3/ Si on changeait de point de vue
/Lorde-Team/
Juan
Elle avait perdu un frère et il avait perdu un ami. Elle avait raison, s'il n'était pas venu avec lui pour essayer de sauver des gens, il ne lui serait rien arrivé. S'il était resté ici, il serait encore en vie. Le bout des doigts de Juan devenait peu à peu noir. La mort de ses compagnons d'armes, le futur incertain, la menace permanente du Général, les souvenirs des centres... La couleur passa lentement sur ses doigts en entier avant qu'il se reprenne. Laisser son pouvoir prendre le dessus aurait été la pire chose à faire, et aurait effrayé la plupart des jeunes dans la pièce.
La jeune fille recula pas à pas, se rendant sans doute compte de son geste. Elle avait giflé un Lieutenant. Il la laissa reprendre ses esprits et finalement, sortir de la salle à manger en courant. Évidemment, tout le monde le regardait.
— Si quiconque veut ajouter quelque chose, n'hésitez pas, déclara-t-il. Sachez simplement que partir en mission est risqué et que c'est pour ce genre de choses que je choisis avec soin qui a le droit de partir avec moi ou non.
Un silence de plomb tomba dans la salle à manger. Il souffla alors et termina de manger. Petit à petit, les paroles et les rires reprirent, tout de même plus calmes qu'avant le petit discours et la gifle que s'était pris Juan.
Plusieurs jours passèrent. Pour Juan, rien ne changeait réellement. Il entrainait ses quelques recrues avec l'aide de membres plus anciens, il s'occupait d'Alexia quand elle avait besoin. Elle était comme sa petite sœur. En elle, il avait trouvé la famille qu'il avait perdu. Alexia venait des quartiers riches de Paris. Mais lorsque son pouvoir avait été découvert, elle s'était retrouvée toute seule à fuir les militaires. Le jour où il l'avait récupérée, il avait fait l'erreur de trop s'attacher. Alors, malgré son jeune âge, elle était restée au campement.
Ce soir-là, il travaillait tard dans sa chambre. La nuit était tombée depuis déjà de longues heures, lorsque la sonnerie de son téléphone brisa le silence qui régnait dans sa chambre. Il était le seul à en avoir un ici. C'était un objet rare qu'il possédait uniquement grâce à son grade élevé. Il poussa un soupir et se leva de son bureau. Malgré l'heure tardive, il travaillait sur ses rapports de mission pour aller recruter de nouveaux rebelles. Il venait à peine de finir de noter le prénom du dernier enfant qu'il avait placé dans une famille de confiance du réseau rebelle, que la sonnerie l'avait dérangé. Mais, en voyant le nom qui s'afficha sur l'écran, il comprit que c'était urgent.
— Je t'écoute.
— Je n'ai pas beaucoup de temps Juan alors je vais aller vite, vous allez vous faire attaquer avant demain soir. Mais aucun moyen d'avoir plus d'informations. Sache juste que l'armée connait le lieu de ta planque.
Une grimace se dessina sur le visage du jeune homme. Il passa une main dans les mèches sombres qui encadraient son visage. Ils étaient mal, très mal.
— Compris, annonce au QG qu'on ne va pas tarder à arriver dis leur de venir avec trois camions à la lisière de la forêt.
Lorsqu'il raccrocha une minute plus tard, c'était avec une boule au ventre. Cette planque, c'était sa maison depuis maintenant un an. Certes, ce n'était pas la première fois qu'ils fuyaient l'armée et qu'ils changeaient d'endroit. Mais cette fois ci, c'était la fois de trop. Il n'avait plus de lieu en tête et l'armée avait fini par prendre la domination de toute la forêt. Il ne lui restait plus qu'à revenir à l'endroit où il était devenu Lieutenant, et où on l'avait formé : au QG rebelle.
Il s'agissait du premier QG officiel et d'un des plus grands existant dans tout le pays. Il était dirigé par le Colonel Diane. Juan avait tout sauf envie d'y retourner, mais là, il n'allait pas avoir le choix.
En quelques minutes, un plan commença à se former dans son esprit. Son seul moyen d'avoir plus d'informations était d'utiliser la petite nouvelle et ses capacités. La veille il avait discuté avec elle un moment et surtout, Alexia lui en avait parlé. Son pouvoir à base de visions lui donnerait peut-être l'heure exacte de l'attaque. Il voulait savoir s'il avait le temps de préparer ses rebelles et de sortir les armes, ou s'il fallait qu'ils fuient le plus rapidement possible.
Il enfila un pull et sortit de sa chambre, puis marcha le long du couloir menant à la chambre des filles. La maison était silencieuse. On entendait uniquement le craquement du parquet sous ses pieds. Au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la porte, il put entendre des murmures et des rires étouffés.
— Alors Juan est le fils d'un grand rebelle ? C'est incroyable... murmurait Hope.
Le Lieutenant entendit sa petite protégée acquiescer. Il y avait en effet d'innombrables rumeurs et Alexia était toujours au courant de tout.
— Il prend modèle sur son père. Apparemment il est mort durant une grande bataille, mais c'est lui qui lui aurait appris à se battre.
Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Juan et il ouvrit la porte. Alexia lui fit un grand sourire innocent, mais Hope le regardait avec un air mi-coupable mi-perdu. Elle devait se demander ce qu'il fabriquait aussi tard dans leur chambre aussi.
— J'ai bien vu que vous ne dormiez pas. Remarquez ça m'arrange. Hope, tu veux bien mettre un pull et venir avec moi s'il te plait ? dit-il à voix basse. J'ai besoin de toi pour quelque chose. Lexia, je te conseille de te dormir. C'est déjà beaucoup trop tard.
Juan espérait vraiment que Hope pourrait lui être utile. Sinon ça allait être compliqué. Il lui laissa le temps de prendre un pull puis l'entraina dehors avec lui. Ils n'avaient pas de temps à perdre.
Le lieutenant prit une grande inspiration en sentant le vent passer sur eux une fois dehors. Il fallait qu'il reste calme et serein. Son regard se posa sur le ciel étoilé, alors qu'il s'arrêtait à côté de la porte d'entrée. Tout était calme. La seule lumière provenait du ciel.
Juan avait fait exprès de l'éloigner un peu des autres pour être tranquille avec elle. Il lui demanda alors de s'asseoir en face de lui, sur le sol parsemé de feuilles de la forêt. Il faisait nuit, et ils étaient seulement éclairés par la lune. Il sortit une petite lampe de son sac et la posa entre eux, avant qu'il ne croise les prunelles bleues de la jeune fille en face de lui.
— Hope, j'ai besoin de toi, mais plus particulièrement de ton pouvoir, commença-t-il. J'ai appris en quoi il constituait par les autres jeunes du refuge. Et tu as le pouvoir de m'aider et de nous aider tous. Est-ce que tu es d'accord pour que je t'aide à t'en servir afin de nous aider ?
Il avait l'air sérieux, mais aussi extrêmement attentif. Son visage était compréhensif et doux. Tout donnait envie de lui faire confiance aveuglément, et ça, Juan en était bien conscient. Il espérait jouer là-dessus pour obtenir l'aide de la jeune fille.
— On commence où ? Je dois faire quoi ? demanda-t-elle avec un sourire, prête à accepter son offre.
— Calme-toi, déclara Juan satisfait qu'elle accepte et surtout qu'elle lui fasse confiance. Comme on m'a dit que ton pouvoir consistait à avoir des visions. J'aimerais que tu me prédises le futur. Je sais ce qu'il va se passer ici bientôt. Mais j'ai besoin d'avoir des détails. Est-ce que tu te sens capable d'avoir une vision sur demande ? Je peux t'aider à l'avoir.
Il la vit se calmer, puis rester pensive plusieurs secondes.
— Je veux bien t'aider mais je ne sais pas comment je peux faire... Je... Et puis il va se passer quoi ? Nous allons nous faire attaquer ? bredouilla-t-elle.
Juan la regarda avec tendresse avant de poser ses mains sur ses épaules. Elles tremblaient. Il sentait de là qu'elle avait peur.
— Tu as une bonne intuition. Oui on va se faire attaquer. Mais je sais comment tu peux faire pour avoir une vision et me prédire l'avenir et ainsi nous aider à anticiper. Il faut juste que tu me fasses entièrement confiance.
Il lui fit un petit sourire rassurant, et lui montra sa main droite, qui devenait peu à peu noire.
— Regarde ça, c'est mon pouvoir. Il a un côté très sombre, mais en apprenant à le contrôler, j'ai appris beaucoup sur les pouvoirs en général. Surtout, sur ce qui se passe là, ajouta-t-il en posant son doigt noir sur le front de la jeune fille. Si tu me laisses faire, j'arriverai à te faire voir ce qui nous intéresse.
Hope regardait attentivement la main du jeune homme, elle hocha positivement la tête. Juan s'était montré doux envers elle et avait tout fait pour la rassurer, il espérait que ce serait suffisant. Il lui semblait que la peur de la jeune fille s'était un peu atténuée.
— Oui, si ça peut nous aider, oui, souffla-t-elle.
— Alors... ferme les yeux. Détends-toi et essaie de ne penser à rien. Imagine un grand vide noir, simplement le vide. Et ressens ton pouvoir s'éveiller en toi, concentre-toi uniquement dessus...
Au fur et à mesure de ses paroles, Juan glissa ses mains dans celles de Hope. Il les serra doucement et continua de l'encourager.
— Lorsque tu sentiras qu'une vision arrive, laisse-la t'envahir, n'essaie pas de la refouler. N'oublie pas que je suis là. Tu ne risques rien.
Hope
Hope ferma les yeux et essaya de ne penser à rien, mais ses pensées étaient toujours redirigées vers l'attaque qui allait se préparer.
Lorsqu'elle sentit les mains froides de Juan attraper les siennes, elle laissa l'énergie l'envahir comme lui avait dit Juan, puis d'un coup, un filet blanc apparut. D'ordinaire, elle aurait paniqué, mais là l'aura du Lieutenant l'apaisait. Elle prit une grande inspiration et s'immergea entièrement dans sa vision.
L'horloge accrochée au mur du hall du refuge indiquait trois heures trente.
Au moment où la grande aiguille atteignit le bas du cadran, un bruit résonna contre la porte d'entrée. Puis elle céda sous le poids de l'armée.
Plusieurs voitures arrivèrent. Elle entendit des cris, des pleurs, et des coups de feu.
Tout était chaos et destruction, plusieurs voitures avaient complètement détruit les plantations du jardin du refuge. Des hommes habillés de noir descendaient de gros 4×4.
Puis une immense masse noire, et plus rien.
Hope ouvrit les yeux en tremblant. Face à elle, Juan la fixait du regard comme s'il essayait de décrypter ses pensées. Elle le fixa les larmes aux yeux et soupira.
— Ça va être horrible.
Elle frissonna au contact des doigts de Juan sur sa peau glacée, alors qu'il serrait plus fort ses mains pour essayer de la rassurer. Elle lui expliqua ce qu'elle avait vu la voix tremblante.
Ils n'avaient pas le temps de réfléchir trop longuement. Dans une demi-heure, ils seraient là.
Hope n'en revenait pas, elle avait réussi à trouver sa place en peu de temps mais cela n'avait servi à rien. Tout allait être détruit en une nuit. Alors qu'ils revenaient tous deux à l'intérieur, elle posa sa main sur l'épaule de Juan.
— Tu vas faire quoi ? On va devoir quitter cet abri ?
Il soupira et lui attrapa la main.
— On va partir. On n'a pas le choix. On ne fait pas le poids contre les forces de l'ordre. On n'est pas assez nombreux, et même en étant plus nombreux on aurait trop de pertes. Je ne veux plus prendre de risques. Je n'en peux plus de faire pleurer les gens. Mais ne t'en fais pas, j'ai un endroit où aller. Je ne voulais pas vous y emmener, mais là je n'ai plus le choix. Tu verras ça sera moins tranquille. Mais au moins on sera en vie.
Hope acquiesça. Elle avait peur. Mais comme tous les autres. Comme Juan. Tout le monde avait peur de ce qui allait se passer c'était sûr et certain. Elle eut une pensée pour les autres. Est-ce qu'ils allaient tous s'en sortir ? Le garçon aux étincelles, Dimitri et ses éternelles boucles blondes, ou encore la petite Alexia qui était devenue une amie à force de la faire rire avec son pouvoir de métamorphe et ses rumeurs improbables sur les rebelles.
— Il se passe quoi maintenant ? On réveille les autres et on prépare les bagages ?
Elle savait bien que tout cela n'allait pas être de tout repos. Mais il fallait rester fort et digne comme lui avait appris son père. Elle ferma les yeux, il lui manquait énormément mais elle se devait de rester forte malgré tout. Elle avait beau avoir été élevée par son oncle, les paroles de son père résonnaient encore dans son esprit. Elle attendit donc la réponse de Juan, prête à tout faire pour échapper aux soldats du Général.
— Je vais réveiller tout le monde et leur dire où aller. Ça va aller vite.
Il se tourna alors vers Hope.
— Va dans ma chambre et récupère le sac qu'il y a dans mon placard.
Il lui tendit un trousseau de clés avant de monter réveiller les autres.
Si Hope avait appris quelque chose durant ces quelques jours passés au refuge, c'était qu'il valait mieux faire confiance à Juan, alors, elle fila sans réfléchir. Elle monta les marches quatre à quatre puis arriva devant sa chambre. Après s'être battue avec plusieurs clés, elle ouvrit et contrairement à ce qu'elle pensait, la chambre était rangée, même très bien rangée. Le lit était fait au carré et rien ne trainait. Mais elle ne s'attarda pas. Elle ouvrit le placard et sortit un sac en toile. Ça devait être ça. Elle le prit sur son épaule et sortit de la chambre en courant. Ce sac semblait lourd, que pouvait-il contenir ?
Les autres rescapés du Lieutenant sortaient du dortoir avec leurs affaires dans les bras. Un petit garçon regardait partout autour de lui. Elle s'approcha et lui demanda ce qu'il cherchait.
— Ma grande sœur...
— Viens avec moi, souffla-t-elle.
Elle prit le jeune garçon dans ces bras et le rassura en lui assurant qu'ils allaient la retrouver.
Alors qu'elle s'avançait, elle se retrouva devant Alexia complètement perdue. Les pointes de ses cheveux avaient viré au rouge et elle avait une mine anxieuse.
— Je n'arrive pas à croire qu'on va partir. C'est tellement dangereux dehors.
Juan arriva alors qu'elle continuait de parler sans s'arrêter. Il récupéra son sac en remerciant Hope. Il était toujours aussi calme et paisible, comme si tout était normal.
— On se rejoint tous à l'extérieur.
— Je dois retrouver la sœur de ce petit, finit Hope en tournant la tête dans tous les sens.
Elle regarda le garçon qui commençait à avoir peur et le rassura
— Ne t'inquiète pas mon chou, on va retrouver ta grande sœur.
Si Hope faisait ça, c'est que ce bonhomme ressembler trop à son petit cousin qu'elle avait dû quitter pour assurer sa protection. Mais quand des bruits sourd de moteur ronronnèrent dehors, son cœur rata un battement et elle regarda la pendule. Trois heures trente.
— Merde !
Elle tourna la tête et croisa le regard de Juan et de Lexia qui semblaient dépassés.
— Merde c'est le mot en effet... lâcha Juan.
En une seconde, son visage avait changé. Il parut réfléchir un instant et ajouta.
— Dimitri connait le chemin. Suivez les autres je vous rattrape. Et ne prenez pas de risques.
À ces mots, il prit son sac et partit en direction des militaires en ayant lancé un dernier regard à Alexia.
Hope serra des dents et commença à courir, toujours en tenant le petit dans ces bras, quand une fille plus âgée arriva devant eux.
— Nolan ! s'écria la fille en attrapant le petit. Merci, souffla-t-elle à Hope qui lui fit un sourire compatissant.
La jeune fille et son frère commencèrent à courir quand Hope se rendit compte qu'elle n'avait pas eu le temps de repasser dans sa chambre prendre ses affaires. Son sac contenait la photo de ses parents. La seule photo qu'elle avait encore d'eux, elle lui tenait trop à cœur pour pouvoir la laisser. Ça pouvait paraitre stupide, et à vrai dire, ça l'était peut-être, mais sa pire peur était qu'un jour leur visage s'efface de son esprit. Alors elle était prête à prendre des risques pour la récupérer.
Elle courut jusqu'au dortoir en espérant trouver son sac rapidement. Elle monta les marches et tourna prudemment la poignée de la porte. L'état du dortoir était désespérant. Tout était en plan, chacun avait pris le plus d'affaires possible et avait laissé le reste, elle aperçut de loin son sac trainer sur son lit et se baissa pour l'attraper. Mais d'un coup, un bruit sourd retentit. Les portes de l'entrée venaient de céder.
Le souffle d'Hope se coupa. Elle prit son sac et fonça jusqu'à la fenêtre qui donnait sur le devant du refuge. Plusieurs 4x4 étaient garés devant.
Des coups de feu résonnèrent dans le couloir et des cris retentirent. À l'extérieur, l'un de 4×4 prit feu. Les murs se couvrirent de noir. Un noir intense et effrayant. Elle n'avait jamais vu ça. Malgré tout, il fallait qu'elle sorte. Elle ouvrit doucement la porte, puis se mit à courir de toutes ses forces. Elle n'avait pas le choix. Il fallait qu'elle s'en sorte, elle ne pouvait pas mourir ici, ni finir dans un centre.
En arrivant au rez-de-chaussée, elle eu le souffle coupé.
De grands nuages de fumée noire avaient envahi la pièce. L'odeur de la poudre manqua de la faire tousser, révélant sa position. Juan était au milieu, un fusil d'assaut sur l'épaule. Il tirait en rafale sur les militaires. Le vacarme des coups de feu était assourdissant. Ses bras étaient d'un noir profond, du bout de ses doigts au haut de ses biceps. Il portait une ceinture remplie de munitions. Hope se recroquevilla derrière la montée d'escaliers, attendant une ouverture pour s'enfuir. À ce point, même Juan la terrifiait. Elle ne l'avait jamais vu ainsi. Il était animé d'une rage qui ne lui semblait plus propre. Les militaires du Général poussaient des hurlements qui auraient fait frissonner n'importe qui.
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