Chapitre 37 : Croeso i Gymru
OK, il est très long mais je ne le couperais pas parce que je l'aime beaucoup dans cette forme, ce chapitre.
Pour ceux qui ont une bonne mémoire, je suis nordiste, et c'est peut-être pour ça que je me sens proche du Pays de Galles : pour le côté minier. Alors c'est avec plaisir qu'une fille du Nord que je suis vous parle de la mine à travers ce chapitre !
De plus, dans ce chapitre je vais utiliser pas mal de référence à un film que J'ADORE. C'est Pride et ça raconte comment un groupe de gays et lesbienne sont venus en aide aux mineurs pendant la grève de 1984-1985. C'est frai, drôle, touchant : Allez le regarder ! Franchement je le recommande mille fois !
Du coup, la chanson de la fin est issue du film. Je vous mettrais le lien en commentaire, je vous conseille fortement de la mettre en même temps !
Bonne lecture !
PS : Le titre se traduit par "bienvenu au Pays de Galles"
***
Chapitre 37 : Croeso i Gymru.
-Qu'est-ce qu'il m'a pris d'accepter ? grommela Lucy en agrippant la valise que Henry lui tendait.
-T'avais pas le choix, Capitaine, sourit son Gardien avec tranquillité. Allez, ce ne sera pas si terrible.
-Bien sûr que non, ricana Luke, qui les attendait à la porte du compartiment. Elle veut nous faire croire que c'est une torture. Je vais croire que ta cousine a raison, Weasley. Tu es contrariante.
Lucy lui jeta un regard noir et passa devant lui pour aller dans le couloir, l'air digne. Elle avait passé le voyage du Poudlard Express avec Luke et Henry, avec les interventions parfois de Will McColley, qui semblait s'ennuyer avec ses amis de quatrième année, et d'Alexandra et Dorothy, qui tournaient entre eux et un groupe de fille de Gryffondor avec lesquelles elles s'entendaient bien. Elle n'était pas sortie du couloir, de peur de croiser les regards accusateurs de ses camarades, mais le train venait de s'arrêter à la gare. Il était un peu plus de dix-huit heures. Et elle était en route pour le Pays de Galles.
Elle avait fini par céder à Adam Scampers et il avait accueilli la nouvelle avec un grand sourire. Tous les autres s'étaient retrouvés soulagé par la décision de Lucy, et Gethin avait sauté de joie en annonçant qu'il pourrait enfin lui montrer que le foot n'était pas si mal. Elle avait annoncé cela à ses parents par lettre et ils n'y avaient émis aucune objection. De toute manière, ils n'auraient pas pu s'occuper d'elle. Tout le monde était satisfait. Pourtant, la boule d'appréhension dans le ventre de Lucy s'épaississait à mesure qu'elle avançait vers la sortie du Poudlard Express.
Les trois Serpentard se frayèrent un chemin dans les couloirs bondés, la cage de la chouette de Luke tintant à derrière eux. Ils attinrent enfin le quai et sautèrent dessus, soulagé d'avoir quitté la foule. Lucy balaya les parents du regard, et repéra celle qu'elle cherchait, déjà entourée de l'équipe de Quidditch. Entrainant Luke et Henry dans son sillage, elle se précipita vers la jeune femme, un grand sourire aux lèvres.
-Daphnéa !
La journaliste se retourna vers elle et lui sourit avant de l'étreindre. Puis elle la prit à bout de bras, la mine sérieuse.
-Will m'a raconté ce qui se passe. Les gens sont des imbéciles. (Puis elle lui donna une tape sèche derrière la tête). Et toi aussi !
-Aïe ! (Lucy jeta un regard mauvais à Will, qui se cachait derrière Eléonore et Montague). Traitre.
-Attends que ta sœur sache que tu t'es battue avec un dragon, maugréa Daphnéa en secouant la tête. Comme si elle n'était pas assez inquiète... Je te jure avant qu'elle ne parte en France j'ai cru qu'elle allait faire une crise cardiaque !
Lucy eut un sourire désabusé. Même sa sœur d'inquiétait pour elle et ça déteignait sur Daphnéa. Le ciel lui tombait sur la tête.
-Et ça se passe bien entre vous ?
-Oh, oui, répondit distraitement Daphnéa. Très bien. On ne le dit pas encore aux parents, on attend de voir comment ça se passe, mais pour l'instant ça se passe très bien. J'ai dû me présenter comme une amie pour aller chercher tes affaires. J'y suis allée tard mais manque de bol, ton père mangeait avec tes oncles ...
-Quels oncles ?
-Euh. Un roux.
-C'est très précis, Daphnéa, s'esclaffa Lucy, car tous ses oncles sauf Harry l'étaient.
-Des tâches de rousseurs ? tenta l'ancienne Capitaine.
-Laisse tomber.
Daphnéa haussa les épaules et tendit un sac à Lucy. Will l'avait prévenu que sa sœur venait le chercher à la gare, Lucy en avait donc profiter pour demander à sa future-belle-sœur d'aller lui chercher des affaires moldues.
-Je t'ai rajouté deux-trois trucs d'important pour se fondre dans le paysage moldu, lui apprit-t-elle avec un clin d'œil. Pas question qu'une sorcière se fasse remarquer.
-Je vais dans le fin-fond du Pays de Galles. Je ne vois pas comment je pourrais me faire remarquer.
-On ne sait jamais. Ah, hyper important !
Daphnéa lui tendit une boite de carton que Lucy ouvrit. Il contenait des masques bleus et quand la jeune fille releva la tête, elle remarqua que certains parents en portaient en effet sur le nez.
-Ah. Le fameux virus ? devina-t-elle avec une grimace.
-Covid19, de son doux prénom, confirma Daphnéa avant de montrer son propre masque accroché à son poignet. Les sorciers ne l'attrapent pas mais le masque est obligatoire dans les transports alors tu seras obligée d'en mettre un. Tiens, ce n'est pas lui là-bas ? Je reconnais le gosse.
La réserve dans la voix de Daphnéa était palpable et le cœur de Lucy manqua un battement. Elle non plus ne devait pas comprendre grand-chose à ce qu'il s'était passé quand ils avaient découvert Maeve. Elle tourna la tête et vit effectivement Gethin Scampers, sa valise disproportionnée trainant derrière lui, rejoindre Adam qui parlait avec Daniel.
-Si, c'est eux.
-J'ai toujours trouvé Adam mignon, commenta Daphnéa avec un sourire carnassier.
Lucy lui jeta un regard torve, les mains crispées sur sa valise. Toute son équipe de Quidditch et Luke avait un sourire entendu, sauf Montague, toujours impassible. Lucy trémoussa, mal à l'aise. Elle avait à peine reparlé à son coéquipier depuis leur dispute dans le Hall.
-Perso je ne vais pas tarder, fit alors Henry en empoignant sa valise. Mes parents m'attendent de l'autre côté de la barrière. Avec ma tante Virginia.
-Celle qui te croit gay ? s'enquit Luke avec un sourire tordu.
-Elle-même.
-Je vais y aller aussi, annonça Montague en lorgnant un point au-dessus de l'épaule de Lucy. Et Luke et Norie aussi.
La jeune fille se retourna et vit au loin les parents de Montague et un de ses frères – lequel des deux, elle était incapable de dire. Montague avait deux grands frères jumeaux, dont l'un avant été joueur de Quidditch sous Milo O'Neil – et ne l'aurait pas supporté. A leur coté se tenait dans toute sa froideur Blaise Zabini. Luke rentra immédiatement les épaules, le visage figé et Lucy et Henry vrillèrent sur lui un regard inquiet.
-Parfait, grommela-t-il. Weasley, c'est ici que nous nous quittons.
-Prends soin de toi ma belle, fit Eléonore en la prenant dans ses bras.
Lucy étreignit son amie, le cœur battant. Luke lui tapota la tête avec condescendance, un petit sourire aux lèvres et la préfète poussa le vice à déposer un baiser sur sa joue. Elle salua également Henry avant de se retrouver face à Montague. Les yeux clairs du Poursuiveurs la dévisagèrent un instant, puis il soupira profondément :
-Bonne chance chez Scampers.
Lucy eut un petit sourire. Il ne semblait pas agacé outre-mesure ; sans doute sa colère du Hall s'était-elle apaisée. Et elle savait ne pouvoir espérer rien de mieux de lui.
-Merci Montague.
Eléonore sourit devant leur échange si cordial, et prit le bras de Lucy vivement, les yeux pétillants :
-Bon, Lucy ... s'il se passe la moindre chose, s'il te maltraite ...
-Qu'il essaie de te blesser en vue du prochain de match de Quidditch ..., grommela Montague.
-Ou qu'il essaie de te faire jouer à ce sport moldu, là ..., ajouta Luke. Comment ça s'appelle déjà ?
-Loutreball ? Je sais plus ...
-Football, bande d'inculte ! intervint Will, l'air indigné. Et c'est un sport tout à fait noble !
-McColley ... tais-toi.
-Bref, intervint Eléonore en lançant un regard perplexe à Will. Toujours est-il que s'il arrive quoique soit, on sera ravi de ... jeter Scampers dans le Lac Noir.
Lucy éclata de rire et remercia ses amis avec chaleur. Ils sourirent – plus ou moins – et s'en retournèrent vers leurs parents, laissant la jeune fille avec le frère et la sœur McColley. Daphnéa les regarda s'éloigner, secouant la tête avec réprobation. Elle n'avait pas pu s'empêcher de donner un coup de poing dans le bras de Montague quand celui-ci s'en était allé. Sans doute n'avait-elle pas apprécié sa remarque sur le foot. Will et elle échangèrent un regard avant de se tourner vers Lucy.
-Comment tu vas au Pays de Galles ? Ses parents viennent jusque là ?
-Non, on doit d'abord aller à Cardiff, et du coup on prend euh ... le TVG ?
-TGV, rectifia Will avec un ricanement. C'est un train très rapide, Capitaine.
-Et ce que j'ai mis dans ton sac devrait t'aider à ne pas t'ennuyer pendant le voyage.
Lucy regarda ledit sac d'un air inquiet, comme s'il contenait un lutin de feu qui saccagera le fameux TGV. Elle balaya une dernière fois la gare du regard. De tous les Weasley, seul Teddy était venu chercher Albus et Lily, ainsi que Hugo et Rose. Dominique avait son permis de transplanage et déposait Roxanne au Chemin de Traverse avant de retourner à la Chaumière aux Coquillages avec Louis. Et elle partait pour le Pays de Galles. Daphnéa et Will la saluèrent et s'en retournèrent à la barrière après lui avoir souhaité bonne chance. Lucy les regarda disparaître, le cœur gros. Elle aurait aimé passer ses vacances chez les McColley. Elle aimait beaucoup Will, et Daphnéa était appelée à devenir quelqu'un de sa famille. Ça aurait été agréable. Soupirant, le cœur toujours lourd d'appréhension et d'incertitude, elle se dirigea vers Adam et Gethin, qui l'attendait visiblement. Quand il la vit arriver, Adam leva les yeux de l'étrange objet rectangulaire et noir qu'il avait entre les mains.
-Fonctionne toujours pas, grommela-t-il en rangeant l'objet. Normal on est toujours dans le monde des sorciers. Tu es prête ?
-Je vous attends, moi, prétendit-t-elle dignement. Alors, on trouve où ce TGV ?
-De l'autre côté de la gare, lui apprit Gethin avec un sourire. Dis, si tu vois un dragon, tu pourras me le montrer ?
-Pitié, gémit Adam en empoignant sa valise. Je ne veux plus entendre parler de dragon.
Lucy et Gethin pouffèrent alors que l'aîné prenait les devants. Lucy passa une main sur la tête du cadet, caressant ses cheveux soyeux et se surprit à se demander si ceux de son frère avaient cette même texture, douce et agréable. Elle secoua la tête et ébouriffa les cheveux du petit.
-Ne t'en fais pas. Si je vois un Vert Gallois tu seras le premier au courant.
Gethin sourit et ensemble, ils quittèrent la voie 9¾ et le monde des sorciers.
***
Le trajet en TGV se fit plus rapidement qu'elle ne l'aurait pensé. Elle avait craint le port de son masque, mais elle finit par l'oublier au bout d'une demi-heure. Les compartiments étaient de grandes cabines ouvertes avec des sièges installés les uns derrières les autres et qui se rejoignaient centre en quatre places que les Scampers et Lucy s'approprièrent. La jeune observa les étranges renfoncements munis de trous dans lesquels les moldus à coté y insérer des fils, ainsi que des grilles qui projetaient un courant d'air frais. Adam lui expliqua à voix basse que les renfoncements étaient des prises qui faisait passer du courant pour recharger leurs appareils en électricité.
-Règle numéro un dans le monde des moldus, lui dit-t-il avec malice. Ne jamais mettre ses doigts dans la prise.
Il ressortit alors son objet noir et rectangulaire, qui quand il appuya sur un bouton s'anima et s'illumina. Lucy ouvrit des yeux grands comme des Gallions.
-C'est ça l'électricité ?
-Qu'est-ce que tu crois, nigaude ?
Lucy lui jeta un coup de pied en dessous de la tablette qui les séparait et Adam sourit. Il lui expliqua ce qu'était un portable – son appareil – un objet qu'il avait sans cesse mais qui ne fonctionnait pas à Poudlard et qui servait à communiquer avec ceux qui avaient un objet similaire. Ses doigts pianotèrent sur l'écran un instant et il l'éteint pour expliquer d'autres choses à Lucy. Quand il eut fini, Lucy fouilla dans le sac que lui avait donné Daphnéa et y trouva un objet rectangulaire ressemblant à un portable qu'Adam identifia comme était un IPod, fait pour écouter de la musique et de long fils munis de bout étranges qui s'avérèrent être des écouteurs, qui allaient avec ledit IPod. Elle y avait également mis des confiseries sorcières et moldues, de l'encre et du parchemin, et avait ajouté des vêtements qui n'étaient pas à elle, sans doute pour faire plus authentique.
Finalement le train finit par arriver à Cardiff et Adam descendit leurs valises avant qu'ils aillent à la porte.
-Oh, et règle numéro deux, souffla-t-il en prenant discrètement la baguette de Lucy, qui dépassait de sa poche. Cache-moi ça tout de suite.
Lucy s'empourpra et s'empressa de cacher sa baguette dans le sac de Daphnéa avant de sauter sur le quai de la gare de Cardiff. Bien que cette gare ne la dépayse pas, elle sentait comme une atmosphère différente que celle qu'il y avait à King's Cross. Ici, c'était elle l'étrangère qui plongeait dans un monde qui lui était complétement inconnu. Les gens masqués n'aidaient en en rien. La nervosité faillit la paralyser, et plusieurs personnes la bousculèrent à la sortie du train, mais Adam agrippa vivement la main pour la guider dans la gare. Gethin les devançait, mouvant avec une grande agilité pour un enfant tirant une si grosse valise. La foule était dense dans cette gare et plusieurs fois Lucy crut le prendre de vue. Au final ils sortirent du av batiment avec soulagement, et à peine Adam eut-il lâcher la main de Lucy qu'une voix stridente leur parvenait :
-Maman ! Maman regarde c'est eux !
Gethin pila net en entendant cette voix, et Lucy n'eut pas le temps de la localiser qu'une silhouette menue se précipitait pour se jeter au cou d'Adam, manquant de le faire valser, lui et sa valise.
-Morgan, s'étrangla le Gryffondor en rattrapant son bagage de justesse. Tu m'étouffes !
-Oups, pardon.
Morgan se détacha d'Adam et se tourna vers Lucy. La préfète put ainsi détailler celle qu'elle devinait être la jeune sœur d'Adam, et force était d'avouer qu'ils ne se ressemblaient absolument pas. Si la jeune fille avait l'air menu (sans être maladif) et les yeux gris de Gethin, ses cheveux était d'un brun bien plus sombre et des taches de rousseur picoraient son nez retroussé. Elle devait avoir environ treize ans, et portait une tenue qui ressemblait à un uniforme, avec une jupe bleue marine, une chemise blanche et une cravate bleue également négligemment attaché autour de son cou. Elle eut un sourire malicieux qui la fit ressembler à un lutin dans l'esprit de Lucy.
-C'est toi la copine d'Adam ?
Son accent gaélique, plus prononcé que ses frères, rendait sa voix charmante, mais la question fit rougir Lucy.
-Morgan, gronda l'intéressé en tirant une mèche de ses cheveux bruns. Tu ne veux pas dire bonjour à Gethin avant d'harceler Lucy ?
-Je n'y tiens pas particulièrement, assura le cadet en s'éloignant discrètement.
-Gethin ! s'écria Morgan, l'air soudainement enthousiaste.
Le petit Gryffondor abandonna là ses affaires pour entreprendre une fuite, mais Morgan était vive comme un chat et l'avait rattrapé en deux foulées pour coincer sa tête sous son bras et frotter vigoureusement le sommet de son crâne. Gethin tenta de se défendre, mais Morgan était plus grande que lui et visiblement plus forte.
-Comment ça on ne veut pas dire bonjour à sa grande sœur ?
-Bienvenue chez moi, déclara Adam avec un sourire. Elle n'est pas si méchante. Juste ... agitée, au premier coup d'œil.
-Plus qu'agitée, évalua Lucy alors que Morgan maltraitait son petit frère. Et là, tu ne vas pas protéger ton frère ?
Adam ricana et prit les affaires que Gethin avait abandonnées avant d'enfin retirer son masque. Au final, sa torture s'acheva quand une femme vint séparer le frère et la sœur, grondant la fille et embrassant le garçon. Adam se tourna vers Lucy, un petit sourire aux lèvres.
-Prête à rencontrer ma mère ?
-Je crois, répondit nerveusement Lucy avant de demander : et je dois l'appeler comment ? Pas Mrs. Scampers, je suppose ?
Si les garçons avaient pris le nom de famille de leur père, et que leur mère en avait divorcé, elle ne devait plus utiliser ce nom. Adam eut un sourire tordu.
-Donovan. C'est son nom de jeune fille. Mais elle voudra que tu l'appelles Elen, sans doute.
Lucy opina du chef, mais sut dans son for intérieur qu'elle appellerait la mère des Scampers Mrs. Donovan. Adam se rapprocha de sa mère avec Lucy, les deux valises à la main et celle-ci se redressa, un grand sourire aux lèvres. Morgan lui ressemblait comme deux gouttes d'eau : les yeux gris et sereins, le nez retroussé, les cheveux bruns striés de rares mèches grises, cette femme respirait la douceur. Mais il y avait quelque chose – la crispation dans son sourire, une lueur éteinte dans ses yeux – qui marquait les vestiges de ce qu'elle avait pu vivre dans ses premières années de mariage. Elle prit Adam dans ses bras et l'embrassa sur chaque joue.
-Comment ça va maman ? s'enquit le Gryffondor avec un sourire.
-Oh, Morgan m'a encore emmené chez le Proviseur cette semaine, mais sinon ça va très bien, répondit-t-elle, souriant toujours, l'air visiblement heureuse de retrouver ses fils.
-Mais Carl Ramsey m'a dit que je n'avais pas le droit de faire un foot avec eux parce que j'étais une fille !
Sa mère soupira alors que les deux frères pouffaient. Puis elle se tourna vers Lucy, et la jeune fille fit de son mieux pour contrôler les battements de son cœur et s'efforça à sourire.
-Tu dois être Lucy, fit Elen en embrassant la jeune fille sur les joues. Bienvenue au Pays de Galles.
-Merci beaucoup. C'est très gentil à vous de m'accueillir pendant les vacances, vous n'étiez pas obligée.
-Ça me fait plaisir.
Elle prit la valise de Gethin et emmena toute la famille vers l'extérieur. Lucy fut ravie de reconnaître les voitures qui emplissaient les rues de Cardiff et Elen sortie une étrange clef de son sac pour ouvrir une. Ça ressemblait à de la magie, sauf que ça n'en n'était pas. Adam monta à l'avant et Lucy suivit Gethin et Morgan à l'arrière. Tout le trajet, la benjamine ne cessa de harceler ses frères sur leur vie à Poudlard, la magie et le Quidditch qui semblait beaucoup l'intéresser.
-Et vous avez gagné votre dernier match ?
-De peu mais oui.
-Et tu as mis combien de buts ?
-Je ne sais plus Morgan.
-Vous avez combien de fille dans l'équipe ?
-Deux.
-Deux sur sept ? C'est un scandale !
Adam soupira profondément et laissa aller son front contre la vitre de la voiture. Lucy s'efforçait de se faire toute petite pour se faire oublier par Morgan. Gethin n'avait pas plaisanté quand il avait dit que sa sœur été une harceleuse. Après environ une heure de trajet à travers les monts et prairies galloises qui rappelèrent à Lucy son voyage qu'elle avait fait il y a quelques années, Elen s'introduit enfin dans un village fait de pentes et de maisons en briques collées les unes aux autres, qu'Adam définit comme une « ancienne cité minière ». Ils finirent par se garer devant une de ces maisons à un étage, descendirent de la voiture et entrèrent dans la maison avec les valises. Lucy observa la pièce avec appréhension et fascination. La pièce principale était plus grande qu'elle ne paraissait à l'extérieur et donnait sur un tout petit jardin. Elle était emplie d'objet à la fois familiers (une horloge, des canapés, des tables et chaises, des livres) et complétements inconnus (quels était cet étrange rectangle noir devant le canapé ? A quoi servaient ses boitiers munis de plusieurs boutons ? Comment faisaient-ils pour allumer la lumière le soir ? Pourquoi les photos ne bougeaient-elles pas dans leur cadre ?). Elle se retrouva donc plantée au milieu de la pièce, à la détailler sans cacher sa perplexité. Adam finit par éclater de rire en la voyant perdue.
-Arrête Lucy, ça ne doit pas être si différent de chez toi !
-Bien sûr que si. (Elle pointa le grand écran noir). Qu'est-ce que c'est ?
-Une télévision.
-Sérieux ? Mais elles ne sont pas du tout comme les nôtres !
-Oui, parce que vous vous êtes arrêtés aux années cinquante. Vous avez toujours un retard culturel sur le monde moldu – là encore, il y a tout un chapitre sur ça dans Des deux côtés du Chaudron Baveur.
Adam prit la télécommande et appuya sur un bouton rouge. Aussitôt, l'écran s'anima comme l'avait fait le portable et des images défilèrent dessus. Lucy sentit ses yeux s'écarquiller.
-Mais ... Les images sont tellement différentes et ...
-Ne dis pas que c'est mieux parce que vous avez l'hologramme, la prévint Adam. Nous on a la couleur et la définition : on vous bat.
Lucy lui jeta un regard moqueur.
-Je pensais que le « eux » contre « nous » était le péché originel ?
Adam la considéra, surpris et Lucy le gratifia d'un sourire carnassier. Elle avait bonne mémoire et elle aimait le rappeler. Elle poursuivit son tour de la maison, intriguée. Derrière dans la pièce principale se tenait une cuisine dans laquelle Elen s'activait déjà. Lucy détailla également la pièce, mais elle était relativement semblable à celle des sorciers, à ceci près qu'Elen travaillait avec ses mains.
-Tu dormiras dans la chambre de Morgan, lui indiqua-t-elle avec un sourire penaud. Dans l'ancien lit de ma plus grande fille, Meredith. Adam te montrera.
-Encore merci. Pour tout.
Elen sourit et Adam fit signe à Lucy de la suivre. Ils prirent leurs valises et Morgan fit preuve de charité en débarrassant Lucy de son sac. Ils débouchèrent sur un couloir étroit, et Adam ouvrit la première porte en faisant signe à Lucy d'entrer.
-Installe-toi, je vais déposer mes affaires.
-D'accord.
Elle entra dans la petite pièce, suivie de Morgan, qui posa son sac sur un lit avant de s'étaler sur l'autre. La chambre était mansardée et deux lits parallèles se tenaient séparés d'une table de nuit. Une armoire prenant tout le mur à droite de la porte et un bureau finissait la chambre, collé derrière le lit qui semblait être attribué à Lucy. La jeune fille s'assit sur le lit et son regard fut attiré sur les photos que Morgan avait mises sur la table de nuit. Beaucoup de photos sans doute avec ses amies d'école mais deux photos de famille. La première était récente, car Gethin portait son uniforme de Poudlard, et de même pour Adam. Sans doute prise cette année, alors que les garçons partaient ou revenaient de l'école. Morgan tenait dans ses bras une petite fille de deux ans à peine aux cheveux blonds et aux yeux gris, et une jeune femme rayonnante qui ressemblait à Adam tenait les deux frères par les épaules.
-C'est elle Meredith ?
Morgan se redressa et regarda la photo qu'étudiait Lucy.
-Oui c'est elle. Elle est belle, hein ? Elle s'est mariée l'année dernière et elle est allée vivre avec son mari à Cardiff. D'habitude elle vient avec nous chercher les garçons, mais elle avait rendez-vous chez le gynécologue pour sa grossesse.
-Le quoi ?
Morgan lança un regard gêné à Lucy et haussa les épaules. La jeune fille n'en tint pas compte et prit une autre photo, plus ancienne. Gethin avait à peine cinq ans sur celle-là, et Adam une dizaine d'année. Il souriait d'un air timide à l'appareil. A côté de lui, Meredith était reconnaissable et Morgan, fillette d'à peine sept ans, ne regardait pas la caméra. Elen se tenait derrière sa fille, les cheveux détachés sans la moindre trace de gris. Mais celui qui attira son attention tenait le petit Gethin dans ses bras. Un grand adolescent d'environ seize ans, aux cheveux bruns et aux yeux noisette – les même qu'Adam. Il souriait franchement à l'appareil, comme s'il était face à défi qu'il était en train de gagner.
-C'est votre grand frère ?
-Oui, répondit Morgan, qui regardait la photo avec mélancolie. Alan. Adam t'a parlé de lui ? Il est parti de la maison il y a cinq ans. A cause de lui.
Elle pointa la dernière personne, qui tenait fermement l'épaule d'Alan. Il était de haute stature, mais Lucy ne pouvait en voir plus car Morgan avait visiblement collé une étiquette sur son visage. La jeune fille constata ça avec un malaise et reposa le cadre. Elle comprenait que le père des Scampers ait fait l'objet d'une Damnatio Memoriae dans la famille, mais le constater avait quelque chose de glaçant. La seule chose qu'elle devinait, c'était qu'Adam devait énormément lui ressembler, car il ne possédait aucun trait commun avec sa mère. Lucy soupira et commença à mettre sa valise sur son lit, ainsi qu'à sortir des affaires du sac que Daphnéa lui avait donné.
-Vous avez des IPod chez les sorciers ? s'enquit Morgan alors que la jeune fille sortait l'appareil.
-Non, c'est une amie qui me l'a prêté. Sa mère est une moldue.
-Comme moi ?
Lucy opina du chef avec un sourire. Elle avait du mal à se rendre compte qu'elle était aussi fascinée par le monde de Morgan que Morgan par le sien. Elle sortit quelques vêtements pour pouvoir ôter son uniforme de Poudlard. Mais sommes toute, il n'y avait que peu de vêtement à elle : son pull Weasley de cette année, quelques jeans, des hauts apparemment triés sur le volet par Daphnéa. Le reste devant être à Daphnéa. Pour faire « plus authentique ». Lucy sortit un tissu rouge qui n'était visiblement pas à elle. Elle le déploya devant ses yeux et dévoila une robe qui devait s'arrêter aux genoux, et était à bretelles larges.
-Je la déteste, maugréa-t-elle.
-Moi aussi je déteste les robes. Mais elle est jolie, observa Morgan, assise dans son lit. Un autre cadeau de ton amie ?
-Sans doute, je ne l'ai jamais vue avant.
La robe n'était pas le seul ajout de Daphné. Elle avait complété sa garde-robe d'une veste en cuir (moldue, et pas de peau de dragon) noire, un ou deux foulards, une jupe noire, une autre robe bleue cette fois, et des chaussures avec des baskets sobres qu'elles utilisaient au Terrier ainsi que des ballerines qui n'était pas de sa possession non plus.
-Par Merlin je la déteste.
-Qui ça ?
Adam s'était matérialisé dans l'encadrement de porte, un léger sourire aux lèvres. Il avait déjà revêtu ses habits moldus, enfilant un jean et un tee-shirt. Malgré elle, Lucy ne put s'empêcher de le détailler, plus ou moins discrètement. Ce changement de vêtement métamorphosait littéralement Adam, comme s'il avait enfilé une seconde peau que ne lui connaissait pas Lucy. Il avait l'air plus détendu, moins timide dans ces vêtements. Ses yeux parcoururent le lit maintenant jonché d'affaire de Lucy et il éclata de rire.
-Tu as ramené ta garde-robe ?
-Pas du tout ! récusa Lucy en rangeant les vêtements, les joues rougissantes. C'est Daphnéa qui a mis son grain de sel ! Par Merlin ! (Elle venait de tomber sur une trousse noire et pleine à craquer). Je rêve, elle m'a mis du maquillage !
-Oh pour l'amour du ciel, grommela Morgan en toisant la trousse comme si elle contenait quelque chose de dangereux. Ton amie ne te veut pas du bien.
Son frère lui lança un regard d'avertissement, comme le pouvait faire sa mère. Pourtant, il n'avait pas perdu son sourire, ni Lucy sa rougeur.
-Qui t'a donné tout ça ? s'enquit plus sagement Morgan.
-La copine de ma sœur.
-Elles sont vraiment ensemble alors ? s'étonna Adam, surpris. Je n'avais pas compris au match ...
-Ta sœur a une copine ? Et ... ça ne te fait bizarre ?
-Pourquoi ça me fera bizarre ? rétorqua immédiatement Lucy avec sécheresse.
Morgan rougit et plongea son regard par la fenêtre. Lucy s'en voulut d'avoir été si brusque. Elle était encore jeune, les couples homosexuels devaient encore lui paraître comme une réalité lointaine et étrange. Elle finit par prendre un jean et un de ses tee-shirts, et demanda à Adam où elle pouvait se changer. Il lui indiqua la salle de bain et elle s'y glissa pour enfiler sa tenue. Quand elle ressortit, Adam avait pris place sur le lit, les doigts noués derrière sa nuque. Il jeta un bref coup d'œil sur Lucy, et eut un petit sourire.
-Ça fait bizarre de te voir sans uniforme.
-Je te retourne la remarque, répliqua-t-elle en attachant vaguement ses cheveux.
-Maintenant on peut aller jouer ? s'enquit Morgan, excitée. S'il te plait, Adam ! J'ai un nouveau ballon !
-Pas tout de suite, je dois aller voir papy et mamy avant avec Gethin.
Lucy, qui finissait de ranger les affaires de Daphnéa, s'immobilisa net, et leva un regard inquiet sur Adam et Morgan.
-Euh. Tes grands-parents ?
-Ouaip. Ils habitent en la maison en face. Tu viens avec nous ? On y va ce soir.
Lucy hocha doucement la tête. Morgan, mécontente de la réponse de son frère, ouvrit son armoire, en sortit un ballon un peu plus gros qu'un souafle et maugréa qu'elle allait s'entrainer avec ses amis. Adam eut un sourire s'excuse.
-Morgan fait du foot en club. Surtout, ne dis jamais rien contre ça.
-Du moment que tu ne me forces pas à jouer, grommela Lucy en s'asseyant au bout du lit. Faudra que je me mette à bosser bientôt.
-Lucy ! C'est le premier jour des vacances, et il va faire nuit !
-Demain, mais travailler mes BUSE, ce n'était pas une excuse Scampers.
Adam grimaça en entendant son nom de famille et se redressa soudainement avec un profond soupir.
-Bien. Moi aussi, du reste. Je t'aiderais en Arithmancie, si tu veux. Et en Sortilège.
Lucy prit vivement l'oreiller et asséna un coup sur la tête d'Adam. Le Gryffondor éclata de rire et tenta de lui arracher l'oreiller, mais ne récolta qu'un coup en plus.
-Je n'ai pas besoin d'aide en Sortilège, Scampers. Peu importe ton niveau, le mien suffit.
-Si tu le dis. Alors, comment tu trouves le monde des moldus ?
Lucy observa un instant la chambre, ses lampes électriques, le drôle d'engin posé sur le bureau, les nombreux papiers sur les étagères de Morgan, ces étranges instruments scripteurs, et les photos en couleur qui demeurait figée.
-C'est ... étrange. Mais je vais devoir apprivoiser le monde moldu comme tu as apprivoisé le monde sorcier.
***
Les premiers jours furent étrangement agréables. Elle se levait en même temps que Morgan, descendait déjeuner avec Adam et Gethin. Elen travaillait dans la ville voisine, partait tôt et revenait assez tard, obligeant les enfants à se débrouiller par eux-mêmes. Le matin, Lucy lisait avec Adam alors que les plus jeunes regardaient la télévision, qui semblait avoir nombres programmes et films différents. Le midi, c'était Adam qui se mettait aux fourneaux et ce avec dextérité. Lucy tenta de l'aider un jour, mais elle savait être une piètre cuisinière. Avec la magie, c'était déjà catastrophique. Sans, c'était abominable et Gethin dut ouvrir les fenêtres en grand pour laisser échapper la fumée, sous les rires d'Adam et Morgan. L'après-midi, Lucy allait dans la chambre d'Adam travailler leurs BUSE. Leur chambre était plus grande, mais était composée d'un lit superposé dans lequel dormaient les deux frères, et d'un autre lit simple, qu'elle supposait avoir appartenu à Alan. C'est sur celui-ci qu'ils s'installèrent, ainsi que leurs parchemin, plumes et grimoires qui fascinèrent Morgan. Le soir Elen revenait, et ils allaient quelques fois voir les grands-parents, Adda et Gwen Donovan, deux anciens énergiques et sympathiques qui prirent immédiatement Lucy sous leur aile. Elen semblait avoir hérité sa douceur de son père, un homme sage et tranquille, contrairement à Gwen, qui débordait d'énergie, parfois un peu brusque et sèche, mais dont les yeux pétillaient de tendresse quand elle les posait sur ses petits-enfants. Lucy rencontra également deux amis d'enfance d'Adam, Laura et Callum, qui habitaient dans le quartier et venaient régulièrement chercher Adam pour ... jouer au foot. Du reste, Morgan et ses frères insistaient parfois pour que Lucy les accompagne pour jouer, mais la jeune fille se contentait de rester sur le bord du terrain, dans les hauteurs du village, tentant de comprendre le fonctionnement de ce jeu qui se jouait à une balle, et à terre. A la première partie, Adam avait posé le ballon à terre et regarder Lucy avec un grand sourire.
-C'est simple : le football, ça se joue à onze contre onze et à la fin, c'est toujours l'Allemagne qui gagne*.
Callum, Laura, Morgan et Gethin avaient éclaté de rire, mais Lucy s'était efforcée de masquer son incompréhension. Il y avait des similitudes avec le Quidditch : un but (beaucoup plus grand, rectangulaire et fixé au sol) et un gardien, et l'objectif était de mettre le plus de temps possible. Pas de vif d'Or pour arrêter le match : le temps était donné. Interdiction de toucher le ballon avec les mains. Pour une Poursuiveuse, ce fait était contre-intuitif, mais Adam passé d'un sport à l'autre avec aisance.
Dans l'ensemble, la vie chez les Scampers était bien plus plaisante qu'elle ne l'admettrait une fois de retour à Poudlard. Elen était adorable avec elle, quoique souvent renfermée et silencieuse, Gethin y était bien plus détendu, Morgan, malgré ses questions parfois gênantes, se trouvait être une fillette piquante et malicieuse, et Adam ... Lucy avait l'impression de découvrir un autre Adam. Plus serein encore, et ayant bien plus d'assurance.
Un soir qu'elle finissait des exercices d'Arithmancie qu'Adam lui avait conseillé pour s'entrainer, et que Gethin et Morgan étaient sortis, elle avait essayé le fameux IPod de Daphnéa, qui fonctionnait étrangement bien et coupait celui qui l'utilisait du monde extérieur. Elle ne connaissait pas la musique, mais cela importait peu. Elle descendit une fois ses exercices finis, du parchemin plein les mains pour vérifier qu'elle n'avait pas fait d'erreur. Elle retrouva Adam dans la cuisine, fouillant les placards, une casserole chauffante sur le feu.
-Tu fais aussi les repas du soir maintenant ? railla-t-elle en posant ses exercices sur la table jonchée d'ingrédient.
-Seulement le dessert ... et ne t'avise pas de m'aider ! la prévint immédiatement Adam.
-J'en avais pas l'intention. Tu vas nous faire quoi ?
-Des muffins. C'est ma mère qui m'a demandé, Meredith arrive ce soir et on va manger chez mes grands-parents.
Lucy sentit son ventre se tordre. Rencontrer l'ainée des Scampers la rendait presque plus nerveuse de rencontrer leur mère.
-Au fait je me demandais ... ta sœur elle a quoi ? Vingt-cinq ans ?
-Oui, c'est ça. Pourquoi ?
-Bien ... J'ai une question alors.
Adam eut un demi-sourire et lui permit de les lui poser d'un signe de tête. Pendant que Lucy cherchait à comment poser sa question, il entreprit de commencer sa recette.
-Tu as deux ans d'écart avec Morgan, et elle deux avec Gethin. Bien, un écart normal. De même pour Alan et Meredith. Deux. Alors pourquoi Alan et toi avez sept ans d'écart ?
-Ah.
Adam, qui était en train de peser du sucre, suspendit son geste. Il semblait d'être tendu à la question, pourtant, il haussa les épaules et répondit avec une décontraction feinte.
-Pendant un moment, ça n'allait plus trop entre mes parents. Deux ans après la naissance d'Alan, ils se sont séparés, pendant un moment, en plus. Ma mère ne supportait plus le comportement de mon père – alcoolisme chronique, difficulté et manque de volonté à trouver du travail et un certain fanatisme religieux ... Elle en avait assez d'être dans une situation précaire. Ils ont passé trois ans à se séparer, puis à se remettre ensemble ... Puis mon père a décidé de réellement se reprendre en main, arrêter de boire, et a trouvé un job assez stable. Ma mère a décidé de le reprendre et je suis arrivé. Et il a bien tenu ... jusque la naissance de Gethin.
Il s'interrompit, le paquet de sucre dans les mains s'écoulant lentement dans la balance sans qu'il ne s'en préoccupe. Voyant que les grains menaçaient de dépasser le bol, il redressa le paquet, et sourit à Lucy. Un sourire crispé.
-Bref, je suppose que ça explique mon grand écart avec Alan.
Lucy hocha la tête pour signifier qu'elle avait compris, et n'ajouta rien. Il était aussi inutile que gênant de remuer les mauvais souvenirs. Elle s'assit négligemment à table et observa Adam peser la farine avec minutie. Il lui jeta un regard au-dessus du bol, un petit sourire aux lèvres.
-Je ne comprends pas que tu sois si bonne en Potion, et si mauvaise en cuisine.
-Ce n'est absolument pas la même chose.
-Bien sûr que si, il s'agit de suivre une recette.
-Alors tu n'y connais rien en Potion, Scampers.
Adam lui jeta un regard surpris, puis secoua la tête, dépité. Lucy eut un sourire carnassier et elle déroula un parchemin pour le mettre sous le nez d'Adam.
-Est-ce que j'ai bon ?
-Lucy, soupira-t-il en battant des œufs. Je verrais ça tout à l'heure, d'accord ? Je suis occupé là.
-Je peux mettre de la musique avec l'ordinateur ? Il y en a une sur l'IPod de Daphnéa que j'aime bien.
Adam lui avait expliqué dans la semaine le principe de l'ordinateur, et elle voulait bien avouer que cela s'avérait bien utile. Il leva les yeux sur elle, cessant net de battre les œufs.
-Tu aimes de la musique moldue ? Pour de vrai ?
-Tout arrive Scampers. Alors, je peux ?
Adam la dévisagea un instant, puis abandonna ses œufs pour aller chercher la machine. Il dégagea les pépites de chocolat et le sucre pour le mettre sur la table et tapa quelque chose avant de le rendre à Lucy. Excitée d'utiliser un objet moldu, Lucy s'empressa de taper le nom de la chanson, et ce très lentement.
-Je fais quoi après ?
-Tu appuies sur « entrer ».
-C'est où « entrer » ?
Adam pouffa, et appuya sur la touche pour activer la musique de Lucy. L'ordinateur émit alors des notes qui émerveillèrent la jeune fille. Adam rit en entendant la chanson.
-Fall out boy. Bon goût Lucy.
-Mon grand-père serait trop jaloux, commenta-t-elle, alors qu'elle gardait les yeux rivés sur l'écran (l'ordinateur faisait défiler des images en même temps que la musique). Il aime tout ce qui est moldu.
-Un Saint homme. Il a déjà essayé de vous faire jouer au foot ?
-Dieu merci non.
Adam lui lança un regard de défi et Lucy lut dans ses yeux qu'un jour ou l'autre, bon gré ou mal gré, elle jouerait au foot. Lucy plissa les paupières et secoua la tête avec amusement. Elle laissa Adam préparer ses muffins tranquillement, tandis qu'elle passait les musiques et regardaient les images avec fascination. Parfois, Adam lui dictait les titres et ils écoutèrent ainsi les Beatles, Queen, U2 et d'autres pendant une heure. Lucy capta le regard amusé de son compagnon alors qu'elle s'était replongée dans les images d'un clip de Fall out boy.
-Quoi ? s'enquit-t-elle en remarquant qu'il ne lâchait pas du regard.
Adam sourit et secoua la tête pour signifier que ce n'était rien. Il fit couler la pâte qu'il avait confectionné dans des moules et fourra le tout dans le four.
-Tu devrais mettre un tablier, se moqua Lucy.
-Bah bien sûr, railla Adam en touillant ce qu'il restait de la pâte. Ça te ferait trop plaisir de me tourner en ridicule.
-Absolument pas. Tu as juste de la farine sur ton sweat.
Adam fronça les sourcils, et baissa les yeux sur son vêtement pour constater que la jeune fille avait raison. Un sourire carnassier fleurit sur les lèvres de Lucy.
-Et du reste, l'IPod de Daphnéa prend aussi des photos et j'aurais été ravie de l'utiliser.
-Oh par pitié ... Je peux te confier une mission ?
Lucy dressa un sourcil hocha la tête. Adam désigna l'horloge sur le four, et le classeur à recette devant lui.
-Ça doit cuire un quart d'heure. Je vais aller me doucher pendant ce temps-là. Si je ne suis pas revenu à temps, tu pourrais les sortir du four ? Tu es capable de ça ?
-Tu es fou ? Je vais me brûler !
Adam soupira profondément, et sortit d'un placard des gants en tissus épais qu'il jeta à la figure de Lucy.
-Pour une fille si intelligente, je trouve bien simplette.
-Ma grand-mère utilise sa baguette pour sortir les plats du four, maugréa Lucy en enfilant un gant avec méfiance. Tu es sûr que je ne me brûlerais pas ?
-Lucy ... si c'est le cas, je te ferais un bisou magique, d'accord ?
La jeune fille ne put empêcher ses joues de rougir, et la flambée s'étendit quand elle entendit Adam rire en remontant l'escalier. Lucy attendit qu'il soit à l'étage pour se précipiter vers le robinet et asperger son visage d'eau froide. Elle en avait assez de rougir dès qu'Adam prononçait quelque chose d'équivoque. D'autant qu'elle n'arrivait pas à dire ce que cela signifiait. Si c'était innocent. S'il y avait des sous-entendus à comprendre. Les joues en feu, elle alluma à nouveau le robinet et mit son visage sous le filet d'eau. Reprends-toi, Lucy. Même avec Lionel tu n'as pas perdu tes moyens, tu ne vas commencer à le faire avec Scampers ? Elle ne put retenir un gémissement en songeant à ce qu'elle venait de penser. Comparer Adam à Lionel, c'était admettre que quelque chose de pas net se déroulait. Et elle se refusait à cette possibilité. « Tu es contrariante », avait dit Roxanne. Elle voulait bien l'admettre. Elle avait mis un an avant de répondre aux avances insistantes (et parfaitement claires) de Lionel. Rien n'était clair dans l'attitude d'Adam. Et elle ne savait pas ce qu'elle voulait. Rester ainsi, dans une parodie d'amitié ? Ou avancer ? Peu importait son choix, Lucy était bien trop fière pour faire le premier pas. Elle resta un instant, le visage penché sur le robinet, sans rien d'autre dans les pensées que le visage d'Adam Scampers et un immense point d'interrogation. Au final, ce fut une odeur étrange qui la réveilla, et elle s'essuya passivement le visage, intriguée, avant de se figer net. C'était une odeur de brûler.
-Par Merlin non !
Elle se précipita vers le four, enfila les gants épais et l'ouvrit dans la précipitation. Ce n'était pas une catastrophe, mais le haut des muffins était grillé à souhait. L'odeur n'était pas si infecte. Elle poussa un soupir de soulagement en sortant le plat du four, qui, pour son plus grand plaisir, lui chauffa à peine les mains. Elle le déposa sur la table et se lavait les mains quand Adam redescendit de l'étage avec précipitation.
-Lucy ! Je sens l'odeur d'ici je suis sûr que tu les as fait cramer !
-C'est faux ! se défendit la jeune fille, l'attendant de pied ferme dans la cuisine, poings sur les hanches. Ils sont juste croustillants, c'est très bon !
Adam arriva dans la cuisine, les cheveux pleins d'épis après sa douche sans doute écourtée, et jeta un regard critique sur les muffins. Il écarquilla les yeux et considéra Lucy, incrédule.
-Tu appelles ça croustillant ? Oh Lucy, regarde celui-là ! (Il en pointa un qui avait effectivement commencé à noircir). Il est immangeable !
-Bien tu n'auras qu'à couper le dessus. Le reste les parfaitement mangeable. Regarde ! Les autres ont à peine brunis.
Adam dévisagea Lucy un instant, stupéfait et hocha plusieurs fois la tête. Il finit par soupirer profondément et jeta un regard désolé sur ses muffins.
-On ne te fera jamais dire que tu as tort, pas vrai ?
-Jamais. Et j'ai raison du reste. Si tu veux, je mangerais le brûlé.
-Tu es incorrigible, la tança Adam, dépité.
Lucy passa outre son trouble pour lui servir son plus beau sourire sarcastique.
-Une incorrigible peste ?
Adam secoua la tête, mais Lucy fut certaine de voir une rougeur suspecte sur ses joues. Si elle se refusait à faire le premier pas, rien ne l'empêcher de faire quelques piques, histoire d'avoir les idées plus claires. Il prit un des gants que Lucy avait abandonnés et le lui jeta à la figure.
-La ferme, Weasley.
-Allez ? Mais depuis quand tu m'appelles Weasley, Scampers ?
-Je t'ai pas dit de la fermer ?
-Et depuis quand tu donnes des ordres ? C'est moi qui donne des ordres, c'est moi la préfète !
-Pas ici, lui rappela Adam, les yeux étincelants. Ici on est chez les moldus, et ici tu es chez moi, alors tu ne discutes pas et tu te tais.
-Pff ... J'aimerais bien te voir m'obliger à me taire, tiens ...
Adam eut un sourire énigmatique, mais Lucy observa à nouveau cette petite rougeur sur ses joues. D'autant plus qu'il se mit à se frotter la nuque, chose qu'il faisait toujours quand il était gêné. Lucy dressa un sourcil, et un sourire triomphant fendit son visage.
-Bien. Puisque tu n'as rien trouvé de plus dangereux pour me faire taire qu'à fixer la jolie peste que je suis, je peux continuer à ...
Elle se prit une poudre blanche en plein visage, et fut prise d'une quinte de toux incontrôlable qui l'empêcha de continuer. Elle prit la mesure de ce qui s'était passé quand elle se redressa pour voir Adam, les doigts tachés de farines, sourire avec espièglerie. La jeune fille essuya passivement son visage, et fusilla Adam du regard.
-Je pense avoir trouver autre chose à faire que de fixer la « jolie peste que tu es », eut-il l'audace de fanfaronner.
Pour toute réponse, Lucy plongea sa main dans le paquet de farine et lui en jeta une belle poignée au visage. Il secoua la tête, les cheveux et le visage couvert de poudre blanche, et s'essuya les yeux en pestant.
-Règle numéro un chez moi, Scampers. Ne jamais provoquer une Weasley. Mes cousins ne te l'a pas appris ?
-Oh que si, grommela Adam en époussetant la farine. Mais je ne pensais pas que les Weasley était soumis à une même règle.
-Pas tous. Mais tu l'as dit, il y a trois catégories Weasley, et mes cousins et moi appartenons toutes les deux à la catégorie « peste ».
Pour appuyer ses dires, elle prit une nouvelle poignée de farine et la fit doucement tomber sur les cheveux cuivre d'Adam, comme de petits flocons de neige, le surplombant avec un sourire moqueur. Le Gryffondor prit vivement son poignet pour éloigner la farine de lui, mais la jeune fille lâcha la poudre qui alla retomber sur les épaules d'Adam.
-Ce que tu es pénible ! ragea-t-il en faisant tomber la farine de ses cheveux.
-Ne râle pas, Scampers, c'est toi qui as demandé à ce que je vienne.
-Je me demande bien maintenant pourquoi !
-Parce que je suis une « jolie peste » ?
Adam prit immédiatement une poignée de farine pour la jeter sur Lucy. La jeune fille leva les mains pour se protéger en riant, et agrippa le paquet pour qu'Adam n'ait plus accès à ses munitions. Le Gryffondor tenta de le récupérer en l'arrachant aux mains de Lucy, mais la jeune fille refusa de se laisser faire et le paquet en papier se déchira entre leurs mains, déversant son contenu sur le sol. Les deux adolescents contemplèrent leur œuvre, les yeux écarquillés, avant d'échanger un regard et d'éclater de rire.
-Oh par Merlin, s'esclaffa Lucy en contemplant les restes de papier qui restaient entre ses mains. Et dire qu'on n'a pas de magie pour nettoyer tout ça !
La cuisine était en effet jonchée de farine, y compris sur Lucy et Adam, ainsi que les muffins à moitié brulé. Adam eut un sourire en jetant le papier déchiré à la poubelle.
-Pas de magie, non. Mais on a l'électricité. C'est moins rapide, mais ça fait son petit effet.
Il partit dans la buanderie et revint avec une machine munie d'une espèce de trompe qu'il présenta comme un aspirateur. Il chargea Lucy de le passer pendant qu'il cuisait la deuxième fournée de muffin. La jeune fille accepta, et appuya sur le bouton, mais rien ne se produisit. Elle passait la trompe sur les traces de farines sans qu'elles ne disparaissent.
-Scampers ? Il ne marche pas ton aspi-quelque-chose.
Adam leva les yeux sur une Lucy s'acharnant sur la farine et explosa d'un rire qui vexa la jeune fille.
-Quoi, encore ?
Il fallut attendre que son hilarité se calme pour qu'Adam ne se penche sur l'aspirateur et en tire un long fil qu'il alla brancher à une prise. Puis il appuya sur le bouton de son pied et l'aspirateur se mit à vrombir si fort que Lucy fit un véritable bond sur le côté, les yeux écarquillés. Le rire d'Adam redoubla et la jeune fille le fit taire d'un coup de torchon sur le visage. Malgré son appréhension, la jeune fille agrippa la trompe et se mit à nettoyer. Ça faisait un bruit monstre, mais les traces de farines furent bien aspirées par la trombe de l'aspirateur. Un quart d'heure plus tard, la cuisine était parfaite et Adam démoulait des muffins parfaitement cuits. Il mit le tout dans un plat, et se regarda dans le reflet du four pour chasser les dernières traces de farine.
-Hey ! protesta Lucy en voyant les particules blanches descendre doucement sur le sol. Je viens de nettoyer, moi !
-Tu ferais mieux de te nettoyer toi, rit Adam. Tu en as plein les cheveux !
Il se mit alors à frotter les mèches rousses de Lucy. Celle-ci sentit ses joues à nouveau s'embraser, et s'éloigner pour elle-même se nettoyer. Elle se mit de l'eau sur le visage pour chasser la farine, et secoua ses cheveux au-dessus de l'évier. Quand elle revint vers Adam, il regardait passivement ses parchemins, guettant les erreurs de Lucy.
-Quelques fautes mais j'ai l'impression que c'est pas mal, apprécia-t-il avec un sourire. Je regarderais précisément demain, Meredith est arrivée, je viens de recevoir un message de Morgan.
Lucy hocha la tête, l'appréhension serrant sa gorge. Adam et elles mirent leur veste, et sortirent de la maison pour traverser la rue vers la maison, quasiment identique, qui se trouvait en face. Adam ouvra sans frapper, les muffins entre les mains.
-C'est moi ! clama-t-il gaiement en entrant dans l'étroit couloir.
-Tonton !
Une petite fille de deux ans aux boucles blondes remonta le corridor et serra les jambes d'Adam dans ses petits bras blanc, levant sur lui un visage rayonnant. Le jeune homme faillit vaciller et faire valser ses beaux muffins, mais Lucy rattrapa le plat à temps.
-Donne-moi ça, marmonna-t-elle en lui arrachant les muffins. Tu vas ruiner notre belle œuvre.
-Pardon ? Ce n'est pas plutôt toi qui as ruiné mon œuvre ? (Puis il se tourna vers la petite fille et la hissa dans ses bras avec un grand sourire). Salut Debbie ! T'as grandi, dis donc !
La petite pouffa et passa ses maigres bras autour du cou de son oncle. Adam traversa le couloir, Lucy derrière lui. Debbie dévisageait Lucy avec curiosité, ses grands yeux gris pétillants. La jeune fille lui fit un sourire et l'enfant agita sa main en retour. Ils débouchèrent dans une pièce à vivre lumineuse. Tout le monde était déjà à table, si ce n'était Gwen qui s'activait en cuisine avec l'énergie de cent hommes. Adda était assis en bout de table, son visage ridé et serein s'éclairant en voyant son petit-fils. Elen à côté de lui parlait à un jeune homme d'environ vingt-cinq ans aux cheveux blonds et au sourire franc. Morgan et Gethin, à l'autre bout de la table, se chamaillaient. La dernière personne tournait le dos à Lucy, mais se leva de pied ferme quand elle entendit Adam entrer.
-Alors mon petit frère, de retour au bercail ?
Adam laissa Debbie retourner au sol, et sourit à sa sœur. Lucy dévisagea Meredith Scampers, de ses boucles soyeuses aux couleurs cuivrées, ses yeux gris et son ventre de femme enceinte de plusieurs mois. La lueur de malice qui brillait dans ses yeux semblait ne jamais s'éteindre. Elle étreint son frère, qui tenta de le lui rendre malgré le ventre volumineux de Meredith entre eux.
-Mon dieu ce que tu as encore grandi ! C'est que tu me dépasses presque d'une tête bientôt ! Ils nourrissent bien, à l'école des sorciers !
Lucy se figea et coula un regard sur l'homme blond – sans doute le mari de Meredith – et Adda. Mais ils ne manifestaient aucune surprise. Sans doute étaient-ils au courant des particularités des enfants Scampers. Adam eut un sourire gêné et le regard de Meredith se porta sur Lucy. Elle eut un sourire chaleureux.
-Tu dois être Lucy, je suppose. Enchantée, je m'appelle Meredith.
-Je sais, répondit stupidement la jeune fille. Enchantée également.
Meredith sourit encore et se rassit sur sa chaise, l'air à bout de souffle. Adam prit les muffins pour les amener à sa grand-mère et revint. Bientôt, Adam et elle se retrouvèrent à table, et Gwen y apporta un plat fumant aux odeurs alléchantes. L'ancienne repoussa une mèche qui lui barrait le front, et jeta un regard perçant sur la table de ses yeux aussi gris que ses cheveux.
-Gethin, tes coudes, grommela-t-elle et le cadet des Scampers mit immédiatement ses bras sous la table.
Ils mangèrent tous joyeusement, parlant de tout et de rien, et Lucy observa silencieusement cette famille, aussi proche de la sienne par la chaleur qui y régnait. Meredith prit des nouvelles de la vie de ses frères à Poudlard et raconta qu'elle avait arrêté son métier d'infirmière plus tôt que prévu pour le bien du bébé. Gwen grommela vaguement que lorsqu'elle était enceinte d'Elen, elle n'avait cessé aucune de ses activités, et avait repris trois jours après l'accouchement, ce à quoi Adda répondit qu'elle était mère au foyer à cette époque et que les dernières semaines de sa grossesse, c'était lui qui avait dû passer le balai en rentrant de la mine.
-C'est quoi une mine ? s'enquit Lucy à voix basse à Adam.
-Un endroit où on extrait du charbon, lui répondit-il. Il y en avait une pas loin d'ici et tous les hommes de la famille y ont travaillé, même mon père, avant qu'elle ne ferme. Adda a perdu son frère dedans, un coup de grisou*.
-Un quoi ?
Meredith, de l'autre côté de la table, observait les deux sorciers un sourire aux lèvres. Lucy rougit en voyant l'examen de l'ainée des Scampers.
-Papy, intervint-t-elle alors avec un sourire enjôleur pour Adda. Explique à Lucy ce que c'était la mine, elle ne semble pas bien comprendre.
Lucy sentit son visage s'enflammer jusque la racine de ses cheveux roux à mesure que les regards se tournaient vers elle. Adda sourit doucement avec indulgence.
-C'est l'enfer, ma petite, commença-t-il d'une voix profonde, avec un accent Gallois à couper au couteau. Tous les matins, nous étions des dizaines à descendre dans le boyau. Dès lors, nous ne voyions plus la lumière du jour, mes oreilles souffrent encore du traitement que les machines leur ont fait subir : percer le charbon, l'extraire, à la lueur de nos lampes faibles, la poussière qui salissaient chaque jour nos poumons ... les jours d'hivers, on ne voyait même pas le soleil. Ce n'était pas une vie, malgré tout, la mine nous faisait vivre.
-Ça devait être horrible ..., laissa échapper Lucy.
-Pas tant que ça, éluda Adda en haussant les épaules. C'est difficile, mais ça permettait de gagner notre vie – bien que certains en mourraient. Nous étions une véritable communauté, liée au plus intime de nous-mêmes à cette mine. Les pères de nos grands-pères creusaient déjà dans les puits. Notre sang est noir de charbon.
Une ombre passa sur son visage. Toute la famille écoutait, fascinée, et Meredith adressa un clin d'œil à son frère.
-Mon frère Cliff est mort dans un coup de grisou. Un gaz explosif incolore et inodore. Et malgré ça, malgré le danger et cette mine qui m'avait pris mon frère, je suis descendu toute ma vie dans ce puits.
-Il a survécu à Thatcher ? s'enquit Martin, le mari de Meredith.
-Ne me parlez pas d'elle, cracha presque Adda. Elle n'a jamais rien compris à la mine cette truie de Thatcher. Elle a voulu tout fermer car nous n'étions plus « rentable ». Parce que nous ne donnions plus assez d'argent pour remplir ses poches ...
-Et tu es entré en grève, chantonna doucement Morgan, comme si elle avait déjà entré cent fois l'histoire mais qu'elle ne s'en lassait pas.
-Evidemment. Des mois de misères à lutter contre cette dégénérée de Londres. Des mois à laisser ma femme et ma fille se laver à l'eau froide ...
-Ou chez le voisin, intervint Elen avec un sourire.
-... sans chauffage à l'hivers 1984. J'ai été obligé de briser notre piano pour avoir un peu de chaleur le soir de noël*. Tous les jours nous allions au piquet de grève, affronter les flics et insulter les jaunes.
-Ceux qui allaient à la mine malgré la grève, traduit Adam à l'oreille de Lucy.
La jeune fille le remercia d'un signe de tête. Elle était fascinée par le récit d'Adda Donovan, émanant d'un monde qui semblait si loin du sien. La misère, la lutte contre le gouvernement, l'arrêt du travail pour une vie décente ... Tout cela semblait si loin de ce qu'elle avait connu.
-Je me suis fait emprisonner quatre fois cette année-là, poursuivit Adda avec lassitude. Je garde encore les cicatrices des matraques des flics.
-Ils avaient le droit de faire ça ? demanda timidement Lucy.
-Non, je ne pense pas. Mais quelle importance ? J'étais un mineur en grève : ils avaient la bénédiction de Thatcher. (Il tourna le visage vers Meredith). Ta mère a songé à t'appeler Margaret. Je crois qu'elle ne m'a jamais vu aussi en colère que ce jour-là.
Meredith ricana doucement et Elen leva les yeux au ciel avec exaspération. Gwen, silencieuse, n'intervenait pas dans le récit de son mari, mais ses yeux parlaient à sa place. Ils brillaient de dépit.
-Et vous avez gagné votre grève ? s'enquit Lucy.
-Non. Thatcher a gagné. Elle gagne toujours. Même contre les Irlandais elle a gagné, alors les mineurs ... on ne faisait pas le poids. La mine a fermé trois ans plus tard.
La nostalgie se lisait sur le visage fatigué d'Adda. Ses yeux luisaient des images qui lui venaient à mesure qu'il se remémorait tout cela. Lucy sentit son cœur d'alourdir. Elle avait du mal à concevoir qu'Adda Donovan ait pu défendre un métier qui l'avait tant fait souffrir, tant psychologiquement que physiquement, bec et ongle avec tant d'ardeur. Mais sa tristesse était palpable et touchait Lucy.
-La mine n'était pas qu'un métier, aussi dur soit-il, intervint Elen, sentant la perplexité de Lucy. Comme te l'a dit mon père, le charbon, ils l'ont dans le sang. La mine, c'est aussi un art de vivre, et cette façon de vivre, les mineurs étaient capables de le défendre. C'est pour ça qu'ils luttaient contre Thatcher.
-Mais qui c'est en fait ?
Toute la maisonnée s'esclaffa après la question de Lucy. La jeune fille rougit, honteuse d'avoir dit une bêtise, mais remarqua qu'Adam à côté d'elle ne riait pas le moins du monde et fusillait même du regard Morgan, qui riait la plus fort.
-L'équivalent de ta tante dans le monde moldu, répliqua-t-il d'un ton cassant, sans regarder la préfète.
Tout le monde se tut alors et dévisager ouvertement Lucy, même la vieille Gwen et ses yeux gris perçant. La jeune fille sentit son visage s'embraser encore plus.
-Ta tante est Premier Ministre du monde sorcier ? s'étonna Meredith, les sourcils haussés.
-On appelle ça Ministre de la Magie chez nous, rectifia Lucy en luttant contre la gêne. Mais elle a été élue il n'y a pas longtemps, quelques semaines à peine.
Tout le monde la dévisager avec étonnement, et Lucy se trémoussa sur sa chaise, maudissant intérieurement Adam. Finalement, ce fut Adda qui rompit le silence en s'installant tranquillement dans sa chaise :
-Je t'ai raconté mon histoire, petite. A toi de me raconter la tienne.
-La mienne ? s'étonna Lucy en lui jetant un regard éberlué. Je n'ai que quinze ans, je n'ai rien à raconter, Mr. Donovan.
-Elle sait chasser les dragons.
-Gethin !
Les voix de Lucy et Adam avaient fusées en même temps, et ils dardaient un même regard peu amène sur le petit Gryffondor. Martin faillit tomber de sa chaise.
-Des ... des dragons ? bredouilla-t-il, levant des yeux perplexes sur sa femme.
-Mais non ! (Les joues de Lucy s'enflammèrent de plus belle). Enfin si les dragons existent dans le monde mais je ne les chasse pas, mon parrain s'occupe d'eux dans une réserve en Roumanie. Ce sont des créatures merveilleuses.
-Et il y en a au Pays de Galles, ajouta Gethin avec malice.
Son frère le frappa à l'arrière de la tête et Martin faillit tourner de l'œil, à la plus grande horreur de Lucy. Elle enfouit son visage dans ses mains, dépitées. Ils devaient la prendre pour une dégénérée. Il y avait longtemps que les dragons étaient une légende pour les moldus.
-Et en ce qui concerne la guerre d'il y a vingt ans ? Adam nous en a parlé.
Lucy releva le visage sur Elen, qui la contemplait avec sérénité, sans jugement ni méfiance. Ce fut un baume au cœur tourmenté de Lucy que ce regard ami.
-C'était il y a longtemps. Un mage noir qui a gagné en puissance une seconde fois.
-Et c'est son oncle qui l'a vaincu.
-Gethin, tu vas te taire ? siffla Adam.
Lucy s'empourpra une nouvelle fois violemment. Aussitôt, les questions fusèrent de toutes part et elle s'appliqua à expliquer comment oncle Harry avait vaincu Voldemort, avec les détails officiels qu'elle avait.
-Whoa, laissa échapper Morgan, les yeux ronds comme des Gallions. En plus d'avoir une sœur lesbienne, tu as une famille incroyable.
-Lesbienne ?
Adam se laissa aller contre sa chaise avec désespoir et Lucy tenta d'atteindre le tibia de Morgan d'un coup de pied. Adda eut un petit rire et leva les mains en signe de paix.
-C'est vrai que dans le Pays de Galles profond tu peux croire que nous sommes conservateurs et vieux-jeux, mais ne t'en fais pas petite, j'ai autant de tendresse pour les pays et les lesbiennes que pour les sorciers.
-Tu te souviens de ce drôle de groupe ce soutien, Adda ? caqueta Gwen avec un sourire tenu. Ils étaient passés une fois dans le village. Très gentils.
-LGSM, se souvint Adda avec un sourire attendri. Lesbiens et Gays Support the Miners*. Mark Ashton, leur chef, était quelqu'un de remarquable.
Aussitôt, la conversation dévia de nouveau sur le passé minier d'Adda et Gwen Donovan, avec les anecdotes d'Elen, et les phrases apprises par cœur des petits-enfants. Ils y avaient eu de bon moment dans la grève, comme les moments de solidarité, les grands mouvements ouvriers, le piquet de grève, les moments à écouter de la musique dans la salle des fêtes de la commune. A ce moment, alors qu'Adda et Gwen se remémoraient leurs danses et leurs chants, Morgan sourit doucement, et se leva, à la surprise générale. Et là, avec une voix étrangement cristalline et douce, elle entonna un chant qui restera gravé dans le cœur de Lucy.
As we go marching, marching, in the beauty of the day
A million darkened kitchens, a thousand mill lofts gray
Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses
For the people hear us singing, bread and roses, bread and roses.
Lucy demeura bouche bée devant la voix claire et le chant de Morgan. Elle sourit à tout le monde et observa son public, qui semblait recueillit devant la chanson. Pour la fillette reprit, et cette fois accompagnée de Meredith, Elen et Gwen, unissant leurs voix en un chœur féminin intergénérationnel atypique et touchant :
As we come marching, marching, we battle too, for men,
For they are in the struggle and together we shall win.
Our days shall not be sweated from birth until life closes,
Hearts starve as well as bodies, give us bread, but give us roses.
Lucy observa les filles de la famille, le menton relevé, le visage fier, entonnant ce chant que Lucy devinait minier, avec orgueil. Elles entonnèrent enfin le dernier couplet, rejoins par les voix des garçons, Adda, Adam et Gethin, et même Martin, lui le commençait un sourire aux lèvres, prenant avec tendresse la main de Meredith.
As we come marching, marching, unnumbered women dead
Go crying through our singing their ancient call for bread,
Small art and love and beauty their trudging spirits knew
Yes, it is bread we fight for, but we fight for roses, too.
Le chœur familial s'éteignit. Les yeux d'Adda brillaient de larmes et de fierté alors que son regard se portait sur ses petits-enfants. Tous se tenaient droit et fier, les yeux luisant d'émotion et d'attachement pour leur terre et leur famille. Le chant avait atteint Lucy en plein cœur, et elle sentit à peine la main d'Adam prendre la sienne. Elle tourna le visage vers lui. Il ne la regardait pas. Il avait les yeux rivés sur sa famille, brillant de fierté.
-Croeso i Gymru, souffla-t-il à Lucy. Bienvenue au Pays de Galles,Lucy Weasley
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