Chapitre sixième : Traumatisme ?

       Chapitre plus court cette fois, sans action, certes, mais intéressant pour apprendre à connaître la vie d'Ariel, l'une de nos protagonistes ! J'espère que vous l'apprécierez ! Bonne lecture 📖


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Ariel et sa mère se retrouvèrent dans une salle d'attente attenante à la salle d'opération. Matthieu, grièvement blessé, avait dû se faire opérer dès son arrivée. Lorsque la brune avait entendu cela sortir de la bouche de la secrétaire, tout son monde s'était écroulé. Immédiatement, elle s'était mise à pleurer en pensant à sa grand-mère qui était morte sur la table d'opération. Les chirurgiens l'avaient endormi, mais il y avait malheureusement eu des complications, le cœur s'était arrêté de battre sans qu'ils ne puissent rien y faire. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour faire le deuil auquel elle ne s'était pas préparée. Depuis ce jour, elle avait évité les hôpitaux et les médecins, sa confiance en eux entièrement éteinte.

Mais, cette fois, elle n'avait pas eu le choix. Malgré sa réticence, elle s'était hâtée de retrouver ses amis afin de se rassurer sur leur état. Pourtant, elle se retrouvait face au bloc opératoire, face à un cauchemar qu'elle ne voulait pas revivre. Trop anxieuse sur le sort de Matthieu, elle n'avait pas cherché à rejoindre Émeline dans sa chambre. Après tout, son état était beaucoup moins préoccupant. Elle préférait angoisser plutôt que tenter de se rassurer. Toujours en larmes, Aurélie tentait vainement de l'apaiser en lui affirmant que les accidents n'arrivaient que rarement.


_ Ils avaient dit pareils pour Mamie ! pleurnicha l'adolescente en essuyant ses larmes frénétiquement. Aujourd'hui, c'est une putain de journée de merde, alors tu crois vraiment que ça va être aussi facile ? Qu'il va sortir comme une fleur de la salle ? Putain ! finit-elle de rage et de panique.


Jamais elle ne se remettrait de tout ça si elle le perdait, lui aussi. Trop de morts étaient tombés à ses pieds pour qu'elle le puisse. Solaine, sa grand-mère, tout comme son père et ses camarades d'école la hantaient désormais. Elle savait que seul Matthieu pouvait être son point d'ancrage dans ce monde. Sans lui, il n'y aurait plus d'Ariel Aubry. Elle aussi disparaîtrait de la surface de cette planète. Elle avait bien sûr conscience que sa mère remuerait ciel et terre pour elle, mais peu importe les efforts, c'était de Matthieu dont elle avait besoin pour survivre.

Pendant près de trois heures, Ariel se tourmenta sur sa chaise devant sa génitrice, complètement impuissante. Encore une fois, elle se sentait inutile, inapte à être mère. Jamais elle n'arrivait à soulager sa fille de ses peines. Autrefois, c'était son mari qui s'en occupait car il y arrivait à coup sûr. Mais depuis sa disparition, la jeune fille s'était refermée sur elle-même, devenant complètement inaccessible. La seule exception était Matthieu. Il était le seul à pouvoir entrer dans son cœur et le panser. De toute son âme, en priant les dieux, Aurélie souhaitait le rétablissement et la bonne santé du blond, autant pour sa fille que pour lui, l'adolescent qui était devenu comme un fils à ses yeux.

Finalement, le verdict tomba. Matthieu était définitivement hors de danger. Une fois sorti de la salle d'opération, le chirurgien expliqua aux deux femmes qu'il y avait eu plus de peur que de mal. Certes, l'entaille avait été profonde, mais l'attaque n'avait pas endommagé d'organes vitaux. La seule chose qui aurait pu être fatale au garçon était l'hémorragie. Rassurée par cela, Ariel arrêta de sangloter et remercia les médecins de nombreuses fois, oubliant le temps d'un instant la tragédie qui s'était jouée dans le passé. Elle réclama ensuite de voir son meilleur ami, mais elle ne put le faire que le lendemain, les professionnels ayant vivement recommandé de laisser se reposer les deux blessés. Lorsqu'elle l'apprit, elle s'emporta contre eux, aberrée de la situation. Elle avait attendu, mortifiée, dans une salle d'attente pendant plusieurs heures pour que des assassins l'envoient pêtre chez elle ?! C'était honteux, jamais elle n'aurait cru subir un tel affront !

Face aux cris d'Ariel qui résonnaient dans le couloir, Aurélie s'excusa platement et traina, tant bien que mal, sa fille dans la voiture.


_ Ariel, écoute... commença la femme d'une voix douce avant de se faire interrompre par un grand geste.


_ Non, je ne veux rien entendre de ta part ! Tu n'as même pas essayé de les convaincre, bordel ! Comment je peux savoir si Matthieu va vraiment bien ?! Parce que ces tarés l'ont dit, peut-être ? Je ne leur fais pas confiance, et tu le sais ! Pense à grand-mère, ils avaient dit que tout se passait bien et elle est morte ! hurla la jeune fille en accentuant les derniers mots, un torrent de larmes refaisant surface malgré elle.


Un silence s'installa entre les deux femmes. L'une se lamentait dans sa tête sur l'horrifique journée qu'elle venait de passer, relâchant toute la pression accumulée avec ses pleurs. L'autre se demandait comment faire pour calmer sa fille. Elle pensa à Soren, son mari. De quelle manière agirait-il ? Aurélie s'éclaircit la voix et tenta une nouvelle approche, plus frontale, face aux sentiments de sa chair.


_ Je sais ce que tu ressens, Ariel.


La brune releva sa tête, prête à s'énerver de nouveau.


_ Non, tu n'as pas l'autorisation de parler tant que je n'ai pas fini, l'empêcha l'adulte d'une voix à la fois autoritaire et délicate. Matthieu est comme un fils pour moi, et tu le sais. Alors que crois-tu que je puisse ressentir en ce moment ? Moi aussi, je suis bouleversée de ne pas pouvoir le voir, ni même de pouvoir endiguer ta peine. Je me sens impuissante. Mais une chose est sûre, grand-mère est morte parce qu'elle était vieille, elle savait qu'elle était une personne à risques. Mais elle a tenté le coup, sans succès. Ce n'était pas la faute des médecins, ils ont fait ce qu'ils pouvaient, tu ne dois pas leur en vouloir. Eux aussi, ont été accablés par cet échec, crois-moi.


Les larmes d'Ariel s'étaient taries. Tout en écoutant sa mère, elle reniflait. Voilà une éternité qu'Aurélie n'avait pas été autoritaire avec elle, ça lui était étrange. Sans rien tenter, la brune tritura son pull, sa veste couverte de sang ayant fini dans le coffre.


_ Chaque année, le docteur Hervieux vient se recueillir sur sa tombe, il s'en veut. C'était la première patiente qu'il n'a su sauver, expliqua la femme, les yeux dirigés vers le passé. Alors, toi qui les accuses, ne te sens-tu pas coupable de les brimer moralement en plus de la peine qu'ils ressentent ? J'ai beaucoup parlé avec le docteur lorsque nous nous croisions. Pour un chirurgien, il n'y a rien de pire que d'échouer. S'ils sont ce qu'ils sont, c'est pour sauver des gens, ils y donnent tout leur temps pour ça. Quand il n'y arrivent pas, ils ont l'impression d'avoir tué quelqu'un, Ariel. Ils n'ont vraiment pas besoin qu'on leur remette dans la tête ce qu'ils n'ont pas su faire. Et puis, grand-mère serait morte sans cette opération, elle n'avait plus rien à perdre à part un ou deux mois, tout au plus, finit-elle en murmurant, des larmes inondant ses yeux pour accompagner sa voix brisée par le chagrin.


Les deux jeunes femmes, affligées, laissèrent le silence s'installer dans la voiture. Il n'était pas gênant, il les rapprochait. Chacune avait conscience du mal-être de l'autre, mais aucune ne savait comment y remédier, alors elles préféraient souffrir à deux, s'accompagner dans la douleur. Aurélie savait que ça n'était pas son rôle de mère de laisser sa fille pleurer à côté d'elle sans rien faire, mais elle avait conscience que quoi qu'elle tenterait, ce serait en vain. Soren, lui, aurait su accomplir sa fonction de père, mais il n'était plus là. Elle devait arrêter de compter sur lui et apprendre à le remplacer après toutes ces années.

Après plusieurs minutes, la plus vieille démarra la voiture en direction de leur domicile. Il était temps pour elles de se reposer après cette épouvantable journée. Demain, elles viendraient rendre visite aux enfants et Ariel, obligée, se rendrait à son rendez-vous chez le psychologue. Arrivées chez elles, elles se parlèrent uniquement pour se souhaiter une bonne nuit.

Lorsque la brune fut arrivée dans sa chambre et sa porte bien fermée, elle se laissa glisser contre celle-ci. Ce n'était pas aujourd'hui qu'elle aurait des réponses à ses questions apparemment. Elle se remémora tout ce qu'elle venait de vivre, sans pleurer cette fois. Elle trouvait qu'elle avait versé beaucoup trop de larmes pour aujourd'hui. Non, pour toute une année. À partir de maintenant, elle ne se laisserait plus abattre. Montrer sa faiblesse, c'est ce qui a perdu son père, elle ne devait pas faire comme lui. Elle serait forte désormais. Et puis, elle ne voulait pas que sa mère s'en fasse pour elle.

Le moral à zéro malgré sa résolution, elle se releva mécaniquement pour prendre sa douche. Elle écarquilla les yeux en voyant son reflet dans le miroir de sa porte. Bordel, pourquoi avait-elle tout ce sang sur elle ? Voilà donc pour quelle raison tout le monde l'avait regardée étrangement dans les couloirs de l'hôpital. Elle tenta de se rappeler le moment où elle avait reçu des éclaboussures sur tout un côté de son corps, en vain. Paniquée, elle se mit à trembler. Pourquoi ne se souvenait-elle pas de ce qui s'était passé ?! Marco, Madame Da Silva, ils étaient tous morts, elle le savait. Alors comment se faisait-il qu'elle n'arrivait pas à imaginer leur corps ou leur mort ?! Est-ce que c'était ce qu'on appelle un traumatisme ? Avait-elle été si touchée que ça par les événements ? Était-elle si faible ? Pourtant, elle n'avait pas l'impression d'être en état de choc. Elle se sentait juste vide. Elle voulait dormir, tout oublier 一 chose déjà faite apparemment 一, se réveiller et aller en cours, comme toujours. Pensive, elle passa sous la douche, tentant sans succès de se remémorer sa journée. Son cerveau avait pris soin de tout effacer.

C'est en colère contre elle-même qu'elle sortit de la salle de bain pour rejoindre le royaume de Morphée. Le lendemain, elle se souviendrait et interrogerait ses amis. 

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