Caldion (Chapitre 6)

Illustration de @Raph_Pos Merci !

Caldion n'arrivait pas à intégrer ce qu'il venait d'entendre. Il resta debout devant l'analyseur, trop stupéfait pour même lâcher un mot.

Ce fut ce dernier qui le secoua en lâchant d'un air condescendant :

— Bon, tu as entendu ce que j'ai dit ou tu veux que je modifie le verdict ? Tu es pris, vas rejoindre ton copain là-bas.

Ah, l'autre sélectionné... Un instant plus tôt Caldion le détestait de toute son âme et voilà qu'il se sentait maintenant terriblement heureux et capable de le trouver sympathique.

Ce n'était apparemment pas le cas de tous ceux qui l'entouraient qui lui lancèrent des regards noirs et envieux lorsqu'il s'avança pour traverser les files et gagner l'endroit devant les bâtiments où les soldats et le garçon l'attendait.

Le blond qu'il avait jugé insupportable l'accueillit d'un sourire un peu crispé en lui tendant une main à serrer :

— Salut, moi c'est Serge. Je ne pensais pas qu'on serait deux mais ça me fait plaisir, j'aime l'idée de vivre cette aventure avec quelqu'un de Turrand. Et toi tu t'appelles ?

Caldion ne vit aucun inconvénient à serrer la main tendue et répondit avec un sourire, sans doute encore marqué par la surprise de ce qu'il était en train de vivre.

— Caldion ZE-325. Cal pour les amis...

Puis ils n'échangèrent plus aucune parole et reportèrent leur attention vers l'examination toujours en cours, sans oser porter leurs yeux vers leurs camarades refusés.

Une vingtaine de minutes plus tard, sans que personne d'autre n'ait été pris, c'était déjà un vrai miracle qu'ils soient deux, les examinateurs annoncèrent d'un signe au soldats qu'ils avaient terminé l'opération.

Alors ceux-ci évacuèrent les jeunes vers la porte, non sans que quelques cris résonnent en même temps que quelques poings levés :

— Ce n'est pas juste ! Une deuxième chance ! Vous m'avez mal observé...

Mais ils durent tous ressortir par la porte qui avait été ouverte en plus grand qu'à l'arrivée. Caldion se sentait presque coupable de sa chance incroyable à laquelle il n'osait pas croire encore et visiblement Serge à côté de lui ressentait la même chose.

Un instant plus tard, la cour était entièrement vide et les examinateurs revenaient vers eux tandis que quelques soldats restaient pour patrouiller près des murs, ayant l'habitude d'avoir dans les heures à venir quelques manifestations de mécontents.

La fille qui semblait diriger l'équipe recrutante, tirée à quatre épingle et maquillée avec soin tout en affichant à sa ceinture une arme de pointe ultra-perfectionnée, les dévisagea longuement en se postant devant eux et Caldion soutint son regard tant qu'il put avant de renoncer.

Elle esquissa alors un sourire ironique et lâcha :

— Excellent les recrues. J'espère que vous êtes contents ? Vous venez d'avoir une sacrée veine...

Caldion avait des milliers de questions à poser, notamment concernant l'hésitation visible qu'avait marqué l'examinateur devant lui avant d'annoncer le verdict et qu'il ne comprenait pas, mais il demanda à la place, peu soucieux de remettre en question son intégration :

— Quand partirons-nous ? Aurons nous l'occasion de faire une visite à notre famille ?...

À Turrand il n'y avait pas de précédent à leur intégration. Mais la jeune femme secoua la tête et annonça sèchement :

— Nous partons demain et nous n'avons pas envie de faire dans le sentimental. Pas de visite à la famille donc...

— Mais...

Caldion n'eut pas le temps de poursuivre que l'examinatrice tourna les talons pour rentrer dans le bâtiment, suivi des gardes restant et autres examinateurs. Quelques secondes plus tard il ne restait dans la cour que les deux jeunes gens et les soldats toujours de faction.

Serge posa une main amicale sur le bras de Caldion et murmura :

— Oublie ça, tu reviendras bien les voir un jour. Pour le moment viens, si tu ne veux pas qu'on soit renvoyé dès le premier instant...

Le jeune homme acquiesça et suivit son camarade, l'âme sans dessus dessous. Il aurait aimé embrasser une dernière fois toute sa famille avant de partir... Mais il ne pouvait pas renoncer à son rêve en sachant que de toute façon il les reverrait.

Il eut un sourire un peu triste cependant en songeant à la joie que ressentirait pour lui sa généreuse sœur et aux regards brillants de ses parents qui le penseraient heureux. Et Shan sauterait probablement deux fois plus dans tout l'appartement... avant de comprendre qu'ils ne se reverraient pas de sitôt.

Cela accentua la tristesse de Caldion mais il s'efforça de positiver et ne tergiversa plus, entrant à l'intérieur du bâtiment.

Ici, la dégradation de la ville de Turrand n'était visible nulle part. Les murs étaient couvert de papier précieux, des tapis de première main couvraient le sol, n'ayant pas été vendu dans les dernières années, et tout reflétait l'aisance et l'abondance.

Le jeune homme eut un large sourire devant tout cela, songeant que c'était justement la vie qui l'attendait...

Quelques minutes après, on les conduisait, Serge et lui, à deux chambres qui venaient d'être préparées visiblement.

Caldion pénétra dans la sienne et s'arrêta à la grande pièce qui donnait sur le couloir. Elle était en forme de losange et les murs comme le sol étaient composés de mosaïque. Partout des sièges confortables semblaient l'attendre et il prit un plaisir enfantin à se jeter dans le premier venu.

Une fois la porte refermée, il se retrouva seul dans son petit domaine. Une joie qu'il savourait pour pouvoir tranquillement repenser à tous les événements des dernières heures...

Il ne parvenait toujours pas à croire que son rêve était devenu réalité. Qu'il avait été pris à la sélection ! Seule cette petite hésitation de l'examinateur continuait de l'intriguer mais il n'avait pas envie de s'y attarder et l'écartait de ses pensées.

Dans quelques jours il serait dans la ville qui aurait besoin de lui. Recevrait-il une formation pour être cinéaste, réalisateur ? Comme tout le monde il rêvait d'intégrer les tournages de la série FDR, réalité virtuelle que tout le monde regardait.

Caldion ferma les yeux, s'adossa plus confortablement à son siège, avant de froncer les sourcils en se rappelant ce que lui disait sa mère. Elle détestait la série La fin du Rêve.

Parce que dans cette réalité virtuelle, l'on pouvait mourir.

Mais cela ne dérangeait pas Caldion. Tous les inscrits étaient volontaires, à l'exception des prisonniers politiques à qui l'on laissait le choix entre participer à cette série ou mourir ou quelques esclaves de qui personne ne se préoccupait, il y en avait toujours eu sur Mars. Tous les participants y gagnaient donc une chance de vivre...

À partir du moment où l'on choisissait librement ou que cela représentait une chance, en quoi le principe de la série pouvait-il être remis en question ?...

D'autant que FDR aurait eu trois fois moins de téléspectateurs si ce n'avait été que des manipulations, de fausses histoires.

Et c'était un tremplin vers la célébrité. Caldion se redressa dans son siège, se massant pensivement la nuque. Son acteur favori avait été Rodolphe Kent, et il gardait une amitié secrète qu'il n'avouait pas à son idole de jeunesse qui s'était révélée être l'empereur d'Astra en fuite.

Encore aujourd'hui, le jeune homme était convaincu que s'il tombait sur lui, il l'aiderait à échapper aux autorités plutôt que le trahir.

Mais sa seconde idole l'emportait maintenant sur Rodolphe qui avait évidemment totalement cessé d'apparaître sur les écrans. C'était la grande gagnante de la saison 1 de FDR, Lorelei Worz.

Elle vivait maintenant dans la capitale, Tertirus, adulée de tous. Caldion faisait indubitablement partie des fans de la jeune femme et maintenant qu'il avait intégré les dômes, ne pourrait-il pas la rencontrer ?

Tous les rêves devenaient possibles, même celui de participer à la création de la série FDR dans le tournage... Idée qu'il n'avait évidemment jamais confiée à sa mère et toujours gardée pour lui.

Seul Glycine avait probablement deviné depuis longtemps son penchant pour la série universellement connue et son désir d'y participer.

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