Chapitre 6
A 10h30, nous voilà au pied des pistes. Pour laisser Connor se familiariser avec le ski, nous décidons de nous séparer : Lya, Jonas et moi partons à l'assaut des hauteurs, sur des pistes qui nécessitent un bon niveau. Mel va jouer les professeurs auprès de son prince charmant. Je n'ai pas l'impression qu'elle soit trop frustrée, vu comme elle le colle et minaude depuis notre petite discussion de ce matin.
Alors que nous nous envolons vers les sommets, installés dans le télésiège, nous les apercevons en contrebas descendre la piste « débutants ». Connor est beaucoup plus à l'aise sur des skis que ce qu'il avait laissé entendre – il va vite retrouver les gestes et pourra probablement nous suivre demain.
C'est cool. Je préfère quand même qu'on soit tous ensemble. C'est comme ça que j'imaginais ces vacances.
Nous hurlons des encouragements et agitons les bras en nous étouffant de rire. Ils lèvent la tête en même temps, et ce qui doit arriver arrive, Connor dévie de sa trajectoire et fonce dans Mel. Ils tombent tous les deux lourdement dans la neige. Je crois entendre quelques insultes fleuries à notre adresse, mais nous sommes désormais trop loin et le télésiège nous emporte entre les pins.
Je skie à Wolf Creek depuis que je suis petit : j'emmène Lya et Jonas sur les pistes les plus sympas, à la fois pour le panorama qu'elles offrent et pour les sensations ou les difficultés techniques de la glisse. Le soleil trône au centre d'un ciel absolument transparent, la journée est vraiment idéale pour dévaler les pentes.
Nous décidons d'aller sur la Tsunami, réputée pour son mur de bosses. A peine arrivés, Lya s'élance en poussant des grands cris de joie. Elle ressemble à un cabri, et glisse avec une agilité juste incroyable. Jonas et moi, encore en haut de la piste, l'observons descendre, carrément impressionnés :
- Putain mais comment elle arrive à faire ça ? On dirait qu'elle rebondit sur la neige !
- Les genoux... c'est les genoux qui travaillent, là, non ?
- Mmmh... ouais. Je sais pas. Je propose qu'on teste ?
Jonas hoche la tête d'un air circonspect.
- Mouais. De toutes façons, je crois qu'on n'a pas le choix, hein ? demande-t-il en m'adressant un faux sourire crispé. Ce qui est bien, c'est que les arbres ont été rangés sur le côté, aujourd'hui... on a moins de risque de s'emplafonner.
Les blagues débiles de Jonas me font toujours rire. Je lui donne un petit coup d'épaule puis, poussant sur mes bâtons, je lance un tragique « Adieu, camarade ! » tout en commençant ma descente.
Les heures qui suivent sont magiques et exaltantes. J'adore sentir l'air siffler sur mes joues quand j'accélère et entendre chanter le frottement de mes skis sur la neige à chaque virage. Mais ce qui me rend dingue par-dessus tout, c'est la sensation d'être dans une bulle, tout puissant dans mon micro-monde lorsque je descends la piste – surtout quand ça va vite.
Oui, je sais. Je suis un peu cinglé. Je m'en rends compte, parfois.
Quelques belles gamelles resteront quand même gravées dans les mémoires, la plus remarquable revenant à Jonas, qui chute sur une vingtaine de mètres après avoir pris une bosse pour nous impressionner, abandonnant l'un de ses skis au passage. Un skieur attentionné le lui redescend tandis qu'il essaye de sortir les kilos de neiges qui se sont infiltrés dans son cou et dans ses chaussures. Lya reste incontestablement la meilleure sur ce type de piste !
Nous nous sommes donné rendez-vous vers 14h au pied des pistes. Mel et Connor sont déjà installés autour d'une table sur la terrasse du Wolf Creek Lodge, penchés sur leur téléphone respectif. Nous déchaussons les skis, que nous posons dans les racks sur le côté, et nous les rejoignons.
- Alors, comment c'était ? Prêt pour les JO ?
Connor lève les yeux avec un grand sourire, tandis que je m'assois en face de lui.
- Je vise l'or, en fait, répond-il en repoussant ses lunettes sur le haut de sa tête, ce qui l'oblige à plisser les yeux. Il hausse les sourcils d'un air condescendant. « Eh ouais, mon pote ! Si tu veux, je peux t'apprendre. Ça te dit ? ».
Il ponctue sa phrase par un clin d'œil amusé et entendu. Avant que j'aie pu répondre, Lya lui pose une question ; il se tourne à demi vers elle. Mais je continue de l'observer du coin de l'œil, l'air de rien. Derrière mes lunettes de soleil, personne ne peut le remarquer. Ses yeux sont super clairs, je m'en rends compte maintenant, Ils tranchent avec ses sourcils sombres et ponctuent son visage d'un point de lumière dorée. C'est plutôt beau. Moi aussi j'ai les yeux clairs, version gris glacier, mais avec une peau plus mate. Est-ce que ça rend aussi bien ? J'en doute, malheureusement.
Je ne sais pas exactement ce que j'imaginais, concernant le copain de Mel, mais a priori pas à ça : il est non seulement beau gosse, mais il a en plus l'air d'être vraiment sympa – ce qui me fait un peu chier, je ne peux pas le nier.
Ou pas, en fait. Je ne sais pas bien. Je me sens tout à fait guéri de ma rupture avec Mel, et je l'aime bien ce type : il n'y a donc aucun problème. La Brownie Team peut bien s'agrandir, après tout. Ça pourrait être cool, même ! J'en parlerai ce soir aux autres.
- Et toi Sam, qu'est-ce que tu prends ?
Je sors de mes réflexions. Le serveur attend ma commande, son boitier à la main : tous les regards sont rivés sur moi. Question discrétion, on a fait mieux !
- Euh, un cheese et une portion de frites, avec un Fanta, s'il vous plait.
Pendant que nous déjeunons, Mel et Connor nous racontent leur matinée : si le démarrage a été un peu laborieux, Connor a rapidement su retrouver la posture adéquate, et finalement, ils ont eux aussi pu s'amuser sur les pistes – notamment celles qui traversent la forêt de pins.
Lya, qui n'a pas manqué de sortir son téléphone dès qu'elle en avait l'occasion, nous montre toutes les photos qu'elle a prises, y compris celle de Jonas transformé en monstre des neiges après sa chute. Il y a aussi d'impressionnants panoramas de la vallée ou des massifs enneigés, baignés par une lumière incroyable.
- Whaou ! Tu voudras bien me les envoyer ? Elles sont géniales ! Les profondeurs de champ, les couleurs, c'est juste magnifique ! Je veux absolument monter là-haut demain !
- Tu es sûr ? demande Mel dubitative. « Je ne sais pas si... »
Mais il l'interrompt avec emphase, en levant un doigt comme s'il allait énoncer une grande vérité :
- L'Art prime sur tout le reste, ma chère ! Ces paysages sont de véritables œuvres et je veux les voir avant de mourir !
Mel secoue la tête d'un air désespéré tandis que nous rions.
- Pffff n'importe quoi... C'est la mode, qui prime sur tout le reste, Connor. LA MODE !
Au bout d'une bonne heure passée à lézarder au soleil, il est temps de s'activer ! Il y a des courses à faire avant de remonter au chalet, si nous voulons dîner ce soir.
Comme nous avons pris les deux voitures ce matin pour rejoindre la station – avec les équipements, impossible de tous rentrer dans une seule ! - nous décidons de nous séparer une fois encore : deux d'entre nous suffisent pour les courses, autant que les autres rentrent au chaud !
Une fois les équipements embarqués dans le Chevrolet et le pick-up de Lya, je demande à la ronde, en ouvrant ma portière :
- Qui vient avec moi ? Je sais où est le supermarché de Pagosa, autant que j'y aille !
Alors que Mel est lovée contre lui, les deux bras accrochés autour de sa taille, Connor se manifeste aussitôt :
- Moi ! Je viens !
Mel le retient en protestant :
- Non, reste avec moi... s'il te plaît » ajoute-t-elle en levant un menton boudeur vers son amoureux. Connor se met à rire et détache les bras qui l'enserrent. Il pose ses mains sur les épaules de Mel :
- Puce, c'est normal que je participe... Sam nous a invités pour une semaine, c'est bien la moindre des choses. D'ailleurs, c'est moi qui paye les courses. Rentre avec Lya et Jonas, profites-en pour prendre un bon bain chaud, et on arrive !
- Allez Mel ! En voiture ! lance Lya en s'installant au volant.
Mel ne peut que se résigner et après avoir embrassé Connor, elle monte à son tour dans le pick-up, sans oublier de me lancer un regard assassin au passage. Je lui réponds par un large sourire qui laisse apparaître toutes mes dents.
J'aime la narguer, à présent que je ne risque plus de représailles.
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