Chapitre 2
LA VIELLE CABANE A OUTILS était plongée dans un noir complet, et les quelques rayons nacrés qui s'infiltraient de tous côtés s'effaçaient presque aussitôt dans la brume ténébreuse de la pièce. Oscar s'avança à tâtons, et finit par repérer au bout de quelque secondes, un petit interrupteur recouvert de lichen.
La lumière grésilla, et un pâle halo doré glissa sur les parois, dévoilant devant leurs yeux éblouit un bien curieux tableau : c'était une pièce étroite et sombre, où s'entassaient un capharnaüm insolite de pelles, de pioches, de couteaux, mais aussi d'un grand miroir plat, deux lampes à huiles fissurées par le gel, des couvertures miteuses, un manteau effiloché... Et pourtant, ainsi entremêlés, ces archaïques outils semblaient en harmonie : tout avait sa place, et participait à l'équilibre fébrile de cet entrepôt délaissé.
Lorsqu'ils commencèrent à dégager l'espace, Terrence reconnut, étouffé par l'acidité de la poussière, le parfum familier du bois froid et de la sciure poussiéreuse qui planait dans toute la pièce. Mais après avoir extirpé une immense toile d'araignée du plafond, tiré quelques cartons et entassé un bouquet de pelles au fond du placard, la vétuste cabane paraissait déjà un peu plus chaleureuse.
Ils déroulèrent alors une longue couverture à carreaux bleus sur le sol et y déposèrent délicatement le loup agonisant. De longues balafres rouges recouvraient ses flancs, un morceau de chair manquait à son oreille droite et l'une de ses pattes frêles prenait un angle inquiétant. Terrence grimaça, ce n'était pas beau à voir.
Son père s'empressa de désinfecter chaque plaie une par une, puis de les panser délicatement avec de larges bandes de tissu blanc. Aussitôt appliquées, elles se couvraient de tâches sombres, mais le vieil homme continua, les nouant avec application et une grande dextérité.
Terrence aurait bien voulu rester près de son père, mais la vue de tout ce sang le mettait mal à l'aise, alors il sortit et s'éloigna discrètement.
Terrence rejoignit un petit ruisseau, qui courait à quelques dizaines de mètres de la maison. C'était un véritable coin de paradis, où s'entremêlaient des buissons de menthe verte, de thym et autres plantes aromatiques. Un peu plus loin, quelques géraniums sauvages faisaient rosir les fourrés maquillés d'un camaïeu de verts. Enfin, pour sublimer cet idyllique tableau, la voix cristalline de l'eau sur les galets s'accordait au chant des oiseaux et aux doux murmures des feuillages bercés par le vent.
Il venait souvent ici, été comme hiver, lorsqu'il avait besoin d'un peu de tranquillité. Son père l'avait bien compris, et s'il le savait en ces lieux, il ne venait jamais le déranger.
Le jeune homme s'installa sur une large souche recouverte de mousse, plongea sa main dans la poche de sa veste, et en sorti un petit couteau argenté. Il extirpa des hautes herbes un tronçon de bois recouvert de lichen, et commença à l'écorcer avec application.
- Un loup... marmonna-t-il, et puis quoi encore ?
La lame s'enfonçait avec souplesse dans la chair blanche, laissant sur son passage de longues trainées d'écume qui s'effritaient dans le vent.
- C'est vrai qu'il fait pitié dans cet état, mais dès qu'il sera rétabli, comment on fera, hein ?
Ses mouvements se faisaient plus brusques, le couteau tranchait le bois à un rythme saccadé. Les copeaux se déposaient un à un sur le sol, formant comme un manteau de neige estivale.
- Mais en même temps, il n'a pas tort, on allait pas le laisser crever non plus...
Terrence laissa échapper un rire narquois, puis se leva brusquement, en lançant derrière lui le morceau de bois, lentement transformé par la lame de son couteau. La petite sculpture roula entre les roseaux, et s'arrêta finalement quelques pas plus bas sur un tas de brindilles sèches. C'était un loup, majestueusement couché sur le flanc, le museau enfouit entre les pattes.
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