L'Étincelle
-"Oh s'il te plaît, je veux vraiment y aller !"
Ses grands yeux de chien affamé me fixent et je soupire longuement, résigné depuis un moment.
-"Tu m'emmerdes."
-"Yes ! Merci, merci, merci ! Tu le regretteras pas, tu verras !"
-"Ouai ouai..."
Une promesse qui, malgré ma réticence, se trouve être souvent véridique.
Ce qui n'enlève rien à ma mauvaise humeur.
Mon ami, Jimin, aime plus que tout la musique, qu'elle soit vieille, douce ou engagée, il apprécie chaque note, chaque parole à sa juste valeur.
Malheureusement pour moi, je suis sa victime favorite qu'il promène à droite à gauche, que je sois consentant ou non.
Je ne serais pas étonné de recevoir un collier assorti à sa laisse pour Noël.
Ce soir, notre établissement organise un concert où les étudiants de toutes les filières peuvent se produire.
Cela permet d'apaiser les tensions des élèves et de leurs professeurs en vue des examens qui semblent se rapprocher à une vitesse folle. Une pause grandement attendue par tous.
J'ai moi aussi attendu cette pause dont je pensais profiter au fin fond de mon lit, devant une série et un burger bien gras entre les mains. Ce qui, vous vous en doutez, n'est pas au goût de Jimin.
~
La place était noire de monde quand nous sommes arrivés, j'ai suivi mon ami/maître comme un bon chien et nous avons à peine pris le temps de commander une boisson qu'il me traînait déjà au devant de la scène.
Au moins, grâce à la centaine d'événements auxquels j'ai été traîné, c'est devenu un jeu d'enfant de se faufiler au travers de la foule. Foule que je n'apprécie que bien rarement.
-"On est pile à l'heure !" Il hurle déjà, sa joie et son sourire mange la moitié de son visage et malgré toute ma mauvaise foi, je suis toujours heureux de voir son bonheur, j'aime partager ces moments avec lui.
Mais pas avec la rousse à mes côtés. Non.
C'est le cliché type de l'hystérique qui crie plus fort que les autres avec une voix particulièrement désagréable, vous voyez de quel genre de personne je parle ?
Elle bouge tellement sans se soucier de qui que ce soit que mon verre continue de se vider sur mes chaussures au fur et à mesure qu'elle me donne des coups.
La soirée avait commencé depuis une bonne demi-heure quand j'ai fini par perdre patience, aussi vertueuse soit-elle, c'est probablement celle qui connaît les limites les plus fragiles.
C'est ainsi que je me retrouve à verser le restant de mon verre sur la tête de cette abominable rousse, heureusement pour elle, il ne restait pas grand chose.
-"Non mais ça va pas ?!" Ses yeux bleus aussi grands ouverts que sa bouche dessinent un tout aussi grand sourire sur mon visage parfaitement innocent.
-"Désolé, j'ai trébuché moi aussi." Un mensonge tellement évident qu'il fit rire les personnes autour de nous.
-"Il a un problème, put**n." Elle râle sans chercher plus loin et me bouscule, volontairement cette fois, dans un regard haineux Puis elle quitte sa place suivis par ses copines.
Peut-être aurais-je culpabilisé si mes camarades ne m'avaient pas remercié en riant.
Comme prévu, je ne regrettais pas cette soirée.
Un nouveau groupe s'est installé sur scène pendant notre bref échange, un chanteur, un batteur et un guitariste. Ils devaient déjà se connaître et partager leur passion puisque la plupart des étudiants précédents se sont produient seuls.
-"Je vais aller me chercher un autre verre."
Mon ami acquiesce vaguement et j'entreprends de traverser la foule en sens inverse. Je suis bien à la moitié de la salle lorsque les premières notes de guitare firent taire le brouhaha.
Super. J'allais louper le début à cause de cette fichu rousse.
Puis sa voix retentit. Elle vint attraper mon cœur à l'intérieur même de mon corps, faisant se dresser les poils sur mes bras. C'est comme s'il m'appelait, comme pour me dire de m'arrêter. Alors c'est ce que je fais.
C'était d'une tristesse profondément douce.
Ils sont trois sur l'estrade et pourtant je ne vois que lui, comme si sa présence, à elle seule, faisait disparaître celles de ses camarades.
Je l'ai vu il y a quelques secondes avant de partir mais je ne l'avais pas regardé. Maintenant je le regarde. Debout, devant le pied du microphone, sa beauté me saute aux yeux et sa voix, elle, elle me rend sourd.
Mes pieds avancent dans sa direction, retournant auprès Jimin. J'en ai complètement oublié ma boisson et je dois avouer que c'est le cadet de mes soucis.
Je le vois qui parcourt la salle de son regard sombre, comme à la recherche de quelque chose, de quelqu'un peut-être. Puis il s'arrête sur moi, sur ma personne, petite et insignifiante.
Je sens l'un de mes genoux me lâcher sur le coup, cet éternel traître. Je me serais bien laissé tomber assis mais je finirais piétiné à coup sûr sans pouvoir entendre entièrement le morceau.
C'est étrange, ce sentiment, je suis persuadé que c'est moi qu'il regarde, que je suis l'élu. Mais mes camarades se donnent immédiatement le plaisir de me faire retomber sur terre lorsque j'entends les filles qui m'entourent se vanter d'avoir attiré l'attention du beau chanteur.
Qu'importe, qu'il me voit ou non, moi, je le vois, lui, dans toute sa splendeur. Ses mots résonnent en moi, ils m'écrasent, m'écorchent. Je suis misérable, malade.
La femme qui a crié il y a peu me bouscule assez violemment pour me faire perdre l'équilibre et elle me sort, sans le vouloir, de ma trans. Elle est petite et s'excuse platement, n'ayant pas fait exprès.
Mon regard tombe sur mes pieds alors que je respire profondément, je crois que j'avais oublié de respirer jusqu'à maintenant. Cette fille vient peut-être de sauver une vie dans sa maladresse.
Même sans le voir, je ressens la batterie donner le rythme à mon cœur, la guitare guide les frissons sur le long mon corps et le tintement de sa voix comble chaque millimètre de mon âme.
-"...ook... Kook ? Hey ?"
Je sursaute quand la main de Jimin vient brusquement secouer mon épaule, je croise son regard préoccupé, je ne l'entends pas. Je crois même que j'avais oublié son existence.
-"Hein ?" Je dois avouer que c'est la première fois que je me sens aussi perturbé par une simple chanson. Si c'est ce que ressens mon ami à chaque fois qu'il se rend en concert alors je ne peux que comprendre qu'il y soit accro.
-"Tu pleures."
-"Ah ?" Il essuie mes yeux de ses petites mains, je ne m'en suis pas rendu compte, les larmes coulent le long de mes joues, gouttant depuis la pointe de mon menton
-"Ça va ?"
-"Oui oui, t'inquiète." Il me sourit. Il a sûrement compris que cette chanson me touche. D'un même mouvement, on se détourne pour revenir à la scène, ne voulant pas rater la fin.
Je croise immédiatement son regard, le sien, celui du chanteur. Il est dur, colérique. C'est étrange, la chanson m'apparaît pourtant si triste.
C'est terminé. Après une dernière note du guitariste, le silence n'a pas le temps de s'installer que déjà les étudiants se mettent à crier et siffler dans un tonnerre d'applaudissements.
Je comprends ce qu'ils ressentent, cette euphorie générale. Cette chanson est remplie de tellement d'émotions que nous avons besoin d'extérioriser. Jimin avait raison, il y a de grandes chances qu'ils connaissent la célébrité.
Ils saluent la foule et quittent la scène, laissant la place au prochain musicien.
Mais alors qu'ils disparaissent dans les coulisses, alors que je les vois disparaître derrière la porte, je me sens possédé. Je me mets à bousculer tous ceux qui se trouvent sur mon passage pour les suivre. Je ne peux pas le laisser disparaître, pas comme ça.
J'ai ce sentiment que si je ne le vois pas maintenant je ne le reverrai jamais. Comme un syndrome de sevrage après la prise d'une drogue.
Je cours sans faire attention, manquant de peu de tomber sur la rousse de tout à l'heure et j'entends Jimin m'appeler mais je ne me retourne pas.
Je ne met pas longtemps à rejoindre le long couloir paré de casiers en sortant de la salle et je les vois marcher au milieu de celui-ci un peu plus loin.
-"Attends !" Mon cris se répercute sur les murs de l'établissement, j'avance vers eux sans réellement savoir ce que je fais.
Les trois artistes se retournent d'un seul homme alors que j'arrive à leur hauteur mais je n'ai pas le temps de dire un mot que les deux musiciens sourient en tapotant l'épaule du chanteur, l'un après l'autre.
En silence, ils partent devant, nous laissant seuls, lui et moi. Il ne m'en faut pas beaucoup plus pour perdre toute ma confiance. Où est donc passé celui qui m'a possédé ?
-"Quoi ?" Son ton est assez sec, comme s'il était énervé. Je me ratatine sur moi-même, la tête entre les épaules dans une tentative ridicule de me dérober. Je fais tourner mes neurones à vives allures mais aucune d'elles ne répond présente.
-"J-Je..."
Il se retourne complètement vers moi, me faisant comprendre qu'il m'écoute, il n'est qu'à deux petits pas de moi et bien que nous fassions à peu près la même taille, il m'intimide, comme si j'avais affaire à un géant.
-"Est-ce que.. Enfin, je veux dire... Tu... C-Comment tu t'appelles ?"
Il ne semble pas plus étonné que ça tandis que je m'insulte de me trouver si intimidé par lui. Il me fixe longuement, jonglant d'un œil à l'autre. Peut-être cherche t-il à lire en moi ? Qu'arrive t-il à lire ? Qu'en pense t-il ? Les questions s'enchaînent dans ma tête dans une cacophonie, mes neurones ayant apparemment retrouvé la parole.
-"Taehyung. Kim Taehyung." Un léger sourire étire ses lèvres que je ne peux qu'admirer et il ajoute doucement: "Enchanté, Jeon Jungkook."
~
●Fin●
◇Spikynya ◇
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top