Un thé dans le Wiltshire
Promener à Hastings fit du bien à Eris, surtout réconfortée par la présence de Drago à ses côtés. En cette fin de matinée d'hivers, la mer était agitée en écho aux nuages couleur de plomb qui obscurcissaient le ciel. Un vrai temps à tempête.
Cependant sa marche le long de la plage ne lui apporta pas la réponse qu'elle espérait. Cette mer déchaînée qu'elle avait entendue dans son rêve n'avait rien à voir avec les grosses vagues qui léchaient à présent les galets de la plage.
C'était bien un tout autre son qu'elle avait entendu, un bruit d'ouragan et une sensation de froid qui n'avaient strictement rien à voir avec la plage d'Hastings, même par ce temps.
Drago avait beau soutenir que Joy n'aurait pas pu lui transmettre ainsi un souvenir d'Azkaban, Eris ne voyait aucune autre explication plausible.
L'heure du repas arrivant, ils prirent le funiculaire pour monter sur une des collines qui surplombaient la ville et la plage, profitant ainsi de la vue sur la mer et de l'immensité froide à perte de vue. Tout en contemplant l'horizon, ils grignotaient un sandwich acheté dans un snack de la ville. Eris avait accompagné le sien d'un verre de café au lait brûlant qui lui fit du bien avec le froid mordant.
D'aussi loin qu'elle pouvait se souvenir, cette colline face à la mer avait toujours été un lieu de promenade privilégié avec sa famille. Même au temps où sa mère vivait encore, ils y venaient souvent et elle adorait courir derrière les goélands, dont elle n'avait jamais eu peur malgré leur statut de nuisibles.
D'ailleurs, la dernière photo qu'elle possédait de sa mère avait été prise sur cette colline.
Soudain mélancolique, elle la sortit de son porte-feuille et la contempla un moment.
Elle et sa mère faisaient face au soleil et les buissons de la colline se trouvaient dans leur dos, aussi leurs visages souriants étaient éclairés par la lueur mordorée d'un fin d'après-midi ensoleillée. On devinait également Lucius et Narcissa un peu plus loin et le bras de Drago faisait l'angle à droite.
Sur cette photo, Hortense Malefoy était déjà très affaiblie par la maladie, Eris s'en rendait pleinement compte à présent. Pourtant son visage pâle et un cerné rayonnait d'un sourire plein d'amour tandis qu'elle serrait une version miniature d'Eris dans ses bras.
- Tu étais vraiment mignonne petite, lui dit doucement Drago qui observait également la photographie où la fillette souriait à l'objectif tout en agitant les mains en direction de celui qui avait pris la photo : son père en l'occurrence.
Eris, la gorge nouée, ne répondit pas. Elle se souvenait bien de cette dernière promenade et les souvenirs se teintaient d'amertume à présent. C'était en février 1994, alors qu'elle avait un peu plus de trois ans et, ce jour-là, il avait fait beau toute l'après-midi, doux même. Ses cheveux déjà très bruns étaient encore bouclés et moutonnaient autour de son visage, bien plus courts que dans les années suivantes.
Eris se sentait presque jalouse à présent qu'elle regardait cette photographie : la petite fille ne savait pas encore tout ce qu'elle allait endurer et se contentait de profiter de l'instant avec une totale insouciance.
Hortense Malefoy était décédée une dizaine de jours après cette dernière promenade, laissant subitement Eris toute seule sans le moindre avertissement. A ce souvenir et à celui des années de tristesse et de solitude qui avaient suivi, la jeune fille frissonna et sa poitrine se serra. À présent le froid s'insinuait carrément dans son corps et elle se sentait glacée. Elle contempla le reste de sandwich qu'elle n'avait à présent plus du tout envie de manger :
- Peut-on aller chez tes parents ? Murmura t-elle à Drago tout en rangeant précipitamment la photographie, craignant de pleurer.
- Bien-sûr, répondit celui-ci.
Il lui offrit le bras et ils transplannèrent après qu'elle eut jeté le reste de son repas et retrouvé contenance.
Lorsqu'ils atterrirent devant le manoir dans lequel Eris n'avait plus mis les pieds depuis maintenant quelques années, Lucius et Narcissa Malefoy les attendaient déjà sur le perron. C'était comme s'ils avaient deviné qu'ils arriveraient tôt.
Narcissa l'accueillit avec un sourire crispé mais Lucius avait bien meilleure mine et multipliait les marques d'attention, c'était véritablement écœurant.
Fidèle à son rôle de jeune première un peu ingénue, Eris y répondit cependant avec l'air le plus innocent du monde. Elle n'avait pas le choix de toute manière si elle voulait mettre son oncle suffisamment en confiance pour lui tirer les vers du nez.
Et il était capital qu'elle les lui tire ! Même si pour l'instant elle devait lui affirmer pour la cinquième fois en dix minutes et le plus poliment possible que, non, elle ne souhaitait pas venir s'installer ici.
Aussi, après le thé et les courtoisies d'usage, elle s'adressa à Lucius d'une voix faussement épouvantée :
- J'ai entendu tout un tas de choses effroyables sur cette matinée, mon oncle. Et vous ne m'avez pas caché l'autre jour que vous vous étiez mis dans une immense colère et que vous le regrettiez profondément. Mais que s'est-il passé exactement ?
- Vous êtes donc venue pour cela ma nièce, répondit-il d'une voix onctueuse où perçait cependant comme une pointe d'amertume.
Eris sentit le danger et répliqua avec franchise :
- Oui, dit-elle. J'ai besoin de savoir. L'état de choc dans lequel nous nous trouvions lors de notre dernière rencontre ne pouvait permettre une explication pourtant nécessaire. Et je ne peux supporter d'être plus longtemps dans le flou...
Comme il lui renvoyait un regard indécis, hésitant visiblement à faire des confidences à l'adolescente qu'elle était, Eris choisit de faire appel à ses sentiments :
- Je sais que la scène entre vous et grand-mère Nephtis a été d'une rare violence, il n'est pas la peine de le cacher puisque Jaody, sur mon ordre, me l'a racontée. Et je devrais sans doute vous blâmer puisque, même si vous ne pouviez le savoir, c'était la dernière fois que vous la voyiez vivante. Mais je veux entendre votre récit car je pense qu'elle n'aurait jamais voulu que les choses en restent là.
- Une curiosité bien malsaine, lui répliqua t-il d'une voix acide.
- Bien placée, au contraire, répondit Eris. La colère n'est pas une émotion anodine et la vôtre n'était sans doute pas dénuée de fondements. Mais, votre point de vue et votre récit des événements, il n'y a que vous qui puissiez me le livrer. Et en temps qu'héritière de la famille Malefoy, je dois savoir.
Lucius tiqua, mais répondit cependant :
- Que voulez-vous savoir ma chère Eris ?
- Comment en êtes-vous arrivé à une telle scène, puisqu'elle vous accable actuellement, pourquoi... En somme, ce qui s'est passé ce matin-là.
- C'est donc un interrogatoire ?
Eris ne se laissa pas déstabiliser et répliqua avec le plus grand calme :
- C'est une explication parfaitement cordiale entre membres d'une même famille. Je suis l'héritière de notre branche cadette, pas un auror de la Justice magique. Que vous soyez suspect m'importe peu et, à vrai dire, je n'y crois pas une seule seconde.
C'était faux mais Lucius se détendit imperceptiblement et commença son récit :
- Vous savez Eris que, si je suis suspect, c'est pour m'être disputé avec ma mère quelques minutes seulement avant qu'elle ne sorte et soit assassinée.
- Cela je le sais très bien, oui. Mais comment en êtes-vous arrivé là ? Votre visite était imprévue de ce que je sais... Le petit Marcus m'a dit que vous aviez parlé du manoir... Et de cet avocat venu plus tôt dans la matinée.
- C'est parfaitement vrai, répondit son oncle chez qui la mention de Marcus avait provoqué une crispation assez brusque de la mâchoire. Notre dispute avait pour objet les biens de la famille, leur gestion et leur usage.
- Et l'avocat qu'elle recevait est celui qui vous a défendus tous les deux il y a sept ans, Drago m'a dit que vous avez toute confiance en lui.
- Exact également, et j'étais parfaitement au courant qu'elle le recevait puisqu'il s'assurait d'achever le partage des biens entre les deux branches aînée et cadette.
Il ajouta sur un ton où le mécontentement perçait et Eris eut la certitude que cela était parfaitement délibéré :
- Comme vous le savez à présent, Drago va se marier dans quelques mois et les contrats de mariage exigent que les possessions de chacun soient claires.
- Je comprends parfaitement, répondit Eris en se gardant bien d'ajouter qu'elle était au courant avant lui des fréquentations de Drago. C'est donc ce partage qui vous a mis en désaccord ?
Lucius la regarda avec indignation mais répondit calmement :
- Rien de cela, non ! Le partage était déjà parfaitement établi depuis que mon père Abraxas l'avait décidé. Si la dragoncelle ne l'avait pas emporté prématurément et si je n'avais pas été incarcéré à ce moment-là, cela aurait d'ailleurs été fini.
- D'accord, mais alors quel lien entre cela et votre altercation ?
Ainsi il niait toute vue sur l'héritage de la branche cadette, la question restait à creuser :
- Je vais vous l'expliquer, répondit Lucius. Son entretien avec Ernan Cirventès était prévu de longue date et devait achever le partage. Mais ce matin-là, alors qu'il effectuait quelques vérifications légales avant de parachever le contrat, il a relevé des incohérences assez inquiétantes qu'il a aussitôt signalées à Nephtis. Une différence dans le capital financier m'a t-il dit et cela semblait indiquer que quelqu'un se servait dans les caisses. Votre grand-mère lui a répondu que c'était normal et comme il lui faisait remarquer que la démarche était douteuse sur le plan légal, elle l'a congédié et rompu son contrat.
- Il vous a donc aussitôt alerté, devina Eris.
- Évidemment, car la situation était très grave. Non seulement Drago courrait le risque de voir ses projets retardés mais, en plus, il avait repéré des traces de malversation dans la fortune familiale.
Eris évita soigneusement de répondre que cela ne devait pas être la première fois et se contenta de demander d'une voix effrayée :
- Des malversations... à quelle hauteur ?
- De l'ordre d'un millier de gallions répondit Lucius. C'est énorme... Le prix d'une boutique comme celle où travaille votre belle-mère... Sachant qu'elle en a acheté des parts il y a quelques années avec de l'argent d'origine inconnue, vous comprenez l'inquiétude qui m'a saisi...
- Oui en effet, d'où votre visite imprévue.
- Exact. Je me suis précipité au manoir pour parler à ma mère et c'est là que je l'ai trouvée en train de raconter à Severus Rogue ce qui venait de se passer entre cette Joy Adrian et Seamus Finnigan. Vous savez que c'était un camarade d'année de Drago d'ailleurs, un griffondor qui a plus d'une fois tourné sa veste. Aussi, mon sang n'a fait qu'un tour quand j'ai appris qu'il s'était introduit dans le manoir et fricotait avec une mineure.
- Marcus m'a dit que vous êtes entré en fureur, oui.
- Je ne nie pas, répondit Lucius. Et en même temps il ne me semble pas que la chose était injustifiée. Mais c'est vrai que le gamin a du prendre peur car il est sorti très vite.
Lucius hésita un instant avant de lui demander soudain :
- Pourrais-je vous tutoyer ? Vous êtes la seule personne de la famille que je vouvoie encore.
- Si je n'avais craint d'être impolie, répondit Eris qui se demandait d'où venait ce soudain revirement. Je vous l'aurais déjà proposé.
- Je m'en réjouis, dit Lucius en souriant. Après tout tu es ma nièce chérie même si ces dernières années ne nous ont pas réunis autant que nous le souhaitions. Et même si ta grand-mère n'a pas menti en disant que tu devenais une vraie dame, j'avoue que l'adorable fillette de mes souvenirs est encore très présente en toi.
C'était donc une remise en place déguisée en compliment. Eris dut se faire violence pour garder une contenance crédible et feignit d'être flattée avec un sourire pudique :
- Merci mon oncle, murmura t-elle. Que s'est-il passé ensuite ?
- J'ai voulu discuter avec ma mère de ce qui s'était passé avec l'avocat, mais elle m'a dit qu'elle avait autre chose à faire... Impossible d'avoir le moindre échange avec elle et d'installer la moindre discussion. Je me suis heurté à un véritable mur.
- Et Severus ? Demanda Eris intriguée.
- Oh lui ? Il a disparu comme son fils, dès les premiers éclats de voix. « Par correction » a t-il osé me rétorquer lorsque nous nous sommes confrontés hier midi.
Lucius avait prononcé ces dernier mots en élevant sensiblement la voix et avait, instinctivement, carré les épaules. Narcissa observait d'un air inquiet son visage qui s'empourprait sous l'effet de la colère :
- Comment en êtes-vous arrivés à monter dans la chambre de Joy ? Murmura Eris avec le plus de douceur possible.
- Paradoxalement, répliqua t-il presque sèchement. C'est parce que nous avons réussi à nous calmer.
- C'est-à dire ?
Elle était véritablement étonnée, Lucius passa la main dans ses cheveux, comme par lassitude, et poursuivit :
- Au bout d'un moment, j'ai compris que je ne gagnerais rien à tenter une discussion pour laquelle ma mère n'était pas prête. J'ai changé de sujet car je commençais sérieusement à m'inquiéter pour elle. Je lui ai demandé de me raconter sa version des événements de la nuit et cela a permis de faire redescendre la pression. Elle s'accordait avec moi sur le fait que la chose était grave, alors nous sommes montés voir Joy... Qui m'a très mal reçu.
Eris s'abstint du lui rétorquer que cela n'était pas étonnant, s'il était vraiment entré en disant : « Voilà donc la garce du jour ». Au lieu de ça, elle se contenta de lui demander avec naïveté :
- Elle ne voulait pas non plus discuter ?
- Pour ça non, j'ai essayé de lui faire un peu pression... C'était très louche comme attitude. J'aurais parié qu'elle tramait un truc alors j'ai fini par pénétrer dans son esprit... C'est comme ça que j'ai découvert où se cachait Finnigan.
- J'ai cru comprendre que grand-mère avait vivement réagi lorsque vous avez soumis Joy à la legilimencie.
- C'est le moins qu'on puisse dire en effet. Nous nous sommes retrouvés face à face, baguette brandie l'une en direction de l'autre. Si cela avait été n'importe qui d'autre, ce serait parti en duel.
Eris ne répondit rien et se contenta de le fixer avec une implacable insistance. Ce duel de regards dura presque une minute avant que le quinquagénaire ne cède en soupirant :
- Vous ne lâcherez pas l'affaire comme ça, non ?
Comme elle lui renvoyait un regard déterminé, en notant mentalement qu'il était repassé au vouvoiement, il poursuivit, s'attirant un regard alarmé de Narcissa :
- En cet instant, vous me rappelez votre mère à un point difficilement imaginable. C'était aussi une femme d'une très rare détermination... Opiniâtre même.
Comme Narcissa ouvrait la bouche, horrifiée par ses paroles, et qu'Eris songeait que c'était bien la première fois qu'elle entendait parler de sa mère comme de quelqu'un d'opiniâtre, il fit une pause avant de poursuivre :
- J'avoue. J'ai traité ma mère et les parents de Marcus d'irresponsables, tout simplement parce que cette Joy était mineure et que je n'osais pas imaginer quelle était l'éducation de ma propre nièce dans ce milieu. D'ailleurs cela m'inquiète toujours. J'ai également annoncé que je collerais un procès à Finnigan.
- Ainsi qu'à Severus Rogue et Gilda Marty, compléta Eris.
- Oui, répondit-il franchement. Pour détournement et abus de faiblesse.
- Et-là, comment a réagit grand-mère ?
- Elle a rétorqué que, dans ce cas, je devrais la compter comme mon adversaire. J'avoue avoir pris la chose particulièrement mal, avoir hurlé qu'elle jetait aux vautours notre patrimoine, qu'elle était sénile et se laissait abuser et que j'allais la faire mettre sous tutelle. Mais j'étais complètement hors de moi et la perspective que notre héritage ait été détourné pour financer les projets de...
- Êtes-vous sûr que cela soit vrai ? Murmura doucement Eris.
- Ernan Cirventès était formel, il manquait un peu plus d'un millier de gallions à notre fortune. Or, c'est à peu près le prix qu'aurait pu payer Gilda Marty pour acquérir les parts de Fleury et Bott.
- Inquiétant en effet...
Eris faisait de son mieux pour avoir l'air troublée, car la chose ne lui faisait en réalité ni chaud ni froid, ne considérant pas l'argent des Malefoy comme sa fortune exclusive. Nephtis s'était-elle fait la même réflexion ? Peut-être après-tout.
La seule chose qui l'agaçait prodigieusement était que sa grand-mère n'ait pas jugé utile de la tenir informée, et même lui ait caché toutes ses manœuvres... Comme si elle n'était pas concernée.
- Le plus grave, poursuivit Lucius soudain abattu. C'est que tant que cette affaire n'est pas élucidée, je ne peux accéder aux comptes et vérifier tout cela.
- Pas très pratique en effet, souffla Eris en essayant de paraître consternée. Mais après cela, que s'est-il passé ?
- J'ai quitté le manoir et me suis précipité chez les Murray pour avoir une explication entre hommes avec ce Finnigan. Mais le couple a fait barrage et je n'ai pas pu lui réserver le sort qu'il méritait.
Eris déglutit, pensant comprendre de quel sort il voulait parler. Mais elle dissimula son trouble du mieux qu'elle put et se contenta de répondre :
- Vous avez donc trouvé Finnigan chez les Murray. Et là non plus vous ne vous êtes pas battus.
- Non, répondit Lucius. Il n'y en avait pas besoin. L'époux Murray m'a convaincu d'y renoncer et j'avoue qu'il avait bien raison sur ce point-là.
A présent, il avait l'air sincèrement accablé, au point de rappeler à Eris l'allure qu'il avait sept ans auparavant, lorsque Voldemort était au pouvoir. Se pouvait-il qu'il soit réellement aussi déboussolé qu'elle ?
- Heureusement pour vous en même temps, fit-elle remarquer. Vous êtes restés en leur présence plus d'une heure et, le fait qu'ils l'attestent vous préserve de l'accusation de meurtre. Imaginez seulement si vous les aviez attaqués, réglé leur sort en quelques minutes puis les aviez quittés. Cela se serait passé au moment où grand-mère est morte et aurait fait de vous un coupable idéal...
- C'est indéniable en effet, reconnut Lucius que l'idée avait fait pâlir. D'autant que j'aurais été seul par la suite dans ce cas... Ou que je serais retourné au manoir de Battle...
Il ajouta, presque à voix basse :
- Bien qu'il me soit insupportable de l'avouer, c'est à ces trois individus que je dois pour l'instant de ne pas avoir été arrêté comme cette Joy Adrian.
- Entre temps, compléta Narcissa. J'avais reçu la nouvelle et lorsque Lucius a transplanné ici, il m'a trouvée en pleurs...
Elle tremblait à l'évocation de ce souvenir, une larme roula sur sa joue et elle l'essuya en tirant un mouchoir de sa poche, avant d'ajouter :
- Nous nous sommes empressés de prévenir Drago qui travaillait au ministère, puis précipités au manoir de Battle où nous avons retrouvé Jaody et les autres avec les aurors. Là dessus, vous êtes arrivée avec Slughorn au moment où, passé le choc, les esprits commençaient à s'échauffer.
- A sérieusement s'échauffer, en effet, murmura Eris sur un ton désabusé.
- Sans doute, oui, répondit Lucius.
Le geste de la main qu'il fit à ce moment-là suffit à Eris pour comprendre que cette partie-là de la conversation était close et elle frémit imperceptiblement car Lucius la regardait à présent avec une insistance qui n'augurait rien de bon.
- Assez parlé de moi, dit-il soudain sur un ton ferme. Cela faisait bien longtemps que j'espérais avoir votre visite et j'aimerais bien que nous parlions un peu de vous, de votre vie actuelle et de vos perspectives d'avenir...
Lorsque, presque une heure plus tard et totalement à bout de nerfs, Drago et Eris sortirent de manoir, la jeune fille dit à son cousin :
- Rappelle-moi de ne plus jamais accepter un thé ici tant que ton père sera encore en vie...
- Sans problème, répliqua t-il. C'était du pur délire... Je ne sais pas comment ma mère arrive encore à le supporter.
Eris ne pouvait qu'approuver, tant elle avait du se faire violence pour de pas envoyer cet oncle indélicat sur les roses. Ses allusions appuyées à son éducation, le discours ouvertement dubitatif sur ses possibilités de carrière dans l'avenir et sur le danger qu'elle avait à « s'enfermer dans la solitude ou se complaire dans de médiocres fréquentations » l'avait pratiquement achevée. Elle se sentait si confuse et mal-à-l'aise à présent que garder les idées claires quant-à l'affaire qui l'occupait était difficile.
- C'est clair, répondit-elle dans un souffle. Rien que pour cela, ta mère pourrait demander l'Ordre de Merlin... Quoi qu'il en soit, je ne veux plus entendre parler d'héritage, de stratégie matrimoniale et même de buissons taillés au cordeau ou de jardin à la française... Au moins durant les dix prochaines années.
Approuvant de la tête, Drago lui demanda :
- Tu rentres ?
- Pas tout de suite, non, dit Eris. Je vais d'abord faire un tour chez ce cher Mr Fleury. Il me faut entendre sa version des faits. Cette histoire de manœuvre financière me turlupine.
- Je t'accompagne dans ce cas, répondit Drago. Moi aussi j'ai quelques questions à lui poser.
- On y va doucement, le tempéra sa cousine. Fleury est vieux et je ne le crois pas capable de malhonnêteté. Mais, s'il sait quelque-chose là-dessus, ce n'est pas en se montrant incorrect avec lui que nous le saurons.
- Je comprends, par affection pour toi et Nephtis il pourrait en effet parler plus facilement.
Ceci dit, Drago lui offrit le bras et les deux cousins transplannèrent en direction du Chemin de Traverse. Celui-ci commençait à se vider lorsqu'ils y atterrirent. C'était, en effet, le début de la soirée.
Pendant ce temps, Lucius Malefoy était remonté dans son bureau où il devait retrouver un homme avec qui il avait convenu d'un rendez-vous secret.
La résistance de sa nièce et la maturité qu'elle possédait à un si jeune âge l'avaient déstabilisé, aussi c'est en soupirant de lassitude qu'il ouvrit la porte.
Ernan Cirventès observait l'entrée du manoir depuis la fenêtre et lui dit en se retournant :
- Cette séduisante demoiselle au fort caractère mène votre fils par le bout du nez... Nul doute en effet qu'ils feraient un très beau couple...
Lucius ne répondit pas tout de suite, il sortit une bouteille de Whisky du tiroir de son bureau ainsi que deux verres, en proposa à l'avocat et, quelques instants plus tard, ils étaient assis face à face dans les fauteuils autour de la cheminée.
- Je ne pensais pas qu'elle se montrerait aussi solidement inébranlable, répondit alors Lucius. Elle possède la volonté... Non l'opiniâtreté de sa mère et la stabilité de son père, c'est très impressionnant...
Il ajouta après une gorgée de Whisky, tout en contemplant la cheminée dont il se servait fréquemment pour contacter et faire venir auprès de lui toute personne dont il avait besoin sans devoir mettre Narcissa dans la confidence :
- Pensez-vous vraiment que je ne puisse pas la faire venir ici de force ? Un sortilège de l'imperium ou de confusion ne pourrait-il vraiment pas faire l'affaire ?
- Non Mr Malefoy, répondit l'avocat. Vous êtes bien trop suspect dans l'affaire et un tel stratagème vous retomberait dessus en quelques heures...
Lucius Malefoy se renfonça dans son fauteuil, maussade :
- Vivement que cette Joy Adrian soit inculpée, je n'en reviens pas que ma mère ait abrité si longtemps un monstre pareil.
- Joy Adrian n'est pas coupable, répondit l'avocat, s'attirant au passage une exclamation outrée de Lucius. Et je doute qu'elle soit inculpée en vérité. C'est pour cela que je tenais tant à vous rencontrer assez vite.
- Que voulez-vous dire ? Lui demanda le châtelain.
Ernan Cirventès reposa son verre et lui répondit sur un ton grave :
- Par les relations que j'ai au sein de la Justice magique, j'ai eu accès à quelques conclusions des aurors... Je crois pouvoir affirmer que leurs conclusions finiront par innocenter, je le pense, cette jeune fille.
- Les circonstances sont pourtant accablantes !
Lucius avait élevé la voix mais l'avocat secoua la tête à la négative :
- Pas vraiment, répondit-il. Au contraire, l'autopsie vient de se terminer et il est avéré que c'est sous les crocs d'une bête que votre mère est tombée. Des poils de l'animal ont même été récupérés... Si vous ne m'affirmiez pas qu'ils étaient avec vous, j'aurais probablement la joie de vous annoncer l'inculpation des Murray en ce moment-même. Mais, si ce n'est pas eux malgré leur statut de lycanthropes, c'est que cela peut être n'importe qui... Ou n'importe quoi.
- En toute logique alors, répliqua Lucius. Je devrais donc également être disculpé. Je ne suis pas non plus un loup-garou !
Là encore, Ernan Cirventès secoua la tête :
- Ce n'est pas aussi simple malheureusement. On a le mode opératoire, mais non le mobile du crime. Et pourquoi un loup-garou se serait-il attaqué à Nephtis Malefoy ? Il n'y a aucune raison pour cela à notre connaissance...
- Où voulez-vous en venir Ernan ? Demanda Lucius à l'avocat avec une gravité qui ne cachait pas sa profonde inquiétude.
- Un assassin sans mobile a de fortes chances d'être un homme de paille Mr Malefoy, répondit Ernan Cirventès avec la même gravité. Et je pense que les aurors ne vont pas tarder, en admettant que ce ne soit pas déjà fait, à parvenir à la conclusion que l'assassinat de votre mère a probablement été commandité.
- Donc ils chercheront par qui... Souffla Lucius.
- C'est chez vous et chez le couple Rogue-Marty qu'ils chercheront en premier Mr Malefoy. Aussi, ne vous mettez surtout pas en faute avec votre nièce en la faisant venir chez vous dans l'illégalité. Ce serait un coup à vous faire arrêter, immanquablement. Et cela ruinerait vos projets futurs.
Lucius, las et exaspéré, bascula la tête en arrière et prit une grande inspiration. Puis il se redressa et répondit :
- En parlant de projets futurs, répondit-il. J'ai bien peur d'avoir épuisé mes dernières cartes auprès de Drago et Eris. Si je ne peux la recueillir auprès de moi, je n'aurai aucune prise sur elle... N'y a t-il vraiment aucun moyen, du fait de la situation que nous soulevons depuis quelques semaines, d'attaquer la légalité de ce partage ?
Ernan Cirventès ne le laissa pas espérer. Il secoua la tête à la négative :
- Aucun, répondit-il sans hésiter. Les actes de succession des Malefoy sont immuables. Eris Malefoy est la fille de votre frère, sa fille unique et légitime, en conséquence, elle héritera des biens de son père.
- Son père est mort avant que le partage ne soit légalement établi et... Enfin vous savez comme moi la manière dont la branche cadette a dégénéré ! Elle ne devrait même pas porter le nom de Malefoy, même Gilda Marty l'a abandonné.
Aussi révolté qu'il soit, Lucius sentait cependant que ses convictions n'ébranlaient pas l'avocat, d'ailleurs celui-ci répondit :
- Le seul moyen de regrouper le patrimoine de votre famille de manière légale, Monsieur Malefoy, reste un mariage entre elle et votre fils. Quoi qu'il se soit passé avec votre frère, quels que soient les reproches au combien fondés que vous puissiez lui adresser quant-à l'image qu'il a donné de votre famille, les choix matrimoniaux et tous les autres choix qu'il a pu faire, il est votre frère. Et la jeune Eris est sa fille légitime, c'est écrit noir sur blanc dans les archives du ministère et cela ne changera pas.
Comme Lucius lui renvoyait un regard dur, il ajouta :
- Vous vivez dans une famille où les règles de succession sont très strictes, et vous n'êtes malheureusement pas en position de saisir le ministre, d'autant que le partage actuel avantage déjà votre branche.
- Et qu'un ministre traître à son sang se ferait une joie au contraire d'aggraver notre situation.
- Possible en effet, concéda l'avocat. Il vous reste cependant une dernière carte à jouer, Monsieur Malefoy.
- Laquelle ? Demanda l'ex-mangemort.
- La sécurité de votre nièce, sur le court et le long terme.
- Mais c'est justement pour sa sécurité qu'on me refuse sa garde ! S'exclama Lucius.
- Tant que vous êtes suspect, répondit l'avocat. Et c'est pour cela qu'il vous faut garder profil bas durant un petit moment. Mais, une fois que vous en le serez plus, vous pourrez sans problème réclamer la garde de votre nièce, surtout si le couple Rogue-Marty était impliqué dans l'affaire.
- Puisque ce n'est pas moi, répliqua Lucius. Je ne vois pas qui d'autre qu'eux pourrait avoir porté la main sur m mère !
L'avocat le tempéra d'un geste de la main, il semblait réservé sur le sujet :
- Nephtis Malefoy, dit-il. Était la seule qui pouvait sortir de l'argent du capital des Malefoy de Battle. Personne d'autre n'aurait pu se servir dans la caisse. Donc, ces mille gallions et des poussières ont été sortis de ses propres mains. Volontairement ou sous la contrainte ? Impossible de le savoir en l'état actuel mais on peut penser à une situation de racket ou d'abus de faiblesse.
- Ce qui revient plus ou moins au même, fit remarquer Lucius.
- Oui, en effet.
Il ajouta cependant sur un ton grave :
- Monsieur Malefoy, il faut vous préparer à ce que Gilda Marty et Severus Rogue soient mis hors de cause du meurtre, car ils pourraient être innocents.
- Vous insinuez que c'est moi qui ai fait tuer ma mère ?
- Certainement pas, répliqua Cirventès. L'affaire vous a pris de court ce matin-là. C'est moi qui vous ai appris le brusque revirement de votre mère, je vous ai accompagné jusqu'à la porte du manoir et ai attendu votre retour à cet endroit. Vous êtes ressorti, nous avons fait le chemin ensemble et ne nous sommes séparés que devant la maison des Murray, quand vous m'avez envoyé préparer prendre toutes les dispositions légales nécessaires en vue du procès que vous voulez toujours intenter contre Seamus Finnigan et le couple Rogue-Marty. Vous n'auriez jamais pu faire venir un tueur entre-temps. Je suis convaincu de votre innocence depuis le début, en ce qui me concerne.
- Aimable à vous, répliqua Lucius d'une voix acide.
Ernan Cirventès accueillit le compliment en répondant d'une voix neutre :
- Si j'avais eu le moindre doute sur votre culpabilité en temps qu'avocat, je peux vous dire que nous en aurions déjà discuté... Non, ce que j'essaie de vous expliquer c'est que, sur la garde de votre nièce, les choses peuvent encore évoluer, y comprit si Severus Rogue et Gilda Marty s'avéraient innocents.
- Comment donc ?
- Déjà, ils n'ont aucun lien de parenté avec elle. Vous en revanche êtes son oncle quelle que soit la manière dont on tourne les choses. De plus, une jeune fille de la maison semble avoir été abusée par une personne majeure, ils seront donc en cause quant-à sa sécurité.
Comme le visage de Lucius s'éclairait, Cirventès ajouta :
- Qu'ils soient ou non reconnus coupables, Gilda Marty et Severus Rogue pourront légalement être évincés une fois que vous serez blanchi. Et c'est cela qu'il va nous falloir préparer... Tout en aidant l'enquête à se résoudre rapidement.
- Rapidement ? Demanda Lucius.
- Oui Monsieur Malefoy, répondit l'avocat soudain plus grave. La justice est malheureusement lente parfois, et votre nièce a déjà quatorze ans. Moins de trois ans la séparent de sa majorité et son autonomie ira croissant d'ici-là. Il ne faut surtout pas tarder à la mettre sous contrôle...
Lucius acquiesça, il comprenait à présent parfaitement le plan d'Ernan Cirventès, et cela lui convenait... Restait maintenant à se débarrasser d'une autre pièce rapportée assez encombrante...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top