Sibylle (Chapitre 12)
Deux nouveaux jours s'étaient déjà écoulés depuis que Carlys avait rejoint la jeune femme.
Ils marchaient toujours devant eux mais n'avaient strictement rien découvert à part de nouvelles ruines, encore et encore. Sibylle commençait à se demander si tout ce voyage entrepris n'était pas une folie pure comme son camarade persistait à le lui dire à chaque instant.
Le soleil tapait sur leur nuque en ce début d'après-midi et la jeune femme allongea le pas, franchissant en silence un nouveau gravât.
Ils traversaient un village d'autrefois, aux immenses tours désormais en ruine. La grande route qui le traversait était gangrenée de trous, de plantes, de morceaux impossibles à identifier de bâtiments ou de mobilier. Un silence lourd régnait, percé quelques fois par le cri d'un charognard au loin.
Sibylle s'arrêta devant un nouveau monticule de verre brisé, soupirant, et se retourna vers Carlys qui la suivait de près.
— On fait une pause ?
— Je préférerai oui. Tu as beau prétendre que ta cheville est totalement guérie, je n'y crois pas une seconde.
Sibylle leva les yeux au ciel sans répondre avant de hausser les épaules. Sa cheville l'élançait toujours en effet mais elle ne pouvait pas décemment l'avouer... Ni poursuivre le trajet en s'appuyant toujours sur l'épaule du jeune homme. Elle avait bien vu sa fatigue la veille et n'avait pas l'intention de lui infliger le même calvaire.
Elle se laissa tomber sur le sol avec un profond soupir, tandis que Carlys prenait le temps de posément lâcher son sac avant de s'asseoir à son tour.
Ils restèrent quelques secondes silencieux, Sibylle gardant son regard fixé sur le sol entre eux. Ce fut le jeune homme qui le brisa finalement.
— Tu es sûre de vouloir poursuivre ta recherche de créatures fantômes ?
Elle releva ses yeux gris vers les siens, hésitante, un sourire fatigué aux lèvres.
— J'en doute de plus en plus mais je n'arrive pas à me résoudre à renoncer à mes espoirs...
Carlys baissa alors à son tour les yeux, ne relevant pas. Depuis quelques temps il se montrait différent, plus doux, plus à l'écoute et attentif. Sibylle y était sensible en même temps qu'elle tentait de ne pas y attacher d'importance... Elle n'avait décidément pas l'intention de partager autre chose qu'une franche amitié et complicité avec le jeune homme. Mais si elle avait entrouvert la porte, même seulement un peu, que se serait-il passé alors ?
Elle se mordit instinctivement la lèvre inférieure, tentant de réfréner ses pensées. La douleur qui empira à ce seul geste l'aida effectivement à reprendre le contrôle.
-Carlys... Tu peux dormir, je prends le premier tour de veille.
Il releva son regard brillant vers le sien, hésita à intervenir, puis finalement se décida à s'allonger sur le sol, devinant qu'elle ne le laisserait pas refuser.
Il s'endormait toujours d'un coup, comme une masse, et Sibylle ne put s'empêcher d'avoir un sourire attendri en le regardant, légèrement recroquevillé sur lui-même sur le sol, les mains devant lui proches de sa tête.
Ses paupières fermées lui donnaient un air calme qu'il arborait rarement les yeux ouverts, et ses cheveux trop longs faute d'avoir été coupé le faisait ressembler à un adorable ours en peluche. Sibylle eut envie d'étendre la main doucement pour caresser l'une de ses mèches de cheveux bruns mais se retint de justesse, songeant qu'elle n'était pas aussi maîtresse d'elle même qu'elle l'aurait voulu...
Quelques minutes plus tard elle sentit sa tête dodeliner et malgré tous ses efforts pour garder les yeux ouverts, elle bascula elle aussi dans un demi-sommeil, perdant la notion du temps et de la garde qu'elle devait monter.
***
Crac. Crac. Craaaac...
— Ahhh !
Sibylle se redressa en sursaut, ses courts cheveux en bataille et les mains pleine de terre. Visiblement elle s'était également assoupie... Cela leur était déjà arrivé et n'avait jamais été un problème : leur veille avait surtout pour but de se rassurer.
Mais à cet instant la jeune femme sentit que la situation n'était pas normale. Quelque chose n'allait pas...
— Carlys ? Carlys réveille toi !
Elle donna un léger coup dans l'épaule du jeune homme qui ouvrit alors un œil avant de laisser échapper un bâillement.
— Mmm... Tu veux déjà nous faire repartir ?
— Non je...
Elle ne pouvait pas décemment dire qu'elle sentait un danger. La jeune femme baissa alors les yeux vers le sol et sentit un léger tremblement s'emparer d'elle. Elle était pratiquement certaine de ne s'être assoupi que quelques minutes... une petite demi-heure au maximum.
Alors pourquoi étaient ils maintenant dans l'ombre ?
Quelque chose souleva alors ses cheveux, comme un souffle de vent chaud à l'odeur aigre.
— Carlys...
Elle n'acheva pas et commença lentement à se retourner en même temps que le jeune homme se redressait en fronçant les sourcils.
Lorsqu'elle lui tourna totalement le dos, elle eut juste le temps de l'entendre dire d'une voix traînante et ironique avant de songer qu'elle aurait mieux fait de ne jamais quitter le camp :
-Eh bien voilà ! Tu les as enfin trouvé tes dragons, je peux dormir ! Je dois cependant admettre à mon grand regret que tu avais raison...
L'énorme bête occupait toute la largeur de la rue et se tenait campée sur ses pattes à une dizaine de mètres d'eux. C'était un dragon... Chacune des écailles de l'animal était d'un noir d'encre, et ses yeux de serpent brillèrent d'un éclat jaune monstrueux lorsqu'il laissa échapper un long sifflement suraigu.
La bête fit un pas dans leur direction, et la terre trembla sous son poids. Sibylle acheva de se redresser, debout maintenant, et Carlys abandonna ses plaisanteries pour venir se poster près d'elle.
— Al', et si ce n'était pas l'un des dragons intelligents d'Astra ?
— Il n'y en a jamais eu que des intelligents, tu devrais le savoir monsieur le biologiste.
— Je n'ai jamais appris mes cours. Mais je n'en ai pas besoin pour dire que c'est une très très mauvaise idée de rester là...
— Je suis certaine qu'il... qu'il ne nous fera pas de mal.
Sibylle ne savait pas ce qu'elle pensait à cet instant face à la bête silencieuse qui les fixait devant eux. La jeune femme avait envie de rire, de crier sa joie.
Il y avait eu des survivants ! Les dragons intelligents d'Astra... Et ils les avaient trouvés. Elle fit un pas en avant, mais Carlys la retint par la manche, l'empêchant d'en faire un deuxième.
— Comment avons-nous fait pour ne pas l'entendre arriver ?
— Il a dû faire attention en atterrissant.
— Ah et tu penses que c'est le signe de bonnes intentions ?
Sibylle vrilla sur lui son regard gris mais ne put répondre, car un murmure désagréable s'invita alors dans leurs deux esprits.
— L'humain vient de dire quelque chose d'intelligent que mon ouïe a perçu. Auriez vous l'amabilité de me dire ce que vous fichez sur mon territoire ? J'ai faim, je manque de gibier, et je hais les humains. Je suis un solitaire et je n'ai pas de pitié pour vos semblables... Donnez-moi un millier de raison de ne pas vous tuer et je le ferai quand même. Alors faites vos prières...
Sibylle n'enregistra pas totalement ce qu'elle entendit. Elle se retourna avec un grand sourire vers Carlys et cria :
— Bien sûr ! Les dragons créés en laboratoire parlent par télépathie... Je l'avais oublié !
Le jeune homme ne répondit rien mais se rua brusquement vers elle, la poussant violemment. Ils allèrent rouler au sol quelques mètres plus loin et lorsque la princesse se retourna, elle vit les mâchoires du dragon se refermer dans un bruit carnassier à l'indroit précis où ils se trouvaient quelques secondes auparavant.
Carlys cria alors en se relevant déjà :
— Cours ! Et si tu as un super plan pour nous permettre de perdre très vite de vue le dragon qu'on a mis des jours à trouver, je suis preneur !...
Sibylle empoigna la main qu'il lui tendit et une fois debout elle se précipita en avant sans réfléchir, évitant de peu de nouveau les mâchoires du dragon.
Qu'est-ce qu'elle avait fait ? Rien qu'oublier le fait que les dragons avaient beau être intelligents, ils n'en demeuraient pas moins des animaux sans véritable point commun avec l'homme...
Cela était peut-être magique d'apprendre qu'ils avaient survécu, au moins un en tout cas, mais cela n'allait pas le rester longtemps s'ils mourraient dans les quelques minutes à venir.
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