Chapitre 30 : ... que la raison ignore

Pfiouh, je reviens de faire du rafting, je suis tellement cassée. Je n'aspirais qu'à retrouver le lit et vous livrer ce chapitre. Le suivant suivra très certainement. 

Bonne lecture et profitez bien du dernier chapitre de Molly (exceptionnellement très long) !

***

Chapitre 30 : ... Que la raison ignore.

-Toc toc là-dedans ! On se lève ! Hey la marmotte, ne me force pas ... Alhomora !

Molly ouvrit la porte avec fracas et entra dans le petit appartement. On remarquait au désordre qui y régnait et au balai de course posé contre un mur que Lila était revenue dans le cocon. Un sourire effleura ses lèvres, et elle s'avança vers la porte qui menait à la chambre. Les scrupules la prirent alors, et ce fut pour cela que ses coups tapés à la porte furent plus doux.

-Freddy ?

-Demain..., lui parvint la voix ensommeillée de Fred. Demain, je te promets que je te rendrais ton dragon en peluche ... celui que je t'ai volé quand on avait sept ans....

-Roh, Fred ... Quoi ? C'était toi m'avais volé Harold ?!

-Quoi ? Oh ... Hein, quoi ? Molly, qu'est-ce que tu fous ici ?!

Des bruissements de couettes se firent entendre de l'autre côté de la porte. Un petit rire féminin étouffé. Des gestes assourdis par les couvertures. Molly consulta sa montre. Neuf heures trente. Ils allaient finir par être en retard. Elle tapa avec plus de hargne contre le battant.

-Fred ! Debout !

-Pourquoi ? On est samedi, le samedi je dors, surtout quand ma copine est dans mon lit ! Enfin, quoi que dormir, dans ces cas-là, c'est un bien grand mot mais ...

-Fred, gémit Molly d'une voix plaintive. Je ne veux pas savoir les détails, merci. Mais s'il te plait ... Sors de cette chambre.

-Nan. Je dors. Grasse mat'. Retourne dormir, Molly, va te reposer. Je t'autorise à prendre mon canapé si tu veux.

-Tu ne veux pas savoir pourquoi je suis là ?

-Nan, je veux juste ... « dormir » avec ma copine.

Molly jeta un coup d'œil dédaigneux au canapé miteux qui ornait le petit salon de l'appartement de son cousin. Elle reporta alors son attention sur la porte et elle passa une main dans ses cheveux. Son cœur battait la chamade et elle avait l'impression d'avoir pris une décision complétement folle et elle avait besoin de soutiens. Elle s'approcha de la sorte et dit d'une petite voix nerveuse :

-Alors tant pis. Tu ne le verras pas de tes propres yeux.

Un silence. Molly croisa ses doigts derrière son dos, espérant que ses paroles aient fait mouche. Elle entendit vaguement Lila demander à Fred ce qui se passait, mais le jeune homme se taisait. Puis soudainement, il eut un grand remous, un bruit sourd de quelqu'un qui tombe lourdement sur le sol, un « aïe » étouffé, le rire de Lila, et finalement, la porte s'ouvrit en grand devant Molly, qui sursauta en reculant d'un pas. Fred venait d'apparaître dans l'encadrement de porte, une main se tenant à la poignée, l'autre se tenant le genou, ses cheveux bruns lâchés ébouriffés sur ses épaules, ses yeux gorgés de sommeil, ne portant que son caleçon. Molly ne put retenir un gloussement nerveux.

-Des Boursoufflets sur ton caleçon ? Sérieux ?

-La ferme !

-Oui, tais-toi, rit Lila en arrivant derrière Fred, enveloppée dans un pull Weasley appartenant sans doute à celui-ci. C'est moi qui lui ai offert.

Molly sourit à Lila, qui le lui rendit. C'était une jeune femme athlétique, à la peau peut-être un peu plus claire que Fred, mais aux boucles denses et sombres, d'un noir profond coupées aux épaules. Fred se frottait toujours le genou, une grimace aux lèvres, un œil à la fois contrarié et incrédule sur sa cousine.

-On s'en fiche de mon caleçon, là ! Tu es sérieuse ? Genre ... vrai de vrai ?

Molly croisa les bras sur son ventre avec un certain malaise. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait pris une décision à ce sujet. Et encore moins qu'elle avait pris celle-là. Elle y avait passé une partie de la nuit à y réfléchir, mais plus elle y pensait, plus elle songeait ... c'était trop tentant.

Elle voulait essayer.

Alors malgré son agitation intérieure, Molly hocha fermement la tête. Oui, c'était sérieux. Fred se figea alors dans une position improbable, les yeux écarquillés, dévisageant sa cousine. Puis il éclata de rire en se laissant aller sur son canapé miteux.

-Par la barbe interminable de Dumbledore, il faut que je vienne, je n'ai pas le droit de rater ça ! s'extasia-t-il, tout sourire.

-Aller où ? se troubla Lila, les sourcils froncés. Et pour voir quoi ?

-Bonne question. (Fred se releva sur ses coudes pour jauger sa cousine). Aller où ?

Molly sentit un sourire effleurer ses lèvres, et le rouge lui monta aux joues.

-A Poudlard. Elle va voir son petit frère jouer aujourd'hui.

-Ah ouais. Pour Daphnéa ça bouge pour aller voir le Quidditch, mais pour sa petite sœur ...

-Stop ! ordonna Lila. Pourquoi on parle de Daphnéa ?

Le visage de Molly s'empourpra. Il avait malheureusement raison dans le fond, elle n'était jamais allée voir sa sœur au Quidditch, et elle s'en voulait de venir à présent à un de ces matchs pour une raison toute autre. Et l'autre raison de sa rougeur était qu'il allait falloir expliquer à Lila pourquoi elle réquisitionnait son petit-ami. Lequel fixait Molly avec un air de reproche qui mit la jeune femme mal à l'aise.

-Je sais que j'exagère. Mais je ferais d'une pierre deux coups : je te jure, ça me fait plaisir de voir ma sœur jouer ... Fred, s'il te plait, le supplia-t-elle alors que son regard ne faiblissait pas. Je ... Je ne me sens pas d'y aller seule.

C'était véridique. Elle était terrifiée. Paralysée. Elle avait besoin que quelqu'un l'accompagne, la pousse, et la personne la plus apte à cela, c'était Fred. Elle darda sur lui un regard suppliant, de grands yeux comme elle et Lucy en avait le secret. Ce ne fut pas long. Un instant plus tard, Fred poussait un cri de frustration qui indiquait la victoire de Molly.

-D'accord, je viens. De toute façon, je dois voir ça de mes yeux.

-Voir quoi ? s'agaça Lila en frappant Fred derrière la tête. Ne crois pas que tu iras quelque part sans m'avoir expliqué, Weasley.

Fred demanda l'autorisation à Molly du regard et celle-ci la lui donna d'un signe de tête. Connaissant la passion de son cousin pour la narration et la façon dont il cultivait les détails, elle prit place sur une chaise, et se força à contempler les rues de Londres fourmillante en contrebas. Le soleil hivernal brillait à travers la fenêtre et éclairait la pièce de sa pâle lueur. Molly n'osait pas observer la réaction de Lila, aussi trouva-t-elle un intérêt pour les moldus qui défilaient sous elle. Elle écouta à peine ce que racontait Fred, et quand elle n'entendit plus sa voix, elle se crispa, attendant que le couperet tombe. Elle aimait beaucoup Lila, et son avis comptait pour elle. Comme un premier test.

-Waho, lâcha alors la Poursuiveuse. Je ... ne m'attendais pas à ça.

Molly leva timidement les yeux sur la petite-amie de son cousin. Ses yeux noisette étaient posés sur la jeune femme, sans aucune autre expression que la stupeur.

-De la part d'aucune des deux. Enfin, je savais que Daph était ... comme ça, mais je ne pensais pas que ... pas avec toi, enfin, tu es ...

Lila s'interrompit, consciente que la remarque pourrait vexer Molly. Mais elle n'était pas blessée le moins du monde. Elle comprenait que cela puisse être déroutant. Elle opina du chef avec un sourire rassurant, invitant silencieusement Lila à poursuivre. La Poursuiveuse scruta les traits de Molly un instant, sans un mot. Puis un sourire fendit son visage.

-Alors on y va ?

Molly dévisagea Lila, interdite. Elle était persuadée que la jeune femme allait essayer de comprendre, de la dissuader ou d'émettre des réserves comme Fred l'avait fait. Mais Lila s'était déjà engouffrée dans la chambre. Sa voix excitée leur parvenait depuis la pièce :

-Dépêchez-vous, on va rater le début du match ! Il est hors de question que je rate l'entrée des joueurs, c'est le meilleur moment de la rencontre. Le Quidditch ne vaut pas la peine d'être vu sinon...

-Sérieusement, Lil's ? s'étonna Fred en se redressant. Tu viens aussi ? Tu n'es pas obligée, ce n'est même pas Gryffondor qui joue.

-On s'en fiche, du Quidditch c'est toujours beau à voir ! (Elle sortit brièvement de la chambre pour lancer à la figure de Fred une pile de vêtement). Enfile ça, je te jure que si on est en retard au match à cause de toi, je te le ferais payer toute ma vie !

Déboussolés, Fred et Molly échangèrent un regard. Puis le jeune homme consentit à enfiler un pantalon et cria à Lila :

-J'ai quand même le temps de me coiffer ?

-Fred ! Tu es pire qu'une fille ! Est-ce que je me coiffe, moi ?

-Comment veux-tu, avec le mouton que tu as sur la tête ...

Lila sortit de la pièce, furibonde, et balança la chaussure qu'elle n'avait pas encore mise sur son petit-ami. Ils se chamaillèrent encore quelques minutes, sous le regard à la fois pressé et amusé de Molly. Lila finit par vouloir coiffer Fred à l'aide de sa baguette, mais comme elle n'avait jamais été brillante en sortilège, Fred se retrouva avec les cheveux raccourcis, et pire que tout, teint en une couleur verdâtre fort peu ragoutante. Quand il se découvrit dans le miroir, il paniqua complétement, plus à cause de sa coupe plus courte que de la couleur que Lila leur avait donnée. Molly réussit à leur redonner leur couleur naturelle, mais malheureusement ne put faire revenir la longueur. Ils étaient à présent d'une longueur insupportable, trop long pour être acceptable, trop courts pour être attaché.

-Mes magnifiques cheveux, gémit Fred en se regardant dans le miroir.

-Je crois que je connais un sort pour les refaire pousser, mais il m'échappe là, admit Molly avant de prendre son cousin par le bras. Allez, on va à Poudlard !

-N'en fais rien, lui souffla Lila alors que Fred allait chercher son manteau d'un air morne. Ça fait des semaines que j'essaie de lui faire couper son stupide catogan, mais il ne m'écoute pas. Qu'est-ce que tu crois, Weasley, je suis pas si mauvaise en sortilège. Fred ! cria-t-elle alors que Molly pouffait doucement. Dépêche-toi !

Fred revint de la chambre et les deux filles éclatèrent de rire quand elles remarquèrent que pour couvrir ses cheveux, il avait décidé de mettre l'hideux bonnet aux couleurs de Gryffondor à pompons multiples que Mamy Weasley lui avait offert pour Noël. Il avait l'air parfaitement ridicule. Lila les prit par les bras, riant toujours à gorge déployée et réussit à les faire transplaner. Ils atterrirent en plein centre de Pré-au-Lard, devant les Trois Balais. Elle regarda sa montre et poussa un cri de rage avant de tirer un pompon du bonnet de Fred, faisant tomber celui-ci sur ses yeux.

-Hey !

-C'est de ta faute ! Il est onze heures moins le quart et on a au moins vingt minute de marche jusqu'au stade ! Je te déteste !

-Rappelle-moi pourquoi je sors avec une harpie pareille ? souffla Fred en redressant son bonnet alors que Lila prenait décidément le chemin de Poudlard.

-Le cœur a ses raisons que la raison ignore, cita malicieusement Molly.

Fred éclata de rire, et coinça la tête de la jeune femme sous son bras afin de frotter énergiquement le sommet de son crâne.

-Tu as tout compris, petite cousine ! Allez, raconte, qu'est ce qui t'a décidé ? Nous ? Je le savais, je devrais ouvrir une agence matrimoniale.

-Tu es stupide, glapit Molly en se dégageant.

-Ce n'est pas moi qui m'apprête de faire quelque chose de stupide, mais toi, Mollyly.

La jeune femme le fusilla du regard, et ils rejoignirent Lila au pas de course. Le temps était plus couvert ici qu'à Londres : de petits flocons descendaient en chute douce sur leurs épaules, et le sol était encore tapissé de neige alors que plus rien ne persistait à Londres. Pendant tout le trajet, Fred essaya de cajoler Lila pour qu'elle cesse de lui faire la tête, si bien que Molly fit le chemin seule en tête, l'esprit plein de ce qu'elle allait dire à Daphnéa. Pourvu qu'elle soit là ..., songea-t-elle alors, prise d'un doute. Qu'elle n'ait pas changer d'avis ... Elle secoua la tête, chassant ses pensées. Elle ignorait ce qui l'avait décidé à céder à Daphnéa. Mais après les discussions avec sa sœur, Fred et sa mère, une chose ressortait nettement : elle avait envie d'essayer. Et si elle ne le faisait pas, elle allait le regretter. Il n'était pas question de vivre dans le regret. Ils passèrent la grille sous le regard suspicieux de la concierge Mrs. Sullivan, et Poudlard fut alors en vue, et le terrain de Quidditch ensuite. Les entrailles de Molly se gelèrent, et elle s'immobilisa, figée. Elle n'entendit pas Fred et Lila arriver, mais elle sentit le bras de son cousin s'enrouler sur ses épaules et la main de Lila prendre la sienne.

-Nerveuse ? s'enquit la Poursuiveuse d'une voix douce.

Molly se mordit la lèvre avec angoisse et leva le visage vers Fred.

-Et si ce n'était pas une bonne idée, finalement ?

-Mollyly. Tu es venue me tirer du lit alors que je partageais un des rares week-ends de libre avec ma copine. Tu es venue jusque ici en me sortant avec un bonnet hideux. Alors je veux voir ce que tu m'as promis, sinon, pour reprendre l'expression de ta sœur, « je te jette dans le Lac Noir ».

Molly eut un petit sourire, et Lila lui serra le bras.

-Moi je trouverais ça vachement cool que tu te mettes avec Daphnéa. Désolée si j'ai mal réagi tout à l'heure, mais ...

-Je sais, la rassura Molly en prenant une profonde inspiration. C'est surprenant.

-Alors on y va ! conclut joyeusement Fred en les poussant vers le stade.

Ils entrèrent rapidement et Fred les entraina dans les gradins. Le stade était plein à craquer, malgré le froid et la neige. A la tribune des commentateurs, Molly entendit vaguement Dominique, sa cousine et Lorcan Dragonneau s'égosiller à chaque mouvement :

-... c'était vraiment un magnifique coup du Batteur de Serpentard qui empêche ainsi Bennett de voler vers les buts de Serpentard. Montague récupère le souafle, évite Flinch-Fletchley ...

-Et un cognard en prime ! enchérit Dominique, excitée comme une puce. Que ce garçon soit doué, et agréable à regarder, ce que ne lui retire rien.

-Euuh. Trésor, t'es vraiment en train de mater ?

-Mais nan, j'essaie de voir si ça va déstabiliser Zabini. A priori non car Montague lui a fait une passe lumineuse et elle ...

-Sérieusement ? Agréable à regarder ? Tu as ton copain à coté de toi, je te rappelle !

-Dragonneau ! rugit McGonagall. Le match, s'il vous plait, le match !

-Par Merlin, grommela Lila alors qu'ils se hissaient toujours vers les tribunes. Ils sont toujours comme ça ces deux-là ?

-Je déteste Lorcan, grommela Molly alors qu'ils arrivaient dans la partie « Gryffondor » du stade. Il essayait toujours de m'embrasser quand on était petit.

-Ah. Tout s'explique. Ça a dû te dégouter des garçons.

Molly lorgna Lila, qui sourit avec enthousiasme. Elles montèrent encore quelques marches et retrouvèrent un Fred entouré des Weasley de Gryffondor. Roxanne était debout sur un banc, face à lui et riait d'un rire peu charitable en tripotant ses pompons, et Lily cachait son hilarité derrière son appareil photo. Louis avait un sourire éclatant. James descendait vers eux, une fille aux traits vaguement asiatiques sur ses talons.

-Molly Weasley dans un stade, waho, la railla-t-il d'entrer avant de prendre Lila dans ses bras. Ah la meilleure Poursuiveuse du monde ...

-Va te faire voir, Potter.

Molly baissa les yeux sur la fille qui venait de dire cela, sans doute une sixième année, brune et qui esquissait une moue boudeuse. A côté d'elle, un garçon aux cheveux cuivre retournait lui aussi à James un regard indigné.

-Ça va, Dubois, sourit le Capitaine en ébouriffant les cheveux de la fille. Et toi aussi, Scampers. Fais encore tomber ma cousine de son balai au prochain match, et je t'élève un monument.

-C'est toi qui as fait tomber ma sœur ? comprit Molly, sans pouvoir s'empêcher de fusiller le garçon du regard.

Adam se frotta la nuque, l'air visiblement gêné. Il toussota.

-Je ne l'ai pas fait exprès.

-Qu'est-ce que vous faites ici, alors ? s'enquit Lily d'une petite voix ravie. Ce n'est ni Gryffondor ni Serdaigle qui joue pourtant ...

Fred et Lila coulèrent un regard vers Molly et en remarquant cela, toutes les personnes alentours les imitèrent. Molly sentit ses joues s'empourprer et vrilla son regard sur les silhouettes jaunes et vertes en hauteurs. Elle repéra la chevelure flamboyante de sa sœur. Elle était en possession du souafle, et volait avec agilité vers les anneaux de Poufsouffle. Sans forcer, elle lança le souafle d'une main assurée et la balle passa sous le bras de la Gardienne de Poufsouffle. Le garçon devant Molly siffla doucement.

-Joli. Elle l'a mis toute seule comme une grande. Sa feinte sur Bennett était sublime.

-Scampers, intervint Louis avec un sourire en coin. Arrête de mater ma cousine.

Adam rougit et marmonna vaguement qu'il ne faisait que commenter ses capacités en Quidditch. Suspicieuse, Molly évalua le garçon. Son nom était apparu deux ou trois fois dans ses conversations avec Lucy, et elle n'avait su quoi penser de l'air réservé qu'elle prenait quand elle parlait de lui. Il était assez mignon, avec des yeux noisette craquant et un air d'angélique.

-Ça fait combien-combien, sinon ? s'enquit Lila au moment où Fred demandait :

-Vous avez vu McColley ?

-Ça fait 50 à 10 pour Serpentard, répondit Lizzie Dubois en rejetant ses cheveux derrière son épaule. Et McColley ? Il est sur le terrain.

Elle pointa une silhouette verte plus haute que les autres, qui ne cessait de faire des cercles autour du terrain. La fille aux traits asiatiques fronça du nez.

-Qu'est-ce qu'il nous prépare d'ailleurs, celui-là ? Il n'a pas fait une seule feinte.

-Normal, ce n'est pas contre toi qu'il joue, Jina, commenta Lily avec un sourire carnassier. McColley, c'est un caméléon, tu n'as pas vu ça ? Il adapte son jeu à son adversaire, et c'est ce qui fait sa force.

-De toute façon, je ne parle pas de bébé-McColley, je parle de la grande, elle est venue voir le match, les éclaira Fred.

-Daphnéa ? s'enquit Jina en haussant les sourcils. Si elle est là, vous feriez mieux de regarder dans les hauteurs de stade, Lucy m'a dit qu'elle passait tous ses matchs là-haut pour mieux voir les tactiques. C'est pour ça qu'on fait la même chose, elle et moi.

-Et elle doit être du côté de Serpentard, ajouta James en pointant l'opposé du stade, toute d'argent et d'émeraude vêtue.

-Tout en haut des tribunes Serpentard, répéta Fred en hochant la tête. Merci les petits cousins.

Et il prit le bras de Molly et celui de Lila pour leur faire descendre les gradins. La jeune femme suivit son cousin le cœur battant la chamade. Elle serrait fort la main de Fred, si fort que celui-ci finit par grimacer. Ils traversèrent le stade, plus ou moins difficilement, les supporters hurlants, les commentateurs s'égosillant dans leurs mégaphones (Lorcan n'avait apparemment pas pardonné à Dominique d'avoir maté Marcus Montague). Lucy marqua deux buts alors que sa sœur arrivait dans les tribunes de Serpentard, et Montague remit cela, si bien que les trois jeunes gens furent noyés dans les cris de joies des verts et argents.

-Ça va être difficile, commenta Fred alors qu'ils étaient bousculés de toute part. Je suis costaud, mais pas à ce point.

-Tu veux faire gober ça à qui ? le tança Lila avant de prendre la main de Molly. Mais il a raison, je pense qu'on va devoir te laisser y aller seule.

-Pardon ?!

Fred eut un sourire rassurant et prit sa cousine dans ses bras pour la rassurer.

-Allez, tu vas y arriver. Tu n'es pas venue jusque ici pour faire marche arrière. Je te fais confiance.

Molly sentit son cœur cogner fort contre sa poitrine, et ses entrailles se serrèrent tellement qu'elles en devinrent douloureuses. Elle se plongea dans l'étreinte de Fred pour se donner du courage, chose qu'elle ne s'était jamais autorisée à faire auparavant. Elle ne s'était jamais sentie proche de Fred, comme James pouvait l'être de Louis et Roxanne. Mais elle avait besoin de soutiens, et la recherche de soutiens l'avait grandement rapproché de son cousin. Son « meilleur » cousin. Elle se dégagea lentement, et lui servit un sourire de remercîment. Fred sourit à son tour et ébouriffa les cheveux de sa cousine pour lui donner du courage. Lila piqua un baiser sur la joue de la jeune femme. Molly leur sourit à tous les deux, de façon nerveuse, puis s'engouffra dans la foule de Serpentard. Elle grimpa les marches avec l'impression d'avoir du plomb dans les pieds mais de l'hélium dans la tête, à la fois pressée de rejoindre Daphnéa, mais terrifiée, rongée par la peur. Elle se retrouva bousculée, et se rattrapa à un garçon d'une quinzaine d'année qui venait de se dresser suite à un but de Montague.

-Attention !

-Désolée, bredouilla Molly en se redressant.

Elle jeta un bref coup d'œil au garçon, et se figea en le reconnaissant, ses cheveux bruns et ses yeux sombres.

-Luke ?

Le meilleur ami de sa sœur la dévisagea, et parut lui aussi la reconnaître subitement. Il était venu une fois chez eux, une fois mémorable. Un de ses sourcils se dressa, et un sourire ironique fleurit sur ses lèvres.

-Tiens, salut Molly. Tu viens voir ta sœur ?

-Exactement, affirma-t-elle d'une voix qu'elle n'arrivait pas à rendre aussi sèche qu'elle ne l'aurait voulu. Et j'en profite pour voir une amie. Tu n'as pas vu Daphnéa McColley dans les parages ?

-Moi je l'ai vu, intervint une fille brune derrière Luke, assise à côté d'une autre fille aux cheveux multicolores. Elle nous a dit bonjour et elle est montée.

Elle désigna les hauteurs du stade à Molly. La jeune femme leva les yeux et son cœur fit un bond quand elle avisa des boucles auburn assise en haut. Elle remercia la fille, et lança un dernier regard dédaigneux à Luke avant de grimper les dernières marches qui la séparaient de Daphnéa. La journaliste était assise seule en haut, emmitouflée dans un manteau noir, et son écharpe émeraude couvrant le bas de son visage. Elle fixait son frère de ses yeux verts avec la plus grande des attentions, les sourcils froncés. Molly s'immobilisa, la peur au ventre. Daphnéa parut finalement se rendre compte de sa présence car elle tourna naturellement les yeux vers elle. Le cœur de Molly manqua un battement quand elle croisa son regard. Elle réussit tout de même à sourire, un sourire qu'elle savait nerveux et tordu. Daphnéa ne le lui rendit pas. Ou peut-être qu'elle le lui rendit, mais elle était incapable de le savoir, son écharpe couvrant son visage jusque son nez.

-Je ne te savais pas si frileuse, se moqua doucement Molly, toujours immobile au bout du banc inoccupée.

Daphnéa ne répondit rien, ses yeux toujours fixés sur la jeune femme, sans expression. Puis elle reporta son attention sur son frère.

-Je ne suis pas frileuse. Il fait simplement froid.

Sa voix était en partie étouffée par son écharpe. Elle n'était pas hostile, mais pas particulièrement amicale non plus. Molly prit son courage à deux mains pour avancer ne serait-ce que d'un pas.

-Je te rappelle qu'on est en Ecosse. Il fait toujours froid.

Molly fit quelques pas de plus et finit par s'asseoir sur le banc, à une distance respectable de Daphnéa. Son cœur battait la chamade et elle avait l'impression qu'un lutin de Cornouaille faisait le bazar dans son ventre. Daphnéa coula un regard en coin sur Molly.

-Tu sais que deux semaines, c'est très long ?

Molly eut l'impression de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Le ton de Daphnéa avait beau être badin, le fond la mettait mal à l'aise.

-Je sais bien. Surtout ... quand on manque de clarté.

-Heureuse que tu le reconnaisses. Tu vas t'excuser, du coup ? Ce serait drôle de voir Molly Weasley à genoux.

La jeune femme hésita entre être agacée et amusée par les paroles de la journaliste. Comme chaque fois, cela dit. Elle se contenta de répondre :

-Non, je ne m'excuserais pas. Parce que je ne voulais pas prendre de décision précipitée qu'on aurait regrettée toutes les deux. Et tu peux rêver pour me voir à genoux.

-Touchée.

Un silence s'installa entre les deux jeunes femmes. Un silence lourd et pesant, durant lequel Poufsouffle marqua deux buts, réduit par une réalisation de Lucy un instant plus tard. Molly en profita pour observer sa sœur. Elle volait avec grâce et dextérité, ses gestes étaient instinctifs. Elle n'hésitait pas à échanger avec ses camarades, sermonnant un de ses Batteurs pour un coup peu réglementaire ou frappant à l'arrière de la tête de son Attrapeur pour qu'il attrape le Vif d'or. Soudain, cela frappa Molly : elle avait du charisme. Son équipe lui était acquise, et elle faisait tout pour tenir son rôle. Elle fit une passe à une fille métisse à côté d'elle, qui marqua. Daphnéa frappa dans ses mains.

-Bien joué petite. Je l'avais vu jouer l'année dernière mais elle s'est améliorée. Elle m'a presque remplacée, dis donc.

-Vexée ?

-Bien sûr que non. J'ai dit « presque ». Je suis irremplaçable.

-Et tellement modeste.

-On n'a pas besoin de modestie dans le monde du Quidditch. Ta sœur te le dira. Alors ? Comment tu la trouves ?

Molly jugea encore un instant sa sœur, qui volait d'un bout à l'autre du terrain sans relâche. Elle sourit doucement.

-Elle-même. Fred avait raison, elle deviendra un sale tyran despotique.

-C'est une bonne Capitaine. Je l'ai vu avant le match.

Un nouveau silence s'installa. A chaque mot qu'elle prononçait, les entrailles de Molly se tordaient un peu plus, de façon nerveuse et douloureuse. Daphnéa était toujours impassible, le visage à moitié mangé par son écharpe. Pourtant, leurs regards se croisèrent, et Molly lut dans ses yeux la même nervosité que la sienne.

-Bien. Deux semaines de réflexion, donc, entonna la journaliste en détournant le regard. Tu t'es remise de ta première gueule de bois ?

-Je n'étais pas si saoule.

-Si, tu l'étais, rétorqua Daphnéa, un sourire entendu dans la voix. Sinon ...

La suite était largement sous-entendue. « Sinon tu n'aurais pas fait ça ». Molly le perçut, et sa poitrine se serra un peu plus.

-Je ne nie pas que le whisky pur feu a aidé. Mais ça ne veut pas dire que tout est à mettre sur son dos. Je ne pense pas être si influençable.

-Alors quoi ? répliqua l'ancienne Serpentard. L'alcool t'a fait te rendre compte que les filles ne te déplaisaient pas ?

-Pas l'alcool, nia Molly en rassemblant le courage qui semblait lui filer entre les mains. Toi.

Daphnéa ne répondit pas, les yeux rivés sur le match. Pourtant il semblait que quelque chose dans son regard avait changé. Elle n'était plus si impassible. Elle enfonça le nez dans son écharpe, comme si celle-ci pouvait la protéger.

-Moi, répéta-t-elle finalement. Attends. Tu es vraiment venue me dire que je t'avais fait te rendre compte que les filles ne te déplaisaient pas ?

Le ton était à la fois incrédule et dubitatif, comme si elle n'y avait jamais cru et qu'elle n'y croyait toujours pas. Ce fut un nouveau coup au cœur pour Molly. Ce ton faisait douloureusement aux paroles de Fred au Chaudron Baveur. « Je ne crois pas en ta sœur homosexuelle ». Apparemment, malgré ce qu'il s'était passé, Daphnéa n'y croyait pas non plus. Molly en pleurerait de rage.

-Je ne dis pas que les filles en générale me plaisent, ça je n'en sais toujours rien, répliqua Molly avec une certaine hargne. Je dis simplement que toi, tu me plais, et c'est quelque chose que je ne peux plus nier, plus écarter. Je suis attirée par toi, il n'y a pas une seule journée où je n'ai pas pensé à toi, et pas que parce que je devais réfléchir à nous, mais aussi à toi ... Parce que tu me plais, parce que tu me fais rire, que tu m'agaces profondément avec ta nonchalance et son assurance presque arrogante, mais qu'au final, même ça me plait chez toi. Je pensais que ce n'était qu'une phase et que ça allait passer, après tout, je n'aimais pas vraiment les filles ... mais finalement pas du tout. Plus je passais du temps loin de toi, plus j'avais l'impression de m'accrocher à toi.

Elle se leva. Ses mains tremblaient dans ses poches et elle s'efforça de ne pas regarder Daphnéa à côté d'elle.

-Fred pense comme toi, tu sais. Molly Weasley qui aime une fille, c'est tellement invraisemblable que c'est forcément faux, forcément une erreur. Peut-être que ça l'est, mais si tu pensais si fort que c'était impossible, alors ... je ne vois pas pourquoi tu m'as laissé le choix. Je ne vois pas ... pourquoi moi. Je veux dire, Lila ...

-Attends, réagit enfin Daphnéa en fronçant les sourcils. Lila, Fred ? Tu en as parlé à qui d'autre, dis-moi ?

-Lucy et c'est tout, répliqua Molly en levant les yeux au ciel.

-Ah. Je comprends mieux pourquoi elle m'a regardé bizarre quand je suis allée la voir. Bien bien. Donc, qu'a dit Lila ?

-Elle m'a fait comprendre que ... qu'elle ne comprenait pas pourquoi tu t'intéressais à moi, et c'est vrai que je ne comprends pas non plus. Déjà de base, j'aime les hommes. Ensuite je suis tout ce qu'il y a de plus ennuyeuse quand toi tu es folle et attrayante. Et puis vous le dites tous, puisque je suis moi, je ne peux pas aimer les filles. Si c'est ce que tu penses ... j'ai dit ce que j'avais à dire. Je vais aller rejoindre mon cousin, maintenant ...

Elle fit mine de partir, les mains enfoncées dans ses poches, la mort dans l'âme. Le doute de Daphnéa l'avait blessé, alors qu'elle pensait qu'elle était la première à y croire. Le plomb avait de nouveau pris place dans ses talons, et elle pensait qu'elle n'arriverait jamais à partir d'ici. Et soudainement, au moment où elle ne s'attendait pas, une main lui prit le bras.

-Attends, princesse.

Molly sentit son cœur faire un bond quand elle entendit ce surnom, et fit lentement volte-face. L'écharpe de Daphnéa s'était affaissée sur ses épaules, découvrant son nez retroussé, et la courbe de ses lèvres. Le regard de Molly la suivit un instant avant de s'accrocher au regard de la jeune femme. Daphnéa se mordit nerveusement la lèvre et finit par faire glisser prudemment sa main le long de son bras jusqu'à l'engouffrer dans la poche de Molly et effleurer ses doigts des siens. Un frisson remonta dans la colonne vertébrale de Molly. Les doigts de Daphnéa étaient froids, pourtant, la jeune femme n'hésitait pas une seule seconde avant de les enlacer, timidement. Un sourire effleura les lèvres de Daphnéa.

-Tu as les mains chaudes.

-Tu m'as retenue juste pour que je te réchauffe ?

Le sourire de Daphnéa s'agrandit. Elle dansa d'un pied à l'autre, comme si elle était mal à l'aise, ce qui paraissait impossible quand on s'appelait Daphnéa McColley.

-Bien ... je considère que c'est une des fonctions des copines. Me servir de chauffage ambulant.

Molly cligna des yeux, certaine d'avoir mal entendue. Pourtant nom, le mot « copine » raisonnait mille fois dans son esprit jusqu'à ne plus avoir de sens. Les doigts de Daphnéa serrèrent les siens.

-Ne dis pas que tu es ennuyeuse. Tu es volontaire, tu sais où tu vas. Tu arrives à garder un cap là où moi je m'éparpille dans tous les sens. Et j'ai besoin de quelqu'un qui m'aide à retrouver mon chemin. Et à réchauffer mes mains, accessoirement.

Molly ne répondit pas, tétanisée. Une moue déforma les lèvres de Daphnéa.

-Je suis désolée d'avoir sous-entendu que ... Mais ... deux semaines, c'est vraiment long, Molly. Je pensais ... que tu ne me dirais rien. Que tu avais oublié. Que tu ne voulais donner aucune suite et que tu ne savais pas comment me le dire. Je ne pensais jamais ...

Elle se mordit la lèvre, et Molly se rendit compte que si ces dernières semaines avaient été difficiles pour elle, ça avait dû être pire. Elle rassura son amie en serrant un peu plus ses doigts.

-Non. J'avais juste ... besoin de réfléchir. Et ça m'a pris du temps. Et non, je ne m'excuserais pas.

Daphnéa eut un sourire espiègle.

-Et tu ne t'agenouilleras pas non plus ? insista-t-elle, faisant mine d'être déçue.

-Certainement pas. J'ai ma dignité, et je trouve qu'elle prend assez de coup depuis quelques jours.

Daphnéa laissa échapper un petit rire et secoua la tête. Des flocons s'accrochaient à ses boucles châtains. Son nez était rougi par le froid, et ses lèvres gercées. Pourtant, Molly la trouvait toujours très belle. Elles restèrent un instant silencieuses, se dévisageant, essayant de lire leurs sentiments sur leurs visages respectifs, leurs mains toujours enlacées dans la poche de Molly. Les commentaires de Quidditch et les hurlements des spectateurs n'arrivaient même pas à leurs oreilles. Puis Daphnéa lâcha d'une voix prudente :

-Alors ... tu veux bien essayer ? Pour de vrai ?

Molly hocha doucement la tête. Daphnéa la scruta, comme pour vérifier sa détermination, et se rapprocha un peu d'elle, un sourire mutin aux lèvres.

-De ce fait ... Si je t'embrassais là maintenant, ça ne te dérangerait pas ? Pas du tout ?

La vérité, c'était que pas du tout du tout. Bien au contraire, Molly mourrait de goûter à nouveau aux lèvres de Daphnéa. Pour autant, une prudence familière la prit, et elle ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil alentour. Daphnéa le remarqua, et elle se renfrogna aussitôt. Sa main se figea dans la sienne.

-Alors ça, ça ne va pas être possible, princesse. Je ne vis pas cachée.

-Quoi ? Non ! (Molly secoua la tête). Je suis une fille discrète dans ses relations, j'ai toujours été comme ça. Il m'a fallu quelques semaines pour avouer à mon entourage que je sortais avec Erik. Je suis ... assez prude sur ma vie privée. Je ne compte pas vivre cachée, ne t'en fais pas. Juste ... discrètement. Et ça tu ne pourras pas y faire grand-chose ...

Daphnéa dévisagea une nouvelle fois Molly, mais parut se détendre. Elle opina doucement du chef.

-D'accord pour la discrétion. C'est quelque chose que je peux comprendre. (Elle eut une petite moue déçue). Mais ça veut dire que là je ne peux pas t'embrasser ?

Molly laissa échapper un petit rire devant les yeux abattus que lui servait Daphnéa. Elle sourit doucement, lança un dernier regard à la ronde, mais tout le monde semblait bien trop occupé à regarder le match. Alors Molly acheva de se rapprocher de Daphnéa et se pencha doucement sur elle pour poser les lèvres sur les siennes. Elle eut l'impression qu'une décharge électrique la parcourait tout entière. C'était un simple effleurement, léger, mais Molly en avait déjà la tête qui tournait quand elle se détacha. Le visage de Daphnéa se fendit d'un grand sourire, puis elle poussa le vice jusqu'à piquer un autre baiser à Molly, puis un autre, si bien que la jeune femme eut peur de craquer et la repoussa gentiment.

-Stop ! Je pense qu'on a explosé le quota ! rit-t-elle en se rasseyant sur le banc, la main de Daphnéa toujours accrochée à la sienne, ce qui la força à se rasseoir aussi.

Molly l'autorisa à poser sa tête sur son épaule, mais plus pour la forme que par réel souci de contrôle. A présent, le nœud douloureux dans son ventre avait totalement disparu, et elle avait l'impression que des ailes lui poussaient tant elle se sentait légère. Et bien. Terriblement bien. Elle posa sa joue contre les cheveux couverts de neiges de Daphnéa.

-Et si ça ne marche pas ? s'enquit la journaliste d'un ton plus badin qu'inquiet.

-Alors je suppose ... qu'on se quittera. Ce n'est pas si grave, reprit-t-elle en songeant à Fred et Lucy. Ce sont des choses qui arrivent. Mais ce dont je suis sûre, c'est que je le regretterais si je n'essayais pas.

Daphnéa s'esclaffa.

-Je vois que tu y as vraiment réfléchi.

-A ton avis, j'en ai parlé à mon imbécile de cousin et à mon agaçante sœur pour le plaisir ?

Daphnéa se redressa pour dire quelque chose, mais au même moment, une grande clameur monta des tribunes et la voix de Dominique s'emballa :

-McColley semble avoir repéré le Vif d'or ! hurlait-t-elle dans son mégaphone, debout dans la tribune. Il fonde telle une flèche verte mais Smith l'a remarqué et n'est pas loin derrière !

-Une course haletante débute entre les deux Attrapeurs ! Argh, je déteste ce genre de moment, j'ai l'impression que mon cœur va lâcher.

-Ne t'en fais pas, trésor, si tu fais un malaise je suis là pour te faire du bouche-à-bouche.

Un instant après avoir entendu cela, Daphnéa bondit sur ses pieds pour hurler :

-Vas-y Willy !

William McColley s'était en effet brusquement élancé vers les buts de Poufsouffle, vers lesquels volaient aussi les Poursuiveurs qui avaient le souafle en main. Molly resta sage sur le banc, un sourire amusé aux lèvres.

-Smith prend de la vitesse mais McColley a de l'avance, et la conserve ... Attention au cognard ... Argh ! McColley réussit à l'éviter de justesse tout en gardant le rythme, il n'a pas perdu le Vif d'or il s'élance ... C'EST FAIT, MCCOLLEY A ATTRAPE LE VIF D'OR !

Le public de Serpentard laissa éclater sa joie : tous se dressèrent d'un seul homme en hurlant, faisant tourner leurs écharpes et drapeaux avec bonheur. Daphnéa poussa un cri de victoire en sautant en l'air, levant triomphalement le poing. Sur le terrain, Will s'était brusquement arrêté, le bras brandi, et convergeait à présent vers le sol. Daphnéa sautilla partout, extatique et finit par se jeter au cou de Molly.

-Ils ont gagné, ils ont gagné ! Argh ta sœur est formidable, mon frère est formidable – mais ça ne lui dit pas que je te l'ai dit ! Si cette équipe de gagne pas la Coupe alors je ne réponds plus de rien !

-Oui bien calme toi, tu m'étouffes !

-Mais ils ont gagné ! Ah, princesse, tu n'y connais vraiment rien au Quidditch.

Molly ne releva pas, car c'était vrai, quelque part, mais se dégagea tout de même de la poigne de Daphnéa. Celle-ci lui prit la main et lui fit dévaler les marches pour aller voir les joueurs. Molly vit vaguement sa sœur se jeter dans les bras de Will, puis celui-ci la faire tournoyer, et l'ensemble des Serpentard converger vers l'équipe. A mi-chemin, Daphnéa s'arrêta et jeta un bref coup d'œil à leurs doigts entrelacés.

-Ah oui, la discrétion ... Tu préfèrerais que ta sœur ne sache pas ?

Molly pinça les lèvres et haussa les épaules.

-Elle en sait déjà beaucoup, tu sais. Ma sœur je m'en fiche.

-Et Poudlard n'est pas obligé de le savoir, déclara joyeusement Daphnéa en reprenant sa course d'un pas plus tranquille. On ne dirait pas comme ça, mais moi aussi j'aime bien avoir ma vie privée.

-Je te crois, répondit Molly avec un sourire amusé. Je te crois prête à défendre ta vie privée bec et ongle, mais je te crois aussi prête à entrer dans celle des autres en fracassant la porte.

-Ce n'est pas faux, approuva Daphnéa avec un sourire mutin.

Leurs doigts se détachèrent mais elles restèrent proches l'une de l'autre en débouchant sur le terrain. L'équipe de Serpentard était noyée sous leurs supporters, et Daphnéa joua de son autorité pour se frayer un chemin dans la foule.

-La sœur de l'Attrapeur et la sœur du Capitaine veulent passer, poussez-vous ! criait-t-elle à la cantonade, la main de Molly ayant repris la sienne pour ne pas se perdre. Allez, laissez passer l'ancienne Capitaine et l'ancienne Préfète-en-Cheffe, un peu de respect pour les anciens !

Molly pouffa derrière sa nouvelle petite-amie, mais force était d'admettre que la méthode de Daphnéa était efficace car elles arrivèrent enfin à joindre l'équipe. Marcus Montague fut le premier à les voir et salua son ancienne Capitaine d'un grand sourire. Daphnéa l'embrassa sur les deux joues et entreprit de le féliciter alors que Molly remarquait sa sœur courir vers elle, essoufflée. Un grand sourire satisfait fendit son visage.

-On a gagné, s'extasia-t-elle, à bout de souffle, mais l'air radieux. 240 à 30 ! On jouera la coupe en finale, c'est incroyable !

-Bien joué, petite sœur.

Lucy lui répondit par un immense sourire. Elle repoussa une mèche rousse qui lui barrait le front et s'éventant le visage, qui avait une vive couleur rose. Son regard se perdit du côté de Daphnéa, qui venait de coincer la tête de son frère sous son bras et lui frottait allègrement le sommet du crâne.

-Waho, j'ai chaud avec tout ça. Tu as vu Daphnéa, donc ? Euh ... J'ai le droit demandé ... Comment ça s'est passé ?

Molly sentit son cœur battre à la chamade, mais plus d'excitation que de peur, désormais. Elle eut un sourire malicieux pour sa sœur.

-Bien ... ça ne te dérange pas d'avoir potentiellement son ancienne Capitaine pour future belle-sœur ?

Lucy tiqua et leva un regard incrédule sur sa sœur. Elle ne s'attendait sans doute pas à ce que sa sœur soit aussi directe. Après une seconde de confusion, elle poussa un petit cri et lâcha son balai pour sauter au cou de Molly.

-Oui ! Je dis oui, je suis entièrement d'accord, tu as mon entière approbation et ça doit bien être la première fois !

Molly éclata de rire, tentant tant bien que mal de garder l'équilibre après l'attaque de sa petite sœur. Elle avait l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine tellement il cognait fort, et elle s'accrocha à Lucy, comme si elle craignait de s'envoler si elle la lâchait. Les deux sœurs s'étreignirent un instant, et Molly sentit la surprise de sa sœur. Mais ses épaules se détendirent et elle se laissa aller contre elle. Puis elle se détacha et se mit à sautiller frénétiquement devant elle, un sourire extatique aux lèvres.

-Rah c'est tellement trop la fête ! Serpentard qui gagne, toi qui te mets avec Daphnéa ... Ah, mais je voudrais ce genre de journée plus souvent, moi ! Et genre ... Tu vas le dire à papa et maman ?

Molly réfléchit un instant, jetant un bref coup d'œil à Daphnéa qui torturait toujours son petit frère. Lily s'était mise en embuscade pour prendre la scène en photo, ce qui fit sourire la jeune femme.

-Je ne pense pas, entonna-t-elle doucement en reportant son attention sur sa sœur. Pas tout de suite, en tout cas. Je ... vais attendre de voir comment ça se passe. Et je ne fais pas ça parce que c'est une fille, ajouta-t-elle précipitamment. Je fais ça à chaque fois, je ...

-Molly, ne te bile pas, s'esclaffa Lucy, les yeux pétillants. Je comprends tout à fait. Je suis heureuse pour toi.

Molly sourit avec bonheur. Elle n'aurait jamais pensé que le soutien de sa sœur puisse autant compter, mais vraisemblablement, c'était le cas. Elle se retint de la prendre de nouveau dans ses bras quand elle vit une silhouette aux cheveux cuivre avancer vers Lucy, les mains dans les poches. Un sourire retroussa les lèvres de Molly quand il arriva à hauteur de sa sœur.

-Bon match, commenta-t-il alors que la jeune fille levait un regard suspicieux sur lui.

-Bon match ? répéta Lucy. C'est une façon de me dire que t'as la trouille pour la finale, Scampers ?

-Arrête de m'appeler comme ça, s'agaça le garçon. Mais c'était vraiment un bon match. Tu as fait quelques erreurs mais ...

-Quelques erreurs ? répéta Lucy, les yeux plissés. Monsieur Scampers veut-il faire une chute au prochain match ?

-Miss Weasley voudrait-elle mettre à bas la Paix des Chocogrenouilles ?

-Hey ! Je n'ai plus rien à gagner, dans cette Paix !

-Si, les exos d'Arithmancie que je continue de te faire, alors que ça ne devait durer qu'un mois et demi !

Lucy lança à Adam un regard courroucé, et se tut, lui concédant ce point. Le Gryffondor afficha un petit sourire satisfait. Molly les observa, amusée par cette petite dispute qui pour elle voulait tout dire. Elle lança un regard entendu à sa sœur, et les joues de celle-ci finirent par rougir. Ce qui n'était pas non plus anodin.

-Molly, je te présente Adam Scampers, grommela Lucy pour faire diversion de sa gêne. Mon ... partenaire d'Arithmancie. Scampers, ma sœur, Molly.

-Enchantée, sourit Molly, réprimant son rire de son mieux.

Adam hocha la tête avec un petit sourire lui aussi, plus réservé, presque timide. Il enfonça une main dans sa poche et se frotta la nuque de l'autre.

-Ouais, aussi, marmonna-t-il avant de s'adresser à Lucy : on s'est brièvement vu pendant le match.

-Oui, j'ai appris qu'il t'avait fait tomber à votre dernier match, ajouta Molly avec un sourire, ce qui fit rougir Adam.

-Je répète : je ne l'ai ...

-... « Pas fait exprès », acheva Lucy en imitant sa voix, les yeux moqueurs. Ça fait un an que j'entends ça, Scampers.

Adam enchérit immédiatement après, et Molly décida de se retirer pour les laisser ensemble. Elle croisa Louis, qui regardait les deux cinquième année avec le plus grand soin. Lily à ses côtés prenait des photos, James et Jina félicitait Will pour son coup, et Roxanne se battait avec Fred, tentant de lui retirer son hideux bonnet pour voir sa coupe. Elle chercha Daphnéa des yeux et la vit discuter avec Lila plus loin. Le cœur de Molly se serra quand elle songea à ce qu'elles avaient pu se dire et elle les rejoint, un nœud dans le ventre. Lila la vit la première et lui sourit.

-Alors Molly ? Ta sœur va bien ?

Daphnéa se retourna aussi et sourit également à Molly. La jeune femme lui retourna, et eut l'atroce impression d'avoir l'air terriblement heureuse et niaise.

-Très bien, répondit-t-elle à Lila. Elle est ... extatique.

Daphnéa lui lança un regard perçant à Molly, et elle lut la question implicite dans ses yeux. Elle hocha la tête en signe d'acquiescement et la journaliste sourit. Lila les observait toute les deux, ses yeux allant l'une à l'autre sans gêne, comme Molly l'avait été un peu plus tôt avec Lucy et Adam. Les deux jeunes femmes échangèrent un regard et s'accordèrent. Daphnéa eut un sourire carnassier.

-Tu as une question à poser, Lila ?

La Poursuiveuse des Harpies se figea, et un sourire coupable fleurit sur ses lèvres. Avant qu'elle ne puisse poser une question, Fred arriva derrière elle, la prit par la taille et plaqua un baiser sur sa joue. Lila grimaça et frappa son petit-ami sur l'arrière du crâne.

-Fred ! Je parle, là !

-Weasley, intervint Daphnéa, l'air horrifié. Ce bonnet est affreux. Enlève-le s'il te plait.

-Roh, tu n'as aucun goût McColley, râla Fred en secouant la tête, secouant ses pompons jaunes et rouges. Il une valeur sentimentale.

-Aucune valeur sentimentale ne justifie une telle horreur.

-Tss tss ! C'est très vilain de détourner l'attention de toi en agressant mon bonnet qui ne t'a rien fait ! Et ne faites pas comme si vous ne m'aviez pas compris !

Daphnéa et Molly lui jetèrent un regard désespéré. Si le couple de Lila et Fred semblait si bien assorti, cela tenait aussi au fait qu'ils n'aient l'un comme l'autre aucun sens du tact.

-On a très bien compris, mais il faut vraiment que tu apprennes la délicatesse, persiffla Molly.

-Dit celle qui m'a réveillé en sursaut ce matin !

-Tant qu'on en parle, tu vas très vite me rendre Harold !

-Mollyly ! Ne détourne pas le sujet sur son dragon en peluche !

Molly se figea et fusilla son cousin du regard, alors que Daphnéa et Lila pouffaient plus ou moins discrètement. Avant que Molly ne puisse se venger de son cousin, Lucy apparut, et sauta sur le dos de Fred avec entrain.

-Elle t'a dit Freddy ? On a réussi ! Tu me dois deux patacitrouilles !

-Quoi ? s'écrièrent Fred et Molly.

La jeune femme jaugea sa sœur du regard, interdite. Lucy, toujours agrippée au cou de Fred, eut un petit sourire coupable en contemplant sa sœur. Molly gronda doucement.

-Je n'en reviens pas ... Vous avez parié ?

-Euh ... ouais. (Elle tapota doucement le bonnet du Fred). Et j'ai gagné. Il a dit que tu le ferais mais que tu prendrais plusieurs mois avant de l'admettre, moi j'ai dit que tu n'en prendrais qu'un.

-Alors c'est fait ? comprit Fred en dévisageant Daphnéa et Molly. Et je ne suis au courant qu'après Lucy ? Je suis vexé là !

Lila frappa des mains, un sourire heureux sur le visage et se pendit au cou de Daphnéa pour plaquer un baiser sur sa joue.

-Ça veut dire qu'on risque d'être belle-cousine ! plaisanta-t-elle d'un air joyeux.

Daphnéa parut avoir perdu sa précieuse langue, et se contenta de rougir et de sourire à Lila. Molly n'était pas en reste. Elle ne répondit pas à Fred, tout occupée qu'elle était à cacher sa rougeur. Puis Fred se débarrassa de Lucy et se précipita vers les deux jeunes femmes pour les prendre dans ses bras et les serrer avec force.

-Aïe ! Weasley, tu m'étouffes ! grommela Daphnéa en tentant de s'écarter. Et ton bonnet sent le veracrasse mort !

-Charmant, railla Molly, écrasée contre le torse de son cousin. Mais j'avoue avoir du mal à respirer !

-Ne te plains pas, j'ai un pompon dans la bouche !

-Vous avez fini, toutes les deux ? Je suis en train de vous féliciter !

-Je ne veux pas être félicitée avec un pompon au goût de veracrasse dans la bouche !

Elle réussit enfin à se dégager et se redressa, ses boucles auburn ébouriffées, un air ennuyé sur le visage. Elle prit fermement le bras de Molly et la détacha de son cousin. Fred éclata de rire.

-C'est que tu es possessive, McColley !

-Fred, siffla Molly entre ses dents, les cheveux elle aussi en désordre. Et tiens ta langue, veux-tu ?

-D'accord avec elle, approuva Daphnéa. Tout Poudlard est ... pas obligé de savoir, j'ai ma vie privée, quand même.

-Mais genre ? fit mine de s'étonner Fred. Tu connais le sens du mot « vie privée » ?

Daphnéa planta son coude dans ses cotes, agacée, mais Fred se contenta de rire et de répéter qu'il était très heureux pour elles. Lila et Lucy souriaient, ravies par la nouvelle. La Capitaine de Serpentard sauta au cou de l'ancienne et Daphnéa referma ses bras sur elle en riant. Par-dessus l'épaule de Lucy, Daphnéa accrocha les yeux de Molly. La jeune femme sourit et la journaliste le lui rendit, un sourire si lumineux si sincère que Molly sentit son cœur battre plus fort. Instinctivement, sans penser à Poudlard tout autour, elle tendit doucement la main. Daphnéa haussa un sourcil, et se détacha de son ancienne joueuse pour saisir la main de Molly. Moqueusement, elle regarda à droite à gauche et mit la main devant leur visage pour cacher le bref baiser qu'elle échangea avec Molly. Les lèvres de la jeune fille sourirent contre celles de Daphnéa, un sourire à la fois gêné et épanoui.

-Hey Daph ! Tu n'as pas quelque chose à me dire ?!

Les deux jeunes femmes sursautèrent et tournèrent ensemble leurs yeux sur Will McColley, qui se tenait devant elle, les cheveux hérissés, le balai dans une main et le Vif d'or dans l'autre, l'air ahuri. Lucy éclata de rire et ébouriffa un peu plus avec les cheveux de son Attrapeur.

-Hey ouais, McColley, je risque de devenir ta belle-sœur !

-Quoi ? s'étrangla Will en observant sa Capitaine avec horreur, puis sa sœur, puis de nouveau Lucy. Mais non ! Je te supporte déjà dans la Salle Commune, dans les vestiaires de Quidditch ... Tu vas même t'immiscer dans ma famille ?!

-Bien sûr que si, McColley, assura Lucy avec douceur. Tu me supporteras jusque la fin de ta vie ...

Un air horrifié se peignit sur le visage de Will, faisant rire Molly de bon cœur. Il se tourna vers sa sœur, la mine abattue, en quête d'explication. Daphnéa se tourna vers Molly, avec ce sourire plein d'assurance, d'espièglerie et de défi qu'elle avait appris à aimer.

-Prête pour une deuxième tournée, princesse ?

Molly leva les yeux au ciel, mais un sourire effleura ses lèvres. Elle prit la main que Daphnéa lui tendait. Elle avait l'impression que son cœur allait exploser devant cette nouvelle vie qui s'étendait devant elle, devant cette nouvelle vie dont Daphnéa allait faire partie. Elle pensait que ce nouveau départ l'angoisserait et qu'elle serait incapable d'assumer. Mais la triste vérité était qu'elle n'avait jamais été aussi heureuse que maintenant qu'elle tenait les doigts de cette fille, que sa sœur la regardait avec fierté et que rien ne semblait plus l'entraver d'aucune sorte. Alors elle sourit.

-Non. Mais tu es prête pour nous deux.

***

-Je n'en reviens toujours pas, grommela Will en dévisageant Daphnéa. Toi et la sœur de la Carotte.

-La Carotte ? répéta Molly en dressant un sourcil réprobateur.

Will leva le nez, l'air de rien, mais semblait vaguement gêné. Molly réprima le sourire qui lui montait aux lèvres. Pour une raison qu'elle ignorait, elle semblait intimider Will, et Daphnéa s'en amusait beaucoup. Ils s'étaient enfermés, eux, Fred, Lila et Lily (la petite peste les avait surpris et Molly avait dû tout lui expliquer) dans une salle de Poudlard alors que les Serpentard convergeaient vers leur Salle Commune pour fêter dignement leur victoire. Fred avait été cherché des vivres, dont la moitié avait été engloutis par Will et Lily dans les minutes qui avaient suivi le retour du jeune homme. Lily sourit joyeusement.

-C'est un surnom classique pour une rousse, Molly. Peut-être même un peu trop classique. T'es has been, McColley.

-On t'a sonné, Potter ? gronda doucement Will en fusillant la deuxième année du regard. Et qu'est-ce que tu fais ici, d'abord ?

-Je félicite ma cousine ! Je trouve ça trop cool qu'elle sorte avec une fille (elle brandit le poing en l'air, façon révolutionnaire) Dépassons les préjugés !

Will darda sur elle un regard profondément dubitatif et désespéré, mais Lily n'en n'eut cure et plongea sa main dans les patacitrouille. Fred et Lila rirent vaguement, assis main dans la main au fond de la pièce. Daphnéa hocha la tête l'air approbateur.

-J'aime beaucoup cette petite, dit-elle à Molly avant de se tourner vers son frère : Tu ne veux pas aller fêter la victoire de Serpentard avec tes amis ?

-J'attends le Capitaine, répondit Will, la bouche pleine de pudding. Elle est restée au vestiaire, elle ne devrait pas tarder, normalement.

-Tu es répugnant, McColley, commenta Lily en fronçant du nez. Ta maman ne t'a jamais appris à ne pas parler la bouche pleine ?

-Non, elle m'a appris à profiter des belles choses de la vie. Star Wars, Le Seigneur des Anneaux, Iron Man ... Ah lala, vous ne savez pas ce que vous perdez, les vrais sorciers.

Lily le fusilla du regard, mais Molly et Daphnéa hochèrent la tête pour appuyer l'Attrapeur. Certes, pas pour le même pan culturel, mais Molly devait admettre que les Sorciers perdaient quelque chose en occultant le coté moldu du monde. La Gryffondor mordit dans une patacitrouille et pointa le reste sur Will.

-Un jour, je serais Attrapeuse à la place mon frère. Et ce jour-là tu regretteras de m'avoir tant embêté.

-Quoi ? s'indigna Will d'une voix étranglée. Mais c'est toi qui me colles aux basques, la crevette ! Et ne parle pas la bouche pleine !

Lily le fixa intensément de ses yeux bruns, une lueur espiègle typique du Weasley fomentant un mauvais coup y brillant. Molly la fit faire un vague mouvement du poignet que Will ne perçut pas et un instant plus tard, l'Attrapeur poussa un rugissement de surprise alors qu'une force invisible le pendait par la cheville. Lily mit sa baguette au clair et sourit de toutes ses dents.

-Ne l'oublie jamais, McColley. Je ne suis pas que la petite Potter qui prend tout le temps des photos et qui te suit à la trace parce qu'elle est une petite peste. Je suis une bonne sorcière, première de ma classe et j'ai bien l'intention de devenir un jour la meilleure Attrapeuse de cette école, j'y travaille depuis que j'ai un balai. Alors gare à tes fesses.

-Je tremble de peur, cingla Will, le visage néanmoins de plus en plus rouge.

-Lily, la réprimanda Molly, un sourire néanmoins aux coins des lèvres. Descends-le s'il te plait.

La Gryffondor sourit et d'un geste de la baguette, libéra Will du sortilège, qui s'écrasa à terre avec fracas. Daphnéa ne fit pas le moindre mouvement pour aider son petit frère et adressa même un clin d'œil complice à Lily. Malgré elle, Molly ne put s'empêcher d'être admirative face à la dextérité de sa jeune cousine. Elle n'était pas sûre de maitriser un tel sort à son âge. Alors que Will et Lily continuait de se chamailler, et que Fred et Lila étaient plongés en pleine discussion (qui, si on interprétait leurs regards devait tenir du « je t'aime » « moi aussi » « mais moi plus » « non c'est moi ! »), Daphnéa fit un signe discret à Molly en direction de la porte. Les deux jeunes femmes se levèrent et se dirigèrent en silence vers le couloir. Une fois la porte refermée, leurs doigts se nouèrent naturellement et elles marchèrent sans un mot. Molly savoura ce silence. Ce n'était ni pesant, ni lourd, ni gênant. C'était agréable. La main de Daphnéa contre la sienne était agréable. La sensation de douce chaleur dans le creux du ventre était agréable. Et quand Daphnéa la força, dans le détour d'un recoin sombre, à s'immobiliser pour poser doucement ses lèvres sur les siennes, ce fut agréable aussi. Elles s'embrassèrent doucement, posément, sans précipitation, leurs mains nouées. Puis Molly se recula doucement et posa son front sur celui de Daphnéa. Elle souriait.

-Alors princesse ? Pas de regret ?

-Hum, fit mine de réfléchir Molly en levant les yeux au ciel. Pour l'instant non ... Et toi ?

Daphnéa secoua la tête, faisant voler ses belles boucles.

-Aucun. D'autant plus que tu as l'air de pouvoir faire taire Willy, ce qui est une bonne chose. Et puis maintenant, au moins, je suis sûre de pouvoir vérifier ton style vestimentaire ...

-Oh non ..., gémit Molly en rejetant sa tête en arrière. Je n'avais pas pensé à ça. Finalement, je regrette.

Daphnéa laissa échapper un rire et doucement, posa ses lèvres sur la gorge de Molly. La jeune femme se laissa faire, savourant la ligne brulante que Daphnéa traçait dans son cou avant de happer ses lèvres une nouvelle fois. Elle lui prit le menton entre les doigts et planta son regard dans le sien, un sourire mutin aux lèvres.

-Non, non, princesse, je ne te laisserais pas partir comme ça, souffla-t-elle doucement.

Molly sentit la commissure de ses lèvres se relever et s'apprêtait à picorer un nouveau baiser sur les lèvres de sa petite-amie quand elle entendit des pas précipités dans le couloir. Les deux jeunes femmes s'écartèrent, surprise et s'aventurèrent dans les corridors pour voir qui courrait ainsi. Une petite silhouette remontait le couloir dans leur direction, essoufflée. Daphnéa ricana.

-Eh bien, Préfète-en-Cheffe, on ne réprimande plus les gosses qui courent dans les couloirs ?

-Huuum. Daph ? Tais-toi s'il te plait.

-A tes ordres.

La silhouette d'avéra être un garçon de première année de Gryffondor, qui, une fois arrivé à hauteur de Molly, se stoppa net pour reprendre son souffle. La jeune femme fut surprise de découvrir devant elle la version miniature d'Adam Scampers, en plus chétif et plus nerveux.

-Tu es la sœur de Lucy, c'est ça ? s'assura le petit, à bout de souffle.

-Oui, c'est moi. Et tu es ...

-Je m'appelle Gethin, répondit précipitamment le petit, se redressant brusquement. Il faut que tu viennes avec moi, vite !

Il prit la main de Molly et la tira à travers le couloir. Prise de cours, Molly se laissa faire, et remarqua que Daphnéa la suivait, tout aussi perplexe.

-Qu'est-ce qu'il se passe, Gethin ?

-C'est Lucy ! cria le garçon en accélérant. Elle a des ennuis au terrain de Quidditch !

-Quoi ?!

Le sang de Molly se glaça dans ses veines. Sans réfléchir sans d'autre façon, elle se mit à courir, baguette à la main, et dépassa rapidement Gethin. Elle entendant vaguement les pas de Daphnéa à côté d'elle, mais c'était à peine si elle s'en rendait compte. Toutes ses pensées étaient tournées vers sa sœur et les mots de Gethin résonnaient dans sa tête « C'est Lucy. Elle a des ennuis ! » Elle eut l'impression que jamais elle n'avait couru aussi vite et se retrouve rapidement au terrain de Quidditch. La neige tombait drue, à présent, et le terrain était recouvert d'un épais tapis. Un blizzard s'était élevé, obscurcissant le terrain. On n'y voyait rien.

-Lucy ! hurla Molly.

Daphnéa, à côté d'elle, alluma sa baguette et avança d'un pas décidé dans le brouillard. Elles avaient perdu le petit Gethin dans leur course. Molly l'imita et la suivit, le cœur battant à tout rompre, les entrailles serrées par l'angoisse.

-Elle est peut-être dans les vestiaires, avança Daphnéa, avant de s'époumoner : Lucy !

Elle se tut, et il parut vaguement à Molly d'entendre quelque chose. Quand elle se tourna vers la journaliste, ses yeux en alerte lui indiquèrent qu'elle avait entendu elle aussi. Un instant plus tard, d'autre vagues voix se firent entendre et les jeunes femmes virent des étincelles jaillir devaient elles. Le cœur de Molly manqua un battement.

-Lucy !

La seule chose qui lui répondit fut un nouveau sort et de nouvelles étincelles. Elles s'avancèrent dans la neige, leurs baguettes dressées. Puis cela s'arrêta.

-Lucy ! cria une nouvelle fois Molly.

-Ici ! lui parvint la voix étouffée de sa sœur. Je suis ici !

Molly eut l'impression qu'une digue rompait, et le soulagement se déversa en elle. Daphnéa et elle se frayèrent un chemin vers l'endroit d'où leur parvenait la voix, et elles finirent par l'apercevoir, toujours en robe émeraude, ses cheveux roux relevées sur sa tête, agenouillée dans la neige, sa baguette à la main. Molly se laissa tomber dans la neige et prit fermement sa sœur dans ses bras, le cœur battant à tout rompre. Mais elle la repoussa vivement, les yeux en alerte.

-Maeve, chuchota Lucy, les lèvres bleuies par le froid. Où est Maeve ?

-Qui ça ? s'étonna Daphnéa.

-Maeve. La fille qui était là, avec moi ... elle ... il était sur elle ... je ... (ses yeux s'écarquillèrent d'horreur, et elle se releva précipitamment pour hurler à en perdre la voix : ) MAEVE !

Lucy se mit à traverser le terrain, sa baguette à la main, affolée. Malgré son inquiétude grandissante et ses interrogations, Molly la suivit, par soucis pour la dénommée « Maeve ». Daphnéa les suivit et ce fut elle qui les appela une seconde plus tard, accroupie dans la neige devant une silhouette sombre allongée. Molly et Lucy la rejoignirent et la Serpentard se jeta sur la jeune fille brune aux couleurs de Poufsouffle étendue devant elle, les yeux clos, le visage pâle, les lèvres bleuies. Elle posa sa baguette sur sa poitrine et murmura « enervatum » d'une voix tremblante. Mais les paupières de Maeve ne tressautèrent même pas. Lucy blêmit, si c'était encore possible, et Molly sortit sa propre baguette pour lancer :

-Episkey !

Mais Maeve demeura inerte dans la neige. Daphnéa tenta un « Finite » mais rien n'arrachait Maeve à son sommeil.

-Ce n'est pas vrai, laissa échapper Daphnéa d'une voix morte. Ne me dis pas qu'elle est ...

Molly s'empressa de vérifier son pouls, et fut soulagée de le sentir battre contre ses doigts.

-Non. Mais il faut l'emmener à l'infirmerie de toute urgence. Hannah saura quoi faire.

-Ce n'est pas normal ..., souffla Lucy d'une voix d'outre-tombe. Elle devrait avoir les yeux ouverts ...

Molly et Daphnéa la contemplèrent sans comprendre. Puis la journaliste hocha la tête, pâle comme la mort et d'un geste souple de la baguette, elle fit léviter Maeve. Alors qu'elle l'emmenait à grand pas vers l'infirmerie, Molly aida sa sœur à se relever. Elle avait froid, et elle tremblait de tous ses membres.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé, Lucy ? s'enquit Molly d'une voix douce. On a vu des sorts ...

Lucy se cacha le visage dans les mains, puis scruta le brouillard. Un éclair rageur brilla fugacement dans ses yeux.

-Je ... Je suis restée au vestiaire pour ranger les balles, comme Bibine me l'a demandé ... J'ai un peu trainé parce que j'ai eu du mal avec le cognard ... Quand je suis sortie je suis tombée sur Maeve ... c'est une fille de mon année, de Poufsouffle ... Oh par Merlin.

Lucy se plaqua une nouvelle fois ses doigts gelés sur son visage, et ses épaules se mirent à trembler. Instinctivement, Molly attira sa sœur dans ses bras, et elle posa le front sur son épaule.

-Il y ... il y avait quelqu'un d'autre ... Je n'ai pas vu son visage, il portait une cagoule ... il s'est approchait de Maeve et lui a jeté un sort, elle s'est effondrée devant moi ... J'ai voulu ... j'ai essayé de l'arrêter, de le stupéfixier ... Mais ça ne l'a que ralenti ... Il a ... essayé de faire quelque chose à Maeve mais je ne lui en ai pas laisser le temps et là vous êtes arrivées ...

Elle se redressa. Ses beaux yeux azurs étaient embués par les larmes et le choc mais aussi par l'interrogation.

-Comment vous êtes arrivées ? Pourquoi vous êtes là ?

-C'est Gethin qui nous a prévenu, lui apprit Molly en caressant doucement sa joue. Il est venu me voir en disant que tu avais des ennuis ...

La stupeur se peignit sur le visage déjà crispé de Lucy.

-Gethin ? Gethin Scampers ? Une taille de gnome, les cheveux châtains, les yeux gris ?

Molly approuva d'un signe de tête, perplexe. La suspicion et la rage brillèrent à nouveau dans les yeux de sa sœur.

-Comment il a pu savoir ? Il ... Il n'était pas là ...

-Avec ce brouillard, peut-être que tu ne l'auras pas vu.

Lucy ne répondit pas, mais Molly voyait bien qu'elle était dubitative. Puis la faiblesse reprit le dessus, et son visage s'affaissa. D'autres larmes virent perler à ses yeux et finalement, elle se retrouva en pleurs dans les bras de sa sœur, secouée par les sanglots. Molly la serra de toutes ses forces, caressant ses cheveux pour la rassurer. Si elle avait bien compris, l'attaque de Maeve devait avoir un lien avec toutes celles qui avaient lieu à Poudlard depuis le début de l'année. Si avant elle avait fait confiance aux professeurs pour garder le danger hors de l'école, cette fois, Molly commençait sérieusement à prendre peur pour la sécurité de sa sœur. Et pour celle de l'école entière. 

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