La Tragédie

Traversant les couloirs au pas de charge, Slughorn parvint en quelques minutes à son bureau où il fit entrer Eris avec précipitation :

- Asseyez-vous s'il vous plaît, lui dit-il sur un ton grave en désignant une chaise devant le bureau.

- Que se passe t-il ? Murmura la jeune fille, inquiète, lorsqu'il eut refermé la porte.

Elle obéit cependant. Le professeur Slughorn était plus livide que jamais et elle commençait à se dire qu'il ne s'agissait probablement pas d'une remontrance pour mauvais comportement, autrement il ne lui aurait pas lancé ces regard inquiets et remplis de compassion.

Eris se sentait de plus en plus mal-à-l'aise et se renfonça sur sa chaise, Slughorn de son côté s'épongea le front avec l'air d'un homme qui cherche ses mots :

- Je dois... dit-il avec peine. Je dois vous annoncer une très mauvaise nouvelle, Miss Malefoy.

Eris sentit son cœur tomber dans sa poitrine : il était arrivé quelque-chose à Joy, elle en était sûre. Horrifiée, elle jeta au vieil enseignant un regard paniqué auquel il répondit :

- Votre grand-mère est décédée ce matin.

Elle ne réalisa pas immédiatement le sens de ses paroles, mais lorsque le directeur de sa maison poursuivit et lui exposa les faits, la stupeur et le choc furent si violent pour elle que des tremblements se mirent à agiter tout son corps. Sa vue se troubla, ses oreilles se mirent à bourdonner et ce fut comme si on avait soudain serré une ceinture autour de ses poumons.

Elle se mordit le bras pour s'empêcher de hurler, les larmes ruisselèrent de ses yeux et inondèrent ses joues, brûlantes et aussi incontrôlables qu'un fleuve en crue. Slughorn posa délicatement une main sur son épaule en murmurant :

- Toutes mes condoléances Miss Malefoy. C'est une nouvelle bien affreuse que je vous annonce. Je connaissais également votre grand-mère qui était une femme remarquable dans son genre. Et le fait qu'elle soit morte de mort violente m'affecte particulièrement car nous avons combattu ensemble lors de la Bataille de Poudlard.

Eris ne l'écoutait plus vraiment. Effondrée sur le bureau, elle était secouée de sanglots qu'elle tentait tant bien que mal d'étouffer en mordant sa manche. Slughorn la laissa donc pleurer un moment et se calmer un peu avant d'ajouter :

- Miss Malefoy, si vous le souhaitez et vous en sentez capable, je peux vous raccompagner chez vous. Au vu des circonstances, les aurors ne vont pas manquer de s'entretenir avec vous et je pense que le cadre de l'école ne s'y prêterait pas vraiment.

Pour toute réponse, Eris murmura :

- Où est Severus ?

- Les aurors sont repartis avec lui aussitôt qu'ils nous ont donné la nouvelle, répondit le vieux professeur. Il a du les suivre sans délai et il m'a demandé de vous prévenir.

Il fit une pause avant de la questionner :

- Comment vous sentez-vous ?

- Avez-vous vraiment besoin de me poser une question rhétorique ? Répliqua t-elle dans un souffle.

Beaucoup l'auraient mal pris, mais Horace Slughorn qui connaissait bien son élève avait conscience de ses prodigieuses dispositions autant que de ses particularités. Aussi, il répondit avec le plus grand calme :

- Je voulais dire, vous sentez-vous de vous relever et de me laisser vous raccompagner chez vous ?

- Pardon... Oui... Je crois...

Eris se releva, encore sonnée, et chercha du regard la porte du bureau avant de brusquement se souvenir d'un détail :

- Il faut que j'aille chercher des affaires au dortoir... J'ai emporté toutes mes chaussettes en repartant après Noël, tellement il faisait froid...

- Bien-sûr, répondit Slughorn sans se formaliser du côté incongru de la demande. Je vous attends dans un quart d'heure devant le portail du château.

- Merci, souffla t-elle avant de sortir précipitamment.

Elle s'engouffra dans le couloir en essuyant rageusement ses larmes, voulant surtout éviter de se trouver encore dans le château lorsque les élèves sortiraient de cours à treize heures.

Le cœur battant, l'esprit en ébullition et les yeux rouges, elle repassait dans sa tête les paroles de Slughorn :

Nephtis Malefoy était décédée, visiblement de mort violente et peut-être assassinée. Elle ne comprenait pas et en même temps, tout un tas d'hypothèses effroyables s'échafaudaient dans sa tête.

Non, il fallait qu'elle garde la tête froide. Pour commencer, elle ne savait rien ou presque des faits et, ensuite, cela n'avait peut-être pas de lien avec ce qu'elle avait perçu des relations entre les adultes à Noël.

Elle traversa la salle commune au pas de charge, la mine fermée, s'attirant les regards surpris de deux filles de première année assises sur des fauteuils. Mais elle n'y prit pas garde et s'engouffra dans son dortoir où elle sortit un sac de sa valise et entreprit d'y mettre plusieurs objets de première nécessité : sous-vêtement, robe de travail, le contenu de son sac d'école, ses manuels... mais également sa loupe magique et les flacons de potion révélatrice qu'elle avait achetés chez Scribenpenne.

Elle avait à présent l'impression d'avoir la tête totalement vide et ses gestes étaient aussi précis que mécaniques ne semblaient pas véritablement reliés à ses pensées. Refermant son sac d'un geste sec, elle ressortit en trombe et gagna le portail du château du même pas de charge, les tempes bourdonnantes d'une horreur sourde.

Sans un mot, Slughorn la fit sortir de l'enceinte et lui tendit le bras. Ils transplannèrent aussitôt.

Eris vacilla en atterrissant dans Phantom Alley et marcha d'un pas raide tandis qu'Horace Slughorn l'escortait jusqu'au manoir. Sa tête bourdonnait toujours et il lui semblait que tous ses sens s'étaient émoussés, comme si un nuage d'ouate l'avait environnée.

Être accompagnée du vieil enseignant ne lui semblait pas totalement approprié et même un peu ridicule, comme si elle n'aurait pas pu retrouver seule le chemin du Manoir !

Cependant elle changea radicalement d'avis dès qu'elle mit le pied chez elle et constata quelles étaient les forces en présence.

Jaody avait fait sortir tous les enfants perdus et ils attendaient à l'écart en jetant des coups d'oeils inquiets vers la bâtisse d'où sortait le bourdonnement d'une conversation houleuse. Au milieu d'eux, Joy pleurait en tenant Marcus dans ses bras. Moon, Flory, Judith et Jasper les entouraient.

Eris les dépassa le cœur battant, après leur avoir adressé un bref signe de la main, et entra dans le hall d'où elle perçut plus précisément des éclats de voix venant du salon. A n'en pas douter, Severus, Lucius et Narcissa discutaient, et le ton était loin d'être cordial. Les quelques mots audibles la choquèrent immédiatement.

C'est qu'on s'insultait là-dedans !

Gilda, les yeux encore rouges, l'attendait non loin de l'entrée et elles s'étreignirent longuement.

- Je veux la voir, dit aussitôt Eris, trop bouleversée pour s'embarrasser de convenances.

- Je comprends, mais attention car les aurors sont en train de l'examiner et ils ne vont pas tarder l'emmener.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda t-elle. Et où est-elle ?

- Elle est sortie prendre l'air dans le jardin en fin de matinée... Et Joy l'a trouvée un peu plus tard... Une créature l'a attaquée mais on ne sait pas bien quoi... Elle est juste là, viens... Oh pardonnez-moi Horace... Je ne vous avais pas remis tout de suite.

Gilda s'empressa de le saluer avec nervosité et Eris entendit le professeur adresser ses condoléances, tout en demanda s'il pouvait également se recueillir devant la dépouille. La sorcière bredouilla quelque chose comme un « bien-sûr » et leur désignait la grande salle à manger , s'apprêtant visiblement à les y conduire lorsque un énorme fracas retentit dans le salon, suivi d'éclats de voix, un véritable échange d'injures qui fit rougir Eris.

Gilda elle-même s'empourpra et cela pouvait se comprendre, vu les propos qu'elles entendaient Lucius Malefoy tenir à son égard.

Mais lorsque un cri de douleur de Narcissa leur parvint, Horace, Gilda et elle se précipitèrent à l'intérieur où le spectacle qui s'offrit à leur yeux se révéla édifiant.

La table du salon avait été fracassée contre le mur d'en face et Severus Rogue faisait face à Lucius Malefoy. Les deux hommes se menaçaient de leur baguette et au moins deux sorts avaient déjà été échangés au vu des traces sur les murs. Narcissa essayait tant bien que mal de calmer son mari qui semblait le plus décidé à en découdre, Severus ne faisant que le tenir à distance.

Mais comme elle se tenait le bras en grimaçant de douleur et que son mari était en train de l'écarter sans ménagement, Eris devina que les choses avaient déjà très mal tourné.

Et lorsqu'elle vit Drago étendu sur le côté, visiblement pétrifié, son sang ne fit qu'un tour.

- Mais qu'est-ce qui vous prend ? S'écria t-elle d'une voix perçante et s'avançant vers eux, essayant vainement d'attirer leur attention.

Une main puissante la tira en arrière juste à temps pour lui éviter d'être touchée par le maléfice qui jaillit de la baguette de Lucius et elle s'aperçut que l'un des aurors était aussi entré dans la pièce.

Elle-même n'avait d'yeux que pour le combat qui venait de reprendre entre les deux sorciers et quelle ne fut pas sa surprise lorsque les baguettes des deux duellistes s'envolèrent soudainement pour atterrir dans la main d'Horace Slughorn, qui les foudroya du regard lorsqu'ils se tournèrent vers lui indignés.

- Je n'arrive pas à croire que j'assiste à une telle scène alors qu'une défunte repose dans la pièce attenante ! S'écria le vieil homme d'une voix de stentor et Eris se souvint qu'il avait été le directeur de maison des deux belligérants. Voyons Messieurs, un peu de respect je vous prie. Que vous soyez en colère l'un contre l'autre est une chose, que vous ayez des reproches, graves, à vous faire, est également une chose... Mais se battre et s'insulter dans des termes aussi outrageants en un moment qui devrait être consacré au recueillement est largement plus qu'inconvenant.

Severus Rogue avait déjà levé les mains pour renoncer à l'affrontement mais Lucius répliqua :

- Rendez-moi ma baguette ou j'achève cet enfoiré à coups de poing !

Pas le moins effrayé du monde, Slughorn répondit, plus calmement cette fois :

- Cela est hors de question tant que vous êtes dans cet état Monsieur Malefoy. Il y a des instances légales qui ne manqueront pas, au vu de ce que j'entends, de trancher sur les questions qui vous occupent. Jusque là, il convient de faire preuve du respect le plus élémentaire et, surtout, de s'abstenir d'une attitude propre à vous mettre en tort dans l'avenir.

L'argument semblait avoir touché Lucius qui recula un peu et se calma. Un silence gênant s'installa dans la salle, les deux hommes se regardant toujours en chiens de faïence, jusqu'à ce que Slughorn poursuive :

- Reprenez donc vos baguettes Messieurs, rangez-les et n'aggravez pas votre cas, encore moins la tragédie qui vous secoue. Le moment n'est pas approprié, ni à des explications de gravure pour lesquelles vous n'êtes pas en état, ni pour des règlements de comptes qui vous mettraient chacun dans une position plus que dégradante.

Il rendit les deux baguettes à chacun des protagonistes. Narcissa se précipita vers Lucius et lui posa la main sur le bras tandis que Severus retournait se placer du côté de Gilda dans une posture protectrice. Elle aussi eut un geste d'apaisement.

Cependant, la situation restait terriblement tendue tandis que L'auror ranimait Drago qui se redressa en gémissant et Eris, les tempes bourdonnantes, lui demanda :

- Puis-je aller voir le corps de ma grand-mère à présent, Monsieur ?

- Oui, répondit-il. Mais laissez moi vous accompagner.

- Bien.

Eris le laissa la conduire en silence vers la grande salle à manger et l'auror attendit qu'ils se retrouvent dans le couloir pour dire :

- Nous l'avons recouverte d'une protection magique car son corps doit être manipulé avec la plus extrême des précautions. Ne tentez surtout pas de la toucher... A vrai dire êtes-vous bien sûre de vouloir la voir ? Vous êtes très jeune et il y a de quoi vous traumatiser.

- J'ai déjà vu des cadavres Monsieur, répondit Eris sur un ton sans réplique. J'ai assisté à la bataille du campement centaure de la Forêt interdite, peu avant la Bataille de Poudlard.

L'homme acquiesça sans commenter et ouvrit la porte d'un coup de baguette. Derrière eux la voix de Slughorn qui sermonnait toujours Severus Rogue et Lucius Malefoy était encore audible mais Eris n'était plus en état de comprendre ou d'écouter quoi que ce soit.

Elle franchit l'entrée de la salle-à-manger dont une partie des meubles avait été poussés sur le côté pour laisser la place à l'équipe des aurors ainsi qu'à une grosse masse floue appuyée sur une estrade de bois à l'intérieur de laquelle ils pénétraient à intervalles réguliers. Il y avait là deux autres hommes et une femme, tous entre vingt et trente ans environ.

Un jeune homme brun qu'il lui semblait avoir déjà vu prenait en notes les résultats des différents examens que pratiquait la sorcière. Celle-ci entrait et ressortait fréquemment de la masse floue et l'autre jeune homme qui devait servir d'appariteur lui tendait différents objets magiques et en vérifiait les mesures de son côté. C'était vraiment très étrange.

Le cœur d'Eris tomba dans sa poitrine lorsqu'elle réalisa que la masse floue qu'elle avait devant les yeux abritait le corps de Nephtis Malefoy. Brusquement, l'air lui manqua, sa respiration s'accéléra et sa bouche devint sèche.

Elle ne pouvait pas, c'était aussi simple que ça... Elle n'arriverait pas à s'approcher de ce corps.

Le pas léger de Gilda qui arrivait derrière elle parvint cependant à lui redonner un peu de courage et elle s'avança d'un pas mécanique jusqu'à l'entité posée sur ce socle.

En réalité, il s'agissait d'un demi-globe translucide et légèrement iridescent à l'intérieur duquel reposait le corps et elle pouvait le voir à travers, à condition de rester concentrée.

Il y avait du sang partout sur le haut de son corps et celui-ci avait inondé les habits. Eris en eut la nausée et un frissonnement parcourut son échine. Sa grand-mère avait été littéralement déchiquetée.

- N'allez pas plus loin, lui recommanda l'auror.

- De quoi l'avez-vous entourée ? Le questionna Eris en retour.

L'homme lui répondit sur un ton qui se voulait rassurant, tandis que Gilda arrivait à leur hauteur :

- Il s'agit d'une protection magique qui permet de l'isoler une zone des interventions extérieures, le temps que nous pratiquions quelques examens sur place. Mais collègues sont immunisés et protégés mais ce n'est pas votre cas.

- Que s'est-il passé ?

A présent, Eris tremblait et Gilda, craignant sûrement qu'elle ne s'effondre, la retint par le bras. Elle laissa l'auror répondre :

- Votre grand-mère a été retrouvée morte en fin de matinée dans le jardin, des suites de blessures graves sans doute provoquées par une créature inconnue.

- Cela, je le sais déjà, répliqua Eris. Mais ce que je veux, ce sont les détails.

Ce fut Gilda qui répondit :

- Marcus et Joy étaient seuls avec elle et Jaody lorsque cela s'est produit... Ils disent qu'elle a reçu un homme mais ne savent pas qui, peu après mon départ pour le travail en tout cas. Puis, lorsqu'il est parti, elle a contacté Severus par la cheminée car elle avait eu un souci avec Joy ce matin... Là-dessus est entré Lucius Malefoy qui était déjà très remonté contre elle et il a fait peur à Marcus qui travaillait dans le salon. Ils se sont disputés, il est monté dans la chambre de Joy, l'a menacée, Nephtis s'est interposée, ils ont failli se battre et Lucius Malefoy est parti en fureur. Visiblement Nephtis était très mal aussi, elle voulait parler à Joy mais avait besoin de prendre l'air, donc elle a dit à elle et Marcus de l'attendre à l'intérieur et est partie s'oxygéner dans le jardin. Comme elle ne revenait pas au bout d'une demi-heure, Joy est sortie aussi et c'est là qu'elle l'a trouvée...

Eris prit le temps d'assimiler ces quelques informations pleines de zones grises, puis elle demanda à Gilda :

- Pourquoi Nephtis et Joy se sont-elles disputées ce matin ?

- Tu crois que... ? Demanda la sorcière horrifiée.

- Je ne crois rien, mais ton récit est extrêmement flou sur ce point. D'ailleurs il est extrêmement confus.

- Je n'étais pas là au moment où les faits ont eu lieu et je ne suis arrivée qu'un quart d'heure avant toi.

- Ceci explique donc cela.

Eris s'était exprimée d'une voix franche et déterminée, puis légèrement agacée. En effet, s'il y avait un adulte ici dont elle avait une chance de tirer les vers du nez, c'était bien Gilda même si, pour l'instant, elle se contentait d'une moue ignorante. Severus, pas la peine d'essayer, Drago ne devait pas savoir grand-chose tout comme Narcissa et Lucius... Elle ne se sentait pas encore prête à se frotter à lui.

Cependant, si Gilda disait vrai, il était sans doute impliqué.

Eris s'abîma encore un instant dans la contemplation du corps de Nephtis, elle était si émue que son cerveau lui semblait fonctionner au ralenti et reporter son attention sur les blessures de sa grand-mère suffit à lui redonner des tremblements dans tout le corps.

Les tempes bourdonnantes, elle s'appuya de tout son poids sur Gilda qui ne l'avait pas lâchée et celle-ci eut même de la peine à la maintenir debout :

- Je crois qu'il est tant que tu sortes d'ici, murmura doucement la sorcière et Eris acquiesça, s'appuyant sur Gilda un peu plus que nécessaire.

Elles quittèrent donc la salle-à-manger, elle toujours appuyée sur sa belle-mère et Gilda la guida jusqu'à l'étage où un mini-salon était aménagé dans l'espace laissé disponible entre deux larges fenêtres. C'était un endroit éclairé et chauffé par une cheminée, ce qui fit du bien à Eris lorsqu'elle s'installa devant avec peine.

- Reste avec moi, souffla t-elle à Gilda d'une voix suppliante.

- Bien-sûr, répondit celle-ci en tirant un pouf pour installer les jambes de l'adolescente à l'horizontale. Je crois que tu es en train de faire un malaise.

- Possible oui, grogna Eris.

C'était parfait, l'instant était parfait et il fallait maintenant qu'elle le mette à profit. Elle regrettait simplement d'avoir du utiliser la vision insupportable du corps de sa grand-mère pour se mettre délibérément dans un tel état.

Mais au moins à présent, elles pouvaient parler à l'abri des oreilles indiscrètes.

- Qu'est-ce que tu ne pouvais pas me dire devant l'auror ? Murmura t-elle à Gilda avec un souffle rauque.

La sorcière regarda autour d'elle avec inquiétude et Eris comprit que même à l'étage elle n'était pas tranquille, bizarre. Sortant sa baguette d'une main tremblante, elle l'agita en cercle autour d'elle, murmurant la formule « assurdiato » afin de les protéger de l'espionnage.

Le sort suffit à lui faire perdre le peu d'énergie qu'elle avait retrouvée et elle dut rester silencieuse un petit moment, le cœur battant et y voyant bleu. Gilda de son côté la regardait avec inquiétude, jusqu'à ce qu'Eris se redresse enfin et lui demande fermement :

- Raconte-moi ce qui s'est passé.

Sa belle-mère hocha la tête et lui répondit :

- Nephtis a surpris Joy avec un garçon vers six heure du matin, alors qu'ils s'apprêtaient à se séparer après avoir passé la nuit ensemble. Il y a eu altercation et elle a blessé le gars en question. Lui et Joy se sont enfuis en courant jusque chez les Murray qui les ont accueillis. Entre temps, le bruit m'avait réveillée et j'ai trouvé ta grand-mère très agitée, choquée et horrifiée par ce qu'elle venait de voir, autant que par la fuite de Joy.

- Ensuite ?

- Je l'ai calmée et lui ai dit de temporiser, que Joy était grande et qu'elle allait probablement revenir. On s'est mises d'accord pour qu'elle la contacte par patronus, et n'ayant pas obtenu de réponse, on a décidé que j'en enverrai un avant de partir au travail. Marcus s'était réveillé également alors on a déjeuné tous les trois, Jasper et les filles nous ont rejoint en cours de route avec Jaody. À huit heure moins le quart, je devais partir pour le Chemin de Traverse ouvrir la boutique Fleury et Bott, c'était mon jour. J'ai donc envoyé mon patronus à Joy en lui conseillant vivement de revenir et d'aller voir Nephtis, qui soit dit en passant était encore secouée. Puis j'ai quitté le château en même temps que Moon, Judith, Flory et Jasper qui prenaient le magicobus avec moi.

- Marcus, Jaody et Nepthis sont donc restés seuls.

- Oui, et peu après huit heure, à la boutique, j'ai reçu un patronus de Nephtis me disant que Joy était rentrée en catimini, seule, que Jaody la surveillait et qu'elle irait lui parler un peu plus tard. Elle avait l'air plutôt rassurée à vrai dire et j'ai considéré l'affaire comme en partie résolue. De mon côté j'avais la boutique à faire tourner et j'ai simplement prévenu Fleury que j'aurais peut-être besoin de faire un saut ici au moment de la pause car c'était très tendu au niveau des enfants.

- Et le gars qui était avec Joy, vous avez su qui c'était ?

- Oui, répondit Gilda. C'est un sorcier du nom de Seamus Finnigan qu'elle a rencontré cet été durant son stage à la Gazette.

La mine de la sorcière en disait long sur ce qu'elle pensait du garçon en question, aussi Eris s'autorisa à pousser plus loin ses interrogations :

- Et ? Dit-elle doucement à Gilda.

- C'est un abruti, répondit la sorcière sur un ton définitif. Il se prend pour un grand journaliste, croit à toutes les théories farfelues qui circulent dans le monde sorcier pourvu qu'elles soient populaire, dans le genre petit con arrogant qui se donne des airs de bad boy... Bref, il avait tout pour plaire à notre Joy nationale mais j'aurais bien voulu qu'il s'abstienne de la courtiser, étant donné qu'elle est mineure et que lui a pratiquement vingt-trois ans.

- Je savais qu'elle avait rencontré quelqu'un, répondit doucement Eris. Mais j'avoue que je n'aurais pas pensé à ce genre de profil. J'imaginais plutôt un stagiaire comme elle, timide et boutonneux.

- Tu es loin de la réalité dans ce cas, répondit Gilda.

- Loin de la vision que tu en as en tout cas.

La sorcière se le tint pour dit et ne répliqua pas, Eris poursuivit l'air de rien son petit interrogatoire :

- Tu crois que c'est lui que ma grand-mère a reçu après ?

- Non, répondit Gilda. Cela m'étonnerait beaucoup. A priori c'est une connaissance de Lucius Malefoy, Severus pensait à un avocat.

- Severus ? Pourquoi donc ?

- Nephtis l'a contacté à propos de Joy, vers dix heure je crois. Elle voulait lui raconter les événements de la nuit et lui demander conseil. Là dessus Lucius Malefoy a déboulé, furieux, en lui demandant si elle avait perdu l'esprit pour congédier... On n'a pas su qui car il a vu Severus dans la cheminée et n'en a pas dit plus sur le moment. Severus s'est aussitôt retiré, par correction. Je sais que Marcus se trouvait dans la pièce lorsqu'il est rentré, mais il n'a rien voulu nous dire, Jaody non plus et Joy était dans sa chambre. Donc on n'en sait pas grand-chose en vrai, même si on suppose que Nephtis et Lucius étaient régulièrement en contact avec des avocats.

- Pour quelle raison ? S'étonna Eris.

- Lucius voulait accélérer le partage des deux héritages à ce qu'on a compris, et il conteste celui d'Ignacius, arguant que je n'ai rien à faire dans sa succession et que je ne dois donc pas bénéficier de l'usufruit de ses biens.

- Ce n'est pas logique, répliqua Eris. Tu es sa veuve donc son héritière.

- Non, ce n'est pas comme ça que cela marche.

Eris lui répondit d'un regard interrogateur, aussi Gilda lui expliqua :

- Une épouse Malefoy n'est jamais l'héritière des biens familiaux, ce sont les enfants Malefoy qui en héritent exclusivement, afin d'éviter à cette famille plutôt richissime de devenir la proie de croqueuses de diamants.

- Donc, devina Eris. Logiquement l'héritière c'est moi du côté de mon père.

- Oui.

- Et Nephtis dans tout cela ?

- Une épouse veuve ne conserve que l'usufruit des biens de son mari qu'elle peut administrer en suivant un cahier des charges très strict. Nephtis jouait ce rôle de ton côté depuis la mort de ton père et cela fait des années qu'elle bataille avec Lucius pour conserver l'intégrité de ton héritage... Elle nous l'a expliqué en décembre lorsque... Tu sais... Il y a eu toutes ces tensions.

- C'était à cause de cela ? Lui demanda Eris avec sceptiscisme.

- En partie... Il y avait des incompréhensions des deux côtés, des inquiétudes pour l'avenir... Bref des choses assez futiles au final mais qui avaient pourri l'ambiance durant des mois.

- Et à présent que ma grand-mère est morte ? Demanda Eris. Qu'en est-il de l'héritage ?

- Tu es mineure, donc en toute logique c'est moi qui devrait gérer un moment. L'héritage en lui-même revient aux enfants de la famille Malefoy qui en disposent dès leur majorité. Jusqu'à il y a une vingtaine d'années, une fille Malefoy ne recevait d'ailleurs son héritage que sous la forme d'une dot et n'en disposait donc jamais dans les faits. Mais ton grand-père Abraxas a fait disparaître cette clause sous le ministère de Milicent Bagnolds, Nephtis elle-même saluait ce geste même si elle estimait qu'il s'agissait à l'époque d'un « beau geste » destiné à se faire bien voir par une ministre femme. En tout cas, aujourd'hui, un enfant Malefoy reçoit son héritage à sa majorité si son père est décédé... Sachant que la part d'une fille ne fait que la moitié de celle d'un garçon et qu'il y a également une clause aîné/cadets.

- Où veux-tu en venir ? Lui demanda doucement Eris.

- Je sais qu'il y avait des tensions entre Lucius et ta grand-mère au sujet de l'héritage, et Severus ainsi que moi pensons qu'il voulait récupérer une partie des biens de ton père en arguant de ces dispositions, puisque tu étais fille unique comme Drago...

- Gilda, j'ai du mal à te suivre là...

- Pardonne-moi, je suis confuse. Je voulais dire que ton père et ton oncle étant deux frères, il y a eu entre eux un partage des biens qui s'est confirmé à la mort d'Abraxas mais qui dans les faits était établi depuis longtemps. Lucius en temps qu'aîné a hérité d'une grosse partie de la fortune et Ignacius d'une partie plus modeste. Là où cela se corse, c'est que Lucius est encore vivant alors qu'Ignacius est mort, et qu'à présent il est le membre de ta famille le plus proche par le sang.

- Il voulait déjà ma garde petite, répondit la jeune fille qui venait de comprendre. Et selon toi, il voudrait réunir les deux héritages pour agrandir la sienne.

- Oui, ou un projet dans le genre. Il y a beaucoup d'éléments qui vont dans ce sens, depuis des années. Tu sais que nous n'avons plus vraiment eu de contact avec eux durant des mois... Il avait coupé les ponts très brusquement avec Nephtis pour un désaccord... C'était vraiment devenu malsain comme relation et avec Severus nous étions très inquiets.

Eris regarda sa belle-mère droit dans les yeux et lui demanda franchement :

- Penses-tu que Lucius Malefoy a tué Nephtis ?

Gilda lui rendit son regard en hochant doucement la tête à l'affirmative, avant de soudain baisser les yeux, extrêmement gênée :

- Pardonne-moi, murmura t-elle. Mais je suis plutôt bien placée pour savoir que commettre ce genre d'horreurs est dans ses cordes.

- Lui vous accuse avec Severus, devina Eris.

- C'est exactement cela, il nous traite de profiteurs. Il traite tous les enfants perdus de profiteurs d'ailleurs.

- Quel sac de nœuds, grogna l'adolescente. Bon, je me sens un peu mieux. Allons voir en bas si les choses se sont apaisées.

Elle se leva d'une démarche vacillante s'appuya sur la rampe de l'escalier, tout en demandant à sa belle-mère :

- Comment as-tu appris ce qui s'était passé ?

- Les aurors sont venus me chercher en catastrophe chez Fleury vers midi, car pas d'adulte humain au manoir. Il ont fait la même chose avec Severus d'ailleurs. On était en train de fermer pour la pause après une sacrée matinée... Par Merlin, il faut que je contacte Fleury maintenant. A présent qu'il est hors de question que j'y retourne pour finir la journée, il va se retrouver seul...

Elle raccompagna Eris dans le hall puis remonta rapidement dans sa chambre, plus nerveuse que jamais. Après de telles révélations, la jeune fille était extrêmement troublée. Était-ce vrai ?

Dans le salon, les esprits semblaient s'être un peu calmé et, si la conversation ne s'embarrassait pas de délicatesses, elle avait lieu dans le calme. Eris poussa la porte et, sans un mot, vint s'asseoir à côté de Drago.

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