Chapitre 4 - Arthur
Arthur se réveilla, engourdi, avec un terrible mal de crâne. Il se redressa péniblement mais sursauta lorsqu'il toucha de la neige. Que... ? Paniqué, il chercha une explication dans sa mémoire. Avait-il trop bu ? Il n'aurait pas été assez soûl pour ne pas être capable de revenir au chalet...
Un souvenir lui fit alors l'effet d'une douche froide. Il était arrivé à Paris hier soir ! Que faisait-il sur le flanc d'une montagne ?!
La Brume...Pensa-t-il. Je suis tombé et...
Mais où était donc-t-il arrivé ?
Autour de lui, de la poudreuse reflétait la lumière du soleil avec violence. Des rocher gris et blanc se dressaient de chaque côté. Il était dans un sentier, bordé de pin pliant sous la neige blanche. Les montagnes se dressaient majestueuses tout aux alentours. Arthur tenta de calmer son cœur qui battait à mille. Ce n'était pas possible...
À ses côtés, il put observer son étui à violon. Il s'y accrocha comme à une bouée, et haletant, l'ouvrit avec précipitation. Il y trouva son violon, avec un sandwich, une bouteille remplie d'eau de source. Entre les bretelles, il trouva son vieux manteau d'hiver qu'il s'empressa de mettre pour se protéger du froid.
Il regarda autour de lui. Des montagnes, très différentes des Alpes. Où était-il ? Avait-il à faire à de la... magie ?
Arthur éclata de rire, de stress et d'absurdité. Il fallait qu'il arrive à contrôler son imagination débordante. Non, sous le choc, il avait sûrement inventé cet histoire de vortex, et il voyait des montagnes à la place... d'un parc. Tout ça n'était qu'une hallucination liée au stress... Il fallait que ce soit ça. Quelle autre explication autrement ? Il allait se lever, lorsque quelque chose soudain siffla à ses oreilles. Un bâton alla effleurer sa joue et rebondit sur le rocher gris derrière lui. Un bâton ? En le ramassant, Arthur remarqua qu'il était recouvert d'une petite pointe en métal au bout. De l'autre extrémité dépassait des plumes. Une flèche. Une flèche ? Que... ? Il n'eût pas le temps de se poser d'autres questions que soudain, un cri sortit du haut du roc en face de lui.
Losqu' Arthur leva la tête, il vît une chose encore plus absurde ; sur ce rocher était perchée une jeune fille, aux cheveux bruns. Elle était accroupie et avait un arc à la main. Elle était très étrangement vêtue. Elle avait une robe vert sombre, retenue par une ceinture de cuir, une cape bleue bordée de fourure, des longues bottes, et beaucoup d'autres détails qu'il n'eût pas le temps d'analyser. On aurait dit qu'elle sortait d'un festival de pop culture. Très légèrement rassuré par une présence humaine dans cette bouleversante situation, il se força à lever les yeux et bredouilla :
-Bonjour mademoiselle...
Elle ne réagit pas. Elle l'observait avec peur et colère. Elle tenait vraiment bien son personnage.
Il tenta de se relever, mais soudain, elle cria :
-Araï acheios ! Ou êra heyk ney psophosa psey kophia târko pykophx Elfix !
Sur ce langage incompréhensible, elle sauta devant lui, et, rapide comme une vipère, sortit deux poignards, qu'elle pointa sous sa gorge. Arthur se pétrifia.
-Arrêtez ! Bredouilla-t-il, qu'est-ce que vous voulez ? Je n'ai pas d'argent et mon téléphone est resté sur mon bureau, dans mon appartement...
-La elpianthros hey loge ?
-Je ne comprends rien à ce que vous dîtes mademoiselle, supplia Arthur, Pitié, lâchez ces couteaux !
Il étouffait. Les lames touchaient sa gorge et il ne savait pas quoi faire pour se libérer.
-Ah Οüκ legoeis Elpis ! Araï, Acheïa ?
-Mais puisque je vous dis que je ne comprends pas ! Paniqua-t-il, les yeux embués de larmes et écarquillés de peur. Lâchez-moi par pitié, je ne veux pas mourir !
Sa voix devenait aiguë et désespérée.
Soudain, elle changea d'expression. Elle le regarda avec étonnement. Lui frémit en louchant sur les lames qui menaçaient sa gorge. Il paniquait, et était dans l'incompréhension la plus totale. Elle pencha la tête :
-Tu ne parles même pas grec ? Dit-elle en français, avec beaucoup d'étonnement. Non parce que ne pas parler Elpis c'est normal, mais ne pas parler grec...
-Mais bien sûr que je ne parle pas grec, dit-il, rassuré qu'elle comprenne enfin sa langue, Nous sommes en France ! Pourquoi devrais-je...
Il s'arrêta. Il ne savait absolument pas s'il était en France.
Elle le dévisagea, fronça les sourcils, et, avec le plus grand des calmes, retira ses couteaux. Arthur soupira et essuya ses yeux trempés de larmes d'affolement.
-Mais d'où viens-tu pour ne pas parler grec ? Demanda-t-elle.
Il se demanda alors s'il n'avait pas affaire à une folle psychopathe, qui s'était perdue. C'était le plus probable, s'il faisait une hallucination. Était-ce une hallucination ?
-Vous voulez que j'appelle la police mademoiselle ? Nous pouvons trouver quelqu'un avec un téléphone et vous ramener chez vous, si vous le souhaitez...
-Mais que baragouinez-vous ? Et pourquoi êtes-vous habillé ainsi ?
Il regarda ses vêtements et se rendit compte qu'ils étaient couverts de boue et de neige fondue.
-Ah, ça ? Dit-il, eh bien voyez-vous, j'ai fait un rêve étrange et je suis tombé dans une brume noire...
Elle se raidit soudain et le regarda avec stupeur.
-Une brume noire ?!
-Euh... Oui, Hésita-t-il, vous savez...
Elle marmonna alors dans son étrange langue.
-Pheïkeythanos ? Oü. Oh. Anthrospayl... Ah. Oh.
-Pouvez-vous parler en français s'il vous plaît ? Demanda poliment Arthur.
-Le français ? C'est ta langue ?
Arthur se demanda que faire. Il avait en face une jeune fille folle, accoutrée d'une façon pour ainsi dire pittoresque et qui parlait une langue inconnue.
-Bon, dit-il, écoutez, on va vous ramener sur le sentier et...
-Non ! Le coupa-t-elle, un éclair soudain dans les yeux ; une illumination intelligente. J'ai compris d'où tu venais ! Tu viens de l'autre monde, là où se créent les mythologies. C'est très, très grave, et puisque tu es arrivé par un portail de brume, il faut trouver un moyen de te retransférer... Oui, cela explique l'éclair cette nuit.
Arthur tituba. Il comprenait qu'il n'était pas en hallucination. Ce qu'il vivait était bien réel. Et il avait devant lui une personne qui maniait de poignards et parlait grec et une autre langue bizarre.
Elle prit alors un air sérieux, le regarda dans les yeux, se plantant devant lui.
-Bon écoutes-moi. Ce que je vais te dire va pas être facile alors tu vas t'asseoir et tâcher de pas t'évanouir d'accord ?
Pâle comme un linge, Arthur acquiesça et se laissa glisser sur le rocher. Les yeux perçants de la fille en face. Elle le scrutait comme s'il était un animal étrange. Son air préoccupé en disait long sur elle aussi : il n'était pas le seul que la situation dépassait.
-Bon. Ça va ? Demanda-t-elle. Tu es prêt ? Il va falloir être fort, d'accord ?
Arthur déglutit et hocha légèrement la tête. Ses mains tremblaient. Il était presque sûr de ce qu'elle allait lui dire et en avait peur. Il avait la sensation d'être un personnage de roman. C'était horrible. Il vit la fille déglutir, soupirer.
-Bon. Par où commencer ? Tu vois, tu es né dans... Dans un monde. Chez toi, tu vas me le confirmer, il y a plein de pays, avec des croyances différentes, d'accord ? Et bien ces religions, quand assez de personnes y croient, prennent vie, en réalité dans un autre monde. Chacune a un univers différent, avec des divinités pour diriger le monde. Et ce monde évolue, parallèlement, ici. Et là... tu as atterrit en Achea. Je ne sais pas comment vous nous appeler dans notre monde... Tu connais les Dieux Zeus, Héra, Athéna, Artémis... ?
-La mythologie grecque ? Souffla Arthur, les yeux errants.
-Voilà. Et en gros... Ce monde a été créé il y a deux mille ans par nos Dieux à partir de votre monde. Et on a évolué... Un peu. Tu vois, je n'ai pas les mêmes vêtements qu'un grec ancien de ton monde, on a des avancées technologiques. Mais pas autant que toi. Tu comprends ?
-Oui..., Répondit-il en état second. Et... et comment est-ce possible que je sois arrivé ici ?
La jeune fille soupira.
-La Brume. Elle s'est renforcée. Sache qu'elle peut créer toute sorte d'illusions, dont des portails, et, entre de très mauvaises mains, peut faire entrer ou sortir un mortel de l'autre monde. Il faut trouver un moyen de te renvoyer au plus vite.
Ses yeux se révulsèrent et il s'effondra sur elle. Elle le rattrapa très vite.
-Hé là ! Doucement l'Homme ! Tombes pas comme ça. Tiens assieds-toi contre la roche. Voilà. Bon. Respire d'accord.
Arthur se prit la tête dans les mains. Il devait se ressaisir.
-Comment m'as-tu appelé ? Demanda-t-il d'une voix rauque.
-De quoi ?
-Tu as dit l'homme.
-Ah. L'Homme. Oui.
-Parce que tu n'es pas humaine.
-Bah non. Dit-elle comme si c'était évident.
-Alors tu es quoi ?
Elle soupira. On avait l'impression qu'elle s'adressait à un enfant de quatre ans.
-Je suis une Elfie.
-Une quoi ? Demanda-t-il, confus.
Ses yeux écarquillés observaient l'oreille de la jeune fille, aussi pointue qu'une lame. Lorsqu'il se surprit à y approcher la main, elle eut un mouvement de recul, et porta la main sur ses armes. Elle le dévisageait.
-Une Elfie. Tu n'en connais pas dans ton monde ?
-Non.
La jeune fille eu alors le regard révolté.
-Ils nous ont alors tous exterminés, les salauds. Mais toi, tu ne connais rien des Elfix, tu ne nous portes donc pas la trace de leur haine. Je ne suis donc pas sensée te tuer. Et puis, les Dieux voudraient qu'on te renvoie. Vlacas ! Pourquoi es-tu tombé sur moi ?
-Mais qui sont les Elfix au juste ? Bredouilla Arthur.
-Les Elfix sont un peuple mortel qui obéit aux dieux. Nous avons des oreilles pointues, symbole d'honneur. Nous vivions en paix, avec les Hommes sauf que...
Elle s'arrêta un moment, pour ravaler sa salive.
-On va dire que depuis quelques mois, le Pacte de Paix a été défait et les tensions montent entre les deux peuples. Parce qu'ils vivent dans un régime où ils en oublient la piété envers les Dieux de l'Olympe. Et puis on est en mauvaise posture parce que tu vois, eux, ils ont l'air d'être plus appréciés par la Reine et...
-Je ne comprends rien, gémit Arthur.
Des larmes coulèrent sur sa joue. Il était plus que perdu, dans un monde de guerre, où les habitants parlaient d'autres langages et croyaient aux dieux Grecs. Arthur ne connaissait de cette Mythologie que les livres qu'il lisait petit. C'est-à-dire pas grand-chose. Tout ça lui faisait peur.
Il prit sa tête entre ses mains et pleura comme un enfant. Il voulait rentrer chez lui, dans sa campagne, voir ses parents, ses chevaux, dessiner ses montagnes. Il ne souhaitait pas se retrouver à côté d'une guerrière grecque de l'Antiquité qui parlait de choses incompréhensibles.
Elle posa ça main sur son épaule, l'air plus préoccupé que rempli de compassion.
-Hé ça va aller, t'inquiète pas. Je trouverai un moyen de te ramener... Je sais ce que c'est que d'être perdu et loin de sa maison.
Arthur leva la tête. Mille questions lui tournaient l'esprit et il avait besoin de se changer les idées. Il avait peur, horriblement peur. Il ne savait pas où il était et voulait rentrer mais savait qu'il s'évanouirait d'angoisse s'il continuait à y penser.
-Et puis ce n'est pas une raison pour essayer de me tuer ! Eclata-t-il. Je n'ai rien fait !
Elle fronça les sourcils.
-Si tu savais tout ce que nous ont fait les Hommes dans ce monde, tu comprendrais.
-Mais ils sont si terribles que ça ? Tous ?
-Oui.
Son ton était ferme et convaincu. Il n'y avait pas une once d'hésitation dans sa déclaration. Elle lui faisait peur. Elle l'avait quand même menacé avec des couteaux parce qu'il avait les oreilles rondes...
-Bon écoutes, dit-elle plus calme. Depuis deux mille ans, les Elfix sont en guerre avec les Hommes. Ils veulent nous exterminer parce que nous sommes différents. Eux sont la première espèce mortelle créée par les Dieux. Alors ils n'apprécient pas notre présence, ni celle des satyres et des dryades. Et ça fait cinquante ans qu'une paix a été signée... Sauf qu'ils viennent de la briser. Aucun endroit n'est sûr aujourd'hui, surtout seule, loin de sa cité. Donc tu comprends pourquoi j'étais méfiante.
Arthur acquiesça. Ça se tenait, même s'il n'appréciait pas vraiment d'avoir été menacé de la sorte.
Il y eut un silence. Il regarda le soleil briller à la cime des montagnes. Il éclairait la vallée remplie de pins, d'oliviers et de cyprès. Tout lui paraissait irréel. Ça faisait tellement à digérer...
Il se tourna vers la fille.
-Comment tu t'appelles ?
Elle fronça les sourcils.
-Je m'appelle Nelly.
Ces simples mots semblèrent lui remémorer des souvenirs terribles, car une grande émotion put se lire sur son visage. Dans le silence, Arthur se surprit à l'observer avec attention. Elle avait une robe verte, en lainage, qui était retenue par une grande ceinture de cuir, qui lui tenait élégamment la taille. Cela n'avait absolument pas l'air confortable. De sa ceinture pendaient tout un tas d'objets. Un poignard dans un fourreau de chaque côté, une gourde et d'autres choses inidentifiables pour un jeune dessinateur du XXIème siècle. Elle avait de longues bottes en cuir noir fourrées de fourrure, qui laissait percevoir ce qui semblait être une dague, cachée dans l'intérieur du mollet. Sur ses épaules, une très lourde cape, qui devait tenir bien chaud en ce mois de Février. Elle avait également les avant-bras recouverts de fourrure et de cuir. Quand on regardait ses poignets, on distinguait... Encore des lames ? Ou une forme qui s'en rapprochait en tout cas. Sa tenue n'avait rien de grecque. Mais il se dit qu'en deux mille ans, ils avaient peut-être eu le temps de revoir leurs styles vestimentaires. Elle avait la peau très légèrement mate. Son visage avait des joues juvéniles et un nez en trompette. Arthur fixa ses yeux un moment. Ils étaient légèrement en amande. Ses pupilles brillaient encore sous l'émotion. Elles étaient brunes, mais le soleil les rendait jaunes, avec des reflets verts. Il y avait d'étranges taches noires, et celles-ci s'alignaient à la couleur de l'iris. Son regard avait quelque chose de triste, même de brisé. Sa bouche n'était ni fine ni pulpeuse, juste normale et asséchée. Ses cheveux longs et bruns frappaient ses joues sous le vent. Ils étaient lisses, mais épais et emmêlés. Le soleil les rendait clairs et roux.
Arthur allait parler lorsqu'elle se tendit soudain comme un arc. Ses yeux s'affolèrent.
-Viens ! S'écria-t-elle.
Elle le saisit violement par le bras et l'emporta derrière un rocher à côté du sentier.
Laissez-moi trouver ce monde où je serai libre,
Laissez-moi m'envoler vers l'Olympe ;
Que les Dieux soient témoins de ma piété
Et de la Liberté qui m'anime.
Paradoxe, Messages de la Résistance
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