Chapitre quatorzième : La brebis égarée
Me revoilà avec un nouveau chapitre après... une éternité ? On continue avec Ernest Garreau, ce superbe colonel ! Bonnel lecture 📖
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Surpris, Ernest resta en joug. Les hurlements qu'il avait entendu, ils étaient tout sauf normaux. L'homme était habitué à entendre les aboiements des chevreuils, les cris des écureuils, le chant des Geai des chênes, le grommellement des sangliers. Aucun d'entre eux n'était similaire. S'agissait-il des créatures faites de chair et de métal ? Après tout, maintenant qu'il avait découvert leur existence, il ne serait pas surpris d'en croiser. Enfin... Si, il le serait. Que pourraient bien faire de telles créatures dans cette forêt ? Et puis, il n'en avait jamais croisé, alors pourquoi maintenant ? Mais peu importait, il voulait y croire, il voulait que ce soit des monstres et que, juste en face de lui, ce soit l'un de ces terroristes.
_ Ne bouge pas ! Lève les mains en l'air. Si tu cries, je te tue, c'est clair ? ordonna-t-il à la fois excité et stressé.
Et si les créatures débarquaient ? Il fallait qu'il s'éloigne au plus vite, mais certainement pas sans l'inconnu face à lui. Il faisait trop sombre, il ne pouvait distinguer que sa silhouette svelte qui laissait imaginer une chevelure courte, mais ébouriffée. L'étranger obtempéra et leva ses mains en signe de reddition.
_ Ecoutez, tout ce que je veux, c'est partir loin d'ici, commença la voix effrayée du garçon. Il faut que nous partions, vous n'êtes pas en sécurité ici, il y a... des animaux sauvages. Très sauvages. Je les fuyais. Vous devriez faire de même sans quoi vous risquez d'y laisser votre peau.
Gêné par sa position, l'inconnu se trémoussa sur place.
_ Des animaux sauvages, tu dis ? Tu me prends pour un idiot, gamin ? Les cris que j'ai entendus n'ont rien de naturels. Ce ne serait pas plutôt des monstres ? Comme ceux du Lycée Gaëlle Morneau, hein ?
Le garçon ne répondit pas, trop occupé à déterminer le lieu dans lequel il avait entendu cette voix. Mais oui, cette voix ! Elle lui disait quelque chose, il en était certain.
_ Monsieur... dit-il avec hésitation. Est-ce que vous seriez le colonel Ernest Gareau par hasard ?
Ernest s'éloigna de quelques pas, méfiant. Le temps de réponse de son vis-à-vis ne lui plaisait pas, et encore moins ce qu'avait dit le garçon. Ou plutôt, ça l'effrayait autant que ça l'exaltait. S'il connaissait son nom et sa fonction, c'était qu'il n'était pas là par hasard. Il s'agissait d'un terroriste, il en était désormais certain. Il voulait l'attraper, le faire prisonnier, découvrir tous les secrets qu'il détenait. Il était aveuglé par sa future victoire, si bien qu'il n'écoutait plus sa raison qui le poussait à identifier le timbre de voix de son vis-à-vis.
_ Très bien, scélérat, tu sais qui je suis. Tu comprends donc dans quelle galère tu t'es fourré maintenant ? Tes petits animaux de compagnie ne me font pas peur, mais j'ai conscience qu'ils sont dangereux. Ne t'avise pas de les appeler sinon je loge deux balles dans tes rotules. Compris, petit génie ?
Interloqué, l'inconnu se mit à rire nerveusement en baissant les bras.
_ Colonel, c'est moi ! Matthieu ! Matthieu Klein !
Ernest ne bougea pas d'un pouce. Il ne voulait pas y croire, pourtant il le savait. C'était lui. Le jeune homme disparu. Il resta en joug, ne voulant pas perdre l'espoir qu'il avait. Finalement, le gosse n'avait fait qu'une simple fugue. Comment avait-il pu croire Ariel Aubry ? Non ! Il n'avait pas rêvé, il avait entendu ces cris monstrueux venus tout droit de l'enfer.
_ Monsieur, reprit le garçon d'une voix gênée alors que le colonel débattait en son for intérieur, vous avez raison. Les Inhumans, ils sont là, ils me poursuivent. Enfin, je veux dire les monstres. Il faut qu'on s'éloigne le plus vite possible. Ils n'ont pas encore lâché les Trackers, mais ça ne saurait tarder. Quand ce sera le cas, nous serons des hommes morts si nous restons ici à jacasser. Vous comprenez ? Il faut qu'on court ! Loin !
Le colonel lâcha un grognement inaudible et baissa son arme. Peut-être qu'il n'aurait pas de psychopathe à menotter aujourd'hui, mais il aura ce qu'ils recherchent. Voyant qu'il pouvait de nouveau bouger sans risquer sa peau, Matthieu attrapa le poignet du colonel et se mit à courir sans même savoir quelle serait leur destination. Ernest remarqua l'allure incertaine du garçon et ses multiples zigzags. Il décida de prendre le volant de leur course et les guida jusque chez lui. Quinze minutes à courir sans pause, ils arrivèrent à destination. Ils s'arrêtèrent devant la façade avant de la maison. Matthieu n'arrivait plus à respirer, il était épuisé et n'arrivait pas à reprendre son souffle. Il s'asseya à terre, incapable de bouger tandis que le plus vieux se remettait difficilement de cette fuite. Heureusement pour lui, être un colonel signifiait avoir une bonne condition physique grâce à des entraînements intensifs. Sans cela, il n'aurait jamais pu tenir une telle course. Il jeta un œil à son nouveau compagnon, le jeune homme avait de plus en plus de difficulté à inspirer. Matthieu commença à paniquer sous le regard du colonel. L'homme s'approcha de lui en mouvant ses lèvres, mais Matthieu n'entendait plus rien mis à part sa respiration suffocante. Tout devint noir autour de lui. Au loin, un cri monstrueux vibra entre les troncs, faisant fuir une nuée d'oiseaux vers des terres moins périlleuses.
Ernest décida de se mettre lui aussi à l'abri. Il souleva la masse morte qu'était devenu l'adolescent et posa son ventre sur son épaule. La tête et les bras de Matthieu se balançaient au rythme des pas du colonel tandis que ses pieds étaient fermement retenus par des bras puissants. Sans trop de difficulté, l'homme sortit ses clés de sa poche et les enfonça dans la serrure avant de les tourner. Il actionna la poignée et entra dans sa tanière. Pour une fois, il n'était pas seul. Il avait du gibier, et pas n'importe lequel. Il avait entre les mains celui qui était suffisamment intéressant pour que de prodigieuses créatures le pourchassent. Il aurait aimé attrapé le chasseur, mais il se contenterait de la proie. Pour le moment. Il porta le garçon à l'étage et le lâcha au-dessus du lit king size. Lui qui venait de changer ses draps, il était bon pour recommencer au vu de toute la saleté qui recouvrait Matthieu. Il claqua sa langue, agacé.
Il sortit de la chambre quelques instants pour y revenir équipé d'une chaise en bois qu'il plaça juste à côté du lit. La patience n'était pas son fort, surtout avec les enfants, mais celui-ci en valait le coût. Il regarda autour de lui à la recherche d'une occupation quelconque. Il ne s'était jamais attardé sur la décoration de cette pièce, il n'y passait pas beaucoup de temps et le peu qu'il y venait, il avait les yeux fermés. Il s'était contenté d'acheter le meilleur matelas trouvable sur le marché, délaissant tout le reste. Il n'y avait qu'une petite armoire où étaient entreposées ses tenues civiles et une commode pour ses sous-vêtements. Le reste de ses affaires se trouvait dans une malle, en prévision d'une future mission loin de chez lui. Il soupira et quitta la pièce une nouvelle fois. Ses pas faisaient vibrer le vieux parquet du chalet, résonnant dans toutes les pièces. Il s'arrêta à son bureau, attrapa tous les papiers qui s'y trouvaient et retourna s'asseoir auprès du garçon.
Cela faisait déjà cinq minutes qu'il lisait la première ligne d'un document, incapable de se concentrer. Il n'arrêtait pas de penser à Klein. Pourquoi ce garçon était-il poursuivi par ces génies du mal ? Quelle était leur relation ? Il ne pouvait plus attendre, il voulait des réponses avant que les monstres n'arrivent car, il en était sûr, elles arriveraient bientôt. Il doutait sincèrement que sa maison soit un rempart pour elles. Et elles allaient nécessairement retrouver la trace de l'adolescent. En courant, bon nombre de buissons et des branches avaient dû s'écarter de force pour les laisser passer. A cette pensée, il jeta ses papiers sur la commode et secoua vivement le garçon.
_ Réveille-toi, gamin ! On n'a pas que ça à faire !
Matthieu lâcha un gémissement avant de se redresser brutalement, les yeux grands ouverts.
_ Enfin, lâcha le colonel en s'asseyant de nouveau sur la chaise.
Le garçon le regarda, hagard. Il pensait se retrouver dans une cellule à son réveil, mais le voilà dans un lit moelleux, protégé par un militaire. Il était vraiment chanceux, mais pour combien de temps ?
_ Tu comptes dire quelque chose ou il faut que je pose les questions ? lâcha Ernest, le plus neutre possible.
Matthieu ne savait pas si c'était une bonne idée de parler, mais garder tout ça sous silence n'était certainement pas mieux. S'il ne disait rien, alors comment saurait-il les protéger des Inhumans qui arriveraient nécessairement ?
_ J'ai... commença-t-il d'une voix rauque et sèche. J'ai dormi combien de temps ? Pas beaucoup, rassurez-moi ?
Ernest souffla. Il avait d'autres priorités que de chronométrer le temps de sommeil d'un enfant.
_ Cinq minutes ? Un peu plus ? Je ne sais pas.
Le rythme cardiaque de l'adolescent s'affola. Il avait perdu du temps. Un temps très précieux dans sa fuite. Les Inhumans ne devaient pas être loin, les Trackers avaient dû être lâchés et Raphaël et ses sbires étaient probablement sur leur dos. La situation était catastrophique. Il s'était enfui bêtement sans prévoir la suite. Croiser Ernest n'avait fait que rallonger de quelques minutes son temps de liberté avant de retourner en cage. Et Raphaël ne lui ferait plus confiance. Il ne pourra plus jouer la carte du prisonnier servile.
_ Sommes-nous encore en pleine forêt ? Si oui, il nous faut partir en ville, ils auront plus de mal à...
_ Calme-toi, gamin, le coupa le colonel. Mes hommes arrivent dans peu de temps, ça n'est qu'une question de minute. Même si tes poursuivants attaquent cette maison, ils seront pris à revers, ils ne t'auront pas une seconde fois. Et, maintenant, tu es avec moi. Ça ne sera pas aussi facile de te prendre qu'à l'hôpital.
Matthieu n'en était pas aussi sûr. A l'hôpital, il n'y avait que trois personnes. Ici, il y avait deux types de créatures en plus, celles faites pour le massacre et celles faites pour la traque. Deux simples humains n'avaient aucune chance de s'en sortir. Et il doutait qu'une armée entière les aiderait.
_ J'espère qu'ils arriveront rapidement alors...
Ernest ne répondit pas. Son esprit vaquait déjà à autre chose. Il n'avait plus entendu de hurlement depuis que le jeune garçon avait perdu connaissance, pourtant la fenêtre de son bureau était toujours ouverte. Ce silence ne présageait rien de bon. Il décida d'aller ramasser son fusil qu'il avait laissé au premier étage, comme un bleu. Il prévint Matthieu avant de descendre l'escalier grinçant. Il s'approcha de l'entrée et vérifia que le loquet était bien verrouillé. Il savait très bien que ça n'empêcherait pas les créatures d'entrer et que ça ne les retarderait pas non plus, mais son instinct d'homme démuni d'atouts naturels pour le combat lui dictait de fermer le loquet.
_ Monsieur ? appela Matthieu, peu rassuré.
L'homme ne répondit pas. Il ramassa plutôt son arme et se dirigea vers la chambre. Lorsqu'il passa la porte, le garçon n'était plus dans le lit. Ernest regarda autour de lui. La porte de l'armoire était entrouverte.
_ Sors de là, gamin. Tu crois vraiment que c'est le moment de jouer à cache-cache ?
Matthieu sortit doucement du meuble, ses yeux bleus baissés.
_ E-Excusez-moi... Vous n'avez pas répondu alors je croyais qu'ils étaient là...
L'homme haussa les épaules. Même s'ils étaient là, pensait-il vraiment que se cacher dans cette armoire le sauverait ? Quelle idée ridicule. C'était pour cela qu'il n'aimait pas les enfants. Il décida de ne pas répondre. A la place, il rejoignit sa chaise sous les yeux du garçon.
_ Pourquoi en ont-ils après toi ?
Matthieu hésitait. Pendant toutes ces années, il avait gardé ça pour lui, mais, maintenant, le Boss avait décidé d'agir. Et il y mettait clairement les moyens. Il ne voulait pas échouer. Or, sa fuite avait dû le mettre dans une rage folle. Si l'adolescent voulait s'en sortir, il allait devoir s'allier à Ernest, et à toutes les aides qui s'offriraient à lui.
_ Disons que –
Un vacarme au rez-de-chaussée l'interrompit pour le plus grand malheur d'Ernest qui grogna.
_ On dirait que nos invités sont là...
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