Chapitre 5

Cyril et Nikolai se trouvaient désormais dans une immense salle aux couleurs sobres. Alors que Chas atterrit avec grâce et légèreté dans ce décor majestueux, ses deux compagnons se réceptionnèrent très mal faute d'habitude ! 

Pour Cyril, cela ne changea rien, il était déjà allongé depuis un long moment. En revanche, pour Nikolai, la force qui l'avait amené jusqu'ici le fit rouler en boule jusqu'aux pieds de Chas. Affichant presque un sourire amusé, le démon aida tout de même Nikolai à se relever. Ce dernier reprit sa place auprès de Cyril, toujours très inquiet pour lui.

― Mes serviteurs sont déjà en route pour lui apporter tous les soins nécessaires, l'informa Chas.

― D'accord, merci. Je ne connais pas ton nom mais apparemment tu connais le mien alors qu'on ne s'est jamais vu ! répliqua Nikolai, intrigué, car il avait fouillé sa mémoire en vain à la recherche du moindre souvenir avec un homme à la voix ou la dégaine semblable.

― Cela est vrai. Je m'appelle Chas, enchanté. Voilà ta première réponse : c'est Caline, ton chat, qui m'a rapporté que vous étiez en danger. Je l'ai rencontré un jour et on a sympathisé. Es-tu réellement étonné que je comprenne le langage des chats ? N'as-tu pas remarqué d'autres choses étranges depuis quelques jours ?

Chas avait prononcé ces mots sur un ton mystérieux. Il était clair qu'il détenait de nombreuses réponses dont les garçons avaient besoin. Tout s'emmêla dans la tête de Nikolai lorsqu'il obtint cette première réponse de la part de Chas. Dans son esprit confus, cette information n'était rien de plus qu'une énième énigme.

― Dans ce cas, je vais tenter de mettre un peu d'ordre dans votre esprit, répliqua Chas qui s'était tout naturellement branché sur le fil télépathique de ses invités. Bon... Je ne pense pas qu'il ait une manière appropriée de dire cela. Nous appartenons à la même espèce tous les trois : celle des démons. Vous étiez plus précisément ce qu'on surnomme chez nous des terkunchi. Terkunchi signifie verrouillé.

Chas émit une pause dans son récit. Il savait que tout cela était dur à concevoir pour des terkunchi qui n'avaient aucune idée de l'existence de Permana. Il décida donc d'y aller par étapes. Cependant, il avait donné ces premières pièces du puzzle d'un air distant, voir détaché, ce qui donna l'impression à ses interlocuteurs qu'il se fichait de l'impact que ses mots pouvaient avoir. Les nerfs à vif amplifiés par la fatigue firent ouvrir la bouche de Nikolai qui ne put se retenir de lui rentrer dedans verbalement :

― Je rêve ou tu es blasé de nous dire ça ? On t'a rien demandé je te rappelle ! Tu débarques de nulle part, tu nous sauves et tu crois que ça te donne le droit de nous dire ça comme ça ? Tu pourrais être plus compatissant !

― Et toi moins ingrat ! J'ai vu le jour il y a de cela des centaines d'années, donc oui, ces phrases je les ai dites et entendues des milliers de fois ! Tu verras quand tu auras des siècles d'existence derrière toi... Partis comme c'est, ce n'est pas gagné... Toi aussi, certaines choses ne te toucheront plus !

Décidément, plus ce garçon parlait et plus Nikolai avait l'impression que ce dernier était condescendant et effectivement lassé des jérémiades des terkunchi dont il chamboulait la vie. Pire encore, Nikolai avait l'exaspérante impression que Chas les avait sauvés uniquement parce qu'ils leur avaient fait pitié. Rien à voir avec de l'altruisme au final !

― Si je vous ai sauvés, ce n'est pas pour cela, réfuta Chas. Je vous ai aidés parce que ton ami Cyril est l'un des miens et que j'ai le devoir de protéger mes sujets. Tu ne fais pas partie de mon clan, mais nous sommes de la même famille puisque nous sommes tous les enfants de Permana. Notre terre, la garante de notre liberté et de notre droit d'exister en tant que mundur ! C'est le nom que nos ancêtres ont choisi pour nous. Tout cela est inscrit dans tes gènes Nikolai. Je ne pouvais pas te laisser en plan, c'est une question de devoir !

― Attends, pause, l'un des tiens ? Toi aussi, tu as des griffes et tout ça ?

Les deux protagonistes se retournèrent sur Cyril dont les blessures étaient en train d'être soignées par deux individus qui étaient focalisés sur leur tâche au point de ne pas avoir croisé le regard de l'estropié une seule fois. Cyril suivait de loin la discussion des deux hommes qui s'étaient enflammés. Il espérait que son ton calme, malgré la douleur et le stress, calmerait les esprits.

― Oui, Cyril. Je suis un sakarujam et toi aussi. Nous avons du sang de chat sauvage des Highland en nous. En fait, tous les démons maîtrisent la magie noire. Elle est dénommée ainsi, car elle puise sa force dans des émotions très négatives telles que la colère ou la peur. (Chas s'interrompit pour se délecter de la mine interdite de ses élèves qui enregistraient chacun de ses mots.) Alliée à notre sang animal, la magie noire nous donne des capacités particulières, comme celle de parler le langage des félins ou d'avoir de longues griffes rétractables, aussi tranchantes qu'un scalpel.

Cyril était rassuré de ne pas devenir dingue. Ses griffes étaient réelles. En même temps, Chas venait de lui confirmer tout ce que lui et Nikolai redoutaient : cette « magie » était bien en eux. Insaisissable et volage, elle avait élu domicile dans leur corps sans y être autorisée et n'en sortirait plus.

― Mais tu n'es pas que ça, Cyril, ajouta Chas qui entrevoyait l'aura au caractère hybride de son frère grâce à son sixième sens. Nikolai, tu n'as pas de sang animal en toi. Je ne sais donc pas à quel clan tu appartiens.

Cyril voulut rebondir sur la nouvelle information qu'on venait de lui annoncer, toujours d'une manière trop brutale. Cependant, Nikolai avait repensé au micro déposé dans ses mains et à la séance de tournage de clip désastreuse en plein cœur de Paris. Captant ces souvenirs, Chas reprit la parole. Micro... Musique... Permana, l'évidence venait de sauter aux yeux du félin !

― Effectivement, tu n'es pas un animal de lune. Pour information, c'est le nom générique qu'on donne à tous les clans d'animaux démoniaques pour les distinguer des animaux terrestres. Il en existe trois. Ce n'est pas important de vous les énumérer maintenant. Nikolai, tu es un mentuarak. Un être dont la voix est simplement mélodieuse pour les manusia... (Chas se racla la gorge.) Les humains dans notre vieux dialecte. En contrepartie, elle a des propriétés assommantes pour les créatures magiques.

Il y avait un autre point sur lequel les deux youtubeurs voulaient revenir. C'est Cyril qui l'aborda :

― Tu as parlé de terka... Terki... Terkou...

― Terkunchi ! Il faut que vous soyez conscients d'une chose : on ne vous a pas implantés ces pouvoirs. Nous n'en sommes pas capables. La magie est innée. Elle a seulement été bloquée, certains d'entre nous ont cette faculté. Personne ne peut déverser ou supprimer des pouvoirs mais on peut les inhiber avec une substance que seul le clan des neciara parvient à manipuler grâce à leur magie. Pour être moins technique, on parle de verrou. Un terkunchi est un démon dont les pouvoirs ont été scellés par un neciara. Puisque vous n'êtes pas au courant de vos origines, je suppose qu'au moins l'un de vos parents, à tous les deux, est lui-même un terkunchi. Le verrou est héréditaire et pratiquement incassable, c'est pour ça que vous ne pouviez pas deviner son existence.

Cette révélation retentit tel un coup de massue dans l'oreille des garçons. Non seulement ils étaient des démons, mais au moins l'un de leurs parents respectifs l'était aussi ! Entre les cachotteries familiales, le fait d'avoir frôlé la mort à plusieurs reprises et le manque de compassion de Chas qui accentuait l'ampleur de leur mal-être, Cyril et Nikolai étaient sans voix.

 Ils gardèrent les yeux au sol pendant plusieurs minutes. Aussi arrogant que Chas paraissait être, il respecta leur silence. Il savait néanmoins que la séance d'interrogatoire n'avait pas encore touché à sa fin. Plusieurs minutes s'écoulèrent et un silence de mort s'était installé. C'est Nikolai qui se décida à le briser, une ultime question lui était venue soudainement :

― Si nos...

Nikolai n'ayant pas digéré toutes ces renseignements obtenus auprès d'un demi-chat gothique, il eut du mal à terminer sa phrase, mais sa curiosité fut la plus forte :

― Si nos « pouvoirs » étaient bloqués jusqu'à notre accrochage avec la jeune fille, comment t'explique que j'ai... Bugué, on va dire... Devant la ruelle ?

― Et comment tu connais nos deux prénoms aussi ? On n'a pas fait les présentations nous, ajouta Cyril sur un ton ironique.

― Je vais d'abord répondre à ce dont je suis sûr. Si je connais vos prénoms, c'est parce que je lis dans vos pensées. Les démons sont télépathes. Vous verrez quand vous serez moins affolés le nombre incroyable de choses dont on est capable. Pour la ruelle, tu peux m'en dire plus ? Je n'étais pas là je te rappelle, et ce n'est pas facile de suivre une chaîne de pensée confuse !

Chas lui avait donné un ordre. Il était insupportable ! Pourtant, Nikolai ignora son ton autoritaire pour faire le récit complet de leurs semaines hors du commun.

― Hé bien...

La voix de Chas s'était adoucie, preuve qu'il pouvait peut-être se montrer sentimental quelques fois. Ses deux interlocuteurs restaient perplexes sur ce point.

― Je n'ai pas souvent entendu ce genre de choses alors je ne suis pas sûr de moi sur ce coup-là... La magie n'est pas une science exacte ! Le peu de fois où j'ai entendu cela, il y avait quelque chose qui revenait. Le verrou est, certes, incassable sans l'aide d'un neciara, mais je crois qu'il peut y avoir... Hum... Des fuites. Tu as peut-être eu des manifestations subtiles de ta magie qui t'ont fait percevoir des choses dont tu n'as jamais prêté attention, et ce, depuis ton enfance Nikolai. Inconsciemment, tu as peut-être toujours su que tu étais différent sans jamais mettre un mot dessus. N'ayant pas de réponse, tu as sûrement mis ça de côté, mais ton cerveau n'a jamais cessé de chercher une explication. Il est possible que quand tu étais devant cette ruelle, tu as inconsciemment perçu les mouvements de nos frères et sœurs. Ton cerveau a probablement associé ça à la possibilité d'un début de réponse, c'est pourquoi tu as tant voulu suivre cette piste. Voilà, c'est mon hypothèse !

Nikolai et Cyril devaient bien admettre que l'explication de Chas, digne d'un psychologue, était plausible, ce qui n'enlevait rien à son côté insolite. Le cerveau était-il vraiment capable d'élaborer une telle stratégie de repli ?

Réfléchissant à cette alternative, Nikolai s'était mis à faire les cent pas tandis que Cyril récupérait dans son coin en suivant des yeux son ami. La tension était palpable dans cette grande salle où les garçons ne semblaient n'avoir rien d'autre en commun que des origines occultes.

― Je pense avoir donné suffisamment d'explications pour aujourd'hui. Pour le reste, je n'en sais pas beaucoup plus que vous. Vous devriez voir ça avec vos parents, conclut Chas sur un ton catégorique. Je n'ai jamais vu la fille qui vous a attaqués, mais je pense savoir par qui elle a été envoyée. Nous verrons cela une prochaine fois, j'ai des choses à faire. Veuillez m'excuser.

― Quoi ? Mais tu peux pas nous en dire un peu plus, Chas ?

Le ton suppliant de Cyril n'amadoua pas le démon. Il n'était vraiment pas facile à convaincre.

― Non, Cyril, mais je peux vous assurer que je vous le dirai dès que j'aurai appris quelque chose. En attendant, restez ici. Vous y serez en sécurité.

― Et qu'est-ce qui te fait croire ça ?

Nikolai le fixait d'un air méfiant. À ces mots, Chas déboutonna la manche droite de son chemisier en cachemire, ornait de dentelles mais sans autre froufrou superflu. Avec son jean sombre, il était très élégant sans en faire des tonnes. Sa main gauche débordant de magie noire effleura son autre main côté paume. Un dessin à l'encre noir apparut : deux griffures avec une lune blanche en son centre. De chaque côté de la croix de griffes, un chat captivait votre attention grâce à son regard perçant.

― Vous voyez, ce tatouage est un emblème. Seul un chef, sauf exception, peut le porter. Je suis le kepaja, soit le chef des sakarujam. Jamais quelqu'un ne s'attaquerait à moi sans préparation.

Maintenant qu'il le soulignait, il était vrai que tout ce qui entourait nos protagonistes reflétait la noblesse. Outre les habits de Chas et son niveau de langage, il y avait aussi cette salle. Première évidence, mais qui n'est pas si facile que ça à remarquer quand on échappe de près à la mort, Chas s'était placé non loin de son trône. Des paniers de repos pour chats en cristal brut, avec leurs coussins en soie pour les rendre moelleux, étaient placés aux quatre coins de la pièce. D'épaisses branches d'arbres sortaient des murs. La décoration était un mélange entre une jungle indomptable et l'appartement abondamment aménagé d'un minet dont les maîtres seraient fortunés !

En observant encore un peu le décor de la demeure royale, les jeunes vidéastes notèrent un contraste étonnant avec le caractère animal du lieu. Des arbres à chats rouges flamboyants servaient de tables à des statuettes de danseurs de flamencos et autres danses latines. Des costumes de scènes pailletés, visiblement affiliés aux danses latines elles aussi, étaient accrochés à certaines branches.

La noblesse de Chas avait effectivement rasséréné Cyril et Nikolai sur la sécurité que ce demi-chat étrange pouvait leur apporter. Pour autant, les paroles du roi avaient sonné comme un ordre plutôt qu'une demande, ce qui ne plaisait pas à Nikolai. Trop bouleversé pour prêter attention aux convenances, il s'énerva encore une fois :

― Altesse, vous...

― Je n'ai plus l'âge de ce maniérisme, Nikolai !

― Heu... OK... Hum... Tu... Heu... Tu pourrais au moins nous demander notre avis, c'est fou ça ! Tu ne peux pas imposer aux gens de rester ici.

― Vous préférez vous faire tuer ? C'est ça le problème avec vous. Je vous offre ma protection et vous ne pensez qu'à vous terrer à Paris ! Écoutez, je n'ai pas le temps ni la patience de vous convaincre. J'ai réellement envie de vous aider. Je ne peux laisser des compatriotes qui ne savent pas se défendre aux mains des... De l'autre tarée.

Chas avait abandonné ses airs insensibles et hautains pour laisser place à quelqu'un d'empathique et soucieux du bien-être des autres. On aurait dit un autre homme ! Le démon était incontestablement rustre au premier abord, mais il n'était pas mauvais. Tout ce qu'il souhaitait au fond de lui, c'était aider des frères en détresse. Il savait qu'il était en mesure de le faire. Il était si habitué à donner des ordres que cela se ressentait dans sa façon de parler.

Cependant, Cyril et Nikolai ressentaient aussi chez Chas une profonde amertume dirigée contre le monde des humains. Il devait probablement mieux les connaître que ce qu'il voulait bien laisser entendre.

― Je vous laisse le choix, mes frères, concéda le matou. Inutiles de froncer les sourcils, nous sommes très unis. Vous vous ferez à ce surnom affectueux, croyez-moi ! Si vous décidez de repartir, je vous reconduis chez les manusia directement. Mais je reste personnellement convaincu que vous serez plus en sécurité ici que chez vous. Je sais me battre, la fille aussi, pas vous. Vous ne contrôlez pas vos pouvoirs, la fille et moi si. Enfin, j'ai des gardes formés au combat dans le château. Qu'avez-vous pour vous défendre sur terre ? Je ne peux pas toujours débarquer au bon moment.

Chas marquait un point. Pour la première fois, une main leur été tendue et elle était inespérée. Même s'ils n'avaient aucune idée de l'endroit où ils se trouvaient exactement, Cyril et Nikolai devinaient que c'était ici qu'ils étaient le mieux armés. Aucune autre main, sur terre, ne saurait mieux les servir que celle d'un démon !

Après cette entrevue mouvementée, Cyril et Nikolai furent accompagnés dans leurs chambres par trois serviteurs dont les deux qui s'étaient occupés de panser les plaies de Cyril. Tandis que le démon aux yeux bicolores, affaibli par ses blessures, s'endormit rapidement, Nikolai ne trouva pas le sommeil. Il ne dormit pas plus de trois heures cette nuit-là.

Le lendemain, il voulut prendre des nouvelles de son ami. Réveillé à une heure trop matinale pour déranger un blessé, Nikolai se força à manger un semblant de quelque chose qui lui fut servi dès qu'il bougea le petit doigt. Il allait vraiment devoir s'habituer à tout ça ? Anticiper ses désirs et ses gestes à ce point, c'était tout de même très perturbant pour un humain, ou du moins ce qu'il en reste !

― Cela viendra avec le temps. Il n'y a pas de raison que vous ne vous y habituez pas, Monsieur.

Le serviteur qui lui avait apporté son petit-déjeuner tentait de le rassurer, sa nature généreuse prenant le pas sur sa discrétion.

― Alors je n'aurai plus jamais d'intimité, songea à haute voix Nikolai mélancoliquement.

― Si, bien sûr ! Pardon, j'ai juste voulu vous aider. Vous savez, il est possible de bloquer l'accès à ses pensées. Notre chef vous apprendra tout cela en temps voulu.

Touché par la douceur et la prévenance du serviteur, Nikolai regretta immédiatement d'avoir été aussi rude. Ce n'était pas dans ses habitudes. Il se laissait carrément déborder par ses émotions et cela le déroutait. Adoptant une voix plus douce, il dit au serviteur :

― Appelle-moi Nikolai, Niko si tu veux, je ne suis pas si vieux ! Pardon pour mon attitude, je n'aurais pas dû te parler comme ça. Comment t'appelles-tu ?

― Davlio. Inutile de s'excuser, Nikolai, votre attitude est normale !

― Ravi de te connaître, Davlio. Merci d'essayer de me réconforter... Ce... Ça... Quel enfer !

― Au fond de vous, vous vouliez savoir. Ce n'est pas dans ces circonstances que vous auriez dû apprendre pour vos pouvoirs mais au moins, vous arrêterez de courir après un rêve.

Il est vrai que la vérité était dure à accepter pour Nikolai, mais il l'avait eu. Ce manque invisible commençait à se résorber, n'était-ce pas mieux en fin de compte ? Qui sait ce que vide l'aurait conduit à faire s'il l'avait suivi toute sa vie tel un spectre sans scrupule guidant sa conscience... Nikolai était vivant, Cyril juste blessé et ils avaient désormais un allié. Le constat aurait pu être plus inquiétant voire définitif.

Se sentant mieux, Nikolai demanda à Davlio s'il avait un moyen de savoir si Cyril était réveillé. L'informant que celui-ci était en mouvement, le danois toqua à sa porte. Avec un très léger sourire et beaucoup de courbatures, Cyril l'invita à entrer. Il avait l'air en forme et tenait sur ses deux jambes, c'était déjà ça ! La pression de Nikolai retomba encore davantage. Les deux amis parlèrent pendant plusieurs heures des révélations de Chas.

Tombant d'accord sur le fait que c'était un bon début, mais que ce n'était pas suffisant, Cyril et Nikolai décidèrent de réinterroger le kepaja. Ils le retrouvèrent en pleine séance d'écoute de doléances. Assis sur son trône, Chas écoutait un chat tigré et trapu se plaindre d'un souci bien moins intéressant que notre histoire. Tandis que Nikolai n'entendait qu'un babillage plaintif, Cyril écarquilla les yeux quand il découvrit que son cerveau traduisait en français les feulements du félin sans le moindre effort.

Le vidéaste suivit l'histoire de son congénère de lune avec intérêt et bienveillance, copiant ainsi l'attitude de Chas envers chacun de ses sujets. Après lui avoir promis qu'il s'occuperait de lui plus tard, le sakarujam congédia l'animal. Celui-ci se contenta de partir en remerciant son chef qui ne bougea pas de son trône. Cyril tenta alors une approche. Malheureusement, Chas leur donna la même réponse que la veille. C'était à leurs parents qu'il fallait s'adresser !

― Est-ce que tu pourrais les faire venir ici dans ce cas ? questionna Nikolai.

― Si j'interviens encore dans le monde humain, ma sœur le saura d'une manière ou d'une autre et c'est pareil pour vous. Hum... Je pense qu'on peut organiser une rencontre entre vos parents et vous à Paris. Mais avant de vous en dire plus, je dois sécuriser la conversation. Rubis surveille forcément de très près vos pensées. Je vais vous apprendre à les dissimuler et ensuite, nous parlerons.

Chas était intraitable. Nikolai et Cyril n'avaient rien à redire sur la leçon que voulait leur enseigner la créature tatouée. Ils étaient d'accord sur la nécessité de renforcer leurs fortifications mentales par précaution. Pendant les heures qui suivirent, Chas leur donna les clés pour s'incruster dans l'esprit humain sans être repéré et se prémunir des intrusions psychiques des démons. D'abord laborieux, l'exercice se révéla fructueux. Il était temps, Chas perdait patience ! Maintenant que tout était en place sur le plan mental, le kepaja leur demanda de mettre en pratique cela pour poursuivre leur conversation.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top