les étoiles leur laissent la place

la lune est absente, c'est une nuit sans étoiles. pas par tristesse, mais par calme. c'est une nuit pure, une nuit noire, et une jeune fille roule dans la ville étonnamment calme. le bruit de sa voiture semble faire tâche dans le silence.

elle se gare au détour d'une ruelle et sonne au bas dans un immeuble.

— oui ? demande une voix féminine dans l'interphone.

— c'est moi, répond simplement la jeune femme qui a sonné.

pas besoin de plus, la femme de l'interphone sait. moi, en cette soirée là, ça ne peut être qu'une personne. pas besoin de prénom ou de précisions, moi c'est elle et personne d'autre.

la jeune femme monte les escaliers pas à pas, doucement. elle prend son temps, elle savoure l'excitation de la retrouver. sa mère, celle qui l'a conçue, élevée, aimée comme personne n'a su le faire.

quand elle la voit, elle se jette dans ses bras, qui l'entourent de cette douceur, cette tendresse maternelle qui ne s'improvise pas.

— je suis heureuse de te voir.

c'est suffisant. pas besoin de plus pour comprendre tout ce qu'on veut dire et exprimer. elles communiquent sans parler, de cette complicité qu'elles n'ont jamais perdue.

l'appartement est vide. la sœur, le mari, les grands-parents, personne n'est là, si ce n'est la mère et la fille, qui se retrouvent, dans un silence rempli de regards et de sourires.

— tu es heureuse, en ce moment ? demande la mère.

l'inquiétude se sent dans ses paroles, et sa fille lui sourit, pour la rassurer :

— même si tout n'est pas toujours parfait, oui, je suis heureuse. Je me concentre sur les meilleurs moments, maman.

la mère est émue. cela fait un bout de temps, qu'on ne l'a pas appelée maman, et elle ne s'était pas rendu compte d'à quel point ça lui avait manqué.

— tant que tu es heureuse, le monde peut continuer de tourner et les étoiles peuvent toujours briller.

c'est à sa fille de se rendre compte, de se dire que passer du temps loin d'elle, ça lui a manqué. elle pense qu'il faut qu'elle dise à sa sœur de profiter, de profiter des moments passés en famille, même avec les disputes et les désaccords, parce qu'un jour tout ça lui manquera.

— et comment va ma sœur ? demande t'elle aussitôt.

— elle va comme une jeune fille de treize ans, un peu perdue dans sa vie, qui sait pas trop ce qu'elle veut ni qui elle est. comme toi à son âge.

on ne parle pas, pas besoin de le rappeler, on sait. elles savent de quoi elles parlent.

— tu me manques, Maman.

la mère reçoit ces mots sans savoir si ça la rend heureuse ou triste. bien sûr qu'elle aussi elle lui manque, bien sûr qu'elle voudrait l'avoir avec elle toute l'année. bien sûr aussi qu'elle veut son bonheur et qu'elle préfère qu'elle étudie loin pour mieux réussir sa vie.

la fille elle, pense à tout ce qu'elle a raté, tout ce qu'elle n'a pas dit. elle pense que c'est peut-être le bon moment pour tout lâcher. puis elle arrête de penser et elle lâche tout.

— tu sais maman, je ne te l'ai jamais dit, mais je t'aime vraiment, et je suis heureuse et très fière que tu sois ma mère. même si j'ai été insolente, assez méchante, même si je vous ai menti, que j'ai fait pleins de conneries. même si j'ai pas toujours été facile, même si j'étais pas vraiment gentille, je t'aime énormément.

elles se regardent, quelques secondes qui semblent durer bien plus longtemps.

— même si j'ai été ingrate, j'avais conscience que je t'aimais, et que j'avais de la chance de t'avoir.

la fille se lève de sa chaise, et fait le tour de la table. elle se blottit dans les bras de sa mère, sa petite taille lui permettant de toujours le faire. elle retombe en enfance. elle se voit, cinq ou dix ans plutôt, au même endroit, dans les bras de sa mère. elle respire l'odeur de sa mère, toujours la même, vingt-deux années après qu'elles se soient vues pour la première fois.

— moi aussi je t'aime. même si je t'ai grondée, même si j'ai été sévère, même si j'ai pas toujours fait comme il fallait, je suis ta mère et je t'aime.

l'étreinte se resserre. elles se serrent fort, comme pour se montrer à quel point elles tiennent l'une à l'autre. dans quelques heures, il faudra dire au revoir, prendre le trajet inverse et retourner étudier, mais pour l'instant, la jeune fille profite et reste lovée dans les bras de sa mère.

on ne pense pas à l'après, mais juste à profiter.

dehors, les étoiles ne brillent toujours pas, et ce n'est ni par tristesse, ni par calme cette fois ci, mais par humilité.

car ce soir, une mère et sa fille se sont retrouvées, et les étoiles les laisses entre elles sans voler la vedette.

les étoiles leur laissent la place, ce soir.

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