Prologue
– Vous saviez pourtant pertinemment qu'il était interdit de faire un feu sur la Plaine !
– Mais je...
– Je ne veux pas entendre de "mais" ! Lui hurlai-je à la figure, me dressant, du haut de mon mètre quatre-vingt obtenu grâce aux boots géniales que j'avais découvertes dans un stand d'Olorigue quelques années plus tôt.
L'homme qui me faisait face rentra la tête dans les épaules en me lançant un regard terrifié. Je savais combien il avait peur, et il avait raison parce qu'il allait avoir de gros ennuis :
– Vous avez décidé d'ignorer l'article 8 du Code de Gallita à savoir : "Ne jamais réchauffer un endroit classé F", savez-vous ce que signifie ce classement monsieur ? repris-je, le scrutant derrière mon masque d'un regard noir ;
– Non, je... Je ne vois pas... bredouilla-t-il pitoyablement ;
– Vous ne vous doutez même pas du sens après les résultats catastrophiques de votre petit feu de bois ? explosai-je, pointant le carnage de mon gant ;
– F p... pour Fleuve ?
– EXACTEMENT ! F pour FLEUVE ! Maintenant expliquez moi en quoi il était important de suivre le CdG ? continuai-je, élevant le ton toujours plus haut.
L'homme se tourna vers l'horizon, admirant son œuvre d'un air dépité. Je n'avais même pas besoin de me retourner pour contempler le spectacle : la banquise fondue, les maisons entraînées par le courant et les quelques habitants se désolant sur la rive se reflétaient dans les lunettes de soleil du coupable.
– L'endroit fond et coule... murmura-t-il honteusement.
Je ne pris pas la peine de lui donner raison. Je n'en avais rien à faire qu'il regrette, rien à faire qu'il n'ait pas pensé mal en faisant ce qu'il avait fait : ce qui m'apparaissait clairement c'était le résultat. Trois familles venaient de perdre leur abris, leurs vêtements, leurs ressources et un des enfants avait été entraîné sous l'eau et n'était plus jamais remonté.
Autrement dit, cet homme était devenu un meurtrier. Je ne pouvais pas sauver ce petit garçon, sûrement gelé à présent, mais je pouvais punir celui qui avait écourté sa vie. Aussi, je sortis mes menottes électriques et attrapai brutalement les poignets de ce criminel pour les y enfermer.
– Vous passerez devant le tribunal dans deux heures, dès que vous arriverez dans la capitale et l'on décidera de votre sort là bas, récitai-je dans un automatisme qui s'était développé au court de mes quatre ans de carrière.
Puis je me tournai vers le pick up tout terrain qui m'avait amenée jusqu'ici et m'écriai :
– Elzo ! Viens chercher notre prisonnier et enfermes-le dans le coffre, on l'amène au Train dans les wagons de la section 3 !
Oui, la section 3, celle des homicides involontaires. Le Train l'emmènerait dans la plus grosse ville du monde, la dernière ville pourrais-je d'ailleurs dire tout simplement : Gallita. C'était pour eux que je travaillais. Même si mon équipe était quelque peu... "Indépendante". Nous avions tous les droits, et notre seul devoir était de garantir la sécurité au nom de la capitale. Nous étions surnommés la police G, un groupe constitué de dix-neuf hommes et d'une femme, moi, la chef.
Mon téléphone se mit à vibrer contre ma cuisse mais avant de répondre, je pris soin d'appeler tous les gars de mon unité, qui tentaient tant bien que mal d'aider ceux qui venaient de tout perdre. Ils n'avaient pas à s'en faire, j'avais lancé un appel sur le réseau et dans peu de temps des sauveteurs arriveraient. Nous avions fait notre travail et nous n'avions plus rien à faire ici.
– Rentrez dans le pick up et faites chauffer le moteur ! précisai-je tout en sortant l'appareil d'une de mes nombreuses poches, je veux que nous soyons partis dans cinq minutes ! complétai-je tout en appuyant sur l'écran pour décrocher : Oui allô ?
– Elora Guana ? réclama une voix grave ;
– C'est elle ! m'agaçai-je, que voulez-vous ?
– Je vous appelle du Centre, nous avons une mission à vous donner.
– Une mission ?
C'était bien la première fois qu'on nous appelait pour nous donner des ordres ! D'habitude, on se contentait d'arpenter le territoire pour s'assurer que tout allait bien et que les 100 règles du CdG (Code de Gallita) étaient appliquées.
Jamais, au grand jamais, on nous avait dit quoi faire ! Pour la simple et bonne raison que la capitale n'était pas connectée aux autres territoires : ils étaient trop petits et trop éparpillés pour qu'on puisse avoir l'œil sans s'y rendre par mégarde ou en patrouille. Or, la seule patrouille, c'était celle de la police G, donc il n'y avait que moi et mes hommes qui pouvions démasquer les entorses au règlement.
Cependant, aujourd'hui était apparemment une exception et j'attendis la suite véritablement intriguée :
– Oui, une mission vers l'est, vers Asumion...
– Asumion ? m'exclamai-je, toujours plus surprise de ce que j'apprenais : je pensais qu'ils avaient passé le stade GI !
Le stade GI était le stade de Gèle Intégral : depuis le début de la nouvelle ère glaciaire, le froid ne cessait de s'intensifier, si bien que l'espace vivable était de plus en plus restreint et qu'autour de nous, la Terre devenait si froide qu'il nous était impossible de vivre.
Asumion avait été un continent il y a bien longtemps, d'après ce que j'avais compris dans ma formation. Aujourd'hui, il avait disparu sous la neige. Plus personne n'y vivait. Plus personne ne pouvait y vivre, je le savais pertinemment, j'en avais fait les frais de manière indirecte. Et on me demandait de m'y rendre. Non mais vraiment, il nous prenait pour une troupe de suicidaires ou quoi ?
– Asumion a effectivement passé ce stade mais il reste quelques villages, aux abords du territoire qui subsistent. Vous devez vous rendre dans l'un d'eux, je vous envoie son emplacement par message en ce moment.
Alors même qu'il me disait cela, mon portable émit une intonation pour me confirmer sa réception. Je cliquai sur la notification et y découvris les coordonnées du lieu où je devais me rendre. Avec un soupir, je lui répondis :
– J'ai la position, nous pouvons y être dans trois jours.
– Parfait ! se réjouit-il, pensant qu'il en avait terminé avec moi, mais je le détrompai rapidement :
– Monsieur, nous n'irons sur ces lieux proches d'une zone à haut risque qu'à une condition.
– Dois-je vous rappeler que la police G est aux ordres de la capitale et qu'elle se doit de lui obéir ? déclara-t-il d'une voix éteinte ;
– Oh mais j'en ai rien à foutre des devoirs de la police G, je vous parle en tant qu'Elora, individu mortel qui risque sa vie et la vie de ses hommes ! Donc si vous ne répondez pas à ma question, nous ne nous y rendrons pas.
Après quelques instants de réflexion, où je pus recevoir des regards impatients et courroucés du reste de mon équipe, amassé dans la Jeep, il finit par accepter mon deal en soupirant :
– Je vous écoute...
– Je veux savoir ce qui nous attend là bas, pourquoi nous y envoyez-vous ?
Il se tut encore deux minutes et je m'imaginai le tuer de mille manières différentes. Je n'avais pas que ça à faire ! J'avais un train à rattraper pour y jeter mon petit détenu ! Et n'y tenant plus, je déclarai :
– Bon, vous savez quoi ? Laissez tomber, vous ne voulez pas nous dire ce qu'on doit y faire et nous on ne veut pas mourir donc on ne fera rien, comme ça votre secret restera bien gardé et nos vies seront conservées, je vais raccrocher..
– Non attendez ! s'exclama-t-il alors que j'allais m'exécuter ;
– Quoi encore ? repris-je d'un ton las ;
– Ce... ce que vous trouverez là bas est une affaire confidentielle, vous devez me jurer que vous n'en parlerez à personne d'autre que vos hommes.
– Je vous donne ma parole, répliquai-je du tac au tac trop curieuse de connaître la suite ;
– Très bien, nous vous envoyons là bas pour vous débarrasser... du clan des Évolués.
Ses mots furent un tel choc que j'en lâchai mon téléphone qui s'enfonça dans la neige. Reprenant mes esprits, je jurai tout en me baissant pour le retrouver. Mais quand je mis enfin la main dessus, il n'y avait plus personne au bout du fil... Je n'avais plus de choix. Nous devions y aller, et pour la première fois, j'allais avoir à faire à des Évolués...
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