James (Chapitre 2)
Sandrine parvint à reprendre ses esprits et elle fut la première à aller chercher les masques filtrant de secours. Son frère ne put s'empêcher de penser que l'un comme l'autre avaient toujours été trop raisonnable et que leurs émotions étaient déjà vaincues par la nécessité de poursuivre leur vie.
Elle en donna un à James qui l'attrapa d'une main hagarde avant de poser l'appareil sur son visage, le mettre correctement en place puis l'attacher derrière sa nuque. Il inspira une nouvelle bouffée d'air et celui ci lui parvint aussitôt bien meilleur, sans cet affreuse senteur âcre de fumée et d'un mélange d'autres odeurs impossibles à identifier.
Et pourtant il eut envie d'arracher le masque après un coup d'œil en direction du corps sans vie de Cyndie toujours allongé sur le sol. L'adolescente était morte avec un sourire aux lèvres en inspirant à plein poumons cet air vicié et en y prenant du plaisir...
— James ?
Il se détourna de l'enfant aux cheveux blonds qui semblait dormir pour relever un regard triste vers sa sœur.
— Oui ?
— Tu... On pourra leur demander de l'enterrer ici ?
Il hésita quelques secondes, avant de finir par acquiescer.
— C'est ce qu'elle aurait voulu. Mais l'accepteront-ils ?
Le regard de Sandrine parut s'illuminer d'une lueur sombre qu'il ne lui connaissait pas et elle rejeta sa longue chevelure en arrière avant d'hausser les épaules en murmurant :
— Eh bien nous ne leur laisseront pas le choix. Qu'ils nous accusent de l'avoir tuée ! Mais qu'ils la laissent dormir pour toujours là où elle a toujours rêvé d'être...
***
James n'avait pas dormi de la nuit mais les événements des derniers minutes s'étaient tellement précipités qu'il n'avait pas ressentit la fatigue. Elle ne l'envahissait qu'avec plus de force maintenant et il somnolait, la tête appuyée à une paroi métallique de l'appareil encore debout, inconsciemment soulagé de n'avoir plus à penser, lorsqu'un bruit sourd le réveilla en sursaut.
— Tu as entendu ?
Sandrine était déjà debout, près de l'une des portes, s'arc-boutant sur celle-ci pour tenter de l'ouvrir, mais l'arrêt et le choc brutal du vaisseau avaient froissé les tôles et celle-ci ne répondait plus aux commandes ni électroniques ni mécaniques.
— Je sais James. Le comité de secours vient d'atterrir... Mais on dirait bien qu'on est bloqué ici, rien ne s'ouvre...
Le jeune homme voulut se lever pour venir l'aider, oubliant pendant quelques secondes ses lourdes jambes inutiles, et il retomba brutalement contre le sol, son mouvement se soldant évidemment en échec.
Une voix cria alors de l'extérieur mais leur parvint considérablement atténuée par les parois encore debout :
— Ouvrez ! Nous sommes les soldats eriquiens...
Ah, donc leurs hommes présents sur Sagan. Une bonne nouvelle que ce soit eux qui soient arrivés en premier ! Sandrine se retourna vers son frère et ils échangèrent un rapide coup d'œil avant que la jeune femme ne crie en réponse en se retournant :
— Nous ne pouvons pas ! Toutes les portes sont bloquées !...
Il y eut un court silence et une rafale de sable gris -ou de cendre, James ne savait pas-, s'engouffra dans l'appareil par une fente à l'avant. Le jeune homme eut pendant quelques secondes du mal à respirer, le masque peinant à expulser toutes ces particules.
Il toussa, eut l'impression de s'arracher la gorge au passage, mais finit par réussir à inspirer une grande goulée d'air qui lui fit un bien fou tandis que les hommes dehors reprenaient à leur intention :
— Très bien, nous allons forcer la porte devant nous... Reculez !
Sandrine lança un regard de profond découragement à James avant d'obéir, revenant vers le centre du cockpit tandis que ce dernier se rapprochait instinctivement du corps de Cyndie devant lui, comme pour inutilement tenter de la protéger.
Quelques minutes plus tard, ils voyaient un laser commencer à s'enfoncer dans le côté de la porte de l'appareil. Une fumée désagréable envahit l'appareil et James songea qu'ils devaient être bien décidé à les récupérer le plus vite possible pour gâcher tant d'énergie dans ce genre d'objet.
Un sourd grincement annonçant la lente chute de la porte d'acier tira le jeune homme de ses pensées et il fronça ses sourcils clairs lorsque deux gardes à l'uniforme de son pays pénétrèrent dans l'appareil.
— Sortez... Dépêchez vous, venez avec nous.
James n'était pas habitué à être commandé ainsi, pas plus que Sandrine, mais il sentit bien que ce n'était pas de la part des gardes un manque de respect mais simplement un terrible sentiment d'urgence. La situation était donc si grave ?
La gorge serrée, il ne put s'empêcher de songer qu'elle ne pourrait plus s'aggraver pour Cyndie.
— Attendez... Il nous faut de l'aide pour sortir... Cyndie.
Le plus âgé des gardes se retourna pour faire signe à deux autres hommes de pénétrer à l'intérieur du cockpit tandis que les deux autres s'avançaient en enjambant les gravats pour rejoindre James et l'adolescente immobile à ses pieds.
Il détourna alors les yeux, lorsqu'ils se penchèrent pour saisir avec une certaine douceur le corps de sa demi-sœur. Elle était tellement belle et douce avec cet incroyable et si particulier dernier sourire plaqué au visage ! Et c'était en même temps un véritable crève-coeur à chaque fois que de le revoir...
Sandrine attendait les gardes à la porte, sans se décider à sortir, et elle finit par oser dire en direction du capitaine :
— Il faudrait que vos deux autres hommes aident mon frère à sortir avant de faire leur inspection.
Le chef parut étonné, sur la défensive, comme s'il redoutait un piège sournois de leur part.
— Son altesse ?
James avait voulu cacher son infirmité au monde et voilà qu'elle ressortait, plus forte que jamais... Il rougit, se maudit intérieurement, et retint un juron. Cyndie aurait rit de lui probablement si elle avait encore été en vie... Il avait désespérément envie de l'entendre, même si c'était pour se moquer de lui.
Il se décida pourtant à hocher la tête en direction des gardes, sans autre solution à proposer.
— En effet. Mes jambes ne répondent plus vraiment aux commandes...
Il avait voulu dire cela sur le ton d'une plaisanterie mais il eut l'impression que la seule chose qui ressortait de ses derniers mots était un goût amer.
Deux gardes se frayèrent alors un passage jusqu'à lui et, en évitant de le regarder face à face, l'empoignèrent par les épaules pour le soulever en ahanant, sans chercher à dissimuler leur effort.
James détestait être ainsi traîné dans le cockpit sans pouvoir rien faire, mais sa honte était atténuée par la douleur qui ne quittait pas son esprit. Elle fut d'autant plus ravivée lorsque les deux hommes le posèrent sur un fauteuil qui venait d'être sorti de leur appareil, renforcé pour affronter le climat hostile de Sagan, à son intention.
Cyndie avait été allongée dans un drap que tenait deux gardes, et James n'arrivait pas à en détacher son regard, assis dans son siège comme il l'était. Sandrine pour sa part ne pouvait au contraire plus poser ses yeux sur le visage de l'adolescente, et elle se tourna vers le capitaine pour demander :
— Pourquoi tant d'urgence à venir nous chercher ? Tant d'inquiétude ?
— Altesse, la galaxie toute entière est en effusion... Les astrayens crient à l'assassinat, Nepsys proclame que si cela est vrai, ils entrent en guerre, la reine votre sœur vous défend et parle d'accident mais personne ne la croient... Des cités de Mars, favorables à Astra depuis toujours, se sont révoltées et votre frère Liam est en train de tenter d'y remettre bon ordre. Egrabe est toujours sous contrôle du prince Edward en revanche, mais il y a d'énormes manifestations en ce moment et les gens crient, demandant des comptes pour Cyndie... La reine Aileen a déclaré que vous deviez rentrer le plus tôt possible en AM.Erica sous bonne escorte. Elle compte éclaircir toute cette histoire...
Il fit une pause puis termina :
— Personne n'aimait la princesse traître... Mais tout le monde vient soudain de se rappeler qu'après tout elle faisait partie des enfants à avoir vécu dans les souterrains et à avoir quitté Astra avec les autres. Presque une enfant d'Astra en soi malgré sa trahison...
James laissa échapper un rire qui n'avait rien de joyeux en fixant le soldat.
— Je comprends mieux votre inquiétude, ainsi que votre anxiété. Vous êtes peu et tout le monde sait que nous devons être encore sur Sagan... Plus d'une personne favorable à l'enfant perdue pourrait être tentée de venir nous assassiner, et vous avec. Notre mort vous est égale, vous croyez à notre culpabilité. Non, ne niez pas, cela se voit dans la froideur avec laquelle vous nous parlez. Ne jugez pas sans savoir, capitaine. Mais j'ai confiance en vous, parce que vous êtes fidèle à Aileen. Emmenez-nous donc en AM.Erica...
Leur voyage n'atteindrait visiblement jamais son but initial, non plus qu'il éviterait une directe confrontation avec sa sœur après sa maladie, mais sans Cyndie de toute façon, il paraissait désormais manquer quelque chose à sa vie.
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