Chapitre 1

Partie de la Carte de l'Achea

Imagine.

Nelly observa ses pensées comme on regarde un livre ouvert. Elle feuilleta les pages de son esprit en recherche d'un nouveau scénario que son imagination créerait. Elle ne fut pas déçue. Une histoire arriva, celle d'une jeune fille qui...

-Tu rêvasses ? l'interrompit une voix railleuse.

Nelly se retourna avec un brusque retour à la réalité.

Elle se tenait sur une charrette, remplie de foin et tremblant sous les imperfections de la route. Le véhicule, tiré par des chevaux, suivait le convoi militaire qui s'étirait devant et derrière lui, sur la montée de la colline. Ce convoi devait bientôt arriver au cœur des landes escarpées, au bourg militaire de la Paix Homme-Elfi. C'est dans ce bourg que l'alliance vieille de soixante ans entre les Elfix et les Hommes devait être, comme à chaque décennie, devait être célébrée. Les Elfix et les Hommes étaient les deux espèces mortelles de l'Achea qui se ressemblaient le plus. L'unique différence se trouvait dans la forme de leurs oreilles. Pourtant, mémoire de Dieux, les deux peuples avaient toujours été en guerre. Cette paix avait été un miracle. Pour certains.

Nelly sourit.

Dans la charrette, en face, était assise Aelia. C'est elle qui l'avait appelée de son air railleur. Aelia était une très belle Elfi. Ses oreilles étaient aussi pointues que les lames de ses poignards. Elle avait les yeux pétillants de vie et d'inventivité, aux iris se disputant entre l'émeraude et l'ambre. Sa peau était pâle et ses cheveux noirs et brillants. Elle n'était pas très grande, mais sa témérité et son agilité compensaient sa petite taille au combat. C'était la seule personne qui avait complètement accepté Nelly. La seule qui pouvait la défendre.

A côté d'elle était gentiment installée Helena, la deuxième sœur de Nelly. Pourtant, Helena ne ressemblait en aucun point à son ainée, et elle prenait bien garde à ne pas la suivre dans ses dangereuses aventures complètement inappropriées pour des jeunes filles décentes. On pouvait pourtant remarquer les ressemblances fraternelles entre Nelly et Helena. Elles avaient les mêmes yeux en amandes, qui doraient au soleil. Leurs cheveux bruns prenaient des reflets roux. Ceux d'Helena étaient bouclés, ce qui s'accordait avec sa peau mate et son visage fin.

La sœur de Nelly haussa un sourcil.

-Il faudrait bien qu'un jour Nelly arrête de rêvasser, déclara-t-elle avec dédain. Parce que si par hasard, un idiot venait à lui demander sa main...

Aelia explosa de rire.

-Demander sa main ! Et pourquoi pas proposer une Amazone en mariage. A-t-on entendu plus absurde ! De toute façon, Nelly et moi, on deviendra vieilles filles ou prêtresses. L'amour, on fait pas plus repoussant !

-Comme si vous aviez le choix, ricana Helena. Vous verrez, vous finirez par...

-Oh la ferme Helena ! Cracha brusquement Nelly. Personne ne va se marier à moi et on s'arrête ici !

Aelia et Helena sursautèrent devant la violence de sa réponse. Elles se regardèrent avec inquiétude. Quelque chose tracassait Nelly, c'était évident. Depuis qu'elles avaient quitté Nymyodel, elle était amère et ne rigolait plus. Pourtant, même Aelia n'arrivait pas à savoir ce qu'elle avait. Elle devait être heureuse, pourtant. Ce voyage lui tenait tellement à cœur. Ayant grandi à la cour, elles étaient les seules jeunes filles à pouvoir demander une place dans cette conférence militaire uniquement constituée d'hommes. Elle avait tellement insisté pour partir...

Nelly se détourna, plaçant les jambes entre les bordures de la charrette. Elle tenta de se reprendre tant bien que mal. Son cœur s'emballait. La jeune Elfi ferma les yeux. Son angoisse refusait de la laisser. Sous l'émotion, elle attrapa son long bâton de marche. Sa deuxième partie. Celle qu'elle ne quitterait jamais. Et seuls Aelia et Démétrius pouvaient savoir pourquoi.

  Démétrius...

Le cœur de Nelly s'arracha dans sa propre poitrine. La tempête de son esprit  reprit les hurlements. Chaque membre de son corps se glaçait un peu plus à l'idée que Démétrius...

Non. Tais-toi.

Il n'aurait jamais dû savoir à propos du bâton. Il n'aurait jamais dû savoir. Si jamais il venait à parler...

Tais toi !

Nelly s'ébroua. Soupira. Il ne fallait plus qu'elle pense à lui. Il était loin maintenant. Il était resté à Nymyodel. Plus cette charrette avançait, plus elle s'éloignait de lui. Elle était en sécurité. Tout allait bien. Elle avait son bâton.


Aelia était inquiète. Elle n'avait jamais quitté Nymyodel et sa mère aussi longtemps. Elle s'était battue pour pouvoir partir, pour avoir le privilège de représenter sa liberté. Pour sa cité. Pour son statut. Pour son genre. Elle voulait montrer qu'elle pouvait être plus douée qu'un garçon. Qu'elle pouvait se battre. Et puis il y avait la Résistance. Elle leur avait promis des informations. Elle le devait, pour sa propre liberté. Pourtant, elle avait la boule au ventre. Cette horrible impression qu'elle n'avait rien à faire là, que cette journée ne se passerait pas comme prévu. Et puis le comportement de Nelly...

Aelia regarda sa meilleure amie. Elle se tenait sur la bordure de la charrette, de dos. Aelia vit sa main, tellement serrée sur son bâton qu'elle en devenait blanche. Posture très inquiétante, lorsqu'on connaissait vraiment Nelly.

-J'ai mal au dos, se plaignit Helena, placée précieusement dans le foin moelleux. Cette route est trop abrupte...

Personne ne lui répondit.

Ils arrivaient en haut de la colline lorsqu'Aelia remarqua un groupe d'hommes au galop, qui fendaient la foule militaire. Celui qui menait le groupe était un jeune Elfi, richement vêtu. Ses cheveux bouclés secoués par le vent cachaient presque ses yeux.

Aelia se releva brusquement, les yeux écarquillés de stupeur. Elle ne fut pas la seule. D'un geste, Nelly s'était accroupie en position de défense. On put alors sentir l'air refroidir d'un coup, alors que le cœur de la jeune fille tambourinait dans sa poitrine. Elle se mit à trembler.

-Comment est-ce possible ? Murmura-t-elle la voix paniquée.

Le jeune Elfi, souriant, arriva à leur hauteur.

-Halyeth mesdemoiselles ! Lança-t-il à Aelia et Helena. Nelly...

Aelia resserra la main sur son poignard. S'il n'en dépendait qu'à elle, il y a longtemps qu'elle aurait poignardé ce prétentieux. Mais il était protégé.

-Qu'est-ce que tu fous là ? lança-t-elle à l'interessé.

Il sourit. Prétentieux et provocateur. Il dépassait les bornes.

En faisant attention de bien articuler chacun de ses mots, en savourant ses paroles de son air insolent, le jeune Elfi répondit :

-J'ai finalement réussi à obtenir l'autorisation d'accompagner mon régiment. Vous voyez ?

Il sortit, victorieux, un papier de son armure, en l'agitant au nez de Nelly. Elle, pétrifiée, fut incapable de lui répondre. Ses dents étaient tellement serrées qu'elles semblaient se renfoncer dan leurs racines.

Helena, que tout le monde avait oubliée, battit des mains.

-Nous en sommes ravies ! Déclara-t-elle en souriant.

Elle regardait le jeune homme les yeux grands ouverts, le regard brûlant d'admiration, le sourire plus que satisfait au lèvre, ne semblant pas remarquer l'horreur sur le visage de ses compagnes. Nelly et Aelia avait des têtes d'enterrement. Tout leur contentement d'enfin quitter Nymoydel venait d'être réduit à néant. Nelly essaya rageusement de se contenir et articula :

-Comment est-ce possible ? Tu étais blessé et...

Le sourire du jeune homme diminua. Les deux Elfi se jaugèrent. La tension monta. Nelly venait de défier sa prétentieux. Jeu très dangereux, lorsqu'on avait un prince en face de soi.

-Oui Nelly, répondit-il. Ingénieux, comme plan. Mais ne t'inquiète pas, je te pardonne. De toute façon, tu n'as jamais réellement réussi à me blesser. Je suis sûr que tu es soulagée de me voir aller mieux, ironisa-t-il.

C'en était trop pour Nelly qui bondit, en brandissant son poignard. L'escorte autour du jeune Elfi réagit à la même seconde, en sortant les épées brillantes au soleil. Heureusement, à ce même moment, la charrette trembla sous le coup d'un rocher sur la route. Nelly trébucha et tomba dans le foin. Humiliée, encore, elle se releva en crachant, les yeux brûlants de colère. L'escorte autour rangea les lames.

-Par l'Olympe, Démétrius, Éructa Nelly, je te jure que...

Le prince sourit. Sur son visage, on pouvait presque lire de la pitié.

-Non Nelly, répondit-il calmement. Les menaces ne te sont d'aucune utilité.

-Va crever au Tartare ! Explosa-t-elle.

Il soupira. Quand allait-elle comprendre ? Tout le monde savait qu'elle finirait par se résonner. Elle lui appartenait. Il n'y avait plus rien à dire. Il avait gagné.

-Mon devoir m'appelle, déclara-t-il donc. Hayneth les filles !

Avec un clin d'œil provocateur, il s'élança au galop, suivi de son escorte. Helena agita la main, ravie. Aelia souffla d'agacement. Nelly se rassit dans le foin, désespérée.


Brume : Élément magique de notre monde, créé par Hécate, déesse de la magie. Elle permet surtout de voiler l'apparition des dieux aux mortels indésirables, et est appelée Brume Grise, ou Brume Simple. Seulement, la brume peut être utilisée par des mortels, et certains magiciens arrivent à la détourner, à la changer. On connaît alors la plus terrible de tous ses aspects ; La Feïkeythanos, Brume de la Mort. Mais d'autres, plus puissantes encore permettent le passage de notre monde à celui où naissent les légendes. Elle est extrêmement rare et ne peut transporter quelqu'un toute seul. Il faut qu'un magicien la manipule pour quel puisse le faire passer d'un monde à l'autre. Heureusement pour nous, les Dieux ont assez de contrôle sur les mortels pour éviter que cette Brume soit manipulée. Autrement, les circonstances de notre monde changeraient pour le pire.

Achilyos Naraïos Narypy Throlys,

Mémoires, Archives de Nymyodel,

Arbre des Sages, Salle 26.

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