Rodolphe (Chapitre 8)

— Ralph ? Tu m'entends ?

— Pas de problème Rodolphe. On a une dizaine d'astrayens dans la salle, plus des sympathisants eriquiens. Normalement tu es en sécurité mais serres toi du micro pour appeler les renforts si tu as le moindre problème !

Rodolphe esquissa un léger sourire puis répondit avant de fermer la communication grâce au petit micro attaché à la chemise de son col.

— Ok, à toute à l'heure Ralph. Emma a un faible pour toi, au fait, je ne te l'avais pas dit ?

L'adolescent se contenta de rire, avant de répliquer :

— Pourquoi chaque fois que tu es tendu tu commences enfin à te mettre à plaisanter Rodo ?

— Rodolphe ! Je déteste les surnoms...

— Ça, j'avais cru remarquer avec Carlys...

Et l'adolescent laissa échapper un rire. Au final, ce fut lui qui ferma la télécommunication.

Rodolphe se tenait sur la place, au pied des immenses escaliers du palais d'AM.Erica avec son oncle juste derrière lui et attendait dans une longue file de personnes demandant toutes à assister au procès.

Rire quelques secondes avec Ralph lui avait fait du bien mais l'appréhension revenait déjà au galop dans sa poitrine. Rodolphe n'avait pas vraiment encore l'habitude de se présenter mine de rien devant les gardes eriquiens.

Il avait renoncé à porter pour l'occasion sa couronne et savait que son oncle avait au moins trois armes dissimulé sur lui mais cela n'était pas plus réjouissant pour autant. Il eut l'impression qu'il s'écoula un siècle avant que son tour n'arrive de se présenter devant les gardes filtrant les entrées et pourtant, cela passa trop vite.

L'un des gardes était une femme, typée indienne, quand l'autre avait dû avoir pour ancêtre des indigènes de Sagan : sa peau pâle avait des reflets bleutés. Ce fut celui ci qui demanda en regardant Saedor d'un air méfiant mais sans le reconnaître visiblement :

— Qui êtes vous ? Les raisons de votre présence ?

Ils craignent un attentat... comprit soudain Rodolphe. En tout cas, il ne viendrait pas de lui. Le jeune homme fit un pas en avant, tandis que son oncle reculait légèrement pour le laisser parler.

— Je viens défendre la cause des accusés James et Sandrine d'Erica. Mon peuple et moi-même nous sentons directement concernés par cette méprise qui touche au départ l'une des nôtres, Cyndie de Sagan.

L'homme cessa de sourire et la femme poussa soudain un cri, cherchant sans même réfléchir l'arme à sa ceinture.

— L'empereur !

Elle ne put aller jusqu'au bout de son geste car Saedor s'était déporté juste devant elle et lui tenait fermement le bras. Rodolphe tourna un regard froid en apparence vers elle tandis que la foule commençait à s'échauffer derrière eux et il demanda calmement :

— Pourrait-on se calmer s'il vous plaît ? Je suis libre d'aller et venir, après la loi d'amnistie. Je demande simplement à pouvoir assister à ce foutu procès, et croyez moi, je n'ai pas plus envie de vous voir que vous n'en avez de m'accueillir ici. Mais je crois que les audiences eriquiennes sont publiques, non ? Et que l'on peut témoigner pour la défense comme pour l'accusation ? D'après vos lois je suis citoyen de votre planète... sois-disant au même rang que les autres. Puis-je entrer donc ?

Il dégageait soudain une aura de pouvoir forte en oubliant ses doutes et ses peurs et en laissant simplement sa nature prendre le dessus. L'inconvénient était que si la discussion s'éternisait encore longtemps, il allait se transformer en mutant... Pas sûr que la sécurité le laisse passer ensuite. Curieusement, il éprouvait le réel besoin de défendre les deux accusés.

Peut-être parce qu'il commençait à penser que si lui avait écarté de sa vie sa cousine sans même y réfléchir à deux fois, eux avaient tenté de l'aider... Cela valait le coup qu'il se batte pour eux aujourd'hui, et contre tous les autres jours. Il avait une dette à payer. Une dette qu'au fond il ne pourrait jamais complètement rembourser.

La garde avait tapé sur quelques touches de son écran un court message et elle ne cessait d'y jeter un coup d'œil un peu anxieux depuis que Saedor l'avait lâché, certain désormais qu'elle y réfléchirait à deux fois avant de sortir son arme.

Lorsqu'un léger "ding" retentit, toute la foule avait eu le temps d'apprendre et d'enregistrer la nouvelle. La queue derrière eux s'agitait et deux ou trois flashs crépitèrent – un effet de mode des écrans car ils pouvaient être parfaitement silencieux mais les créateurs avaient constaté que les utilisateurs aimaient entendre un bruit à la prise de leurs photos.

La femme baissa les yeux sur son écran, lut quelques mots, puis releva la tête en s'efforçant de sourire mais visiblement pas d'accord avec ce qu'elle venait de lire.

— Majesté, vous pouvez entrer vous et votre oncle, une navette va même venir vous chercher pour vous éviter l'ascension des escaliers.

Rodolphe secoua la tête avant même que Saedor ne réagisse.

— Non merci pour l'appareil, je peux monter sans votre aide.

La vraie raison était qu'il n'avait aucune envie de se retrouver enfermé dans un engin peut-être piège et vu le léger soupir de soulagement de son oncle, celui-ci avait aussitôt pensé à la même chose.

Rodolphe fit un geste pour s'avancer entre les deux gardes mais l'homme l'arrêta d'un regard noir.

— Une minute. Veillez m'excuser mais la procédure de sécurité demande à ce que l'on vérifie si vous n'avez pas d'armes sur vous. Vous plus qu'un autre.

Rodolphe leva les mains en l'air pour lui permettre de le fouiller plus aisément et haussa les épaules, narquois en apparence.

— Je n'en ai pas. Moi plus qu'un autre ? Je pourrais crier à la discrimination pour moins que cela...

L'homme laissa échapper un grondement. Les associations de défense des enfants d'Astra auraient en effet été capable d'intenter un procès pour moins que cela... Les fous. Ils se démolissaient eux-mêmes. Cela faisait rire froidement Rodolphe parfois.

Le garde se releva deux minutes plus tard puis lui fit signe sans un mot de passer. Le jeune homme obéit et grimpa les premières marches avant de se retourner. La plupart des regards des personnes présentes sur la place étaient fixés sur lui mais il commençait à s'habituer à cette sensation d'être toujours épié. Il baissa les yeux vers Saedor qui tendait un pistolet à fusée chargé en direction de l'homme :

— Tenez, c'est tout ce que j'ai sur moi.

Le garde ne répondit qu'en lui faisant signe de lever les mains à son tour.

Après la fouille, il ressortit en ayant en main une autre arme similaire et un fin poignard. Il grogna avant de faire signe à Saedor de passer :

— Tout ce que vous avez sur vous hein ?

Le régent ne répondit rien et rejoignit sans un mot Rodolphe, le ravageur pulsant à son coup comme un être vivant. Il arrivait au jeune homme de totalement oublier la souffrance de son oncle avant de s'en rappeler soudainement à la vue de l'objet.

— On bouge Rodolphe ?

— Hein ? Oh, oui bien sûr.

Son oncle l'avait tiré de ses rêveries d'un ton doux et l'empereur se retourna pour faire face à l'immense escalier. Ils se mirent en marche l'un à côté de l'autre, passant à chaque palier devant des soldats qui avaient visiblement été prévenus de qui ils allaient voir passer.

La plupart des regards étaient neutres, contrôlés, mais certains laissaient percevoir de la colère ou de l'inquiétude.

Il fallait un certain souffle pour gravir les escaliers mais heureusement Rodolphe n'en manquait pas avec ses capacités de mutant. Saedor était un peu plus lent à cause de la prison qui avait malgré le soin qu'il prenait de lui-même amoindri une partie de ses muscles.

Les marches étaient toutes semblables tandis qu'ils les gravissaient. Du marbre noir, veiné de blanc, sombre, et le décalage faisait sans cesse renaître dans l'esprit de Rodolphe le souvenir des hautes tours de verre coloré d'Astra.

Entre deux paliers, le jeune homme demanda en se retournant légèrement vers son oncle :

— Ils ont trouvé toutes vos armes ?

Saedor eut un fin sourire.

— Tu doutes de moi ? Bien sûr que non ! Il me reste un pistolet et trois poignards.

Rodolphe n'appréciait pas les armes blanches mais elles étaient plus facile à camoufler... du reste il n'aimait aucune arme du tout.

Il redressa alors la tête en voyant qu'il arrivait au dernier palier. Il hésita quelques secondes malgré lui, puis se dirigea vers l'entrée de la salle aux colonnades, forte de tant de souvenirs...

Il était seul dans la gigantesque entrée et tout le monde à l'intérieur s'était tu une nouvelle fois pour le dévisager.

À l'autre bout de l'espace, pile en face de lui et assise sur trône de marbre noir se tenait sa femme Aileen, avec près d'elle assis sur un coussin sur l'une des marches son fils Theobald.

De loin il était difficile d'en juger, mais Rodolphe aurait juré l'espace d'un instant que l'enfant lui adressait un sourire. Il dû cependant vite oublier cette idée car elle ne faisait qu'accentuer le gouffre qui l'envahissait à l'idée d'être si proche et pourtant si loin des êtres qu'il aimait, réaction qu'il n'avait pas prévue.

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