30 jours avant
– Tu ne veux pas porter autre chose ? me demanda Maman alors que je descendais rapidement de ma chambre, courant dans les escaliers.
Je penchai la tête et regardai rapidement ma tenue. Je portais un slim bleu marine et un tee-shirt noir à manches courtes un peu large, en bref, l'une de mes tenues préférées.
– Bah pourquoi ?
Maman leva les yeux au ciel tandis que ma sœur descendait à son tour les escaliers. Elle portait un sarouel noir, et un haut tye and die bleu ciel. Ses cheveux noirs bouclés étaient relevés en un chignon. Elle avait mis un peu de mascara, faisant ressortir ses yeux bleus sur sa peau blanche.
Elle ressemblait beaucoup à notre père, ma sœur. Elle avait la même peau très claire, la même forme de visage, les mêmes yeux bleus. Elle était grande, et fine de nature. Elle faisait de la danse, de la danse contemporaine, depuis des années. Cela lui avait forgé une silhouette musclée mais toute en longueur.
Elle avait l'habitude de porter des vêtements un peu trop grands. Ou des sarouels. Elle aimait bien les vêtements aux couleurs changeantes, elle appelait ça des « tye and die. » Ce style atypique lui allait bien. Elle le portait bien, l'assumait, et même si nos parents n'étaient pas forcément d'accord avec toutes ses excentricités, moi, au contraire, je la soutenais. Après tout, c'était ma petite sœur, et j'aurais tout fait pour elle...
– J'aime bien comment t'es sapé, me dit ma sœur en attrapant dans le meuble derrière moi une paire chaussures.
Maman leva les yeux au ciel tandis que je lui lançai un regard victorieux. Elle n'aimait pas que je m'habille comme ça pour « les occasions spéciales » car c'était la tenue que je portais tous les jours au lycée, et donc elle pensait que lorsque je portais ça c'était par négligence.
Elle, elle avait mis une robe légère, une de celles qu'elle ne portait qu'en été, lorsque le soleil brûlait ses épaules, rendant plus brune encore sa peau naturellement bronzée.
C'est d'elle que ma sœur et moi tenions nos cheveux noirs. Pour elle, ils étaient bouclés comme ceux de Maman, pour moi, ils étaient lisses, comme ceux de notre père.
J'avais aussi hérité – de Maman – sa peau halée, et ses yeux noirs. Je lui ressemblais beaucoup.
Je la vis enfiler des sandales colorées assorties à sa robe, tandis que mon père descendait les escaliers, il se rendit ensuite au salon, où il attrapa son téléphone, jusque là en équilibre sur l'accoudoir du fauteuil, en train de charger.
– Bon, vous vous tenez bien surtout. On ne parle pas trop fort, on dit « bonjour », « s'il vous plaît », et « merci » d'accord ?
Je hochai la tête en levant les yeux au ciel. Toujours le même discours, je finissais par le connaître par cœur. Je vis du coin des yeux ma sœur couper rapidement sa sonnerie de téléphone, et laisser celui-ci tomber dans la poche de son sarouel.
Je me fis la réflexion que j'avais laissé le mien dans ma chambre, ne pensant même pas à le prendre. Ce n'était pas grave. De toute façon, je ne venais pas pour rester sur mon écran toute la soirée.
J'entendis mon père ouvrir la porte, et je quittai le salon, éteignant la lumière derrière moi, et m'assurant que tout était bien en ordre.
Puis, je suivis ma famille à l'extérieur. Maman referma la porte derrière Lola, nous traversâmes la route.
De l'autre côté, nous poussâmes le petit portillon, comme nous avait indiqué de le faire notre jeune voisine quelques heures plus tôt, puis, nous frappâmes à la porte de votre maison.
Votre jardin semblait ne pas avoir été débroussaillé depuis longtemps. Il était empli d'une multitude de mauvaises herbes m'arrivant à la hanche. Il vous faudrait un sacré bout de temps avant de rendre tout cela propre. Néanmoins, j'eus l'impression qu'une fois tout terminé, votre petit espace de verdure serait bien différent du nôtre.
Nous entendîmes un « j'arrive ! », puis un remue-ménage. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit.
Notre voisine, la mère de la famille, se tenait dans l'embrasure. Elle nous invita à entrer.
Je suivis mes parents dans l'entrée, et je remarquai plusieurs choses. La première, ce fût cette odeur d'huiles essentielles qui flottait dans la pièce, et probablement dans toute la maison. Elle était légère, mais tout de même présente. Je me dis que c'était principalement de la lavande, mais il y avait autre chose que je n'arrivais pas à saisir.
La deuxième chose que je remarquai, ce fût la déco surchargée. Il y avait des tonnes de bibelots entassés un peu partout. Ils semblaient principalement venir de pays méditerranéens. C'était coloré. Je remarquai une lampe dont l'abat-jour était fait de plein de petits morceaux de verre colorés. Il y avait aussi, au mur, des photos de côtes rocheuses, au bord de la mer, sur lesquelles poussaient des oliviers. Ça avait l'air très beau comme endroit.
La troisième chose que je remarquai, ce fut le piano droit, noir, posé dans un coin du salon. C'était le seul meuble de la pièce sur lequel n'étaient pas entassés toutes sortes d'objets. Il n'avait aucune rayure, et semblait avoir été utilisé il y a peu puisque des partitions annotées étaient posées sur la petite barre de bois prévue à cet effet.
Enfin, la dernière chose que je remarquai, ce fût que ta maison semblait être exactement identique à la mienne. Mis à part la décoration et les meubles qui étaient à l'exact opposé, je remarquai que les pièce étaient agencées de la même manière, et sans que je sache vraiment pourquoi, ça m'amusa.
– Donne moi ta veste, je vais t'en débarrasser.
J'enlevai rapidement mon blouson, et le donnai à madame Da Costa, la propriétaire des lieux.
Maman me fit les gros yeux, d'un air de dire que j'aurais pu l'accompagner déposer les manteaux dans – ce qui chez moi était – le bureau. Ce fut à ce moment-là que descendirent les deux autres habitants du lieu.
Eleanor et toi dévalâtes les escaliers, avant de débouler dans l'entrée, qui donnait directement sur le salon. Vous nous saluâtes, mes parents, ma sœur et moi, puis, avec votre mère revenue, nous nous installâmes tous au salon, où le canapé, décoré d'une couverture brodée, et orienté comme celui de notre salon, fut d'emblée pris d'assaut par ta sœur et toi.
Lorsque votre mère revint de la cuisine avec un plateau sur lequel étaient entreposés des dizaines de ramequins, elle soupira.
– Les enfants, vous laissez le canapé pour nos invités, voyons !
Vous vous levâtes, et tandis qu'Eleanor se laissait tomber sur un pouf, tu t'assis en tailleur par terre. Mes parents s'installèrent sur le canapé, et ma sœur et moi nous assîmes sur un pouf, moi à ta droite, et elle à gauche d'Eleanor.
– Vous voulez boire quoi ? demanda alors Eleanor, tandis que ta mère servait mes parents.
Ma sœur demanda un coca que tu lui tendis, et pendant ce temps, Eleanor me servait un verre de thé glacé, fait maison.
Les conversations allaient de bon train entre les adultes, tandis que ma sœur faisait doucement connaissance avec nos deux voisins. Moi, je n'étais pas vraiment bavard. Alors, je me laissais porter par le bruit des conversations. J'observais les lieux, me disant que je pourrais sûrement y faire de magnifiques photos.
La photographie, c'était une de mes passions, quelque chose qui m'animait véritablement depuis maintenant plusieurs années, qui me poussait à sans cesse faire mieux. C'était le seul art que j'exerçais. Jamais je n'avais fait de musique, peint, dansé, ou écrit. Mais je savais prendre des photos. Et quand je voyais tous les objets qui m'entouraient, semblant tous raconter une histoire propre à eux-même, je me dis que je pourrais bien prendre un cliché de chacun d'eux, afin de les rendre un peu plus beaux aux yeux du monde.
– Moi je vais passer en première.
Ta voix me tira de mes pensées. Tu avais une voix grave, plus que je l'aurais imaginé. Je me surpris à te fixer un instant, comme si ta voix remettait en question l'ensemble de l'idée que je m'étais faite de toi. Mais finalement, je détournai les yeux.
Je vis ma sœur me fixer un instant avant de reposer les yeux sur toi.
– Mais du coup t'as le même âge que Morgan !
Cette révélation sembla la rendre incroyablement heureuse puisque immédiatement, un sourire illumina son visage.
Pendant que j'enregistrais l'information, je te vis du coin de l'œil hausser les épaules.
– Tu vas dans quel lycée ? me demanda alors Eleanor avant d'avaler une cacahuète.
– Voltaire.
Eleanor se tourna alors vers ma sœur en souriant.
– Ils vont être dans le même lycée, et le même que moi aussi !
Lola sourit à son tour.
– Mais oui, si ça se trouve ils seront même dans la même classe !
Nous échangeâmes tous les deux un coup d'œil. Je me dis à ce moment-là que nous étions tous deux en train d'assister à une conversation nous concernant sans même nous donner la peine d'y prendre part. Alors, décidant que la soirée risquait d'être longue si nous écoutions les filles – qui semblaient d'ailleurs extrêmement bien s'entendre toutes les deux – pendant encore plusieurs heures probablement puisque nos parents avaient l'air de fortement être intéressés par leur conversation – je me décidai à faire le premier pas, et je te demandai la première chose qui me passa par la tête, à savoir :
– Et tu prends quoi comme spécialités du coup ?
Après l'avoir dit, je me fis la réflexion que c'était vraiment bizarre de commencer une conversation comme ça. Mais bon, au moins, je m'étais lancé.
Tu avalas lentement ce qu'il y avait dans ta bouche, avant de te tourner vers moi, l'air content de ne plus devoir faire semblant de suivre ce que racontaient les filles.
– Je prends Français, enfin « humanités littérature et philosophie », histoire et arts, et toi ?
Je pensai que tu semblais être un artiste. Peut-être était-ce toi qui faisais du piano ?
– Moi je prends maths, sciences éco, et arts.
Tu hochas la tête.
Un blanc s'installa.
– T'as des options ? me demandas-tu au bout de quelques secondes.
Je te remerciai mentalement de continuer la conversation et de ne pas me laisser, à moi, la lourde tâche de trouver un nouveau sujet de discussion, et je répondis :
– J'ai option sport, et je suis en section européenne. Et toi ? Tu peux continuer les options que tu avais dans ton ancien lycée ?
Tu hochas la tête.
– Oui, elles y sont, je fais musique, et puis je suis aussi en section européenne en anglais. Toi aussi je suppose ? Je n'ai pas regardé plus que ça, mais il n'y a pas cette section-là dans d'autres langues si ?
J'attrapai un samoussa, et t'expliquai :
– Ouais je suis en anglais aussi, on sera probablement ensemble en langues. Pour ce qui est des autres sections européennes, je crois qu'il y a allemand aussi.
Je croquai dans le samoussa. Il était très épicé, et très bon aussi.
– Bon, eh bien j'ai bien fait de prendre anglais, je ne parle pas un mot d'allemand.
Je te souris.
– Et du coup t'as pris art ?
Je dis ça assez bas, comme si c'était un secret.
– Oui, mais comme c'est ma troisième spé, je l'arrêterai en terminale.
Tu hochas la tête.
– Ici les arts c'est dans tout ce qui est photographie et cinéma, c'est ça ?
Je hochai la tête, remarquant que tu avais un accent. J'étais trop concentré sur la recherche d'un sujet de conversation au début de la discussion, mais maintenant, ça me semblait évident. Je remarquai que tes phrases étaient chantantes, et que tu roulais les r, ça n'entravait pas du tout la compréhension, alors je trouvai que c'était assez joli.
– Je verrai, si ça me plaît je continuerai en terminale, et puis sinon j'arrêterai...
Je hochai la tête.
– Tu fais pas de photo ? et demandai-je, me rendant alors compte que tu avais l'air de venir vraiment pour découvrir.
– Non, me répondis-tu, j'aime l'art, et j'aime beaucoup la photo, mais je n'en fais pas.
J'acquiesçai. Ta réponse n'expliquait rien, mais sur le moment je me dis que c'est une bonne raison de venir.
– Morgan, Angel, vous voulez venir avec nous ? On monte, je vais faire visiter l'étage à Lola.
Tu levas les yeux au ciel.
– Eleanor, je suis prêt à parier que leur maison est exactement identique à la nôtre.
Eleanor resta un instant immobile semblant y réfléchir, avant de finalement hausser les épaules comme si cela n'avait strictement aucune importance.
– Pas grave.
Tu te levas alors en soupirant, et nous suivîmes tous les deux les filles qui montaient d'un pas rapide les escaliers.
À l'étage, la décoration était nettement moins chargée. Je remarquai que, dans la petite mezzanine qui desservait, comme chez moi, trois chambres et une salle de bain, il y avait, comme chez moi, une console de jeu branchée à une vieille télé, et un canapé un peu abîmé.
Eleanor désigna chaque porte, nous indiquant qu'il y avait, une salle de bain, puis la chambre de sa mère, puis sa chambre à elle, et enfin, donnant sur notre maison à nous, ta chambre. Eleanor proposa à Lola de lui montrer sa chambre et des trucs dont elles parlaient au salon toutes les deux, et nous nous retrouvâmes alors, toi et moi, debout dans la mezzanine.
Tu te tournas alors vers moi et te grattais la nuque, mal à l'aise. Je sentis ton stress passer de toi à moi, et je ne pus empêcher mon œil gauche de se mettre à cligner un peu plus rapidement qu'habituellement.
– Une partie ça te dit ? me demandas-tu.
Je te souris en hochant la tête. Nous attrapâmes alors les manettes, et nous lançâmes une partie de FIFA. Nous ne parlions pas. L'un contre l'autre, nous passâmes nos commande d'un joueur à l'autre avant de rater un énième but.
Je ne jouais pas souvent à FIFA. Très rarement même. Ce n'est que lorsque mon père avait envie d'y jouer que nous en faisions une partie. Mais, cette année, entre mes horaires au lycée et le temps de transport, et son travail à lui, nous n'avions pas vraiment eu le temps, alors j'avais un peu perdu la main à vrai dire...
Je t'entendis soupirer lorsque la partie se terminait.
– Désolé, soupiras-tu, c'est plutôt ma sœur qui joue à tout ça, je ne suis pas vraiment doué...
Je souris intérieurement.
– T'inquiète pas, moi non-plus.
Il y eut un nouveau silence. Tu te tournas vers moi et te grattas à nouveau la nuque.
– Tu... Tu veux qu'on aille dans ma chambre ? On n'entendra pas les filles parler comme ça... Et puis on pourra discuter et faire un peu plus connaissance si tu veux...
Je hochai la tête et nous rangeâmes les manettes alors que le rire discret de ma sœur me parvenait. Autant elle pouvais parler très fort quand elle était vraiment dans la conversation, autant jamais elle ne riait fort. Je ne savais pas vraiment pourquoi, je savais juste que ça lui rajoutait un petit charme...
– Suis-moi c'est juste là.
Je traversai alors la petite mezzanine en à peine deux pas, et nous entrâmes dans ta chambre.
Dans ma maison, ma chambre était située au même endroit. Nos habitations étaient des miroirs. Mais ma chambre était extrêmement différente de la tienne.
Dans la mienne, le mur de la porte, opposé au velux, était peint en gris, en gris anthracite. Le mur de droite lorsqu'on rentrait, était couvert d'un papier peint imitant de vieux journaux. Contre ce mur, avec la tête près de la porte, il y avait mon lit, couvert d'une unique couverture grise.
Les deux autres murs et la mansarde étaient blancs. À droite de la porte, il y avait une armoire dans laquelle je rangeais des vêtements. Puis, le long du mur adjacent, il y avait mon bureau, blanc, simple et fonctionnel.
Au mur, j'avais installé trois étagères, sur lesquelles mes livres étaient rangés par taille et par couleur. Et puis, dans toute la pièce, ce qui était la plus grande marque de ma personnalité, c'était des cadres, dans lesquels j'avais mis mes photos.
Mais, bien que ta chambre fut le copier-coller de la mienne, elle était radicalement différente.
Tout d'abord, elle était peinte d'une autre couleur. Tous les murs étaient blancs, à l'exception de celui de droite, lui jaune citron (je ne sus jamais si c'était toi qui avais choisi cette couleur ou si c'était déjà ainsi lorsque ta sœur et toi aviez emménagé). Ton lit était placé au même endroit que le mien. Il était de la couleur d'un bois sombre, et je remarquai qu'il y avait des tiroirs en dessous. Le matelas était recouvert d'un bon nombre de couvertures, colorées, et aux motifs d'ailleurs.
Au sol, il y avait un épais tapis tout aussi coloré. À la place de l'armoire où je rangeais moi des vêtements, tu avais installé une haute bibliothèque. Je pus voir qu'elle regorgeait de livres.
Enfin, il y avait ton bureau, enfoui sous un capharnaüm monstre, et au dessus duquel un tableau de liège avait été accroché. Je pouvais voir un bon nombre de photos punaisées dessus, ainsi que des dessins. Et puis, sur le mur, plein de papiers étaient accrochés, il y avait aussi des post-it.
Et dire que cela faisait quelques jours à peine que tu vivais là...
– Tu peux t'asseoir sur le lit si tu veux...
Je hochai la tête et m'exécutai.
– Tu aimes lire ? je te demandai alors que tu tirais sa chaise de bureau pour t'asseoir vers moi.
Tu acquiesças. Et puis, la discussion prit. Nous échangions. Toute la soirée, nous parlâmes de nos auteurs préférés, nos meilleures lectures, nos préférences, nos déceptions. Nous parlâmes de ces belles phrases que l'on ne trouve que dans les livres, et de ces secrets, enfouis dans les recoins de la langue.
Ce soir, là, je me fis un ami.
Angel.
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Bonjour ~
Comment vous allez ?
Je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui le deuxième chapitre de LEST !
J'espère vraiment que cette histoire vous plaît, elle me tient énormément à cœur ! N'hésitez surtout pas à me signaler les éventuelles fautes puisque ce chapitre était initialement écrit à une autre personne et à un autre temps !
Sur ce, je vous souhaite une excellente journée, et comme d'habitude, j'attends vos commentaires, vos suggestions etc avec impatience !
(n'hésitez pas à partager)
à bientôt !
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