Chapitre 35 : "Il arrive que ..."
Je ne mets pas le nom du chapitre en entier, ça spoile
HOLA ! Petit temps mort avant ma rando pour vous livrer ce chapitre avec des explications tant attendues !
Il est coupé en deux par rapport à l'original, absolument pas ou peu modifié
Enjoy !
PS : Le titre est complétement issu des HP, de la bouche de Trelawney.
***
Chapitre 35: « Il arrive que le Troisième œil soit un fardeau »
Lucy tremblait encore quand Adam et elle quittèrent l'infirmerie sous un sortilège de désillusion. Elle arrivait à le distinguer près d'elle, reflétant la pierre du château. Il ne parlait pas, à la fois parce qu'ils sortaient clandestinement, mais également parce qu'il était sous le choc. Elle l'avait enduit du sortilège parce que ces doigts tremblaient trop pour qu'il puisse l'exécuter. Elle n'avait su si c'était de rage, ou si c'était le contrecoup du combat contre le dragon. Un long frisson parcouru la colonne vertébrale quand les grands yeux violets à la pupille verticale vinrent lui effleurer l'esprit, suivi d'un grand vide dans l'estomac quand elle revit les puissants jets écarlates frapper sa frêle silhouette de dragonneau maltraité. Cette subtilité avait peut-être échappé à Adam, mais pour avoir côtoyé tout un mois des dragons quand elle avait douze ans, elle se souvenait parfaitement de leur vigueur, de leur comportement, de leur énergie, de la force que laissait entrevoir leur fine musculature et de la puissance qui émanait d'eux. A côté de ça, le petit Noir des Hébrides était ... bien triste. Mais ce qui l'avait fait pâlir était la faim vorace qui brillait dans ses yeux, ainsi que les cicatrices qu'elle avait entraperçues quand ils étaient sortis et que la lune avait éclairé sa peau. Un dragon maltraité devenait d'autant plus farouche. Son plan concocté dans l'urgence était loin d'être parfait, et elle s'en était voulu d'exiger d'Adam qu'il reste avec elle, mais elle n'avait pu qu'admirer son courage et ses dons exceptionnels en sortilège. Maintenant, le dragon lui paraissait bien loin. Sa constatation sur Gethin avait balayé tout le reste.
Quand elle avait deviné que le dragon était un Noir des Hébrides, l'image du dessin que Gethin avait fait la fois où elle l'avait surpris dans la tour d'Astronomie s'était immédiatement imposée dans son esprit. Et quand elle avait regardé le garçon, elle avait lu dans son regard toute la connaissance qu'il avait déjà de la situation. Un regard vertigineux. L'incompréhension avait failli avoir raison de son sang-froid, et par la suite, la confrontation avec le dragon avait effacé cette image de sa tête. Mais pas complétement. Et voilà qu'elle retrouvait une nouvelle fois ce dessin devant ses yeux. La réplique exacte de ce qu'il s'était passé à peine une heure auparavant.
Son cœur cognait fort contre sa poitrine, et son esprit rationnel était obscuré par ce qu'elle venait de découvrir. Elle avait besoin de se remettre les idées en place et c'était pour cela qu'elle marchait seule devant Adam, la respiration sifflante, le cerveau en ébullition. Ils montèrent les sept étages du château et ils passaient devant le portrait du Chevalier du Catogan quand Adam demanda timidement :
-Où est ce que tu nous emmènes ?
-Tu as demandé un endroit discret ? répliqua Lucy en s'efforçant de ne pas avoir l'air trop acide. Il n'y a pas plus discret que celui-là.
Elle finit par arriver devant la tapisserie ornée de troll dansant et parcourut le couloir avant de faire brusquement demi-tour, heurtant presque Adam au passage.
-Hey ! (Il voulut l'attraper par le bras en constatant qu'elle continuait son chemin). Lucy, qu'est-ce que ...
-Reste là et laisse-moi faire, ronchonna-t-elle en faisant à nouveau demi-tour.
Un frisson lui parcourut l'échine alors qu'elle pensait « je veux la salle où oncle Harry se cachait ». Après une troisième fois à passer devant la tapisserie, la fameuse porte se matérialisa, sous l'air ébahi d'Adam. Lucy resta devant, stoïque. Elle avait entendu parler de cette salle, la Salle sur Demande, durant toute son enfance, mais n'avait jamais éprouvé l'envie ou le besoin d'y aller. C'était du domaine de ses cousins, ce genre de lieu. De James, se dit-elle, le désespoir lui étreignant la poitrine si fort qu'elle crut qu'elle allait se remettre à pleurer.
-C'est incroyable, souffla Adam, brisant quelque peu son état de détresse. Ce château m'étonnera toujours ...
Lucy dévisagea Adam, moitié-amusée, moitié-lasse. Son sort de désillusion était tombé lorsque la porte était apparue, et ses yeux noisette pétillaient comme la première fois qu'il avait découvert Poudlard, il y avait si longtemps, sur une barque. Le cœur de Lucy se gonfla de nostalgie quand elle souffla spontanément :
-C'est de la magie, nigaud.
Adam reconnut la référence, cette même phrase qu'elle avait prononcé juste avant leur Répartition, et sourit légèrement.
-Mais comment tu as fait ?
Les deux cinquième année sursautèrent. Cette voix n'appartenait pas à Adam, mais le vague accent gaélique la situait dans la famille Scampers. Et effectivement, Gethin venait, dans le noir, ses pieds nus ne faisant aucun bruit sur le sol. Passée sa surprise, le ressentiment monta à nouveau dans la poitrine de Lucy.
-On t'avait dit de retourner à la Salle Commune, gronda-t-elle, ne sachant si elle devait éprouver de la colère ou de la peur.
Face à son émotion apparente, Gethin parut étrangement serein. Il fit un sourire contrit, empreint de timidité à la préfète.
-J'attendais Adam. Et puis ... je savais bien que la soirée ne s'arrêterait pas la ... alors je vous ai retrouvé.
-Gethin, entonna son frère, la voix étouffée.
Mais Gethin sourit tranquillement et haussa les épaules.
-Il fallait bien que ça m'arrive. Ça fait des mois qu'elle me poursuit.
-Je ne te poursuivais pas.
-Si tu le dis.
La jeune fille détailla Gethin Scampers, ses cheveux châtains en bataille, ses yeux gris cernés, sa maigreur maladive qui se devinait derrière sa veste de pyjama. Un soupir lui échappa quand elle se rendit compte qu'elle était incapable d'en vouloir à cet enfant qui semblait tant avoir souffert – et souffrir encore. Seul son sourire rappelait qu'il n'était encore qu'un enfant. Il posa sa main sur la porte et entra le premier dans la Salle sur Demande. Adam et Lucy échangèrent un regard avant de le suivre. La pièce qu'ils découvrirent était grande et tapissée de coussins et d'instruments étranges, et ornée des couleurs de Gryffondor, Serdaigle et Poufsouffle. Des boules de Noël et, houx et guirlandes décoraient le plafond. Lucy reconnut une Glace à l'Ennemi, objet qu'ils avaient étudié en quatrième année, ainsi qu'un Scrutoscope. Sur un pan du mur, une banderole disait un étrange « VIVE LE NOEL POTTER » alors qu'une autre, plus grande, soignée, abordait fièrement d'une fine écriture « Armée de Dumbledore ». Adam détailla à peine la pièce avant de se tourner vers son frère, qui était planté devant la Glace à l'Ennemi.
-Tu n'es pas obligé de rester, Geth. Va te reposer.
-Non, répondit plus farouchement le petit. En fait, je suis le seul concerné. Ça me regarde, Adam, alors arrête de me protéger.
Adam parut accuser le coup, dévisageant son frère d'un air dubitatif. Sans un regard pour lui, Gethin détailla les photos sur le miroir et en détacha une.
-Tiens Lucy, fit-il en la tendant à la jeune fille. C'est la septième photo.
Machinalement, la préfète prit ce qu'il lui tendait. La photo était indéniablement une scène datant de l'époque de Harry : on l'y voyait au premier plan. Elle repérait également les têtes rousses des Weasley, la mère de Jina, celle de Lionel, ainsi que Luna Lovegood et tante Hermione. Elle leva les yeux sur l'enfant qui s'était avachi sur un des coussins.
-Comment tu savais qu'il y en avait sept ?
Gethin croisa les bras sur sa poitrine, comme pour se protéger. Il sourit avec un manque d'assurance flagrant.
-Tu ne devines pas ?
-La double-vue.
Il haussa doucement les épaules, les yeux rivés sur le sol. Lucy lança un regard à Adam, mais celui-ci se contentait de fixer son frère, immobile. Au final, elle s'assit à son tour sur un coussin, et rongea don frein pour paraître un minimum douce. Il ne fallait pas brusquer Gethin.
-C'est ça que tu ne voulais pas me dire, Gethin ? Tu vois l'avenir ?
Il hocha doucement la tête sans la regarder. Lucy accusa le coup à son tour. Elle n'avait jamais accordé le moindre crédit à la Divination et avait méprisé cette matière. Pourtant, elle savait que cela existait, aussi obscure cette branche de la magie était-elle, elle n'en restait pas moins une réalité. La preuve la plus tangible qu'elle avait était la prophétie dont oncle Harry faisait l'objet. Officiellement, ce n'était qu'une rumeur, officieusement, son père lui avait fait comprendre que c'était vrai. Mais cela échappait à l'entendement de Lucy. Elle serra le carnet qu'elle tenait toujours dans ses mains.
-Et ... tu le vois par les dessins ?
Quand elle l'avait feuilleté, elle avait eu l'occasion de reconnaître des petites scènes sans s'y attarder. Gethin hocha à nouveau la tête et elle lui demanda l'autorisation de regarder dans son carnet. Après un nouvel acquiescement, Lucy tourna les pages, dépassa le dragon pour arriver à un dessin, non colorié, qui représentait le terrain de Quidditch et en son centre, quatre silhouettes, dont une était penchée sur une autre allongée. Des flèches pointaient les personnages et une écriture enfantine détaillait : « Maeve » « Lucy » « sœur de Lucy » « ? ». Lucy serra le papier pour éviter à ses doigts de trembler. Lentement, elle retourna le carnet pour le montrer à Gethin. Le garçon leva brièvement les yeux, reconnut le dessin, puis les baissa sur le coussin, ses bras croisés sur sa poitrine.
-C'est comme ça que tu as prévenu Molly, réalisa-t-elle, n'osant pas y croire. « Lucy est en danger ». Tu ... tu avais vu ce qui aller se passer.
Elle s'était efforcée d'effacer toute trace d'accusation dans sa voix. Pourtant, Gethin et Adam durent en lire dans la phrase même car ils réagirent vivement tous les deux :
-Lucy ! Tu ne vas pas recommencer ?
-Je l'ai vu trop tard ! (Les yeux de Gethin s'agrandirent d'horreur). Si je l'avais vu avant j'aurais tenté de faire quelque chose ...
-Ce n'est pas la question. Lucy, arrête d'accuser mon frère.
La préfète releva un visage agacé sur Adam. Le Gryffondor était crampé sur ses positions, les bras croisés sur sa poitrine, le regard dur. Lucy se doutait qu'il n'avalait pas le fait qu'elle l'ait forcé à dévoiler le secret de son frère, mais ce n'était pas pour cela qu'il fallait lui prêter de mauvaise intention.
-Je n'accuse pas Gethin, rétorqua-t-elle, peut-être un peu sèchement. Je ne l'ai jamais accusé de quoique soit. Je cherche juste ... à comprendre.
-Ce n'est pas avec ce genre de remarque que tu comprendras.
-Ça va, Adam, le calma Gethin avec un soupir las. Elle disait juste que j'avais vu ce qui allait arriver ... et elle a raison.
Lucy dressa un sourcil triomphal à l'adresse d'Adam. Celui-ci se contenta de la fusiller du regard en secouant la tête et abandonna enfin sa position pour s'affaler sur un des coussins. Puis il tourna vers son frère un visage mi-désolé, mi-agacé.
-C'est de ma faute qu'on en est là. Je peux lui expliquer.
-Non laisse, refusa Gethin avec fermeté. Je peux le faire. Et puis c'est un peu ma faute aussi. Depuis que je suis ici ... je ne suis pas très prudent.
-Ça c'est sûr que tu n'as rien fait pour adoucir mes soupçons, grommela Lucy à voix basse.
Mais Adam l'entendit, et lui jeta un nouveau regard noir. Elle leva les mains en signe de reddition. Elle attendit patiemment que Gethin reprenne son carnet, et le feuillette quelque peu, le regard vague. Il semblait faire tous les efforts du monde pour rassembler ses pensées ... et se défaire de son frère.
-Ce ne sont pas toujours des dessins. Ça peut-être des impressions, juste, des intuitions. Des cauchemars dont je me rappelle à peine quand je me réveille. Ou des visions instantanées.
Un frisson le parcourut et il tourna une nouvelle page. Lucy ne dit rien, laissant le garçon donner libre court à ses pensées. Adam, malgré son mécontentement apparent, le couvait d'un œil inquiet.
-Je n'aime pas les visions, avoua-t-il en fuyant le regard de ses aînés. Ça provoque des absences douteuses, alors j'essaie de les repousser quand elles me prennent. Sauf que les repousser ça me rend malade.
Lucy songea aux fois où elle avait vu Gethin quitté la Grande Salle en catastrophe, suivi de peu de son frère. Encore une chose qui s'éclaircissait. Gethin tourna une nouvelle page.
-Les photos, c'étaient des intuitions. Je ne te mentais pas quand je te disais que je les trouvais. A des moments, je me promène dans le château, je me laisse guider par mon instinct et ... je les trouve. Celle-ci je savais qu'elle était là (il pointa la photo que Lucy tenait encore dans la main). Je l'avais vu en rêve, cette fois. Mais je ne savais pas comment accéder à cette pièce. Quoiqu'il en soit, ce sont toujours des prémonitions ... relativement proche dans le temps. C'est rare que je fasse le dessin d'un événement disons, plus d'un mois à l'avance. Celui de Maeve et toi ... Je ne l'ai pas fini. Quand j'ai compris ce qu'il signifiait, j'ai couru dans les couloirs du château pour trouver quelqu'un et je suis tombé sur ta sœur.
Lucy hocha doucement la tête. Malgré elle, elle était suspendue aux lèvres de Gethin. C'était comme avoir un petit morceau de mythe devant elle et de mettre en lumière ce qui lui avait toujours paru très obscur, avec un mélange de fascination et d'appréhension.
-Le dessin du dragon ... je ne savais pas ce qu'il signifiait, avoua-t-il. Je fais les dessins, ça ne veut pas dire que je les comprends toujours. Parfois quand je les ai finis et que je les regarde, j'ai l'impression que c'est un autre qui les a fait. D'autres fois, j'ai des intuitions qui vont avec et j'essaie d'agir. Mais c'est souvent trop tard.
Un ombre passa sur son visage et il referma son carnet d'un geste sec. Il replia ses jambes sur sa poitrine et posa son menton sur ses genoux. A sa posture prostrée et son regard, Lucy comprit qu'ils allaient passer à l'intimité de Gethin.
-J'ai dessiné Poudlard quand j'avais cinq ans, avoua-t-il d'une voix à peine plus haute qu'un murmure. C'est le seul dessin que j'avais fait si longtemps avant de voir la chose. Ces visions, ces choses ... Je les ai depuis que je suis tout petit. Mes parents en avaient conscience. Ils avaient compris que j'étais différent. Ils voyaient mes dessins d'enfant se réaliser deux jours plus tard : un jouet cassé, le visage de la future voisine ... Ça les ... déroutait.
Malgré elle, Lucy porta immédiatement les yeux sur Adam. Le jeune homme eut le même reflexe et leurs regards se croisèrent. Celui du Gryffondor exprimait une profonde lassitude et il acquiesça lentement. La conversation qu'ils avaient eue dans la salle d'Arithmancie sur l'enfance chaotique des Scampers tournait dans la tête de Lucy, et elle n'osa dire mot. « Ça les déroutait ». Gethin minimisait les choses. Beaucoup trop. Et il en avait conscience, car, pour la plus grande horreur de Lucy, des larmes montèrent dans les yeux gris de Gethin.
-Je les détestais, souffla-t-il, l'air de se retenir à grand peine. Tous ces dessins, ces cauchemars ... Ça me rendait différent. Et tout le monde, tout le village le sentait. Je n'étais pas comme les autres. Je réveillais ma mère au milieu de la nuit, je faisais peur à Morgan, les autres enfants ne voulaient plus jouer avec moi et mon père ... mon père ...
-Geth, intervint Adam avec douceur, maintenant tranquillement la main sur son bras. Elle sait, tu n'es pas obligé d'en parler.
Lucy hocha la tête pour appuyer Adam. Gethin n'était pas obligé de s'infliger ça. Il lui brisait assez le cœur. Il essuya une larme qui avait coulé et eut un demi-sourire.
-Alors si elle sait, elle comprend pourquoi je veux que personne ici ne sache ce qu'il se passe. Même chez les sorciers, je suis différent. Une bizarrerie, un cas à part. Je ... je veux pas revivre ça. Cette double-vue, comme tu dis, ça ne m'a jamais rien apporté de bon. Je n'ai rien pu changer aux choses désastreuses que je voyais venir – et je peux te dire que j'en ai vu. Et ça ... me broyait de l'intérieur. Psychologiquement et physiquement. Et pour ceux qui essaient de me soutenir, ça n'apporte que du malheur. Je ne sais pas si Adam t'a parlé d'Alan ...
-Votre grand frère ? Un petit peu.
Gethin pianota doucement sur son carnet de ses doigts. Lucy tenta d'échanger un autre bref regard avec Adam, mais les yeux de celui-ci fixaient le vide.
-C'est de ma faute, souffla doucement Gethin. Si Alan est parti, c'est de ma faute.
-Gethin, le coupa fermement Adam. Tu sais bien que c'est faux.
-C'est un peu vrai, répliqua l'enfant avec défaitisme. Ce ne serait jamais arrivé s'il avait eu à me protéger... C'est comme toi ...
Il porta un regard humide sur Adam, un regard déchiré. Adam fronça les sourcils, et se rapprocha de son frère.
-Comme moi ?
-Je ne veux pas que tu partes aussi.
Adam gratifia son frère d'un regard profondément désemparé. Lucy replia ses jambes sur elle, ayant soudainement l'impression d'être une intruse. Une nouvelle larme avant coulé sur la joue de Gethin.
-Alan il m'a protégé pendant des années. Ça l'a tellement brisé qu'il en est parti. C'est de ma faute s'il a été brisé.
-Gethin, la seule personne qui est coupable, c'est notre père. Personne d'autre (il posa doucement sa main sur le genou de son frère). Et je ne partirais pas. Je ne te laisserais pas seul. Promis.
Gethin hocha doucement la tête et eut un petit sourire reconnaissant pour Adam. Lucy sourit également, attendrie par l'attachement que les deux frères éprouvaient l'un pour l'autre. Elle comprenait l'obstination d'Adam à vouloir protéger Gethin à tout prix, mais elle comprenait également la volonté du cadet de se défaire de l'aîné. Une de ses frères avaient dû subir trop lourdement sa protection : il ne voulait pas que cela arrive également à Adam.
-Mais je ne peux pas t'aider si tu ne me dis pas tout, gronda néanmoins Adam, récoltant le regard surpris de son frère. Je veux bien te laisser un peu respirer, seulement si tu me mets aux vues de toute les menaces et c'est pas le cas. Qu'est-ce qu'il t'a pris de ne pas me parler de Wallace ?
Lucy sursauta et Gethin se tourna vivement vers elle, avec un air blessé qui l'attrista.
-Tu m'avais promis !
-Ce n'est pas elle, goinoid*, répliqua Adam en lui donnant une petite tape gentillette derrière la tête. Ce qui montre bien que peu importe ce que tu feras pour me le cacher, je finirais toujours par le savoir.
-Maudits Mousquetaires, grommela Lucy en lorgnant le Gryffondor. C'est eux, pas vrai ? ça ne peut être qu'eux.
Adam eut un sourire coupable. Gethin coula sur Lucy un regard déboussolé, et un peu vexé. Personne n'était censé être au courant de l'agression qu'il avait subi par Wallace. Surtout pas Adam.
-C'était le seul moyen pour moi d'arrêter ça, se défendit Lucy à l'adresse de Gethin. Utiliser mes cousins pour veiller à ce qu'il te laisse tranquille. Ça m'a valu pas mal d'ennui d'ailleurs. James ...
Sa voix se brisa et elle se refusa à continuer, de peur de se remettre à pleurer si elle évoquait à nouveau son cousin. Ses yeux bruns et vitreux hantèrent un instant son esprit, le paralysant complétement.
-Et je t'en remercie, ajouta Adam, sortant Lucy de sa torpeur. Vraiment, Lucy.
-Pas moi, grommela Gethin en cachant son visage dans ses mains. J'en ai assez qu'on me protège. Je ne suis pas en sucre.
-Ah oui ? douta Adam avec un sourire, ébouriffant ses cheveux. Tu n'as pas été très convaincant. Alors jusqu'à nouvel ordre, tu m'auras sur le dos. Il est hors de question que je te laisse sans protection.
Mais le protéger de quoi, exactement ? Gethin avait raison : même parmi les sorciers, il était une bizarrerie. Et le fait que son père ait presque souhaité sa mort n'arrangeait rien à cela. Elle comprenait son envie de discrétion. Mais il y avait autre chose. Sa discrétion était passée au travers.
-Pourtant quelqu'un est au courant.
Elle n'aurait pas voulu le dire à voix haute, mais ça lui avait échappé. Elle releva les yeux sur les frères Scampers, qui la dévisageaient.
-Laureen Bones. Et Pucey, tant qu'on en parle. Ils en avaient après ton carnet. S'ils le voulaient, c'est qu'ils savent ce qu'il contient, non ?
-On n'en sait rien, avoua Adam. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir torturé Pucey. La seule chose qu'il m'ait dite, c'est que Laureen avant besoin de ce carnet et que si ça lui permettait de bousculer un Né-moldu ...
-Tu l'as laissé dire ça ? se scandalisa Lucy, son antipathie pour Liam Pucey augmentant.
-Avec un sortilège de Chauve-Furie à la fin. Il n'a pas aimé.
Lucy eut un sourire approbateur.
-La préfète fera comme si elle n'avait rien entendu. Et la Weasley approuve cent fois. Donc c'est Laureen qui est responsable de ça ? C'est elle qui est au courant ?
-Il semblerait, confirma Gethin en hochant la tête. J'étais dans la bibliothèque en train de dessiner quand Pucey a essayé de me prendre mon carnet. Je ne l'ai pas laissé faire et je suis parti, mais la fille, Laureen, attendait à la sortie. C'est la première fois que je suis heureux d'être un nain. J'ai réussi à me faufiler et je suis tombé sur vous.
-Donc ils ne t'avaient rien dit ?
-Rien du tout. Ils ont juste essayé de me prendre mon carnet, ce qui est déjà assez significatif. Ils ne doivent pas en savoir tant que ça, somme toute il n'y a pas grand-chose dans ce carnet. Juste des dessins. C'est vrai qu'en les voyant on peut deviner que je vois l'avenir mais ...
-C'est déjà bien assez. Soit Laureen sait ce que c'est, soit elle agit sur les ordres de quelqu'un qui sait ce qu'il contient, enchérit Adam, le visage grave. On n'essaie de pas de voler le carnet d'un première année sans intérêt. Pucey, à la limite, pour embêter son monde. Mais Laureen Bones ?
-Je suis d'accord. Mais qui ?
-Forcément un enseignant, qui aurait remarqué dès le début que Gethin agissait bizarrement. On n'a jamais trop su, et comme rien d'autre n'est arrivé depuis ... En fait, ajouta-t-il avec un sourire désolé. La seule menace ces derniers temps, c'était toi.
-Je vois. J'aimerais dire que je suis désolée, mais la vérité, c'est que pas du tout.
-C'est moi qui suis désolé, s'excusa Gethin en se frottant la nuque, comme le faisait son frère quand il était gêné. J'ai tout fait pour attirer tes soupçons. Je me doutais qu'un jour ou l'autre, tu me tomberais dessus et tu saurais tout. Mais ... j'avais peur.
Lucy dressa un sourcil, à la fois étonnée, amusée, et légèrement amère.
-De moi ? Remarque c'est assez courant par les temps qui courent mais ce n'est pas la question.
-C'était aussi moi qui avais peur, intervint Adam. Si toi tu le sais, Zabini le sait, ton clan le sait ... et si ton clan le sait, tout est fini.
-C'est quoi ces a priori ? Je sais garder un secret enfin ! Si vous me demandez de ne rien dire à Luke, je ne dirais rien à Luke – ni à mes cousins.
-Alors on te demande de ne rien dire à Luke et à tes cousins. Et personne d'autre du reste.
-Très bien.
Gethin sourit devant leur échange. Il tripota encore son carnet avant de l'ouvrir et de montrer un dessin à Lucy. Elle le détailla, intriguée, avant de se figer. Elle aurait reconnu la scène entre mille. L'agression d'Alexandre Wallace.
-« Les ennemis du passé ne seront jamais oublié. Le temps de la justice vient de s'ouvrir. Ennemis des héritiers, prenez-garde », lut-t-elle, un frisson la parcourant. Tu l'avais vu ?
-Quelques heures avant à peine. Tu te souviens du premier jour, quand Alexandre essayait de me piquer la photo ?
-Tu penses que ça prouve qu'il était lié à ce qui se passe en ce moment ? s'enquit Lucy.
-Tout est lié, assura-t-il avec aplomb, le même qu'il avait eu quand il avait déclaré qu'il avait vu Lysander. Laureen, Wallace, les photos... Je ne sais pas comment ni pourquoi mais je sais que c'est lié. Je pense que c'est Wallace qui a disposé les photos en début d'année, j'ai dû prendre celle-là juste après qu'il l'a mise.
-Encore une fois on pense qu'il a agi sous les ordres de quelqu'un, ajouta Adam. Quelqu'un qui commande aussi à Laureen Bones. Quel lien entre le carnet de Gethin et les agressions, bonne question. J'étais allé voir Mimi Geignarde dans ses toilettes pour y voir plus clair, et à par me dire qu'elle avait entendu Wallace se disputer avec quelqu'un – ce qui corrobore ce qu'on pense – ça ne m'a pas été très utile.
Lucy cligna des yeux et dévisagea Adam Scampers. Elle n'en revenait pas de toutes les possibilités qui s'ouvraient à elle. Les frères Scampers avaient enquêté de leur coté – malgré la paix des Chocogrenouille, en parallèle. Gethin avait tenté de croiser leurs recherches en lui donnant les photos : elle avait plus de chance de les comprends, ainsi que leur lien avec l'affaire. Et c'était ce qu'elle avait fait. Elle aussi avait été voir Mimi Geignarde, il y avait maintenant si longtemps, et sa voix résonnait encore dans sa tête. Sa mâchoire de décrocha.
-C'est pas vrai ... C'est toi le Gryffondor mignon qui est allé voir Mimi ?
-Le « Gryffondor mignon » ? répéta Adam, à la fois pris de court et amusé.
-C'est ce qu'elle a dit, fit précipitamment Lucy, sentant à son plus grand effroi la rougeur lui monter aux joues. Elle a dit qu'un « Gryffondor mignon » était venu lui demander des infos avant Luke et moi, quand on y a été.
-Et je corresponds à la description du « Gryffondor mignon », selon toi ?
Adam faisait mine d'être sérieux, mais Lucy voyait la malice briller au fond de ses iris noisette. Elle le fusilla du regard, les oreilles rouges d'embarras. Il était hors de question qu'elle réponde à cette question.
-Tu es un Gryffondor et tu as été voir Mimi avant moi, répliqua-t-elle, refusant net d'entrer dans son jeu. C'est assez pour moi.
-Et elle t'a dit la même chose qu'à moi ? Une dispute devant sa porte, l'un qui a dupé l'autre ?
Lucy hocha la tête. Adam se tourna vers son frère, l'air de demander son avis, mais Gethin ne fit qu'hausser les épaules.
-Arrête de me demander. Je ne suis pas une boussole.
-Et dans tes rêves, ou tes dessins, s'enquit doucement Lucy, avec l'impression de marcher sur des œufs. Tu n'as pas vu l'agresseur ? Celui qui se cache derrière la silhouette blanche au masque ?
-Non, jamais. Justement ... je ne vois qu'un masque blanc. Chaque fois. Dans un cauchemar, il était face à une autre silhouette, noire elle. Ça t'évoque quelque chose ?
Lucy réfléchit un instant. Quand on lui parlait de capes noires, une seule chose lui venait à l'esprit, une image obscure et annonciatrice de mauvaises choses. Un passé très noir.
-Des Mangemorts. Ils avaient des capes noires. C'est ... terriblement cohérent.
-Comment ça ? se troubla Adam.
Lucy le lorgna, puis prit une profonde inspiration. Luke la tuerait surement, mais après ce qu'elle venait d'apprendre, elle voulait bien s'exposer à ça. Lentement, elle leur relata la théorie qu'elle avait avec Luke : une personne qui souhaitait se venger d'un fait commis pendant la guerre. Il ne serait pas étonnant qu'il revête les traits opposés à ceux des Mangemorts. Elle passa sous silence d'utilisation du Sérum de Basilius, qui dorénavant ne servait plus à grand-chose. Dans quelques semaines, un antidote serait trouvé ... Et les victimes seraient sauvées. Lionel serait sauvé. James serait sauvé.
-Ça me semble logique, admit Adam en hochant la tête. C'est ... vachement ritualisé pour une vengeance, mais ça se tient.
-Pour moi, il y a une huitième victime. Les Serpentard. Nos fenêtres qui cèdent au moindre tremblement, un dragon envoyé dans les cachots ... On est connu pour avoir eu le mauvais rôle dans la guerre. Ce ne serait pas surprenant.
-D'ailleurs, comment ça s'est fini avec le dragon ? demanda Gethin avec inquiétude.
-Lucy aurait bien aimé le garder avec elle, répondit Adam avec un demi-sourire.
-Très drôle Scampers.
Adam ricana et entreprit de raconter à Gethin ce qu'il s'était passé. Le garçon écarquilla les yeux et dit à son tour qu'ils étaient allés chercher Campbell sans la trouver avant de se précipiter sur le bureau de Londubat. Le professeur les avait laissé avec Sullivan pour qu'il les ramène dans leurs dortoirs et avait été prévenir les autres professeurs.
-Cette histoire, soupira Lucy en secouant la tête. Un dragon dans Poudlard. Ils vont vraiment finir par fermer l'école.
-Ils peuvent faire ça ? s'inquiéta Gethin.
-Les élèves se font agresser les uns après les autres, intervint Adam en secouant tristement la tête. Et la découverte de la potion n'a rien arrangé : maintenant ce psychopathe fait carrément entrer un dragon dans l'école ! Je pourrais comprendre que les parents ne soient pas rassurés d'avoir leurs enfants à Poudlard.
Lucy acquiesça avec défaitisme. Après ce qu'il venait de se passer, elle serait étonnée si l'école rouvrait ses portes après les vacances. Adam balaya la pièce du regard avant de s'attarder sur son frère. Les cernes lui mangeaient presque les joues. Il sauta sur ses pieds et incita Gethin à faire de même.
-Allez le gnome, je te ramène au dortoir. Il est tard et la nuit a été assez agitée. Tu dois dormir. Et nous, on doit retourner à l'infirmerie avant qu'on ne remarque notre absence.
-Ce n'est pas faux, admit Lucy en se levant à son tour. On a fait assez de remue-ménage comme ça.
Gethin opina doucement du chef et prit la main tendue de son frère. Lucy balaya une dernière fois la pièce du regard, vaguement mélancolique. Ses parents n'étaient jamais entrés dans cette salle, contrairement au reste des Weasley. C'était peut-être aussi pour ça qu'elle était plus détachée de cet endroit qu'aurait pu l'être James : son histoire y était moins liée. Elle posa son regard sur la photo, la dernière. Dans sa tête, elle nota les mots qu'elle devait inscrire dans le cahier : « Harry – Cinquième année – Salle sur Demande (7e) ». Ils sortirent de la Salle et ramenèrent Gethin à la Salle Commune de Gryffondor. Avant de donner le mot de passe, l'enfant regarda Lucy un moment, puis lui sourit.
-Merci Lucy. Merci ... beaucoup.
Lucy le dévisagea avant de sourire avec tendresse à son tour.
-C'est à moi de te remercier. Tu n'étais pas obligé de tout me dire, Gethin. J'aurais continué à te harceler, certes. Mais tu n'étais pas obligé.
-Tu ne nous as pas trop laissé le choix, grommela Adam en lorgnant la jeune fille, qui lui servit son plus beau sourire.
-Mais au moins tu arrêteras de me harceler, la défendit Gethin en haussant les épaules. Ce sera beaucoup plus sain. (Son visage se crispa quelque peu). Tu ne diras rien à personne ?
-Promis.
-Elle n'a pas intérêt, grommela Adam.
Gethin lança un regard peu amène à son frère et Lucy le suivit dans cette démarche. Puis ils laissèrent l'enfant retourner dans son dortoir alors qu'eux prenaient silencieusement la route de l'infirmerie. Ils ne dirent mot, elle les bras croisés sur sa poitrine, lui les mains profondément enfouies dans les poches. Miraculeusement, ils ne rencontrèrent personne – les professeurs devaient avoir fini de fouiller le château après la découverte du dragon – et arrivèrent à l'infirmerie indemne. Une faible lumière brillait toujours entre leurs lits, et aucune trace d'Hannah : elle devait sans doute dormir. Lucy s'efforça de ne pas regarder le rideau qui couvrait le lit de James, et reflua la douleur qui montait en elle. C'est bientôt fini. Ils auront bientôt l'antidote. Elle s'assit sur son lit et remit la couverture sur ses épaules. Adam se planta devant son lit, les mains toujours dans ses poches, la regardant avec un mélange d'agacement, de gêne et d'hésitation. Malgré l'étau qui lui serrait la poitrine, elle s'efforça de dresser un sourcil.
-Oui Scampers ?
-Je déteste qu'on me force la main. Ne refais jamais ça. S'il te plait.
Son visage pâle était grave et sérieux. Ses yeux noisette étincelaient, mais elle ne savait dire de quelle nature était la lueur qui les animait. Lucy se balança doucement d'avant en arrière avant d'opiner doucement du chef.
-J'avoue que ce n'était pas sympa. Appeler le carnet de Gethin, te mettre devant le fait accompli ... Mais il faut me comprendre. Depuis le début de l'année je sens qu'il y a un truc pas net chez ton frère ... Je n'aurais jamais parié ... sur ça.
Elle n'arrivait pas à mettre les mots. Depuis qu'elle était jeune, elle considérait la divination et les voyants comme un mythe, une espèce de croyance, force obscure de la magie, insaisissable. Et voilà qu'elle en avait saisi une infime partie, qu'elle s'était cristallisée devant elle sous la forme concrète de Gethin Scampers. Ça lui donnait mal à la tête. Adam eut un sourire amer.
-Je comprends, concéda-t-il en inclinant la tête. N'empêche que ... plus jamais.
-Il n'y a plus de raison, maintenant que je sais tout. Ensemble, on arrivera peut-être à trouver le vrai coupable.
Malgré elle, ses yeux se portèrent sur le rideau blanc. Elle ne put empêcher les larmes d'affluer et les chassa d'un battement de cil. Quand elle rouvrit les yeux, Adam s'était installé dans le lit à côté d'elle, la força à tourner le dos à James. Elle dressa un sourcil, incapable de se dire s'il avait une envie subite de s'asseoir, ou si c'était pour qu'elle ne croise plus ce maudit rideau. Que ce soit conscient ou non, elle lui en était reconnaissante.
-On le trouvera, promit-t-il avec une conviction qui rassura quelque peu Lucy. Et James et Lionel reviendront parmi nous.
-Et Poudlard cessera de me considérer comme une criminelle.
Elle se mordit l'intérieur de la joue. Elle ne voulait pas se plaindre de son sort, et le regard compatissant qu'Adam lui jetait ne lui plaisait pas du tout. Elle ne voulait pas qu'il ait pitié. La pitié, c'était pire que tout.
-Tout Poudlard ne le pense pas, Lucy. Je suis sûre que les Zabini, Montague et McColley sont derrière toi. Même Shannon Finnigan a rabattu le caquet de son frère. Et tes cousins ...
-Arrête, c'est eux les pires. Je ne vais quasiment plus en cours depuis l'agression de James, et je sens quand même les regards accusateurs de Dom, ou l'interrogation dans les yeux de Rose et Hugo.
Adam se tut un instant, les yeux rivés au plafond. Lucy resta silencieuse elle aussi. Il avait raison, la majorité de son équipe de Quidditch et Luke l'avait soutenue et défendue auprès des autres élèves, y compris Montague. Lysander lui avait également été très précieux : il avait séché les cours avec elle pour lui changer les idées dans la forêt, où ils rendaient visite à Buck et cherchaient à apercevoir le phénix au pied des montagne. Lorcan les avaient même accompagnés une fois. Mais la suspicion de certain de ses cousins l'avait blessé, malgré le soutien indéfectible de Louis et Roxanne.
-Je vais rester à Poudlard pendant les vacances, avoua-t-elle à mi-voix, la gorge serrée. Je ne me sens pas de rester à broyer du noir chez moi, et encore moins aller au Terrier dans cette ambiance. Je préfère réviser mes BUSE ici.
-Sérieux ?
Adam semblait sincèrement surpris : il s'était redressé sur ses coudes, et la dévisageait à présent, assis sur son lit. Lucy haussa les épaules avec une indifférence feinte. Ça ne lui plaisait pas le moins du monde, mais elle ne se sentait vraiment pas de rester dans sa famille alors que les parents de James seraient là. Elle avait songé à d'autres alternatives, sans succès. Molly était en déplacement pendant trois semaines en France et ne pouvait pas l'accueillir, et les Dragonneau partaient en Egypte. Quand elle avait annoncé sa décision à Luke, il l'avait regardé tristement, et avoué que s'il avait pu, il l'aurait invité chez lui. Ça avait touché la jeune fille, qui n'était pas habituée aux tendresses de son meilleur ami. Adam se leva pour s'asseoir à côté d'elle, sur son lit, comme s'il s'apprêtait à la border. Il planta son regard dans le sien, perplexe.
-Tu vas rester ici, alors qu'un psychopathe en a après les Serpentard ? Tu vas passer tous les jours devant l'endroit où James s'est fait agresser, et tu penses que ça va te faire du bien ?
-Ce sera toujours mieux que de sentir tous les non-dits entre mes cousins, ou que de rester dans un petit appart' jusqu'à en devenir folle. J'irais à la bibliothèque.
-Tous tes cousins ne sont pas contre toi, lui rappela-t-il avec douceur.
Lucy essuya un ricanement de dépit en secouant la tête.
-Lysander m'a dit qu'ils avaient fait une réunion ce soir – il ne pouvait pas y aller à cause de sa ronde. Un genre de tribunal. Je n'ai pas envie de me retrouver dans la même pièce que ceux qui m'ont jugé.
-J'y étais.
La préfète dévisagea Adam avec surprise. Il ne la regardait pas, et une rougeur suspecte apparaissait sur ses joues.
-Louis et Roxanne m'avaient demandé de venir. Ils avaient besoin de gens pour te défendre alors ... Je suis venu.
-Oh, Scampers, souffla Lucy, à la fois gênée et touchée.
-C'est pour ça que je peux te dire que dans l'ensemble, aucun de tes cousins ne t'en veut. Le seul cas problématique, c'est Dominique, mais si j'ai bien compris, elle est influencée par des amis de Serdaigle qui te croient coupable. Mais je pense qu'on a réussi à lui retourner la tête. Je te l'ai dit, sur le coup on peut croire que tu es coupable. Mais dès qu'on creuse un peu, ça ne tient pas.
-C'est là qu'ils t'ont dit pour Wallace et Gethin ?
Adam acquiesça doucement, ses doigts tripotant la couverture. Lucy ressentit un élan d'affection pour le Gryffondor. A bien des égards, les Weasley étaient une fosse aux lions dans lequel il s'était jeté pour la défendre. C'était ... appréciable. La chaleur commença à lui monter aux joues et elle secoua la tête pour se reprendre.
-Je ne t'ai pas assez remercié, d'ailleurs, poursuivit Adam.
-Ce n'était rien, je faisais mon devoir de préfète.
-Quand même. Tu n'étais pas obligé de demander aux Mousquetaires de faire payer à Wallace pour l'empêcher de continuer. Mais tu l'as fait. Tu as protégé mon frère et tu n'imagines pas à quel point c'est important pour moi.
-Je crois que je commence à imaginer.
Le visage d'Adam se fendit d'un demi sourire et il se leva pour s'étirer. Lucy crut qu'il allait simplement retourner à son lit, mais il se pencha sur elle et l'embrassa doucement sur la joue. Avant qu'elle n'ait pu faire autre chose que cligner des yeux et fixer bêtement le vide les yeux écarquillés, Adam était retourné dans son lit et s'était glissé dans les couvertes. Lucy porta ma main à sa joue, troublée, avant de lorgner discrètement Adam. Mais le garçon lui avait déjà tourné le dos.
-Euh. De rien ?
Elle entendit vaguement Adam rire depuis ses couvertures, et elle sourit à son tour, un sourire qui lui parut terriblement niais. Elle tordit ses lèvres pour l'effacer et éteignit la lumière de sa baguette avant de s'enfoncer dans ses draps. Elle fixa un instant la nuque d'Adam, recouverte de fils châtains qu'elle devinait soyeux, et finit par déclarer à voix basse :
-Merci à toi, Scampers.
-Ne m'appelle pas comme ça, ronchonna Adam sans se retourner. Mais pourquoi ?
-Plein de chose. (Ses mains tordirent la couverture alors qu'elle sentait son visage s'enflammer). Pour le dragon. Sans ton aide je n'y serais jamais arrivée. Je ... veux bien admettre que tu es meilleur en sortilège que moi. Odor Mobilis ... Jamais je n'aurais trouvé.
Adam ne réagit pas sur le coup, et Lucy garda les yeux rivés sur le plafond, même quand elle l'entendit se retourner. Comme il ne disait rien, elle poursuivit, les joues de plus en plus brûlantes :
-Et de m'avoir défendue auprès de mes cousins. Et des autres aussi, je suppose. Tu ... n'étais pas obligé de le faire. C'était très ... gentil de ta part.
Elle laissa sa phrase en suspens, sans quitter le plafond du regard, les doigts serrés sur ses draps. Adam ne disait toujours rien, mais elle sentait ses yeux qui la dévisageaient, sans doute perplexe. Lucy ne doutait de ce qu'il pensait. Lucy Weasley n'est jamais si humble. Elle ne remercie personne – pas pour de vrai, elle a trop d'orgueil pour ça. Après quelques secondes d'un silence atrocement lourd et gênant pour la préfète, elle décida de couper court à la conversation, la mort dans l'âme et tourna le dos à Adam avec un « bonne nuit » soupiré. Elle ne l'entendit pas bouger et pensait qu'il s'était rendormi quand sa voix fendit la nuit :
-Sérieusement ? Tu peux répéter ?
-Euh. Merci ?
-Non, non pas cette partie-là, l'autre partie. Je veux l'entendre et regarde-moi.
Lucy fronça les sourcils et roula sur le dos, penchant sa tête sur le côté pour fixer Adam. Il s'était redressé sur ses coudes, un éclair d'espièglerie traversant ses iris noisette. Un petit sourire retroussa les lèvres de la jeune fille.
-La partie sur Odor Mobilis ? C'est ça que tu veux, Scampers ?
-S'il te plait.
Lucy inspira et fit mine de pousser un soupir à fendre l'âme. Puis elle se redressa à son tour sur ses coudes et déclama d'un air exagérément théâtral et protocolaire qui n'était pas sans rappeler celui qu'utilisait Percy Weasley :
-Moi, Lucy Eugenia Weasley, fille de Percy et Audrey Weasley, descendante de Nobert Dragonneau, préfète de Serpentard, Poursuiveuse et Capitaine de l'Equipe de Quidditch, et meilleure élève de cette école, certifie que toi Adam ...
-Trystan Gareth.
-... Adam Trystan Gareth Scampers, de la Maison Gryffondor, Poursuiveur de son équipe, est le meilleur élève en Sortilège des Cinquième années. Cordialement, moi.
Un grand sourire fendit le visage d'Adam, éclairé uniquement par un rayon de lune qui passait dans l'infirmerie. Lucy dressa un sourcil, taquine.
-Satisfait, monsieur Scampers ?
-Le « meilleure élève de cette école » était de trop. Pour moi, ça reste Shannon – et de très loin. Mais comme je sais que le reste t'a coûté un effort monumental, alors oui, je pense pouvoir dire être satisfait.
-Parfait ! soupira Lucy en se laissant tomber dans ses oreillers. On va pouvoir dormir. Quelle heure il est ?
-Euh ... Presque cinq heures.
Lucy poussa un juron, et Adam rit sous cape en se replongeant dans ses draps, les doigts noués derrières sa nuque. La jeune fille se replaça sur le côté, prête à s'endormir, un sourire aux lèvres. Mais Adam n'était pas de cet avis :
-Tu pourrais faire la même chose en disant que je suis meilleur au Quidditch ?
-Ne pousse pas le bouchon, Scampers, je suis la meilleure Poursuiveuse de cette école. Bonne nuit.
-En attendant le match de juin ... tu y penses ?
-Bonne nuit Scampers.
-Imagine on aurait joué dans la même équipe ? On aurait eu la Coupe tous les ans, je suis sûr.
-Scampers ... Je veux dormir.
-En fait non mauvaise idée, je n'aurais pas pu te faire tomber l'année dernière et tu ne m'en aurais pas autant voulu et il n'y aurait pas eu la paix des Chocogrenouille et on ne serait pas amis aujourd'hui.
Amis. Le mot résonna dans l'esprit de Lucy des milliers de fois jusqu'à en perdre son sens. Elle réfléchit un instant à cela, à savoir si Adam Scampers était son ami. Eléonore était son amie. Jina était son amie. Will était son ami. Adam ? Elle se rendait compte qu'elle n'en savait rien. Elle n'arrivait pas à le mettre dans la même case que les personnes qu'elle avait citées. Pourtant, ils étaient devenus trop proches pour qu'il ne soit personne. Alors ... qui était-il ? Lucy refoula son trouble de son mieux, et croisa ses bras sur son ventre qui avait commencé à se tordre.
-Bonne nuit, Scampers.
Elle l'avait dit d'une voix si lasse qu'Adam ne renchérit pas, cette fois. Elle l'entendit s'affaisser dans ses draps, et s'autorisa à fermer les yeux. Mais une seconde plus tard, sa voix retentissait encore :
-Lucy ?
-Quoi, Scampers ?
-Tu veux venir chez nous pendant les vacances ?
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