en s'avançant vers leur table.

-Bien, lâcha Lucy, refroidie par l'arrivée de sa cousine. Je crois que ... je vais te laisser.

-Pas question, refusa Molly avec sècheresse. Je n'affronte pas Lorcan seule, et toi, tu vas parler avec Dominique.

-Parler avec Dominique ? s'indigna Lucy. Après ce qu'elle m'a fait ?

-Lucy, c'est parce que des gens sont incapables de pardonner qu'on est dans une situation pareille. Alors soit plus intelligente qu'eux.

La réplique fit l'effet d'une gifle à Lucy et elle fixa sa sœur, désappointé. Molly lui jeta un regard pénétrant avant de se tourner vers le couple, un sourire étrange aux lèvres, à la fois avenant et de prévention.

-Lorcan. Tu ne nous avais pas dit que tu venais ... accompagné.

-Depuis quand ma présence te gène ? rétorqua vertement Dominique, faisant grincer les dents de Lucy.

Avant que l'une des deux sœurs Weasley ne réplique, Lorcan lança un regard si féroce à sa petite-amie que celle-ci se rétracta sur elle-même. Lucy dévisagea son lointain cousin, choquée. Elle ne pensait pas un Dragonneau capable d'une telle intensité.

-En réalité, entonna Lorcan. Dominique a quelque chose à dire à Lucy. Vas-y, trésor.

Dominique eut une moue boudeuse pour son petit-ami, mais le regard résolu de celui-ci ne faiblit pas. Alors elle soupira et passa une main dans ses courts cheveux roux. Ses cheveux bouclaient en piques désordonnés, sa peau était translucide et des cernes entourés ses yeux. De toute évidence, elle avait oublié de se maquiller, et comment utiliser son pouvoir de Vélane qui la rendait si fascinante.

-Bien. Euh... (elle se tortilla les mains en lançant des regards de biais à Lucy). Je suis désolée pour ces dernières semaines. C'est vrai que j'ai réfléchi à ta culpabilité et il se pourrait même que je l'aie défendu ... Mais plus par dépit que par conviction. Je voulais un coupable et tu avais l'étiquette idéale.

-Alors inutile de chercher plus loin, cingla Lucy avec froideur.

Molly lui donna un coup de pied sous la table et Lorcan lui jeta un regard désapprobateur. Dominique soupira et se tourna vers lui en désignant Lucy.

-Tu vois ? Tu vois pourquoi je t'ai dit que ça ne servait à rien d'aller la voir ? Elle ne m'écoutera pas !

-Mais si elle t'écoute, s'agaça Lorcan en levant les yeux au ciel.

-Et quand bien même ce n'était pas le cas, je la forcerais, assura Molly avec un regard d'avertissement pour sa sœur.

Devant une telle levée de bouclier, Lucy ne put qu'abdiquer en levant les mains en signe de reddition. Dominique eut l'air dubitative mais poursuivit malgré tout.

-Je ne voulais pas que tu sois coupable, Lucy. Mais je ne voyais que toi. Et plus j'en entendais parler, plus je ne voyais que ça. Mais pendant les vacances, j'ai réfléchi : grâce à mon père, à Victoire, notamment, et Lorcan, et j'ai compris que ... j'avais eu tort. Qu'il y avait des incohérences et que ... J'aurais dû protéger ma famille plutôt que de la condamner. Pardon.

Lucy dévisagea le visage fatigué de sa cousine. Elle paraissait sincèrement contrite ; mais alors pourquoi Lorcan avait-il dû la pousser jusqu'à elle ? Paraissait-elle si bornée, si sourde que Dominique pouvait le penser ? Une fille rancunière au point de refuser tout dialogue ? L'image d'elle que lui renvoyait sa cousine lui faisait l'effet d'un poignard glacé dans les entrailles. Et le regard lourd de sous-entendu que Molly lui lançait acheva de la convaincre :

-Je suis désolée d'avoir été bornée, s'excusa-t-elle à son tour, prenant sur elle. Ça m'avait fait vraiment mal d'être jugé par ma famille et je t'en tenais pour principale responsable ...

-J'avais deviné, fit Dominique avec un petit rire gêné. Et je suis désolée.

Lucy hocha la tête et sa cousine se détendit. Lorcan et Molly aussi. Le couple s'éloigna pour aller chercher leurs boissons et l'ancienne Serdaigle tapota la main de sa sœur avec approbation. Lucy eut un mince sourire. Elle ne savait pas si elle pardonnait réellement à Dominique. Il lui faudrait plus de temps que ça. Mais au nom de la famille, elle pourrait faire un effort pour que les choses se passent au moins cordialement. C'était ce qu'elle avait oublié de faire ces dernières semaines, en se disputant avec Rose, notamment. Lorcan revient avec Dominique et deux bièraubeurres et se planta face à Molly, un immense sourire aux lèvres.

-Bon, maintenant que tout cela est réglé, passons aux choses plus sérieuses. Ta sœur t'a dit pour elle et Adam Scampers, Mollyly ?

***

Lucy passa près d'une heure à raconter sa relation naissance avec Adam, devant un Lorcan intenable et une Dominique désireuse de donner des conseils (« Ne le laisse jamais te prendre pour acquise, Lucy, lui avait-t-elle dit avec sérieux. Sinon il cessera de faire des efforts et de te considérer comme quelque chose de rare et précieux : tu ne seras qu'à lui. Et c'est tout »). Molly avait été à la fois ravie et amusée de la nouvelle et promit de la taire à ses parents et au reste de la famille. Elle fit également jurer à Lucy de lui présenter Adam plus amplement la prochaine fois qu'elle en aurait l'occasion et chargea Lorcan de lui transmettre un avertissement (dans les souvenirs de Lucy, trop occupée à rire pour entendre réellement, Lorcan devait jeter sur lui des Crabes de Feu et tout une cage de Lutin de Cornouaille si Adam osait faire du mal à sa sœur). Quand elle reprit le chemin de l'école, son cœur était plus apaisé. Elle avait réussi à coincer Rose près de la Cabane Hurlante et les deux jeunes filles s'étaient expliquées et étreint avant de repartir ensemble vers le château. Rose avait alors meilleure mine et ne cessait de babiller :

-Et j'ai eu une super note à mon devoir de Métamorphose – mais Greengrass a réussi à glisser que j'avais encore du chemin avant d'atteindre ton niveau (Rose donna un coup de coude à sa cousine). Je crois que c'est toi qu'elle préfère !

-C'est une évidence, plaisanta Lucy en passant la porte du château.

-C'est vraiment cool que Dom soit venu te parler, ajouta Rose avec un menu sourire. Le climat devenait trop pesant dans la famille ...

-Encore désolée, Rosie ...

Rose haussa les épaules en souriant, l'air de balayer les excuses de sa cousine.

-Non, ne t'en fais, je n'ai pas été très sympa non plus. J'aurais dû prendre ta défense, ce soir-là. Mais bon, n'en parlons plus, c'est fini.

Mais une petite ombre de tristesse traversa le visage de Rose. Lucy eut un sourire chagriné et frictionna le dos de sa cousine en entrant dans la Grande Salle. Presque aussitôt, une petite silhouette toujours vêtue de rouge se précipita vers elle et se pendit à son cou.

-Lily ! s'écria Lucy, manquant de vaciller sous le choc.

-J'ai été prise Lucy, j'ai été prise, je suis Attrapeuse !

Lily lâcha Lucy et se fit à sautiller frénétiquement devant elle, un immense sourire illuminant son visage. Quand elle avisa Rose aux cotés de sa cousine, ce sourire s'agrandit et ses yeux pétillèrent.

-Et vous vous êtes réconciliées ! Ça alors, quelle journée !

-On est fière de toi, Lily, fit Rose en ébouriffant les cheveux de la benjamine.

-Et on n'est pas les seules, sourit Lucy d'un air entendu.

Lily le lui rendit, avant de lui tendre son balai d'un air ravi. Bien qu'elle semblât euphorique, il restait une parcelle d'ombre lointaine dans son regard qui prouvait que, malgré son succès, elle ne cessait de penser à son frère.

-C'était de loin la meilleure en vol, intervint Lizzie Dubois, qui mangeait non loin avec Teresa Parker, Catherine Jones et le batteur de l'Equipe, Wayne. Merci du tuyau Weasley.

-Pas contre on ne te remercie pas pour le gamin, grommela Wayne en lorgnant l'autre côté de la table. Une vraie plaie, celui-là.

-Moi, une plaie ?

Lucy avisa alors Will, assis au milieu des Gryffondors entre Adam et Hope Douzebranche-Shelton, qui fusillait le Batteur du regard.

-Si on t'écoutait toi on prenait ... (il pointa un garçon blond-roux devant lui). Comment Weasley t'appelle déjà, Zeph ? J'aime bien.

-Le Farfadet, glissa Lily avec un sourire amusé.

-Voilà ! Le farfadet ! Et bien si tu prends le Farfadet, je lui casse son balai au bout de trente secondes de jeu et Serpentard gagne la coupe.

-On ne dit pas qu'il a été de mauvais conseil, souffla Lizzie à Lucy sur le ton de la confidence. Juste qu'il est assez agité et que du courage de le supporter (elle lui donna un coup de coude agrémenté d'un clin d'œil). Et ton copain a fait du super boulot en tant que co-capitaine.

Lucy sourit à la Poursuiveuse de Gryffondor, qui s'en retourna avec ses amis. Rose s'était assise à côté du « Farfadet », dont les traits du visage disaient vaguement quelque chose à Lucy et qui subissait toujours les moqueries de Will.

-Et franchement le mieux c'est quand t'as confondu le Vif d'or avec la bague que Roxanne avait laissé tomber. Le pire dans tout ça c'est que tu n'as pas réussi à l'attraper.

-La ferme, McColley, le tacla le garçon alors que Hope s'esclaffait. Et je suis content que vous ayez pris la petite Potter, elle va te ramener sur terre à ton prochain match.

-Pour une fois je suis d'accord avec Finnigan, approuva Adam avec un regard emplit de fierté sur Lily.

La benjamine rougit de plaisir, et Lucy dressa un sourcil à l'adresse du garçon aux cheveux blonds roux.

-Finnigan ? Comme Shannon ?

-Ma grande sœur, précisa Zephan avec un signe de tête vers la table des Poufsouffle, où Shannon venait de se lever. Oh et mon cousin aussi, ajouta-t-il en pointant un garçon quelques mètres plus loin chez les Poufsouffle, aux cheveux noirs et au sourire enjoué. Il vole tellement bien ! Arwen aussi mais elle n'a aucune coordination. Mais William, il est vraiment bon !

-Bones, songea Will d'un air sérieux en fixant le Poufsouffle de première année. Intéressant, je n'y avais pas pensé. Enfin, c'est normal s'il est bon, il s'appelle William : c'est un nom de conquérant ! Par contre je ne vois absolument pas quel poste il pourrait avoir ...

-Lui non plus, il hésite encore. En tout cas il refuse d'être Gardien comme ma tante

Lucy aurait voulu s'intéresser plus à la conversation – toute information sur une potentielle future adversaire au Quidditch était bonne à prendre – mais son regard fut capté par une fille qui remontait l'allée depuis la table des Serdaigle. Une fille au regard de glace et au visage de marbre. Lily se figea à côté d'elle et elle sentit plus qu'elle ne vit le regard meurtrier d'Adam. Zephan attendit qu'elle soit sortie pour parler :

-Ma cousine, elle. Je sais qu'on ne dirait pas – qui pourrait croire que je suis le cousin de ce fantôme ?

-Dis-moi que tu t'es occupé d'elle à la Weasley, chuchota Lily à Lucy.

Le regard qu'Adam portait sur sa petite-amie disait exactement la même chose. Elle secoua discrètement la tête et promena ses yeux sur la table des Gryffondor. Un peu plus loin, Gethin Scampers fixait lui-aussi la porte de la Grande Salle avec appréhension, comme si Laureen pouvait revenir soudainement le persécuter. Lucy sentit la résolution monter en elle et se força à sourire à Lily.

-Je suis fière de toi. Et merci de nous offrir une finale digne de ce nom.

-Je bois à ça ! s'exclama Will en levant un verre pour trinquer.

-McColley, c'est mon jus de citrouille ! protesta Zephan Finnigan.

-Bah va-t'en attraper un autre, Finnigan, ce n'est pas moi qui vais t'apprendre à piller les cuisines !

Lucy profita de la joute verbale entre Will et Zephan pour s'éclipser et remonter la longue allée entre les tables de Serdaigle et Gryffondor, son balai dans une main et sa baguette dans l'autre. Laureen venait justement de tourner à l'escalier et Lucy la suivit. S'il fallait qu'elle assomme la préfète à coup de balai pour qu'elle arrête de harceler Gethin, elle le ferait. Elle suivit Laureen dans un long couloir, prudente, se dissimulant derrière les statues. Au moment où elle vit qu'elles étaient seules dans le couloir, elle se prépara à l'apostropher mais le cri de surprise de la préfète la pris de court. Lucy se pencha prudemment de derrière sa cachette pour voir Laureen, face contre terre, ses cheveux blonds épars sur le sol. Et étrangement, elle éclata de rire.

-Maléfice de Jambencoton ? C'est tout ce que tu as trouvé Weasley ?

-Je suis sûre que Lucy aurait trouvé quelque chose de plus subtile – mais aussi de plus douloureux.

A la plus grande stupéfaction de Lucy, Shannon Finnigan sortit de l'ombre d'une statue, sa baguette tendue sur Laureen, le visage impassible. La Serdaigle leva ses yeux froids sur sa cousine.

-Je vois. Alors je dois m'estimer heureuse de tomber sur toi la première, Shanny ?

-En effet, approuva-t-elle avec un sourire crispé.

Un tel sourire sur le visage de Shannon donnait froid dans le dos de Lucy. Il y avait quelque chose de pas naturel, dans ce sourire, et dans la flamme qui animait les yeux de la Poufsouffle. Un instant, elle ressemblait tant à Laureen que cela en devenait effrayant. Elle fit un signe de la baguette sans un mot et sa cousine retrouva l'usage de ses jambes.

-C'est le seul moyen que tu as trouvé me dire bonjour ? cingla-t-elle en se relevant dignement.

-Je crois qu'elle en a assez que tu harcèles le petit Scampers, ajouta Shannon comme si elle n'avait rien entendu. Et oui, sourit-elle en remarquant le froncement de sourcil de la préfète. Tu te souviens avant les vacances, devant la Salle des Trophées ? Tu as reçu un vilain sortilège qui m'a obligé à aller à l'infirmerie ...

-C'était toi, comprit Laureen, la voix empreinte d'une colère froide. Je me disais bien qu'un gamin de cet âge ne devait pas connaître un sortilège d'une telle puissance ...

-Les risques, quand on harcèle quelqu'un, c'est effectivement de se prendre un sortilège perdu, répliqua Shannon d'une voix dure. A quoi tu joues, Laureen ? Tu n'as rien contre les né-moldus et je le sais alors pourquoi tu t'acharnes contre Gethin Scampers ?

Lucy n'en revenait pas de ce qu'elle voyait. La frêle et petite Shannon semblait avoir grandi de plusieurs centimètres et ses yeux brillaient d'une lueur dangereuse. Lucy se promit à cet instant de ne jamais se tenir à la pointe de la baguette de Shannon.

-En quoi ça te concerne ? rétorqua Laureen avec un haussement d'épaule. Retourne avec ta nouvelle amie, elle te le dira bien.

-J'avais déjà des soupçons, avoua Shannon d'une voix beaucoup plus douce. Laureen ... ne me dis pas que tu as quelque chose à voir avec tout ce qui se passe ? Ton père ...

-Ne me parle pas de ça !

La voix de Laureen était partie dans les aigus et avait quelque chose de glaçant qui figea le sang dans les veines de Lucy. D'un geste vif, elle sortit sa baguette, les yeux brillants comme possédés. Lucy fut surprise de ne pas voir Shannon reculer tant le regard qu'elle lui lançait était féroce – presque meurtrier. D'instinct, Lucy serra sa baguette entre ses doigts, prête à intervenir.

-Ne parle pas de lui, siffla Laureen en déchant chaque syllabe. Ce n'est pas moi qui l'aie abandonné, c'est vous, c'est ta mère, toi.

-Tu confonds tout, souffla Shannon en baissant sa baguette. Tu as toujours tout confondu. Ce sont les Détraqueurs qui ont rendu ton père malade, Laureen, il n'y a qu'eux à blâmer...

-Je t'ai demandé d'arrêter !

Un éclair rouge sorti de la baguette de Laureen. Lucy se redressa, prête à intervenir, mais avant qu'elle n'ait pu faire un pas, Shannon déploya un bouclier sans broncher et le sort alla se perdre dans les murs du château. Laureen n'avait toujours pas baissé la baguette.

-Je t'ai dit d'arrêter, répéta-t-elle avec rage. Tu sais ce que je suis capable de faire pour que tu arrêtes.

Shannon ricana un instant.

-Le temps où tu mettais le feu à mes peluches pour m'effrayer, c'est fini Laureen. J'ai grandi. Je n'ai plus peur de toi. Enflammer mes jouets ne servira à rien.

-Et si j'enflamme Zephan, tu crois que ça servira à quelque chose ?

Lucy ne comprit pas de tout de suite ce qui se passait. Ce qu'elle vit et entendit, ce fut un gros « BANG », et la silhouette de Laureen Bones faire un vol plané avant de s'écraser face contre terre. A l'autre bout du couloir, Shannon avait sa baguette tendue, le visage crispé par la colère. Laureen se releva, le nez en sang après avoir atterrit brutalement sur les dalles. Avant que Lucy n'ait pu réagir, elle hurla, brandit sa baguette et se jeta sur Shannon.

Mais celle-ci réagit bien plus vite et bien mieux que Lucy ne saurait jamais le faire.

Elle parait chaque sortilège de Laureen avec instinct, sans jamais ouvrir la bouche quand sa cousine hurlait ses formules, comme si ça pouvait leur donner plus de force. Leurs baguettes virevoltaient, les étincelles jaillissaient des deux côtés, se lançant dans un ballet hypnotique et destructeur. La première intention de Lucy fut d'aller prêter main forte à Shannon, avant qu'elle ne se rendre compte qu'elle n'en avait pas besoin : elle avait clairement pris le dessus sur sa cousine de deux ans son aînée. Pourtant Lucy ne put s'empêcher de trembler quand elle entendit Laureen hurler :

-Endoloris !

Lucy posa les yeux sur Shannon, horrifiée, s'attendant à la voir se tordre de douleur, mais à son grand désarroi, un simple bouclier de la part de la jeune fille avait réussi à lui éviter cette peine. Avant que Laureen n'ait pu ouvrir la bouche, un éclair rouge jaillit de la baguette de Shannon et percuta celle de la Serdaigle. Sa baguette lui sauta des mains pour atterrir dans celles de la Poufsouffle. Folle de rage, Laureen se jeta sur elle mais un dernier sort de Shannon scella sa défaite quand elle se retrouve face contre terre, emmaillotée dans ce qui semblait être un sortilège du saucisson.

-Tu es stupide, haleta Shannon en la contemplant. Un Sortilège Impardonnable ... Tu crois vraiment avoir la puissance magique et la lucidité nécessaire pour ne serait-ce parvenir à me faire saigner du nez ?

Le regard de Laureen était bien plus meurtrier que celui du basilic. Pourtant, Shannon le soutint sans broncher. Après avoir repris son souffle, elle laissa tomber la baguette de sa cousine à quelques centimètres d'elle.

-Je te l'ai dit, Laureen, j'ai grandi. Je ne suis plus la gamine apeurée que tu avais sous ton contrôle. Maintenant c'est toi qui es sous le mien, et je promets que si tu touches un cheveu de Zeph, de William, Arwen ou de Gethin Scampers, je te le ferais payer, promit Shannon avec une détermination glaçante. Maintenant toi aussi tu sais ce que je suis capable de faire pour que tu arrêtes.

Là-dessus, Shannon s'enfonça dans le couloir sans adresser le moindre regard à la cousine qu'elle venait de vaincre. Lucy attendit quelques instants, glacée jusqu'à la moelle, et eut le temps de voir le sortilège d'interrompre, sans doute rompu par Shannon, et Laureen ramasser sa baguette et s'enfuir du corridor.

La préfète de Serpentard finit par émerger et à sortir de sa cachette. La nuit était tombée sur Poudlard et le couvre-feu n'allait pas tarder à sonner. Lucy s'enfonça dans les entrailles du château en songeant à ce qu'il s'était passé. Elle n'avait pas bien compris la haine qui animait visiblement Laureen Bones et qu'elle déversait tout entière sur sa cousine depuis longtemps. Ce qu'elle avait compris, en revanche, c'est qu'elle avait hautement sous-estimé Shannon. Si la Poufsouffle n'avait pas été surprise quand Adam et Lucy avaient sous-entendu que Laureen pouvait avoir un lien avec cette histoire, c'était qu'elle le soupçonnait déjà. Elle aussi avait protégé Gethin Scampers de sa cousine. Et elle avait conscience de ce que bon nombre ignorait ou semblait ne pas voir : Laureen était complètement déséquilibrée et rongée par la haine.

Mais elle avait également sous-estimé les capacités magiques de Shannon. Non seulement en potion, mais en général. La façon dont elle s'était battue, maitrisant les sortilèges informulés et sorts parfois de niveau d'Aspics était tout bonnement impressionnant, le tout sans perdre son sang-froid. Lucy sentit un frisson la parcourir quand elle songea au combat.

Telle qu'elle lui était apparue dans ce couloir, Shannon Finnigan était la sorcière la plus effrayante qu'elle n'avait jamais vu. 

***

J'entends déjà ceux et celles qui vont dire "Mais un sort impardonable tu ne peux pas le parer !" 

C'est vrai. Si le sort est correctement jeté, mais ce n'est pas le cas de Laureen. Quand Maugrey fait son cours dans HP4 il dit bien qu'il faut de la puissance et qu'en essayant pour la première fois, ils n'arriverait même pas à le faire saigner du nez. Là, Laureen essaie pour la première fois, sous le coup de la colère : elle n'a pas la puissance nécessaire pour inquiéter Shannon ! 

Voilà pour les explications ! A plus tard ! 

Juste un petit sondage que je dois faire depuis une éternité : qui ici lit pour la première fois? Je suis un peu perdue ! 

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