Quinze ans déjà

- Quinze ans... Notre Eris a déjà quinze ans...

Narcissa avait prononcé ces quelques mots sur un ton rêveur et nostalgique, comme si elle peinait à réaliser cette évidence. Nephtis balaya sa remarque d'un geste impatient.

En cette fin d'après-midi, elles s'étaient installées dans les fauteuils de la véranda attenante au salon. Le thé brûlant contenu dans leurs tasses réchauffaient leurs mains un peu engourdies après une promenade dans les jardins du manoir de Battle.

En cette journée de février 2005, la neige fraîchement tombée avait incité les deux femmes à sortir admirer cette blancheur magnifique, mais le froid était tel qu'il avait bientôt fallu rentrer.

Ne souhaitant pas se retrouver au milieu des enfants que Gilda surveillait dans l'étage, après une bataille de boules de neige qui avait tourné au pugilat lorsque Moon et Judith avaient décrété qu'elles avaient le droit de tricher, elles avaient gagné le salon que la jeune Joy venait de déserter afin d'aider sa mère adoptive à faire sécher et rhabiller chacun.

- Elle n'a pas encore quinze ans, finit par dire la vieille femme. Elle va seulement les avoir cet été. Et je compte bien que la fête soit à la hauteur pour notre petite femme !

- Nephtis... La sermonna Narcissa. On ne devient pas femme à quinze ans, mais à seize ! L'âge de tous les charmes, de toutes les aventures amoureu...

- Oui, je sais ! Mais ça, c'est bon pour les plantes vertes qui servent successivement de fiancées à Drago !

Narcissa fronça le nez et faillit se vexer, mais un échange de regards avec sa belle-mère la dérida tout aussi soudainement et elle céda à un rire franc :

- En parlant de plante verte... Commença t-elle.

- Notre Drago fréquente une fille Greengrass. Oui, je sais. Pas le meilleur parti je dois dire, mais la jeune fille me semble tout ce qu'il lui faut.

- Comment donc le savez-vous ? S'étonna Narcissa. Je ne suis moi-même au courant que depuis hier.

- Ma chère bru, répliqua Nephtis sur un ton légèrement supérieur. Je vous déconseille de continuer à croire que les mères sont toujours les premières au courant des frasques de leurs fils. Ceux-ci les racontent en effet plus volontiers à leurs proches amis.

- Et vous en êtes, peut-être ?

- Certes non, mais nous autres, grand-mères, jouissons d'une capacité peu commune à tirer les vers du nez de notre progéniture... Toujours encline à raconter les frasques des amis en question.

- Et vos rendez-vous réguliers avec certaines de vos amies auront contribué à vous renseigner... Je vois ça.

- Ne vous inquiétez donc pas, ma chère, répondit Nephtis avec un sourire taquin. Ce temps viendra pour vous et ce sera une des rares consolations que vous aurez.

- Encore faudra t-il que mes fréquentations ne soient pas si rares qu'aujourd'hui, répliqua Narcissa dont le visage avait pris une teinte attristée.

- Le temps va achever d'arranger cela, j'en suis sûre. En attendant, ces quinze ans devront être une belle fête.

- Quinze ans, déjà...

Narcissa avait répété cette phrase sur un ton rêveur que Nephtis balaya une fois de plus d'un revers de main, cette fois un peu plus agacé :

- Et laissez-moi vous dire qu'elle a magnifiquement poussé, répliqua t-elle. Vous verriez ces cheveux, cette allure qu'elle a... Et ce beau visage de statue grecque.

- Je veux bien vous croire, répondit Narcissa sur un ton soudain plus gêné. Elle a toujours été fort jolie, comme sa défunte mère.

- Cependant, grandir l'a dotée de bien des charmes dont la beauté n'est pas le plus grand.

Devant l'air poliment interrogateur de Narcissa, la vieille femme poursuivit :

- Eris est très avancée pour son âge et devrait être en classe d'ASPIC pour trouver un niveau à peu près équivalent au sien. Elle est d'un esprit, d'une maturité et d'une vivacité à couper le souffle. Je l'ai dit à Lucius lorsqu'il a tenté une nouvelle fois de me baratiner.

- Une surdouée, comme sa mère...

Cette fois-ci, la voix de Narcissa n'était plus qu'un souffle et sa gêne terriblement visible. Mais Nephtis y resta indifférente et poursuivit :

- Pas seulement, notre pauvre Hortense était bien loin de se montrer aussi agissante et avait une tendance pathologique à se refermer sur elle-même. Je n'en reviens toujours pas qu'une réelle affection soit née entre elle et mon pauvre Ignacius.

Cette fois-ci, c'est Nephtis s'étrangla sur la fin de sa phrase, Narcissa respecta l'instant de silence qui s'ensuivit. Elle attendit que la vieille femme se soit reprise pour changer de sujet :

- Combien d'enfants vous reste t-il ici qui ne soient pas encore à Poudlard ?

- Voyons : il y a Moon bien sûr, qui rentre en septembre. Tout le monde est impatient crois-moi, l'adolescence en fait une vraie peste ! Jasper ce sera l'an prochain, avec son « pote » Aloïs, je plains leurs professeurs à ces deux-là. Et puis Flory et Judith l'année prochaine aussi. Ce sera les deux dernières enfants perdues, avant Marcus bien sûr.

- Cela fait donc six enfants encore au château.

- Cinq, Aloïs vit avec son papa à Londres et va à l'école moldue. Bon, c'est un invité d'honneur durant les vacances, et Jasper y va aussi très souvent.

- Et la jeune Joy ? Demanda Narcissa qui comprit immédiatement qu'elle touchait un point sensible.

Nephtis eut un haussement d'épaule et une grimace inquiète :

- C'est plus compliqué. Elle est en sixième année mais a refusé de retourner à Poudlard après les vacances.

- En quel honneur ? Répliqua Narcissa outrée.

- Crise d'identité. Elle s'est toujours sentie plus moldue que sorcière, malgré ses pouvoirs. Sa mère est morte dans ses bras à Azkaban, elle en a toujours eu beaucoup de rancœur et depuis deux mois, tout explose.

Narcissa avait le regard de quelqu'un qui enregistrait à toute vitesse une information cruciale. Elle demanda encore :

- Quelque-chose de particulier s'est-il passé ?

- Non, apparemment du moins. On a eu très peur en décembre car elle perdait totalement le contrôle de ses pouvoirs en classe, à force de refouler et Pomfresh a détecté un début de dissociation. Severus la surveillait déjà depuis un petit moment et a géré la situation pour éviter la naissance d'un obscurial. Il a réussi à la remettre sur les rails question magie, mais retourner à l'école lui a été impossible. Elle a refait une crise le dernier soir des vacances. Donc elle reste et elle va régulièrement voir un médicomage.

- Qu'est-ce qu'il en dit ?

- Elle est sous tranquillisants. Il a recommandé d'éviter de la forcer en terme de magie mais a passé un contrat avec elle : elle doit lancer des formules tous les jours : ce qu'elle souhaite mais il faut que ce soit régulier et que cela lui fasse plaisir. En ce moment, elle construit des châteaux de neige que les petits attaquent, et elle les bombarde. Elle met actuellement sur pieds un projet de réintégration dans le monde moldu.

Sceptique, Narcissa regarda Nephtis dans les yeux avant de lui poser franchement la question :

- Vous pensez que c'est positif ?

- Elle a l'air d'aller mieux, et gros progrès depuis deux semaines. Elle a demandé à pouvoir monter sur son balais, a rattrapé tous ses cours d'histoire de la magie, renvoyé un devoir de potion et s'est remise à l'astronomie. On va voir si on peut la scolariser à nouveau, et si on demande à ce qu'elle refasse une sixième année. Le cas médical est attesté, cela ne peut être apparenté à de la fumisterie si c'est ce que votre air dubitatif semble suggérer.

- Je ne suggérais rien de tel, se défendit Narcissa en rosissant. Je connais assez Severus pour savoir qu'il ne se serait pas laissé abuser par un caprice. Espérons donc que les choses s'améliorent pour cette jeune fille.

- Je suis sûre que tout ira bientôt mieux. Et vous savez, puisqu'on parle de nos pensionnaires. Vous souvenez-vous de ces deux petits cracmols que Lucius voulait réserver ?

- Par Merlin, oui ! Répondit Narcissa en souriant. Il avait été complètement séduit par leur allure mignonne.

- Et bien la sœur invite justement notre Joy régulièrement. Vous ne devinerez jamais ce qu'elle est devenue : championne nationale junior de Béhourd !

- Béhourd ?

- Oui, du combat médiéval en armure, impressionnant ! Et son frère fait de l'équitation à haut niveau, de la voltige notamment. Si vous aviez vu le spectacle qu'ils nous ont offert tous les deux la dernière fois qu'ils sont venus dire bonjour ! De vrais virtuoses !

Nephtis en avait des étoiles dans les yeux tandis qu'elle racontait la scène. Narcissa, elle, était plus que soulagée que la conversation ait dévié d'Eris ou de Drago car, ces temps-ci, les entreprises de Lucius à leur égard la mettaient dans le plus grand des embarras.

Sa belle-mère n'en savait rien à priori mais, si elle s'en doutait, il y avait fort à parier qu'un combat à mort éclate entre elle et Lucius. Et si jamais elle découvrait la source de ce projet...

Narcissa préférait ne pas y penser.

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