Chapitre 31
Malgré la chaleur de ses bras autour de moi, un frisson parcourt mon corps entier. La température doit avoisiner 0°C et je suis dehors en chemise depuis un quart d'heure. Nous nous écartons doucement l'un de l'autre : il semble toujours aussi tendu. Avec un sourire exagéré, je lui propose :
- Tu viens avec moi ? Je t'invite : il y a une super soirée à l'intérieur !
Manifestement, mon humour approximatif et bancal fonctionne : ses lèvres s'étirent tandis qu'il secoue la tête avec un air dépité.
- Merde, Sam, je viens de te faire la déclaration du siècle !
- Et tu es dans mes bras... Je dirais que c'est plutôt bon signe, non ?
Il semble méditer un court instant puis, imperceptiblement, ses traits se détendent et ses yeux s'éclairent. Lentement, il approche son visage du mien et murmure en effleurant mes lèvres :
- Oui. C'est bon signe. Je te remercie de l'invitation : j'accepte. J'ai trop envie de passer le cap de la nouvelle année dans une soirée organisée par Sam Mendoza !
Une seconde après, il s'empare de ma main et croise ses doigts dans les miens pour m'entraîner derrière lui :
- Tu m'accompagnes : il faut que je prenne mes affaires dans la voiture... Je me suis dit : au cas où ça marche, il vaut mieux prévoir !
Une fois devant son coupé, il fait volte-face, s'appuie contre la portière et m'attire à lui. Sa main large et chaude s'empare du creux de mon dos.
- Tu me laisses rester alors ? me demande-t-il avec une pointe de malice, des étincelles dans les yeux. Je sais qu'il connaît déjà la réponse, il veut juste me l'entendre dire. Peut-être a-t-il besoin, malgré tout, d'être vraiment sûr que ce que nous sommes en train de vivre est bien réel.
Soudain je réalise, dans un éclair, ce que va être ma relation avec lui – juste lui, sans l'ombre de Mel. Et je vais le dire comme je le pense : j'adore. C'est simple et facile. C'est direct et évident. C'est du bonheur à l'état pur.
Ses lèvres sont toutes proches, je ne vois qu'une façon de répondre à sa question. A sa vraie question. J'avance d'un millimètre à peine et ma langue caresse la sienne. Enfin. Elle est douce, veloutée et tiède. Mes doigts sont toujours enlacés aux siens, et nos lèvres se redécouvrent dans une tendresse absolue. Mille petites explosions de bonheur ont lieu en même temps sous ma chair – c'est sublime et nouveau. C'est notre premier baiser. Notre premier premier baiser, pour être plus précis. Avant, nous étions des traîtres. Maintenant, nous sommes... juste nous.
Lorsque sa main quitte mon dos pour se poser sur ma nuque, je ne peux retenir un tremblement : à présent, j'ai vraiment froid.
- Si je ne rentre pas maintenant, je vais geler sur place. Ce serait vraiment con, juste avant la nouvelle année.
Il hoche la tête en haussant les sourcils :
- J'avoue...
Il saisit son sac et nous gravissons les escaliers jusqu'au chalet. Lorsque j'ouvre la porte, une bouffée d'air chaud nous enveloppe, accompagnée d'une explosion de musique et de couleurs. Durant une seconde ou deux, nous demeurons interdits sur le pas de la porte, tant le contraste avec l'extérieur est saisissant. Ça fourmille dans le salon, c'est une véritable ruche : certains dansent, d'autres discutent en petits groupes dans la cuisine ou autour du canapé, tandis qu'une grappe de joueurs invétérés vocifèrent joyeusement accrochés à leurs manettes. Dans mon dos, Connor referme la porte derrière lui et chuchote à mon oreille :
- Ça, c'est une soirée de rêve ou je ne m'y connais pas... je ne regrette pas d'avoir accepté ton invitation !
Je tourne la tête et lui adresse un clin d'œil :
- Et encore, tu n'as rien vu !
A peine avons-nous pénétré dans le salon que Sofia se matérialise devant nous, comme par magie. Elle a les yeux brillants et affiche une mine curieuse, les yeux accrochés à Connor. Dans sa petite robe noire moulante et perchée sur des talons, j'ai du mal à reconnaître ma cousine – toujours débraillée et la chevelure emmêlée lorsque nous avions 8 ans. Ses cheveux coupés courts accentuent la finesse de ses traits. J'ai le sentiment de la voir pour la première fois, et je réalise qu'elle est super jolie.
- Hello tous les deux !! Hey ! Encore un invité ? Ah mais... je rêve ! Il y avait un dress-code ou bien vous vous êtes donné le mot ?? Pourquoi tu nous l'avais caché, ce bestie, Sam ?
C'est vrai que nous sommes coordonnés ce soir, en jean et chemise noirs. En ce qui me concerne, cela correspondait bien à mon humeur il y a encore une heure. A présent, j'ai envie de croire que ce hasard n'en est pas vraiment un et qu'il y a une sorte de lien intergalactique entre nous. L'idée me plait assez, en fait.
- Connor, voici ma cousine Sofia. Sofia, voici Connor – qui n'était pas caché, mais vient seulement d'arriver.
- Salut Connor ! C'est chouette que tu sois là... un peu tard, mais bon, pile à l'heure pour les embrassades sous le gui ! Je ne serai pas loin, on arrivera bien à se trouver... mmmh encore un peu plus de 30 minutes, précise-t-elle en consultant sa montre.
Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel : apparemment, je ne suis pas le seul à trouver Connor à mon goût, ça promet ! Avec un sourire, il se penche un peu vers elle comme s'il allait lui confier un secret :
- J'ai tout fait pour arriver à temps, tu peux me croire ! Et pour ce qui est de la tenue, ça nous va pas mal, non ? En tous cas, je trouve ton cousin super beau comme ça.
Cette remarque n'est pas anodine, et ce qu'elle provoque en moi ressemble davantage à une explosion de confetti qu'à n'importe quoi d'autre. Nos regards se croisent, il affiche la mine réjouie d'un gamin fier de sa blague. Je secoue la tête, simplement heureux de cette complicité qu'il installe entre nous, à la vue de tous... Maintenant, c'est possible. Maintenant, nous en avons le droit. L'image de Mel s'impose dans mon esprit – je suppose qu'elle vit des heures terribles, et je suis réellement désolé pour elle – car je sais combien c'est difficile. Mais à cet instant précis, je refuse absolument d'éprouver la moindre culpabilité, le moindre regret. Je suis trop heureux de ce qui m'arrive – j'ai même encore du mal à y croire vraiment.
Sofia, bien évidemment, ne saisit pas le sous-entendu des paroles de Connor, et s'écrie en écarquillant les yeux :
- Mais toi aussi Connor, tu es vraiment très beau. D'ailleurs, il faudrait que tu penses à une carrière de mannequin ou un métier dans le genre !
- En fait, là, tout de suite, j'aimerais plutôt boire quelque chose...
- C'est ce que j'allais te proposer : je vais te chercher une bière ?
- Ok, oui ça me va. Merci !
Je laisse donc Connor avec Sofia et me dirige vers la cuisine. Jonas est en pleine conversation avec Henry et Carolyn, assis autour du comptoir un verre à la main. Il m'interpelle :
- Tiens, le voilà. Hé, Sam : est-ce que tu te souviens de la date qu'avait donnée le principal, pour le concours de fin d'année, tu sais, à propos du nouveau club house pour le gymnase ?
Le gymnase du lycée doit être rénové prochainement. Pour impliquer les élèves, le principal Willis a lancé un concours de projets par équipe : il s'agit d'imaginer à quoi pourrait ressembler le nouveau club house – la décoration, son aménagement, ses équipements. Jonas m'a convaincu de participer au concours. Nous avons prévu de commencer à y réfléchir à la rentrée, dans quelques jours. Nous ne sommes que deux pour l'instant, et les équipes doivent comporter au moins 4 membres... il est en plein recrutement, apparemment !
Je sors une bière et un soda du frigo et m'accoude au comptoir :
- Mmmmh, je crois que les projets sont à rendre pour la fin du mois de mars, juste avant les vacances du printemps. 5 seront sélectionnés et soumis au vote des élèves et des profs. Les résultats seront donnés début juin il me semble.
Jonas se tourne vers Henry et Carolyn :
- Vous voyez, ça nous laisse pas mal de temps pour imaginer et préparer quelque chose de chouette ! On se voit trois ou quatre fois, on rédige le projet et on prépare une vidéo de présentation : et hop, terminé ! Alors, ça vous dit ?
- Moi je suis partante, annonce Carolyn en levant son verre. Ça peut être sympa... et en plus, supposez qu'on gagne ! Il y aura plein d'articles dans le journal ! Et pas seulement dans celui du lycée !
Henry réfléchit un instant, puis il hausse les épaules d'un air résigné :
- Ok, va pour le gymnase du futur ... à condition que nous ayons droit à un diner gratuit au Louisa's !
- Evidemment ! Super !!! Sam, on a notre équipe !
Nous trinquons ensemble pour fêter cette nouvelle, puis Jonas se tourne vers moi. D'une voix plus basse, il me demande en plissant les yeux :
- Alors, mon Sam, comment ça se passe ? Tu as fini ton cours d'astronomie ?
Je le regarde en souriant, partagé quant à la réponse à donner... et puis je réalise que je suis face à Jonas – autant dire un agent du FBI en puissance : il vaut mieux que je sois cash – cela nous évitera des détours inutiles.
- Connor est là.
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