Chapitre 16 : Vaincre l'hybris

Bonjour ! 

En pleine finale de fleuret. Dieu que c'est stressant l'escrime. 

(Ce qui liront ça dans quelques années, vous aurez un compte-rendu jour par jour des JO de Tokyo !) 

Bref, nouveau chapitre, cette fois largement remanié ! Sincèrement, je préfère cette version, vous me direz ce que vous en pensez ! On se retrouve en bas pour en parler, bonne lecture ! 

***

Chapitre 16 : Vaincre l'hybris.

Ses lèvres exploraient lentement sa clavicule, en douceur et sans précipitation. Lucy se laissait faire, grisée par ces nouvelles émotions qui tourbillonnaient en elle. Quand il lui avait proposé de sortir après le couvre-feu pour passer un peu de temps ensemble, l'adrénaline avait empli ses veines. Maintenant, elle était coincée entre la tapisserie qui drapait la salle vide dans laquelle ils étaient retranchés, et son torse. Depuis une demi-heure, ils s'embrassaient lentement et posément, avec la maladresse et la douceur des premières amours. Ses lèvres remontèrent dans son cou et il s'écarta un instant pour planter son regard bleu dans le sien. Après quelques secondes de silence haletant, il fondit à nouveau sur Lucy en un nouveau baiser, plus ardent que les autres. Sa main prit délicatement sa nuque, et Lucy frissonna. Alors que le visage entier de la jeune fille était en feu, les mains et les lèvres de son compagnon lui semblèrent glaciales. Mais ce fut quand ses doigts tentèrent de passer sous sa chemise et frôlèrent la chair de ventre qu'elle s'en rendit compte. Elle sursauta et se colla contre le mur pour échapper à son étreinte, repoussant sa main de la sienne.

-Non, refusa-t-elle en un souffle. S'il te plait.

Il ne répondit pas, et elle leva timidement les yeux sur lui. Ce qu'elle vit la glaça et elle porta ses deux mains à sa bouche pour retenir un cri. Le regard qui la fixait maintenant était vide de toute émotion, vitreux, et glacial, comme mort. Les yeux d'une pâle couleur délavée qui ne semblait avoir plus aucune once de vie. Les mains contre ses hanches devinrent soudainement flasques, et un sourire sinistre s'étira sur des lèvres qui avaient virés au bleu glacial. Le souvenir des Inferi, ces cadavres animés par magie, racontés par ses oncles revinrent à l'esprit de Lucy, et son sang se figea dans ses veines. Quand il pencha la tête pour plonger vers elle, elle ne put se retenir, et un cri à glacer le sang résonna dans la pièce.

Elle se redressa en sursaut, et mordit son poing pour étouffer le cri qu'elle s'apprêtait à laisser échapper. Son autre main agrippa ses draps pour se rassurer et s'ancrer à la réalité. Un rêve, se répéta-t-elle frénétiquement. Ce n'était qu'un rêve. Elle replia ses jambes contre sa poitrine, haletante et couverte de sueur. Son front appuyé contre ses genoux, les épaules agitées de tremblements compulsifs, elle tentait tant bien que mal de retrouver son souffle.

Ça faisait trois jours que Lionel Boot avait été agressé. Et trois nuits qu'elle se réveillait en sursaut avec à l'esprit ce même cauchemar. Un des meilleurs moments qu'elle avait passé avec Lionel quand ils étaient ensemble, cachés dans une salle vide du troisième étage. Puis les yeux morts qui ne cessaient de la hanter depuis qu'ils avaient retrouvé le corps inerte de Lionel dans la Salle Commune de Gryffondor. Dans le même état qu'Alexandre Wallace. McGonagall avait imposé à tout le monde d'aller dormir dans la Grande Salle. Trop choquée, Lucy avait été incapable de faire son rôle coordinateur de Préfète et avait laissé Luke se débrouiller seul. Le trajet du Poudlard Express le lendemain avait été le plus morne et le plus sinistre qu'elle n'avait jamais fait. Coincée entre la fenêtre et Luke, elle n'avait pas eu le courage d'articuler le moindre mot. Luke était resté avec elle, la couvant d'un regard inquiet. Il savait que Lionel avait été important pour elle, et qu'il le demeurait. Sa première véritable relation amoureuse. Ils avaient même réussi à rester ami après leur séparation, surprenant tout le monde, mais Lionel ne résistait jamais à l'appeler « chérie » quand il la voyait. Un jeu taquin entre eux. Une nouvelle fois, les larmes montèrent aux yeux de Lucy.

-Oh par Merlin ... Lionel ...

Elle ne comprenait pas la logique de l'agresseur. Imiter le style d'un anti-moldu sorti d'un épisode oublié de l'histoire de Poudlard pour s'en prendre à un anti-moldu de Serpentard ... et à un garçon innocent de Serdaigle.

Ça n'avait aucun sens.

Avec Luke, ils en avaient conclu que l'agresseur chercher à se venger : c'était bien l'idée que transmettait son message. « Les esprits du passé n'ont jamais rien oublié. Le temps de la justice vient de s'ouvrir. Ennemis des héritiers, prenez-garde. » Le plus logique aurait été de penser que quelqu'un considérait qu'on avait trop rapidement oublié les agressions des né-moldus, alors il se faisait vengeance lui-même. En agressant Alexandre Wallace, lui qui persécutait encore un né-moldu. Gethin Scampers.

Dans le train, Luke lui avait fait part d'une théorie qu'il avait eu : à un moment, il en avait conclu qu'Adam pourrait bien être le coupable. Il voulait protéger son frère, et il avait demandé des nouvelles à Lucy (pour vérifier qu'elle ne le soupçonnait pas ?). Lucy n'avait rien dit. En vérité, elle n'y croyait pas. Et l'agression de Lionel la confortait : ça n'avait aucun sens. Lionel n'avait jamais rien fait contre les né-moldus, au contraire. Son père, Terry Boot, avait été dans l'Armée de Dumbledore, l'association crée par oncle Harry, et avait toujours été fidèle à celui-ci.

Ça n'avait aucun sens.

Lucy enfonça ses doigts dans ses cheveux trempés de sueur. Elle sortit de la chaleur réconfortante de son lit et lut l'heure sur le réveil sur sa table de nuit. L'agitation derrière la porte lui confirmèrent ce qu'elle pensait : il était très tôt le matin, et ses parents s'apprêtaient à partir au ministère. Elle sortit de son lit, passa un pull que Mamy Weasley lui avait confectionné pour Noël dernier et jeta un rapide coup d'œil au miroir. Sa peau était si pâle que les taches de rousseur sur son long nez semblaient être des taches de sang, et ses yeux bleus brillaient d'un éclat spectral, mais à part cela, elle fut satisfaite de constater que rien ne trahissait son profond trouble intérieur. Elle passa une main rapide dans sa lourde chevelure rousse pour la dompter et se résolut à sortir de sa chambre. Dans le couloir, elle faillit se heurter à sa mère qui venait de sortir de la salle de bain. Elle eut un mouvement de recul, une main sur le cœur.

-Par Merlin ma chérie, tu m'as fait peur, soupira Audrey Weasley avant d'embrasser rapidement Lucy sur la tempe. Tu as bien dormi ?

Lucy eut un pâle sourire et hocha la tête. Elle avait toujours eu de meilleures relations avec sa mère qu'avec son père. Les cheveux blonds d'Audrey étaient tirés en une queue de cheval haute, elle avait un port altier et de magnifique yeux bleus limpides en amande dont avait hérité Lucy. Mais c'était bien la seule chose que Lucy tenait de sa mère. Molly, en revanche, si on exceptait sa chevelure rousse typiquement Weasley, en était le portrait craché. Audrey dressa un sourcil, suspicieuse.

-Tu es sûre d'avoir bien dormi ? Tu sais qu'il est cinq heures et demie du matin, ma chérie ?

-Oui, maman. Je ... n'arrivais plus à dormir.

Elle lui lança un regard profondément dubitatif, mais l'autorisa à l'accompagner vers la cuisine où Percy Weasley prenait son petit-déjeuner en tête à tête avec La Gazette du Sorcier, alors qu'un autre journal, La Voix du Chaudron l'attendait devant lui, les sourcils froncés derrière ses lunettes en écailles. Sa femme et sa fille prirent place sur la table, et il leur lança un bref regard par-dessus le journal.

-André Andros pense que c'est Harry qui va prendre la tête du ministère, claironna-t-il avec un déplaisir évident en guise du bonjour. Il aurait été demander à ses fils en sortant du train ...

-Ridicule. De toute façon, on sait tous que cet homme est un affabulateur, répliqua sa femme en servant du thé brulant à Lucy. Et tu manges, cette fois, jeune fille. Si ce n'est pas le cas, je t'emmène au Ministère avec moi.

-Oui maman, soupira Lucy en prenant une tartine. Et ne t'en fais pas, papa. Il n'y avait aucun journaliste sur le quai de gare. Sinon, tante Ginny aurait fait un scandale.

-Ça lui ressemblerait bien, concéda Percy en pliant son journal, avant de fixer sa fille les sourcils froncés. Que fais-tu debout à cette heure ?

-Je n'arrivais pas à dormir. Et j'avais envie de voir mes parents. C'est un crime ? Ça fait deux jours que je suis là, et on s'est à peine croisé.

Audrey et Percy échangèrent un bref regard chargé de désespoir et de gêne. Lucy ne s'en offusqua pas. Malgré ces piques, elle était résignée. Chaque vacance, c'était la même rengaine. Ses parents partaient avant le lever du soleil, et ne revenaient qu'après que Lucy ait dîné, le plus souvent seule devant un livre ou devant la télévision. Celle-ci était par ailleurs éteinte. Cela avait été difficile pour les sorciers d'importer la télévision : la technologie moldue était poussée et les sorts étaient délicat. Cela restait cher et rare dans les foyers mais Percy avait tenu à en posséder une, ne serait-ce que pour vérifier ce qui se disait sur lui à l'émissions « Salut les Sorciers ! » présentée par Tiberius Ackerley. De forme cubique, de taille modeste et toujours en noir et blanc, l'aspect magique de la chose était l'hologramme qu'elle diffusait dans l'angle de son écran, ce qui permettait d'avoir le programme en 3D.

Lucy baissa le nez dans sa tasse de thé pour éviter d'avoir à entendre un nouveau discours de son père sur l'importance de leur rôle au Ministère, mais de fait, elle ne perçut pas l'affrontement de regard qui opérait entre ses parents. Affrontement que sa mère dut gagner, car Percy baissa résolument les yeux sur son thé avec un soupir. Audrey posa une main sur l'épaule de sa fille.

-Tu as raison, on ne s'est pas beaucoup vu. Et comme demain tu vas au Terrier ...

-Depuis quand ? s'étonna Percy en relevant les yeux.

-Depuis hier, papa, rétorqua la jeune fille avec sècheresse. On en a parlé avec maman quand vous êtes rentrés, mais tu étais ...

-Toujours est-il, la coupa sa mère en posant sur sa fille un regard chargé d'avertissement. Que j'aimerais bien que nous passions un moment en famille avant Noël ...

Seuls les grognements dubitatifs du père et de la fille lui répondirent, et elle les fusilla tous les deux du regard.

-Par les bottes de Merlin que vous êtes usants ! Vous pourrez dire ce que vous voulez, mais vous avez bien les mêmes gènes !

Lucy sentit une main lui comprimer la poitrine, et elle leva prudemment les yeux sur son père. Celui-ci avait détaché son regard de sa tasse de thé pour venir le poser sur sa femme. Il la contempla un long instant, et dut voir dans les yeux d'Audrey qu'il ne la ferait pas plier. Il soupira profondément, et repoussa sa tasse de thé.

-Bien. Tu as raison, chérie. Une petite réunion de famille ... ne nous ferait pas de mal.

-Ah oui ? douta Lucy en haussa les sourcils.

Sa mère posa une main à la base de sa nuque, comme un avertissement, et la jeune fille baissa le nez sur ses tartines.

-Excellent ! Donc dîner ce soir ? A L'Hippogriffe Fringuant ? Je préviens Molly, je passe par son Département ce matin !

-Si tu veux, chérie, soupira Percy en se levant. C'est vrai que ce sera l'occasion ... de parler.

-De quoi ? bougonna Lucy. De la mondialisation du Réseau de Poudre de Cheminette ?

-Arrêtez tous les deux, vous m'usez ! Bonne journée ma chérie !

Audrey embrassa rapidement Lucy sur le sommet du crâne, et s'avança vers la cheminée. La jeune fille l'entendit vaguement marmonner qu'il était temps d'acheter de la poudre de Cheminette, et elle leva les yeux au ciel. Son père se leva, et rajusta sa robe impeccable de sorcier ainsi que ses lunettes. Lucy touillait encore laconiquement son thé quand elle se rendit compte que son père la fixait. Elle dressa un sourcil.

-Oui ?

Son père la contempla encore un instant, puis sourit.

-Rien, Lucy. A ce soir.

Et il suivit sa femme vers la cheminée. Lucy les suivit du regard et les vit disparaître dans une gerbe de flamme verte, une étrange impression au creux du ventre. Vivement le Terrier.

Elle débarrassa la table du petit déjeuner, et prit ses devoirs de vacances, puisque c'était la seule chose qu'elle avait à faire susceptible de lui vider la tête. Tout était bon, du moment qu'elle n'avait pas à revoir les yeux morts de Lionel. De ce qu'elle savait, il avait été, tout comme Alexandre Wallace, transféré à Ste-Mangouste. Et de ce qu'elle avait entendu, ils ne savaient toujours pas comment remédier à leurs états ... Son estomac se contracta quand elle repensa à la Potion expérimentale qu'ils avaient découverts avec Luke. Cette potion à base de venin d'Acromentule qui plongeait la victime dans un coma sans espoir de retour. Elle se donna une bonne gifle mentale et vrilla résolument son regard sur ses calculs d'Arithmancie. Quand elle eut fini de noircir son parchemin (notamment de rature. Où était Scampers quand elle avait besoin de lui ?), elle répondit aux lettres inquiètes de Luke, et les confia à Iris, la chouette hulotte qui avait remplacé le vieil Hermès de leur père, mort durant sa première année. Elle la regarda s'envoler par la fenêtre de l'appartement, déployant ses longues et soyeuses ailes, et battant frénétiquement de ses puissants membres pour échapper à l'aura étouffante du labyrinthe Londonien. Lucy lui envia vaguement sa capacité à s'échapper de la sorte, alors qu'elle était coincée dans l'appartement familial, avec ses calculs d'Arithmancie pour seule compagnie. Lucy ne sut exactement combien de temps elle resta ainsi, penchée à sa fenêtre, l'air glacial de décembre lui mordant le visage, à regarder les moldus en contrebas faire leurs achats de Noël, se baladant insouciamment dans les rues Londonienne. Puis une main s'abattit sur son épaule, et elle sursauta brusquement, une main sur le cœur.

-Par le caleçon de Merlin, Molly !

-Désolée, je pensais que tu m'avais entendue sortir de la cheminée, s'étonna sa sœur en retirant sa main de son épaule. Tu peux fermer cette fenêtre, s'il te plait ? Il fait un froid polaire, dehors, j'ai l'impression d'être à Poudlard !

-Pas une mauvaise chose, maugréa Lucy en refermant malgré tout la fenêtre. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Molly haussa les sourcils. Ses cheveux roux étaient coiffés en une tresse impeccablement ramenée sur son épaule et de la cendre s'était accrochée à son manteau. Lucy essaya de ne pas trop la dévisager. La gêne lui tordait le ventre, comme à chaque fois qu'elle se trouvait face à sœur. Mais là plus particulièrement. Elle avait été plus que surprise de voir Molly sur le quai de la gare, debout aux cotés de Fred. Jamais sa sœur n'aurait eu dans l'idée de venir la chercher à King's Cross. Depuis qu'elle avait quitté Poudlard, Lucy avait toujours pris le métro pour rentrer. Mais si elle avait été surprise, la compagnie de sa sœur s'était révélée bienfaitrice : après tout ce qui s'était passé, Alexandre, Lionel, les cauchemars, la potion, Lucy s'était rendu compte qu'elle avait besoin de l'oreille neutre mais malgré tout bienveillante de sa sœur. Et Molly avait été si anormalement tendre une fois chez elle ... Lucy n'avait pas pu contenir les larmes qu'elle retenait depuis qu'ils avaient découverts le corps de Lionel dans la Salle Commune de Gryffondor. Et Molly avait été remarquablement parfaite. Elle n'avait pas cherché à tirer les vers du nez de Lucy, se contentant de la laisser pleurer sur son épaule.

Il n'y avait que Molly pour faire autant ravaler sa fierté à Lucy.

L'aînée passa en revue les parchemins qui jonchaient la table, les nombreux calculs que Lucy avait tentés et un sourire passa sur ses lèvres.

-Je viens te chercher. Il paraît qu'on dîne avec les parents, ce soir – Merlin, ça faisait bien une éternité que ça n'était pas arrivé ...

-Une idée de maman, ça, grommela Lucy en consultant sa montre. Par les bottes de Merlin, il est déjà dix-huit heures trente ? Mais ... Argh, l'Arithmancie aura ma peau ! Et Iris aussi !

-Qu'est-ce qu'Iris a à voir là-dedans ? répliqua Molly alors que Lucy se précipitait vers sa chambre. C'est ça, dépêche-toi de t'habiller, papa va nous tuer si on arrive en retard ! Allez !

-Arriver en retard, c'est ma spécialité !

-Et faire enrager papa aussi, et je n'ai pas très envie, cette fois, alors dépêche-toi !

Lucy réprima son rire et passa une chemise et une jupe noire relativement sobre et assez distingué pour ses parents. Quand elle ressortit, Molly la traina de force dans la salle de bain pour dompter sa lourde chevelure rousse en une queue haute, manquant d'y casser le peigne, et elle exhorta sa sœur à se maquiller un minimum avant de la prendre derechef par la main pour la faire transplaner. Elles atterrirent au Chaudron Baveur, devant une table où Zoey Londubat était assise en train de faire ses devoirs. La jeune Poufsouffle sursauta brusquement, et en fit renverser sa bouteille d'encre.

-Oups, désolée Zoey, s'excusa Lucy alors que Molly arrangeait ça d'un mouvement de baguette.

Zoey haussa les épaules. Elle était dans la même année que Lucy, mais à Poufsouffle et elles se parlaient assez peu. Les cheveux châtains clairs et le visage rond, elle avait toujours eu une tendance à un certain surpoids qui disparaissait depuis qu'elle jouait au Quidditch.

-Aucuns soucis, grommela-t-elle en repoussant ses cheveux. Tiens, Lucy ... Tu ne fais pas Arithmancie, toi ? Tu as réussi l'exercice que Crivey nous a donné ?

-Ouh la, Zoey, oublie-moi pour l'Arithmancie, la pria la Serpentard en levant les mains. Si je n'avais pas Scampers, je me jetterais dans le Lac Noir – et j'emmènerais Crivey avec moi. .

Molly eut un demi-sourire, et se pencha vers la jeune fille pour regarder rapidement son exercice. Lucy en profita pour saluer Hannah, qui avait retrouvé sa place derrière le bar. Malgré son poste à Poudlard, elle restait propriétaire du Chaudron Baveur, qu'elle laissait entre de bonnes mains pendant l'école. Le professeur Londubat descendit des escaliers, et sourit à Lucy. La jeune fille lui trouva l'air fatigué : les traits de son visage lunaire étaient tirés, et des cernes assombrissaient ses yeux. Son cœur se serra quand elle songea qu'il devait comme les autres chercher comment le venin d'Acromentule s'était retrouvé dans l'organisme d'Alexandre Wallace – et de Lionel Boot ... Lucy sentit la bile lui monter à la gorge, et elle détourna les yeux de son professeur de botanique. Mais celui-ci ne parut pas voir laisser sa conscience tranquille et s'approcha des filles de Percy et de sa fille, un sourire aux lèvres.

-Eh bien, que font ici des petites Weasley ?

-Réunion familiale restreinte, expliqua Lucy en s'efforçant de sourire et d'ignorer la gêne qui lui labourait le ventre. Maman a décidé que ça faisait trop longtemps que l'on ne s'était pas vu en famille.

-Je me doute que Percy ne doit pas avoir beaucoup de temps pour lui, compatit Neville en hochant la tête.

-Normal, avec tout le travail qu'il a à son Ministère, répliqua Molly en levant le nez du devoir de Zoey. On comprend tout-à-fait.

Lucy lança un regard torve à sa sœur, qui l'ignora pour donner une dernière explication à Zoey avant de se relever. Elle fit un charmant sourire à Neville et dit rapidement :

-Bonjour professeur Londubat ! Je suis désolée, mais Lucy et moi on doit y aller, on est déjà en retard, Lucy n'était pas prête quand je suis venue la chercher ...

-Quoi ?! s'indigna la cadette. Qui traine sur de l'arithmancie depuis cinq minutes ?

-J'aidais une âme en perdition.

-Elle est tombée en perdition le jour où elle a choisi Arithmancie à la fin de sa deuxième année, grommela Lucy en lorgnant les parchemins que Zoey rangeait.

Neville éclata de rire et salua les filles avant de remonter. Molly leva les yeux au ciel, et prit sa sœur par la main pour la mener derechef vers la sortie, comme une gamine, pestant contre sa « peur maladive de l'Arithmancie ». Aux yeux de Lucy, ça se voyait qu'elle n'était pas à Serpentard : tout ceux de sa Maison qui avait eu Arithmancie en avait été dégoutés par Crivey, même la très patiente Eléonore, qui avait arrêté dès qu'elle avait pu. De ce qu'elle savait, aucun de ses aînés ne faisait Arithmancie à Serpentard.

Les rues du Chemin de Traverse commençaient à se dépeupler, et beaucoup de personnes remontaient vers le Chaudron Baveur. Ollivander venait de fermer boutique et Madame Gaichiffon rabattait ses volets à l'aide de sa baguette magique. Seule la boutique étincelante Farce Pour Sorcier Facétieux d'oncle George illuminaient encore la rue commerçante, ainsi que d'autre enseignes comme L'Hippogriffe Fringant, un restaurant huppé qui avait ouvert il y a quelques années sur le chemin de Traverse. Molly s'arrêta devant la porte et arrangea l'écharpe de Lucy et ses cheveux. La jeune fille tenta de se dégager, agacée, mais sa sœur darda un regard impitoyable sur elle, et elle se laissa faire en maugréant :

-A quoi ça sert de paraître présentable ? Ils ne seront même pas encore là !

-Qu'est-ce que tu en sais ? répliqua Molly en dressant un sourcil. Allez, petite sœur : c'est parti !

Et elle poussa la porte de L'Hippogriffe. Le regard de Lucy parcourut la pièce du regard ; il y avait une éternité qu'elle n'était pas entrée ici. La tapisserie racontant diverses scènes de l'histoire de la magie était finement brodée, de beau chandelier et lustres décoraient le plafond, et une majestueuse statue d'Hippogriffe faite de bois trônait à l'entrée. Molly s'arrêta devant elle, et pencha la tête avant de sourire à sa sœur. Lucy lui répondit timidement et s'adressa à la statue :

-Euh ... Bonjour Orlando ?

La tête de l'hippogriffe s'anima alors, faisant claquer son bec et ébouriffant ses plumes de bois verni avant de pencher la tête vers les filles de Percy.

-Bonjours, chères Miss, répondit la statue d'une voix profonde avant d'étendre l'aile en direction de la salle. Vos parents vous attendent à la table 7, si vous voulez bien. Sur votre gauche, dans l'alcôve.

-Merci Orlando, le remercia Molly avec un sourire.

Les filles saluèrent l'hippogriffe, qui s'était à nouveau figé dans l'attente de nouveau client, et se faufilèrent dans la salle. En effet, Percy et Audrey étaient tous deux installés dans une petite alcôve, et parlaient à voix basse, la tête penchée l'un vers l'autre.

-Tu vois qu'ils sont à l'heure, lui souffla Molly. Ne te cherche pas d'excuse, Lucy, il n'y a que toi qui es toujours en retard.

Lucy tira puérilement la langue à sa sœur et les yeux de Molly roulèrent dans leurs orbites avec désespoir. Audrey les aperçut s'avançant, et sourit à ses filles alors qu'elles s'installaient. Percy les regarda à travers ses lunettes d'écaille et réagit exactement comme Lucy s'y attendait :

-Vous êtes en retard.

-Lucy n'était pas prête.

-Molly a fait de l'Arithmancie en chemin.

Les sœurs échangèrent un même regard acerbe. Percy ouvrit la bouche, sans doute pour les réprimander sur leur manque de ponctualité, mais Audrey lui lança un regard d'avertissement qui le fit taire sur place. Lucy prit une carte devant elle et pouffa discrètement derrière. Ses oncles adoraient Audrey, car elle était l'unique personne qui pouvait forcer Percy Weasley à se taire.

Le début du repas se fit dans la cordialité : ils commandèrent rapidement à un serveur en robe bleu, Audrey et Percy discutèrent avec Molly de sa situation au Ministère, et Lucy fut pour la première fois de sa vie admirative de sa sœur qui avait décidé d'innover en tenant tête à leur père. Etait-ce le fait de sortir avec Erik Kane qui rendait la si docile Molly rebelle ? Puis Audrey s'enquit de son premier match de Quidditch et Molly et Percy se rembrunirent, provoquant l'amusement pervers de Lucy. Elle savait qu'ils n'aimaient pas trop parler Quidditch. Le repas se passa étonnement bien, mais Lucy soupçonnait sa mère de donner un coup de pied à leur père à chaque fois qu'il essayait d'attirer la conversation sur l'avenir de Lucy ou la place de Molly au Ministère, évitant ainsi les sujets de discorde. Quand ils finirent leurs tartes à la citrouille, Percy n'avait pas fait une seule remarque désagréable et Lucy n'avait pas eu à sortir de ses gongs, ce qui, compte tenu de l'était de tension extrême dans lequel elle était plongé depuis le début des vacances, tenait un miracle. Molly et Audrey prirent un café, et Lucy croisa alors le regard de son père alors que les deux femmes dégustaient le liquide sombre et odorant. La commissure de ses lèvres se releva très légèrement, mais il détourna les yeux pour éviter d'avoir à sourire franchement. Lucy tordit ses lèvres pour réprimer le sien. La seule chose qu'elle avait en commun avec son père, c'était bien l'aversion qu'ils avaient tous deux pour le café. Molly commençait à dire qu'il faudrait sans doute songer à y aller parce qu'elle travaillait le lendemain, mais Audrey la cloua à sa chaise d'un regard avant de tourner les yeux vers son mari avec une sorte d'insistance. Lucy fronça les sourcils avec perplexité quand Percy soupira profondément, avant de se redresser et de déclarer :

-Les filles ... Il faut qu'on parle de quelque chose.

-Attends, le coupa Audrey en sortant sa baguette.

Elle scruta les tables alentours et lança un discret « Assurdiato » avant de ranger sa baguette et de sourire à son mari, sous les yeux éberlués de ses filles.

-C'est bon, chéri, tu peux y aller.

-Merci chérie, fit Percy avec un petit sourire pour sa femme. J'en ai tellement dans la tête, j'ai oublié les précautions élémentaires ... Si Jones n'arrêtait pas de me harceler pour la prochaine Coupe du Monde ...

-Chéri, tu t'éloignes du sujet, fit discrètement remarquer sa femme en prenant une gorgée de café.

-Pardon ? Ah oui. Donc je disais ... Les filles, il faut qu'on parle de quelque chose.

Le regard de Lucy passa du sourire crispé de sa mère au regard profondément solennel de son père. Molly les dévisageait elle aussi, suspicieuse, les yeux plissés. La lueur typique de la Serdaigle réfléchissait intensément brillait dans ses yeux. A la vue du visage profondément concentré de sa sœur, Molly devait en avoir déduit plus de choses qu'elle. Percy échangea un nouveau regard avec sa femme.

-Il va y avoir des changements dans notre famille dans un futur proche ...

-Oh par Merlin, lâcha alors Molly en se couvrant la bouche d'une main. Tu te présentes pour les élections du Ministre.

-Quoi ? se recria Lucy, incrédule. Dis-moi que c'est une blague !

-Lucy ! siffla sa mère sur le ton de l'avertissement.

Lucy l'ignora, et fixa ostensiblement son père. Percy les considéra calmement en retour, avec une sérénité qui la surprit beaucoup venant de lui. Puis il souffla d'une voix curieusement emplie de douceur :

-Molly, tu m'avais habituée à plus de perspicacité ...

-Oh merci Merlin, soupira Lucy en s'affalant contre son dossier, une main sur le cœur. Il ne se présente pas ...

Molly lui donna un coup de pied par-dessous la table pendant que sa mère levait les yeux au ciel avec un certain dépit. Mais un sourire avait orné la commissure des lèvres de leur père.

-Non, je ne me présente pas – mais ta confiance m'honore, ma chérie ... Mais néanmoins, je vais rentrer en campagne. Pour quelqu'un.

-De la famille, comprit Molly, intéressée. Quelqu'un de la famille se présente ...

Leurs deux regards allèrent vers leur mère, occupée à observer l'alliance qui brillait à son doigt d'un air distrait. Devant l'attention dont elle était objet, elle leva les yeux et éclata de rire.

-Oh Merlin non ! Moi je suis très bien au Magenmagot ! Je n'ai aucune ambition politique, les filles. Je suis simplement là pour faire régner la justice, que ce soit dans la Communauté Magique ou cette famille.

Lucy laissa échapper un soupir soulagé. Elle souffrait déjà bien assez d'avoir des parents hauts-placés et d'être relayée au deuxième rang dans leurs priorités ... Un poste de Ministre aurait aggravé cette distance. Les préoccupations de Molly semblaient bien loin car elle poursuivit avec avidité :

-Qui donc ? Je ne pense pas que ce sera oncle Harry, lui non plus n'est pas attiré par la politique ...

-Arrête de trop réfléchir, la tança Lucy avec un sourire espiègle. Ça me semble évident que ce sera oncle George !

Molly haussa les sourcils et Lucy crut qu'elle allait céder à cette fâcheuse habitude de se prendre pour sa deuxième mère en la réprimandant. Mais elle la surprit quand un sourire amusé retroussé ses lèvres.

-Ah bon ? Moi je pensais à la goule dans le grenier ...

Lucy éclata de rire sous le regard désespéré de ses parents, peu habitués à voir leurs deux filles liguées contre eux. Percy jeta un regard inquiet à leurs voisins, pourtant rendus sourds par le sort d'Audrey, avant de se pencher vers ses enfants :

-C'est bon ? On peut parler sérieusement ?

-Bien sûr, assura Molly avec une mine plus sérieuse. Donc Hermione se présente, c'est bien cela ?

C'était également le nom que Lucy avait en tête. Hermione Granger – elle tenait à se faire appeler par son nom de jeune fille – avait été la plus jeune cheffe du Département de la Justice Magique. Engagée, vindicative, forte et juste, c'était elle qui avait aidé le Ministre Kingsley Shackelbolt à réformer la société sorcière après la guerre. Elle était à la fois la plus expérimentée et la plus dévouée de tous les hauts-placés du Ministère.

Le pire ? C'était qu'elle avait toujours pris le temps d'emmener Rose et Hugo sur le quai de la gare. Alors Lucy n'avait jamais compris pourquoi ses parents à elle ne l'avait jamais ...

Elle retrouva un semblant de force musculaire pour passer une main nerveuse dans ses cheveux avant de se rappeler que sa sœur les lui avait attachés. Elle n'aimait pas songer à cela ... Ces considérations, c'était pour les petites filles. Elle avait grandi. Elle s'était affirmée.

Audrey laissa échapper un petit sourire.

-Et bien la revoilà ma fille si perspicace ! Donc oui, Hermione se présente pour succéder à Ereba Millaners.

-C'est ... à la fois inattendu et pas surprenant du tout, évalua Molly d'une voix prudente. Le nombre de fois où elle a râlé parce que Millaners ne la laissait présenter ses lois ...

-Et le nombre de fois où oncle Ron lui a répondu « tu n'as qu'à être Ministre toi-même », acheva Lucy, interdite. Par les bottes de Merlin, jamais il n'aurait dû lui dire ça ! Il a allumé la mèche !

-Et de ce fait là ... Tu vas faire campagne pour elle ? Mais tu as le droit de faire campagne en étant directeur de Département ?

-Ça peut poser un problème quand tu te présentes contre le Ministre sortant qui est, par essence, ton patron, expliqua Percy. Mais comme ce n'est pas le cas, je suis parfaitement dans mon droit et Hermione aussi. L'élection aura lieu en mars, selon toute vraisemblance. Et si d'aventure Hermione gagne, j'entrerais dans son équipe dirigeante, certainement au poste de sous-secrétaire d'état.

Lucy haussa les sourcils, soufflée. Elle voyait difficilement son père dans un rôle de subalterne dévoué à Hermione ... Lui qui était si indépendant, targué parfois d'arrogance et d'égoïsme ... Son scepticisme devait se sentir car sa mère lui jeta un regard perçant.

-Si je vous dis ça maintenant, c'est qu'Hermione va annoncer sa candidature après les fêtes, poursuivit Percy d'un ton grave. Et que ça va changer pas mal de chose parce que je vais devoir ...

-Travailler deux fois plus ? devina Molly avec un pauvre sourire.

Lucy se fendit d'un ricanement amer.

-Déjà qu'on ne te voyait pas beaucoup ... Tu as aménagé une chambre au Ministère, c'est ça ?

-Lucy, siffla sa mère.

-Si je le fais, c'est parce que je crois au projet d'Hermione pour la Communauté Magique, rétorqua fermement son père. Le mandat d'Ereba Millaners a brisé net les réformes qu'elle voulait mettre en œuvre sous Kingsley, elles ont bataillé pendant des années, j'ai cru que jamais votre mère n'arriverait à ... (Ses lèvres se pincèrent et il secoua la tête). Et sache que c'est moi qui aie demandé à Hermione de retarder l'annonce pour qu'on puisse justement passer des fêtes en toute tranquillité.

Molly jeta un regard oblique à Lucy qui se trouva une passion soudaine pour la contemplation de son assiette à dessert vide. Il y avait une telle solennité dans le ton de son père qu'elle-même en demeurait coite. C'était le ton de la certitude qui ne souffrait aucune réplique. Avec un soupir de lassitude, Percy enleva ses lunettes et se pinça l'arrête du nez.

-Les filles, ça va être des semaines très compliquées mentalement pour moi. Je vais littéralement devoir gérer deux travails à la fois. Si je vous préviens, c'est que la candidature d'Hermione risque de faire débat compte tenu du fait qu'une grande partie de notre famille se trouve à des postes clefs – y compris George, puisque tu en parles Lucy. Quelle meilleure publicité que Farces pour Sorciers Facétieux ? On commence à devenir un clan très – certainement trop – puissant et certains n'aiment pas ça. Donc ...

Il laissa sa phrase en suspend et lorgna ses filles d'un air entendu. Molly et Lucy s'entre-regardèrent, les yeux écarquillés, un peu perplexe. La Serpentard commençait à comprendre où son père voulait en venir. Elle réprima la bouffée d'agacement qui montait en elle. Ça faisait des années que son père lui répétait qu'elle devait avoir une conduite irréprochable parce que chacun de ses actes pouvaient remettre en cause la place de ses parents au Ministère. Alors s'il appuyait la candidature contestée d'Hermione ...

-Tu as peur qu'ils utilisent les frasques de ta méchante fille ?

-Mais enfin, quelles frasques ? se récria Audrey, un sourcil dressé. Tu es une élèves modèle, Lucy ...

-A Serpentard ...

-Et ? lâcha son père, contrarié. Je ne vois pas en quoi c'est une frasque ... Au contraire, si vraiment je devais utiliser ce fait politiquement, je dirais que ça montre bien la richesse de notre famille. Et je ne manquerais pas de mettre Albus en avant, également, qui est un symbole on ne peut plus fort ...

Le fils Potter de Serpentard, songea Lucy, vaincue. Très clairement, c'était la main ultime tendue à l'union ... Mais elle doutait que son cousin se laisse poser comme un symbole récupéré politiquement et son père coupa vite court à ses protestations naissantes :

-Mais il n'est pas question de vous utiliser, bien sûr. Cette campagne nous concerne. Je voulais simplement souligner que d'autres n'hésiteront pas à le faire pour nous discréditer alors ...

-On fera attention, promit Molly. Enfin Lucy sera à Poudlard, je doute que les journalistes la suivent jusque là ... Mais moi au Ministère je ferais attention. Et je ferais attention à Fred, aussi.

En parfaite diplomate, elle sourit et allongea le bras pour poser une main sur le bras de leur père. Percy, un peu surpris par la tendresse, contempla sa fille sans un mot.

-Je comprends que ce sera très difficile pour les prochaines semaines. Mais tu peux compter sur moi, je serais là.

Elle donna un coup de pied insistant à Lucy sous la table qui reteint au dernier moment une grimace de douleur.

-Oui, oui et je serais sage, concéda-t-elle en jetant un regard noir à sa sœur. Mais pour de vrai, ajouta-t-elle quand celle-ci roula des yeux.

-Ce n'était pas ... réellement une demande, insista leur père avec prudence. Plus une prévention. Que vous soyez prêtes de voir la presse ... peut-être se déchaîner. Je crois que La Gazette est la seule institution qui ne contient pas un membre de notre famille ...

-On a réussi à y placer Teddy, fit remarquer Audrey avec un sourire. Notre famille est un être tentaculaire, ma parole !

Molly partit d'un petit rire et se leva pour embrasser leur père sur la joue. Cela frappa Lucy à l'instant même où les lèvres de sa sœur se posèrent sur la joue pleine de tache de rousseur de Percy : il était stressé. Même la tendresse de sa fille ne parvint pas à le détendre et après avoir adressé des sourire de convenance à Molly et à sa femme, il se leva de table. Lucy le suivit du regard pendant que sa sœur et sa mère se lançaient sur une conversation technique concernant une subtilité juridique sur la campagne à venir d'Hermione. Puis alors qu'il passait la porte du restaurant, elle le vit porter quelque chose à sa bouche et le sang de Lucy ne fit qu'un tour. Elle se leva d'un bond et ignora le regard interloqué de sa mère et sa sœur pour poursuivre son père. De la fenêtre qui donnait sur la rue commerçante, elle le voyait porter sa baguette à la pointe enflammée. La lueur éclairait son visage et se reflétait spectralement dans ses lunettes. Elle ouvrit brusquement la porte et darda sur lui un regard accusateur.

-Je pensais que tu avais arrêté de fumer !

Son père, une cigarette rougeoyante entre ses lèvres, eut soudainement l'air d'un garçon pris en faute. Il voulut ouvrir la bouche pour se justifier et de ce fait, une épaisse fumée malodorante en sortit et les fit tousser tous les deux.

-Papa !

-Désolé, toussota Percy, les lunettes de travers. Plus l'habitude ...

C'était que la reprise était récente, en déduisit Lucy, contrariée. Elle savait que son père avait commencé la cigarette sur le tard, après la guerre et le traumatisme d'avoir vu mourir sous ses yeux son jeune frère Fred. Il n'avait arrêté que lorsqu'Audrey avait littéralement instrumentalisé ses deux filles pour l'attendrir : Molly et Lucy voulaient un papa en bonne santé, pas qui inspirait tous les jours des bouffées de cancer. De cette croisade, la jeune fille en gardait une profonde aversion pour le tabac et son nez se fronça quand son père prit malgré tout une nouvelle tirée de sa cigarette. Sa main s'inclina quelque peu quand il croisa le regard peu amène de sa fille.

-Désolé de te décevoir ma chérie ... Mais les situations compliquées nous font vite reprendre les mauvaises habitudes ...

-En quoi c'est une situation compliquée pour toi ? marmonna Lucy.

Elle se laissa aller contre le mur de brique du restaurant. A présent, l'allée était complétement désertée : tous les réverbères étaient allumés et la brise froide charriait les emballages abandonnés sur les pavés. Le froid de décembre lui mordait la peau et pourtant, Lucy ne songea pas une seconde à retourner dans la chaleur du restaurant : son père était en train de consumer une cigarette entière à côté d'elle et c'était inacceptable.

Percy poussa un profond soupir et s'adossa au mur à un mètre d'elle.

-Tu te trompes. C'est loin d'être simple.

-Pourquoi ? Tu es peut-être la personne qui a le plus d'ambition politique dans la famille. Tu ne vis que pour ça. Ça doit te réjouir d'entrer en campagne, non ? Même si je pensais que tu le ferais plus pour toi-même ...

Son père lui jeta un regard de biais, à peine discernable à travers ses lunettes où jouaient les reflets des réverbères et la lueur d'une pointe rougeoyante.

-Tu penses ?

-Bah ... Oui. Je pensais que c'était ton objectif ... que ça l'avait toujours été.

Percy ne répondit pas tout de suite et fit tomber quelques cendres à terre, le regard dans le vague. Quelque chose s'était durci sur son visage : c'était une expression que Lucy voyait peu et qui l'intimidait. Elle se peignait sur ses traits chaque fois qu'ils parlaient d'oncle Fred ...

-Ça l'était, admit-t-il du bout des lèvres. Et j'aurais été capable de tout sacrifier pour atteindre ce but. C'est ce que je pensais, en entrant au Ministère ... Plus d'entrave. J'étais en bas de l'échelle : il est temps de monter jusqu'au sommet ultime. (Il adressa un pauvre sourire à sa fille). Et tu vois où ça m'a mené, Lucy ?

Lucy ne répondit pas, embarrassée. Elle connaissait l'histoire, même si tous s'accordaient à vouloir l'étouffer. Longtemps, Percy n'avait pas été du bon côté de la guerre, mais on retenait qu'un jour, il était revenu. Et dans le fond c'était ce qui importait.

-Mais c'est fini, maintenant ...

-Oui ... Mais ça montrait des choses sur moi, Lucy. Sur ce que j'étais capable de faire pour m'élever ... sur ce à quoi j'étais capable de renoncer. Ma famille, mon honneur et même mon intelligence ... Parce que je voyais bien que les choses n'allaient pas. Mais j'avais décidé de m'aveugler.

Percy fit une pause quelques secondes, songeur. Il prit une nouvelle bouffée de sa cigarette et recracha la fumée dans l'air hivernal. Le souffle de Lucy formait également une brume opaque qui se mélangeait au nuage malodorant.

-On appelle ça « hybris », murmura-t-il, amer. L'orgueil démesuré. C'est exactement moi. Chaque fois qu'on m'a donné du pouvoir et des responsabilité, l'hybris a gonflé en moi et a fait de moi une personne mauvaise. Alors Lucy ... Je pense qu'il ne faut pas trop me donner de pouvoir.

-Ah ...

La jeune fille ne savait pas quoi répondre de lui. La vérité, c'était qu'elle ne savait simplement pas quoi penser. Jamais son père ne lui avait parlé si intimement ... Sur son côté obscur. Mais à la lumière de cette analyse, sa renonciation au poste de Ministre était logique. Pour être quelqu'un de bien, Percy avait besoin de l'ombre comme Hermione de la lumière.

Son père vrilla un regard étincelant sur elle. Il avait les yeux bruns de grand-mère Weasley et le long nez de grand-père qu'il avait légué à Lucy, dans le même lot que les taches de rousseurs et la grande taille.

-Ce n'est pas un hasard si tu as atterri à Serpentard, révéla-t-il alors avec un fin sourire. Pendant quelques longues minutes, j'ai cru que je serais le premier Weasley à y atterrir. Ça m'a terrifié, le reste de ma famille était à Gryffondor ... Finalement, je comprends pourquoi c'est là-bas que j'ai été.

-Parce que Serpentard aurait attisé l'hybris, réalisa Lucy, soufflée. La maison de l'ambition ...

-C'est ça.

Lucy se trémoussa, mal à l'aise. Elle avait toujours deviné que son père avait un côté Serpentard, bien plus que n'importe quel autre membre de leur famille ; mais pas que le Choixpeau avait réellement envisagé de l'y envoyer. Son cœur se serra.

-Pourquoi tu ne m'as pas dit ça ? Quand j'ai été répartie ?

Elle n'avait pu empêcher une pointe d'amertume de percer sa voix. Ses premières semaines à Serpentard avaient été difficile : non à cause de l'intégration, mais par crainte des réactions familiales. Savoir que son père était en partie comme elle l'aurait rassurée ... Percy eut un petit sourire et écrasa sa cigarette contre le cendrier.

-Parce que je sais que tu me ressembles, tête de linotte. Et que je ne savais pas ce que ça allait donner, cette affaire.

-Attends ... tu crois que je l'ai aussi ? L'hybris ? Sérieux ? se scandalisa-t-elle, outrée.

-Tu en as un brin et c'est bien pour ça que tu réagis si vivement...

Lucy jeta un regard torve à son père qui lui souriait d'un air amusé. Maintenant qu'il avait grillé sa cigarette, ses épaules s'étaient détendues et il avait passé une main dans son veston dans une posture des plus dignes. Il redressa ses lunettes sur son long nez.

-Mais tu as de la chance, tu l'as en bien. Profites-en.

Il lui donna une petite tape sur l'épaule – sa plus grande marque d'affection ou presque. Percy n'avait jamais été très tactile et Lucy non plus. Sans un mot de plus, il s'en retourna vers l'intérieur mais marqua une pause avant d'entrer, la poignée dans la main. Il jeta un dernier regard à sa fille, brillant. Une demande silencieuse de soutien face à la tâche colossale qui l'attendait. Lucy l'observa quelque instant, impassible. Puis elle sourit. 

***

Voilà ! Vous avez pensé quoi de cette nouvelle version? 

Deux ou trois explications : 

- Pour la télé : c'est issu d'un brainstorming avec Anna'. Elle s'est dit (à juste titre) que c'était impossible que la société sorcière reste immobile sans aucune avancée technologique pendant 20 ans, surtout après la guerre où justement il peut y avoir eu un mouvement progressiste. Donc on a inventé cette version de la télé sorcière, encore vintage mais magique ! Vous en pensez quoi, c'est réaliste? 

- Pour Percy, je pense vraiment que c'est une meilleure façon de le travailler et de travailler sa relation avec Lucy. Ils sont tout le deux ce petit côté Serpentard qui peuvent les rapprocher, faire un trait d'union et je ne l'ai pas assez exploité dans la première version. 

Voilaààà

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