Chapitre 13 - Cauchemar
Angelina vivait dans un pavillon relativement grand. La maison disposait d'un agréable jardin bien décoré, éclairé par des bornes électriques design.
Les arbustes qui décoraient l'allée en gravillons blancs avaient été taillés pour former des cônes décoratifs. Une piscine se trouvait sur le côté de la terrasse en bois. Elle était couverte d'une bâche et entourée d'un système de sécurité anti-noyade.
Nous montions les marches nous permettant de rejoindre la porte d'entrée moderne, là où nous attendait un camarade de Naël qui nous avait ouvert. Les marches en pierres claires formaient un prolongement des gravillons blancs et renforçaient l'impression d'unité recherchée par les propriétaires.
En entrant nous nous retrouvâmes directement dans le salon-salle à manger, avec la cuisine ouverte dans un angle, non loin de la baie vitrée donnant sur la piscine. La grande table de la salle à manger était couverte de plats, de paquets de chips et de boissons. Au vu de l'espace de vie, on devinait facilement que plusieurs chambres devaient composer la maison.
Naël demanda où se trouvaient les autres ; on nous expliqua que la fête se déroulait au sous-sol. On nous invita à poser nos vestes et nos sacs dans une chambre. Le monstre de Frankenstein, habituellement prénommé Eloi, nous précéda dans la cage d'escalier menant à la soirée. Tia et Naël le suivaient de près, quant à moi je tentais tant bien que mal de descendre les marches sans me casser la figure car l'amplitude de ma robe ne me laissait guère libre de mes mouvements.
Une multitude de monstres, de vampires, côtoyaient des gens déguisés en personnages historiques, de films, de mangas et même de jeux vidéos. Il faisait sombre malgré les lumières multicolores qui se balançaient dans tous les coins de la pièce.
C'était sûrement le garage. Il était immense et avait été très bien réagencé pour l'anniversaire. Une table se trouvait à l'opposé des escaliers, sur laquelle on pouvait se servir de quoi manger et boire. De chaque côté, des canapés,des chaises, des fauteuils, des poufs étaient occupés par des personnes fatiguées de danser ou en pleine conversation, un verre à la main. Quelques sièges inoccupés attestaient de l'animation au milieu de la scène : ça dansait, chantait, se tortillait, en rythme avec la musique endiablée.
Angelina qui se mouvait, au centre de toutes les attentions, nous lança un regard et fit un signe à Naël pour lui faire comprendre sa joie de le voir. Le voir lui, cela allait de soi.
Tia me pinça le bras :
- Bon, on t'laisse, dt'façon on sait qu't'aime pas danser, nous on s'y jette ! J'suis trop happy, c'est top classe ce lieu ! Si tu veux danser, t'sais où m'trouver hein !
Et ils m'abandonnèrent près de la sono qui hurlait. Je ne savais pas quoi faire, j'étais très mal à l'aise. J'avais accompagné ces deux-là car on me l'avait demandé. Je n'étais pas du tout dans mon élément. Il fallait que je me serve à boire et que j'aille me planquer dans un coin jusqu'à la fin de la soirée. Soudain, j'entendis une voix masculine dans mon oreille :
- Comment va ma petite amie depuis cet après-midi ?
Je me retournais, surprise. Victor se tenait là, dans une tenue magnifique. Il portait un costume dans un style steampunk. Il était entièrement assorti à sa couleur de cheveux et la finition de sa veste rendait l'ensemble réel, comme si Sherlock Holmes dans une version industrielle moderne avait traversé le temps pour nous rejoindre.
- Wow ton costume est à tomber par terre !
Je devais hurler pour me faire entendre. Il me sourit.
- Le tien est excellent également ! Je m'attendais à te voir en version sexy de la reine des démons et voilà que je me retrouve avec une version très attirante de Rose dans Titanic.
- J'ai effectivement changé mes plans quand j'ai vu l'affreux résultat de ma combinaison maudite. Je ne savais pas que tu venais ce soir !
Il s'appuyait sur la table de la sono et riait aux éclats. Je ne comprenais pas pourquoi il riait comme ça.
- Sais-tu au moins qui je suis ? me glissa-t-il dans mon oreille.
Je peinais à le regarder en face tellement son visage était proche du mien. Intimidée, je fis un petit « non » de la tête. Il planta son regard dans le mien et répondit à la question. La musique couvrait sa réponse, mais je pus lire sur ses lèvres. J'écarquillais les yeux. Je n'y croyais pas. Le frère d'Angelina. Incroyable. Comment ce garçon sympathique pouvait-il être de la même famille que cette garce ?
Une douce mélodie envahissait désormais l'espace de la fête. Victor me prit par la main et m'emmena sur la piste. Il me colla à lui et se mit à m'emporter sur le doux rythme de la musique. Une version adoucie d'une célèbre chanson. Une belle version acoustique. En observant furtivement autour de moi la façon dont les autres dansaient, j'en déduisis qu'il fallait poser mes mains sur ses épaules. En le faisant il en profita pour me serrer plus fort contre lui. Mon front se cala de fait contre son torse. Il colla sa joue contre la mienne. Il me susurra :
- Ne fais pas attention aux autres et suis mes pas. Fais moi confiance.
- D'acc... d'accord.
Mon cœur battait la chamade et je ne savais pas pourquoi. J'étais comme transportée ailleurs. Je sentais son odeur, une déferlante boisée rassurante. Il me caressa les cheveux. Son souffle retentissait dans le creux de mon oreille. Nos joues en contact chauffaient, comme s'il faisait trop chaud dans la pièce.
- J'aimerais bien savoir pourquoi il a fallu que je joue au petit ami cet après-midi, d'autant que nous allons devoir continuer à démontrer nos talents d'acteurs ce soir...
Sa voix me berçait, nous étions dans une bulle, voletant au gré des notes qui résonnaient fortement.
- Les raisons... Je ne peux pas en parler. Pourquoi continuer à prétendre être ensemble ?
Il nous fit tourner et me montra Matt, assis sur un canapé, nous fixant, le regard rempli de rage. Je sursautais.
- Je ne vais jamais réussir à être crédible pendant des heures... paniquais-je.
- Je suis là, rassures-toi.
Je n'eus pas le temps de réagir que Victor m'embrassa devant tout le monde. A la fin de la chanson, il me libéra, m'attrapa la main sans me lâcher des yeux et me tira vers les tables de victuailles.
Je ne savais pas ce que je devais faire, dire, donc j'optais pour la solution passive qui consistait à suivre le mouvement, tout simplement. Autour de nous beaucoup de nos camarades chuchotaient et certaines filles me pointaient du doigt. Clairement nous étions l'objet des discussions. A vrai dire Victor était loin d'être laid, qui plus est il devait être en université donc potentiellement attractif pour les filles de notre promotion. Angelina se rapprocha de nous :
- En voilà une nouvelle, je n'étais pas au courant !
- Ma chère sœur, lança sarcastiquement Victor, tu devrais être heureuse que je sois présent et déguisé pour ton anniversaire. J'ai tenu ma promesse comme tu peux le voir, donc pas besoin d'en rajouter.
- Mon cher frère, répliqua-t-elle, si j'avais su que tu avais une réelle bonne raison d'accepter ma demande j'aurais été moins étonnée. Pour être honnête je pensais te présenter à une de mes amies qui avait un crush...
Je compris en croisant son regard qu'elle était très énervée contre moi. Elle poursuivit :
- Cela me met encore plus mal parce que mon meilleur ami est là lui aussi...
- Et en quoi cela concerne-t-il ton meilleur ami ? rétorqua Victor.
En cet instant je sentis les ondes négatives s'approcher. J'avais un étrange mauvais pressentiment. Je n'avais pas tort, il se manifesta en la personne de Landry qui apparu aux côtés de la sorcière Angelina. Victor et lui se toisaient. Instinctivement je serrais la main de Victor, comme pour me protéger. Il se posta en avant, pour me cacher partiellement derrière lui. Landry m'avait tout de même repérée, ce qui de toute façon était évident puisque la raison de cette discussion était le baiser que Victor m'avait donné au milieu de la piste de manière inattendue et devant tout le monde. Il s'adressa à moi, ce qui me fit une drôle d'impression puisque nous ne nous étions pas adressé la parole depuis des mois maintenant.
- Eh bien qui vois-je ? Tu es magnifique dans ce costume. On dirait que ça va bien pour toi... ?
- Salut Landry, merci. Ton costume de Beetlejuice n'est pas mal non plus. Toi aussi ça a l'air d'aller.
- Nous devrions prendre le temps de parler un peu ensemble, histoire de se mettre à jour, nan ? dit-il l'air de rien.
Victor se mêla de la conversation :
- Je ne suis pas pour que l'ex de ma copine passe du temps en privé avec elle, ce que tu peux aisément intégrer, n'est-ce pas ?
Landry étouffa un rire, Angelina pouffa et le tira vers la piste. Victor attendit de les voir rejoindre les danseurs pour me tendre un verre.
- Tiens, prends ce verre. Je sais pas si tu aimeras, j'ai fait un cocktail de jus d'airelle et de limonade.
- Jus de... quoi ? Comment tu savais que c'était mon ex ?
- Bois et tais-toi.
Je bu d'une traite la boisson. Je me sentais en sécurité avec Victor. Je pensais à Aodren et j'étais troublée. Je n'avais pas choisi d'embrasser Victor. J'étais perturbée par ce baiser que je répétais dans ma tête. C'est quand je réalisais que nous nous tenions toujours la main que la lumière s'éteignit. Naël, Adrian et Matt tenaient un énorme gâteau avec pleins de bougies et de fontaines lumineuses.
Victor avait été surpris que j'ôte ma main de la sienne et il me dévisageait, comme pour décoder ce qui se tramait dans mon cerveau. Je lui désignais la distribution des cadeaux qui suivait le traditionnel chant d'anniversaire. Angelina gloussait à chaque paquet cadeau et hurla en découvrant le nôtre. Tout le monde prenait des photos, riait et s'amusait. Le gâteau fut découpé et distribué. Des garçons versèrent de l'alcool dans des verres qu'ils tendaient aux convives pour trinquer ensemble.
L'heure de la beuverie était arrivée.
Victor resta auprès de moi toute la soirée, à bavarder ou à me forcer à danser. J'avais bu quelques verres, ce qui m'avait détendue et permis de danser sans complexe. Je passais une soirée bien plus amusante que prévu. Une chanson entraînante me donna envie moi aussi de me jeter dans le groupe et de sauter dans tous les coins.
Cotton Eye Joe est le genre de musique qui vous fait croiser tout le monde. On passe de bras à d'autres. J'avais commencé par Tia, Victor puis Naël avant d'enchaîner avec d'autres amis. J'avais même croisé Matt qui rigolait et cela m'avait fait plaisir de retrouver un lien plus amical avec lui, bien que l'alcool ne devait pas y être pour rien. En arrivant vers Landry, celui-ci m'entraîna hors de la piste. Il devait brailler pour se faire comprendre :
- Écoute, brisons la glace et mettons le passé de côté. On se boit un verre de l'amitié ?
Il me proposa un verre.
- C'est quoi dedans ? J'ai déjà bu pas mal j'ai pas envie de finir la nuit dans la cuvette...
- Un cocktail de l'amitié, allez... C'est doux et sucré, litchi orange fraise !
Je pris le verre et le bu cul-sec. Il saisit mon bras et me fit valser sur le rythme. Le violon faisait dodeliner les idées dans mon esprit. Les images tournaient et étaient trop rapides pour que mon regard se pose et les traite normalement. Tourner me donnait envie de vomir.
J'empoignais le bras de Landry, qui m'emmena à l'écart sans explications. Il avait dû saisir que je me sentais mal. Ce devait être le verre de trop. Je ne savais plus vraiment ce que je faisais et je me sentais totalement dépendante de lui. Il me semblait que nous montions les marches. J'entendis le bruit d'une porte qui s'ouvrait puis se fermait. Le son de la musique était étouffé. Je m'affalais sur le lit. Nous étions dans une chambre.
- Landry, tu peux aller chercher Tia pour moi s'il te plaît ? Je pense que je vais rentrer...
- Oh non, je ne crois pas. Tu me dois quelque chose, tu le sais bien. Et puis, je suis curieux de voir ce qu'il y a en dessous de cette robe... Portes-tu vraiment un corset ?
Il commençait à soulever ma robe. Je tentais de le repousser du mieux que je le pouvais avec le peu d'énergie et de conscience que j'avais. Je lui signifiais clairement que je ne voulais pas, mais ses mains baissèrent ma culotte. Il releva ma robe et m'écrasa de son poids. J'essayais vainement de l'éloigner et au moment où j'allais crier il m'embrassa puis mit sa main sur ma bouche pour me faire taire.
- Chuuut... Tu verras tout ira bien, hein ?
J'ouvris les yeux en grand. Quand je le sentis en moi, les larmes montèrent en même temps que la douleur. Je me mis à pleurer et à me débattre, encore plus quand je compris que lui prenait du plaisir à me faire souffrir. Je pensais à m'enfuir mais je n'étais plus capable de me libérer. Je réfléchissais pour me sortir de cet enfer, mais chaque mouvement de jambe se terminait par des coups qui amplifiaient la douleur. Quand il eût fini, il me jeta au sol et se pencha sur moi :
- Ben tu vois, c'est moi ton premier, je te l'avais dit. Maintenant, si tu ouvres ta gueule, je te redéfonce et je défonce ta copine, c'est clair ?
Il sortit, satisfait. J'étais détruite. J'éclatais en sanglots alors que je me rhabillais. J'avais le sentiment d'être au bout de ma vie. Je me blottis par terre dans un angle de cette chambre maudite. Je m'endormis en pleurant.
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