Chapitre 2 -Kidnapping
Le week-end et la semaine suivante filèrent au point que je n'eus pas la possibilité de réaliser que j'allais déjà être en vacances. J'avais anticipé les congés en travaillant durement pour me dégager ainsi une certaine liberté pour cette quinzaine. J'avais songé à cet inconnu malgré ma concentration excessive sur ma composition de lettres et sur celle de philosophie. Il m'arrivait de me trouver obsessionnelle dans ma façon d'aborder mes souvenirs, mais j'essayais vainement de m'expliquer le pourquoi de cette rencontre et surtout le comment de cette conversation télépathique, qui me perturbait véritablement. Rêver de lui me mettait mal à l'aise, et à mon réveil je m'asseyais sur mon lit, et posais mes mains fraîches sur mes joues roses et tièdes. Je voyais en cet inconnu un éveil sans précédent de ma curiosité. Je voulais le revoir, le croiser, lui parler, le regarder dans les yeux. Je souhaitais au plus profond de mon être me glisser dans son esprit et réaliser mon vœu : comprendre cet être que je fantasmais, que j'idéalisais comme étant spécifiquement particulier, moi la banale adolescente.
Contrairement à la semaine de cours qui venait de se terminer, les deux suivantes ne m'imposeraient aucune sonnerie matinale pour m'enjoindre à me préparer et à me rendre au lycée. Je pourrais donc me rendormir sans peine après avoir été réveillée par son image ou sa voix. C'est cette satisfaction qui m'accompagna sur le chemin me menant du lycée à mon arrêt de bus en cette fin de journée. J'étais désormais en vacances, car nos cours du samedi matin avaient été déplacés. Je terminais donc exceptionnellement à l'heure de sortie des bureaux et j'allais enfin pouvoir me reposer, comme tous les travailleurs heureux de clore une longue semaine de labeur. Je marchais d'un pas léger, évitant les flaques d'eau sale. Je fus surprise par un poids qui me poussa en avant :
-Salut toi !
La tonalité et le timbre de la voix me renseignèrent sur l'identité de celui qui me hélait ainsi.
-Salut Matt. Comment ça va ? répondis-je sereinement.
-Bien, comme à mon habitude voyons ! Je sais que je vais me répéter, mais ça te dit qu'on se voit pendant les vacances ?Un ciné ? Ou je ne sais pas ce que tu veux faire...
Son regard m'implorait. Il me trouvait à son goût, ça je l'avais bien saisi. Jamais je n'avais voulu lui faire le moindre effet, mais lui ne me lâchait pas. Au grand désespoir de plusieurs demoiselles, qui du coup ne se privaient pas d'exposer leur mécontentement à mon égard, ou une animosité qui ne jouait pas en ma faveur, particulièrement dans les vestiaires du gymnase.
-Écoute, je dois voir avec mes parents ce qu'ils ont prévu, je t'avouerais que je n'ai pas le planning de la famille en tête...Je me demande si ma mère ne voudra pas qu'on aille chez ma tante...
Ses yeux bleus se plissèrent comme pour discerner le vrai du faux dans mes propos. Il était vrai que ce garçon était charmant, gentil,sans défaut dans son apparence physique. J'aimais ses traits, son odeur évoquait un bonbon sucré qu'on avait envie de manger et son sourire vous faisait fondre de l'intérieur. Néanmoins je ne pouvais céder à son charme, car je n'avais aucun ressenti précis à son encontre. Il passa son bras par dessus mon épaule, et me colla contre lui. Je me laissai faire. Il allait une fois n'est pas coutume m'accompagner jusqu'à mon arrêt. Je voyais certaines filles du lycée se retourner et parler sur nous. Tout ce qui leur manquait c'était de la discrétion. Même si je me sentais épiée et par conséquent loin de mon univers peinard, lui par contre était tout à fait dans son élément. Lorsque nous arrivâmes sur la place où la plupart des arrêts se trouvaient, il consulta la borne indiquant le temps d'attente restant avant l'arrivée de tel ou tel bus. Le mien figurait dans le bas de la liste. Je devais patienter un long moment avant de pouvoir être libérée de ce garçon. Il était déplaisant pour moi de compter les secondes interminables que j'allais devoir tenir dans ses bras. Cette étreinte devenait de plus en plus insupportable. Il rapprocha ses lèvres de mon visage pour me glisser doucement des propos plus qu'explicites.
- Tu sais que je t'apprécie beaucoup...beaucoup...
Pas moi. Lâche moi...Tu ne vois pas que tu me colles trop ? J'ai besoin de mon espace vital. Allez laisse moi !!!!
-Pendant les vacances nous pourrions passer un peu de temps ensemble...Je viendrai te chercher si tu veux ! Et puis j'aurai pas mal de choses à te dire...
Pas moi. Je veux juste ma solitude comme compagne, pas toi.
-Matt. Si tu as quoi que ce soit à m'avouer c'est maintenant, mais n'attends pas un rendez-vous qui n'aura pas lieu, lui dis-je sèchement.
Je le sentis se raidir. J'avais visé juste. Il voulait me faire le coup de la grande déclaration... J'espérais que mes réponses le dissuaderaient. Eh bien non.
-D'accord. Voilà...Je ...J'aimerais être plus souvent avec toi parce que...
Je ne l'écoutais plus. Je suppliais intérieurement une aide pour être sauvée de ce qui allait suivre. Même si je le trouvais sympathique en tant qu'ami, jamais il n'aurait été plus que cela. Malgré tout, lorsqu'une personne vous sert son cœur sur un plateau,l'évidence est de le préserver et non de le transformer en bouillie. L'exercice est loin d'être simple, et j'appréhendais la fin de son discours qui annoncerait le début de mon improvisation ratée.
Comment faire pour me sortir de ce mauvais pas ? Pitié, sortez-moi de là ! Mais qu'est-ce que je vais lui dire, bon sang...Et il me tient les bras fermement avec ses mains...Je ne peux même pas m'enfuir en courant jusqu'au prochain arrêt...Je vais mourir sur place....
J'étais excédée. Quand on fait part de ses sentiments on prend un risque,en revanche si les incertitudes quant à la réception du message sont source de stress, il est rarement noté l'angoisse créée en face de soi. La réponse nécessite autant de soin, si ce n'est plus que la déclaration. De sa formulation dépendra la guérison de l'être blessé. C'est pourquoi avouer qu'on aime une personne est un acte relativement égoïste en soi. Je sentais la fin de la déclaration arriver sous peu, et je paniquais de plus en plus.
Veux-tu que j'intervienne ?
Et voilà que je l'entendais à nouveau, le fruit de mon obsession. Maintenant il causait avec moi dans ma tête. Je me mis à rire intérieurement. Je me disais que j'étais en train de devenir totalement folle. Je répondis à cette voix intérieure que toute aide était la bienvenue, si tant était qu'elle fût réelle et non une hallucination auditive.
Quel fût mon étonnement lorsqu'on me tira en arrière, me dégageant de l'emprise physique de mon camarade qui gardait la bouche grande ouverte sans même tenter de me rattraper.
- Tu es en retard. Viens avec moi.
Il me tira à lui, serra ma main dans la sienne en m'entraînant au loin. Matt n'avait toujours pas fermé la bouche et il nous pointait du doigt, comme si un kidnapping venait de se dérouler sous ses yeux.
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