19 jours avant

J'attrapai mon sac à dos, resserrai ses lanières, et vérifiai une dernière fois l'état de mes pneus alors que ma sœur me rejoignait, ses cheveux noirs attachés au niveau de sa nuque, et son casque sur la tête.

J'ouvris alors la porte du garage, et nous sortîmes tous les deux notre vélo.

Aujourd'hui, on était samedi, et sur le groupe WhatsApp dans lequel ma sœur m'avait gentiment forcé à me mettre, de la même manière qu'Eleanor t'avait forcé à te mettre dedans, ma sœur avait convenu de vous emmener faire une ballade en vélo, afin de signer le début de l'été, mais aussi de vous permettre de découvrir le coin.

Tandis que je refermai la porte du garage, j'entendis des éclats de voix et le crissement du gravier de l'allée devant ma maison. Je me retournai. Eleanor et toi étiez là. Vous aviez posé vos bicyclettes contre la clôture de mon jardin, sur le trottoir, et étiez entrés saluer ma mère, appuyée contre l'encadrement de la porte d'entrée, en train de nous regarder, un doux sourire aux lèvres.

– Salut Morgan, comment tu vas ?

Eleanor s'approcha de moi et me fit la bise tandis que j'enlevais la béquille de mon vélo, prêt à y aller.

– Ça va et toi ?

– Ça va, ça va, répondit-elle évasivement en repassant le petit portillon afin d'aller récupérer son vélo.

En sortant, mon vélo, après ma sœur, je te croisai. Je te serrai la main rapidement. Tu me répondis par un soupir exagéré en lançant un regard indiscret vers ta petite sœur, complètement surexcitée.

– Elle m'épuise déjà...

Je rigolai doucement en montant sur mon vélo.

– T'inquiète, on va les semer.

Tu eus une mine surprise.

– C'est plutôt moi que tu risques de semer, elle, elle est increvable.

À mon tour de jeter un regard étonné.

– Tu sais pédaler quand même... ?

Tu me regardas avec une moue blasée et passas une jambe au dessus de ta selle avant de t'installer.

– Aller, plutôt que de te foutre de moi, montre nous où va.

Je rigolai, toi tu actionnas les pédales et démarras. Vous vous lançâtes à ma suite, sous les regards bienveillant de ta mère et Maman, comme si elles avaient peur de ne pas vous voir revenir.

Suivi de vous trois, je traversai le petit lotissement dans lequel nous habitions, juste en bordure de la ville, puis, je m'engageai sur les chemins de campagne. Autour de moi, les champs de lin étaient teintés d'une belle couleur bleue, et je me dis qu'il faudrait que je revienne le lendemain si je pouvait : il y avait de belles photos à faire.

Nous pédalions tous à vive allure, nous amusant à nous doubler les uns les autres, le sourire aux lèvres. Les chemins étaient totalement déserts car éloignés des routes qui menaient à la ville, alors nous nous éclations. Nous profitions de tout cet espace libre. Riant aux éclats, nous nous amusions à faire la course, redevenus enfants le temps de quelques minutes.

Je vis ma sœur râler lorsque tu la doublas, un sourire tendre scotché au visage, puis, nous éclatâmes tous les deux de rire lorsqu'elle piqua un sprint pour repasser devant toi. Elle avait un air déterminé qui contrastait complètement avec nos visages rayonnants, et qui ne faisait que nous faire rire un peu plus.

Eleanor me charria lorsqu'elle passa devant moi. Elle me tira la langue, et je ne pus m'empêcher de me sentir profondément vexé. Je détestais perdre.

C'est ainsi que nous passâmes l'après-midi, et vers 16 heures, alors que vous commencions à fatiguer un petit peu, nous décidâmes de faire une pause.

Les Da Costa, vous aviez emmené des boissons, de l'Ice Tea et du Coca pour être plus précis, et ma sœur et moi avions préparé dans la matinée une quantité astronomique de petits gâteaux aux pépites de chocolat.

Nous nous assîmes alors par terre, sur un petit espace libéré par le croisement de deux chemins, au bord de la route. Nous posâmes nos vélos, et pendant plusieurs minutes, personne ne parla, savourant uniquement notre pique-nique goûter.

– On rentre après ? demanda Eleanor en avalant la dernière bouchée de son gâteau.

Je haussai les épaules.

– Moi je suis un peu fatiguée, je pense que je vais rentrer, soupira Lola.

– Moi aussi, appuya Eleanor.

Tu te tournas alors vers moi.

– Tu veux rentrer ? je te demandai.

Tu finis ton verre d'une traite, puis, tu haussas les épaules, avant d'avaler les dernières gouttes de ton Ice Tea.

– Si tu veux il y a un bosquet pas très loin, on peut y aller ?

– Pourquoi pas, je ne connais pas du tout le coin alors c'est comme tu veux.

Je hochai la tête. Très bien. Nous allions juste y faire un tour, puis nous rentrerions. De tous les beaux endroits qui parsemaient la campagne environnante, ce petit bosquet était vraiment mon préféré. Tu devais voir ça.

– Dans ce cas les filles vous rentrez toutes les deux ok ? Surtout vous faites attention à vous, pas d'écart de conduite, n'allez pas vous blesser.

Ma sœur leva les yeux au ciel.

– Oui maman.

Vous pouffâtes doucement, vous moquant gentiment de moi, fiers de votre blague. Je sentis mes joues chauffer peu à peu, comme à chaque fois que je me trouvais être le centre de l'attention pour quelque chose qui me mettait mal à l'aise.

Tu posas une main sur mon épaule, voyant que je ne savais pas vraiment où me mettre, puis tu te levas et t'étiras, faisant au passage craquer indiscrètement ta nuque.

– On y va ? me demandas-tu alors.

J'acquiesçai en remballant les papiers qui traînaient ainsi que nos cannettes. Puis, je remis mon sac sur mon dos, et nous attendîmes tous les deux que les filles aient repris la route avant de monter sur notre vélo et de nous mettre à pédaler.

– C'est loin ? t'interrogeas-tu alors que nous nous arrêtions pour laisser passer un troupeau de vaches.

Je jetai un regard aux animaux, remarquant la forte odeur et priant intérieurement pour que ça s'arrête bientôt.

– Non, on y est dans quelques minutes tu vas voir. C'est trop beau là-bas !

Tu me lanças un sourire bienveillant devant mon enthousiasme, puis, une fois les animaux passés, nous reprîmes notre ballade.

Je savourais l'air chaud qui caressait mon visage, et l'absence de tout bruit autre que celui de nos roues sur les chemins de terre. Je fermai les yeux, parfois, un instant. Et puis je profitai des caresses du soleil sur ma peau halée, ainsi que de la quiétude qui m'envahissait peu à peu grâce à toutes ces sensations.

Je surpris alors ton regard sur moi. Tu me regardais avec ses yeux curieux, ce regard que tu avais déjà lorsque tu étais venu chez moi, le jour où je t'avais rencontré, ce regard curieux qui semblait vouloir saisir le moindre détail de chaque instant. Je te souris, tu me souris, et quelques minutes plus tard, nous entrions dans le petit bosquet.

Nous nous arrétâmes à l'orée du bois, et attachâmes nos vélos à un arbre pour continuer à pieds, le chemin devenant trop difficile à pratiquer avec des vélos comme les nôtres.

Nos pas craquaient sur les branches au sol, et je te vis observer tout ce qui nous entourait.

J'aimais particulièrement cette forêt car elle était assez clairsemée, et les rayons tombaient comme une fine pluie au travers des feuillages d'émeraude, donnant au lieu une ambiance mystique. Il y avait aussi un petit ruisseau, qui, même s'il était extrêmement fin, s'entendait dans tout le petit bois, emplissant l'air des nuances de l'eau qui coule, de son bruit, et donnant au lieu la dimension apaisante que j'affectionnais tant.

– Tu viens souvent ici ? me demandas-tu alors à voix basse.

Bien que ta voix n'eut été qu'un murmure, elle brisa la quiétude qui s'était emparée de moi, ainsi que le fil de mes pensées, me ramenant immédiatement à la réalité.

– Oui, murmurai-je alors à mon tour, j'aime bien venir faire des photos, les couleurs ne sont jamais les mêmes, et je viens souvent avec Lola.

Tu hochas la tête. Puis, tu souris avant de te tourner vers moi.

– Lola, et Morgan... C'est pour Renaud ?

Je fus étonné que tu me dises ça, si bien que je crus un instant que ma mâchoire se décrochait.

De toute ma courte existence, jamais quelqu'un n'avait fait le lien. Jamais personne n'avait su pourquoi Morgan, pourquoi Lola, enfin, jamais sauf lorsqu'il était amené dans la discussion le sujet des prénoms, et que je me retrouvais donc à expliquer le pourquoi du comment, n'oubliant pas de préciser, surtout que Maman était fan de Renaud.

– B-bravo... bégayai-je ne sachant pas vraiment quoi répondre d'autre.

Tu souris devant ma réaction, un sourire d'enfant, un peu taquin.

– Mais dis-moi, repris-tu, y a pas un « e » normalement à la fin de « Morgan » ?

Je serrais les dents. Ta curiosité que je trouvais enfantine et assez attendrissante jusque là, cette fois, me dérangeait. Tu touchais là à un point sensible de mon existence, et je voulais que tu ne fusses jamais en contact avec le merdier que c'était.

– Mon père trouvait que « Morgane » avec un « e » ça faisait trop « fille », expliquai-je en mimant les derniers guillemets avec tes doigts.

– Oh...

Je n'aurais pas dit mieux. Je changeais de sujet.

– Et toi, pourquoi « Angel » ?

Tu te grattas la nuque.

– Mon vrai prénom c'est Angelo...

– Oh...

Ce fut à moi de ne rien avoir à répondre. Que dire ?

– Mais, repris-tu en baissant les yeux, je ne sais pas vraiment pourquoi, je sais juste que mon père voulait m'appeler « Anjo », ma mère « Ange », et qu'au final ils se sont mis d'accord sur « Angelo ».

Je hochai la tête, ne sachant quoi répondre à ça.

– Bref, voilà, répondis-tu apparemment aussi mal à l'aise que moi, désolé je ne suis pas très doué pour faire la conversation.

Cette remarque me fit doucement sourire, tendis que ton visage prenait une moue innocente.

Nous continuâmes à nous promener dans la forêt pendant quelques minutes, jusqu'à ce que, tout-à-coup, tu sursautes.

– Qu'est-ce qu'il y a ? te demandai-je.

Je te vis, doucement soulever le pied. En baissant les yeux, je remarquai que ta chaussure était vraiment trempée. Et, après m'être retenu quelques secondes en voyant ton visage déconfit, je ne pus m'empêcher d'exploser de rire.

– Il y a une seule flaque d'eau dans toute la forêt et t'as dû poser ton pied pile là ! m'esclaffai-je.

Tu me lanças un regard blasé tandis que je continuais de rire de ta maladresse, mais, je pus voir au fond de tes pupilles à toi aussi, une lueur d'amusement et d'autodérision.

– Bon, plutôt que de te marrer, tu pourrais peut-être me dire par où on rentre, il est déjà dix-huit heures, et je crois que ma mère aimerait que je rentre assez tôt...

Je hochai la tête, puis, je sautai de l'autre côté de la flaque d'eau, et je te tendis la main. Tu pris alors théâtralement ton élan, puis, tu sautas par dessus la large flaque d'eau, attrapant au passage mes doigts tendus vers toi. Arrivé à côté de moi, tu me lâchas la main, et tu me lanças un regard interrogateur quant à la direction à prendre.

– C'est par là, juste au bout, à une centaine de mètres, le chemin fait une boucle, il retourne là où on est arrivés.

Tu hochas la tête.

– Bon, eh bien le dernier arrivé a perdu !

Et tu t'élanças en courant. Un sourire naquit sur mes lèvres. Je détestais perdre. Alors, je m'élançai à ta suite, me donnant comme objectif de réduire à néant les quelques mètres qui nous séparaient.

L'air emplit mes poumons tandis que je courrais. J'aimais le sport, j'aimais sentir mes muscles me brûler, j'aimais la bonne humeur qui régnait en moi après un effort, j'aimais me dépenser. J'aimais aussi les sourires de mes coéquipiers lorsque nous jouions tous ensemble.

Foulée après foulée, je te rattrapais, centimètre par centimètre. Lorsque je te doublai, tes yeux noisette croisèrent les miens. Et alors, je me dis que l'histoire ne faisait que commencer.

Angel.

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Merci beaucoup à tous ceux qui ont commenté et voté, vous êtes adorables 🥺

(je pleure actuellement sur mon passé simple y avait des fautes dans ce chapitre je vous promets c'était des pépites)

Bonne journée tout le monde ! ❤️🥺

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