Le malade

[ Inspiré d'un de mes poèmes, « Le malade » de mon recueil Émotions, (c'est un peu une suite, enfin c'est en quelque sorte l'histoire complète du malade, j'espère que ça vous plaira) ]

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Le souffle coupé, il n'arrivait plus bien à respirer. À peine il marchait, à peine il était essoufflé. Il devait s'arrêter toutes les deux minutes, prendre une pause, repartir. Il devait inspirer, expirer, jusqu'à que ses poumons retrouvent la moindre parcelle d'air. Le moindre effort lui était épuisant. Ses poumons étaient devenus, aussi noirs que du goudron. Son nez était bouché de cendres alors il ouvrait sa bouche pour rechercher un peu d'oxygène. Il avait perdu une partie de son odorat et ne pouvait plus vraiment reconnaître ce qui sentait bon ou mauvais. Sa gorge était irritée, chaque bouffée qu'il prenait brûlait son oesophage. Sa voix était devenue plus grave, rocailleuse, terrifiante. Sa toux était atroce et une fois commencée, elle ne s'arrêtait. Il avait aussi du mal à manger, il n'avait plus envie d'avaler. Ses dents avaient jaunies, pourries. Tout aliment avait perdu son goût, tout était fade, rempli d'amertume. Ses lèvres étaient devenues sèches, blessées, saignées, il n'obtenait pas non plus assez d'eau. Alors, il était devenu un squelette, une ombre de lui même. Ses os étaient affreusement visibles, pointus et ressortaient de tous les côtés. Il avait si fragile, si mince, qu'une personne aurait pensé le briser rien qu'en le touchant. Il était devenu pâle, blanc, grisâtre. Il était devenu un fantôme. Ses yeux verts ne pétillaient plus de vie, ils étaient entourés par des cernes cavées profondément dans son visage. Il ne dormait plus, empêché par tous ces maux. Il avait pris quelques dizaines de rides, comme si il avait pris d'un coup, soudainement, cinquante ans. Ses ongles étaient fragiles, abimés, ses doigts bleutés, perdant peu à peu vie. Ses cheveux étaient cassés, mourants, se détachant de son cuir chevelu au moindre mouvement. Ses douleurs abdominales le torturaient, son foie, son estomac criaient. Il avait aussi d'horribles maux de tête, des vertiges dès qu'il bougeait un peu trop vite sa tête. Il avait cette sensation de toujours avoir l'impression de tomber, tomber, tomber. Il avait une mine effroyable. Il était sur le point de s'effondrer, ça se voyait. Toutes les deux heures, il crachait du sang. Il ressemblait à un cadavre, à un mort vivant. C'était comme s'il était partit faire la guerre et qu'il était revenu perdant. Il avait vraiment l'air souffrant, il faisait peur à voir, à sa vue les gens s'éloignaient horrifiés, dégoutés. Il avait perdu tout contrôle sur son crops et était incapable de tenir debout, tout devenait flou. Il avait mal, partout. Et ça le rendait fou.

Mais le malade n'avait pas que des maux physiques. Il était aussi nostalgique, mélancolique. Il repensait au passé, à son enfance, à quel point il avait été vivant, à quel point il avait aimé bouger, courir, s'évader. Il avait adoré la sensation de mettre un pied devant l'autre et d'avancer, toujours plus vite, toujours plus loin. Il avait adoré sentir le vent passer à travers ses beaux cheveux châtains. Il avait adoré écouter le rythme, la mélodie de son corps à travers sa respiration saccadée. Il avait adoré se sentir si vivant, si libre. Il avait adoré pouvoir bouger sans se sentir couler, pouvoir respirer, sourire, parler sans s'effondrer. Et maintenant, rien qu'un simple geste semblait impossible, improbable et ça le rendait triste, désemparé. Il se remémorait aussi à quel point il avait aimé passer du temps à la plage, à se dorer la peau, à tremper ses pieds dans l'eau, à contempler le paysage, à prendre du sable entre ses doigts et le laisser glisser, tomber. Et maintenant, c'était lui qui tombait, qui devenait poussière. Il avait apprécié ressentir le soleil caresser sa peau mouillée et l'odeur de la brise salée. Et maintenant, la seule chose qu'il ressentait c'était une atroce douleur, occupant tout son être. Il avait toujours été fasciné par les les vagues qui chahutaient, s'étranglaient, se battaient entre elles. Il avait toujours été ébahit par les orages, les tempêtes, le vent, la pluie. Il avait pris plaisir à regarder la mer en rage, elle était si féroce, si menaçante, si admirable, si extraordinaire, si destructrice. Et maintenant, c'était lui qui était défaillant, réduis à néant. Tous ses souvenirs, qu'il avait laissé de côté, à l'arrière, au passé, lui pesaient sur son cœur affaibli. Il voulait voir la mer, la foudre, il voulait faire tellement de choses. Mais, il était enfermé dans une chambre sombre, une serre, un espace confiné l'emmenant tout doucement vers sa fin. Il se sentait comme un oiseau à qui on avait coupé les ailes. Il en voulait au monde entier, il se sentait tellement seul, isolé des autres, de sa famille, de ses amis, des gens, de tout. Il se sentait renfermé, comme un prisonnier, sans aucun soutien, sans aucun support. Il était déçu de sa propre existence, vie, condition, maladie. Il aurait voulu voler, loin et haut, fort et beau, mais il n'avait plus d'ailes, il n'était plus libre, et il était trop tard pour changer. Le mal était déjà fait et il était irréparable.

À la fin, il hurlait que sa poitrine lui faisait un mal de chien. Tout son mal s'intensifiait, ça lui était insupportable, même les drogues n'agissaient plus, elles ne l'apaisaient plus. Et il se demandait, pourquoi il n'allait plus bien, pourquoi il était devenu comme ça, alors qu'il n'était qu'un simple lycéen, qu'il était censé avoir la vie devant lui. Il pensait à tout ce qu'il n'avait pas fait, qu'il aurait voulu essayer. Il ne voulait pas voir ce qui était depuis longtemps devant ces yeux épuisés, il était tellement en déni. Il avait été rattrapé par ces mauvaises habitudes, ses actions irréfléchies. Mais, il n'assimilait toujours pas. Et pourtant, on lui avait répété qu'il allait se tuer à petits feux, dès qu'il avait commencé. On l'avait prévenu de toutes les manières possibles, on avait tenté de l'aider, de l'épauler, de le supporter. On lui avait souhaité de changer, d'être différent. Pourtant, il n'admettait pas, il n'écoutait pas, il faisait comme bon lui semblait. Et maintenant, il se demandait pourquoi, il cherchait des réponses à des questions auxquelles il avait déjà toutes les réponses.

Et d'un coup, bam, plus rien.

Il sombrait dans les tourbillons noirs, obscurs, aux côtés de son amie la faucheuse. Il avait compris d'où venait sa peine, son effroi, son mal et il regrettait. Et, quelques secondes avant de partir dans un autre univers, avant de s'endormir péniblement, avant de s'évanouir dans l'au-delà, tout juste avant de s'éteindre complètement, de tout laisser derrière lui. Le malade murmura alors faiblement, ironiquement, dans un dernier souffle, deux mots : « maudites cigarettes ».

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