Aileen (Chapitre 12)
— Commandant, dites moi que ce n'est pas vrai, que je rêve !
Mais Andrei, inflexible, les yeux rivés droit devant lui pour ne pas voir ce qu'il jugeait comme une monstrueuse créature, répondit :
— Non majesté. Reprenez vous et occupez vous de... votre fils.
Elle sentit qu'il avait besoin de dire ces derniers mots pour se convaincre lui-même du fait qu'il était nécessaire de protéger le mutant et Aileen détesta cela. Alors sans attendre elle se dirigea vers le centre de la pièce et s'assit par terre avant de prendre la parole en se tournant toujours vers l'endroit où le petit loup courait.
— Theobald... Theobald, regarde-moi ! Tu n'es pas un monstre, tu es simplement toi-même. Tu t'es transformé en loup mais j'aurais dû te prévenir, car je savais que cela pourrait t'arriver. Theobald, calme-toi, viens me voir... Calme-toi.
Le petit loup au regard doré finit par obéir et par s'immobiliser. Il regarda sa mère, une lueur de peur toujours présente au fond des yeux, puis se décida lentement à faire un petit pas vers elle, puis un autre, jusqu'à être juste à côté d'elle et à pencher la tête, comme s'il n'osait pas la regarder.
Aileen, autant pour lui que pour le commandant, souleva le museau de l'animal et répéta doucement :
— Tu n'es pas un monstre Theobald, d'accord ?
Alors, de façon très humaine et comme heureux d'être rassuré, le petit loup hocha vigoureusement la tête. Le commandant devait l'avoir vu car il sembla se rendre compte que l'animal restait son prince et il reprit la parole d'un ton professionnel :
— Il n'écoute que vous majesté. Dites lui qu'a priori il peut se re-changer en être humain. Vu l'état de ses précédents habits, vous feriez peut-être bien de lui en sortir d'autres.
Aileen avança doucement la main vers le fauve et son fils ne bougea pas. Alors, doucement, elle passa la main sur sa fourrure, lui caressant les oreilles et le museau. La jeune femme songea fugitivement que Rodolphe devait être un loup magnifique lui aussi...
Son cœur se serra dans sa poitrine et elle eut un mal fou à cacher son émotion. Elle murmura simplement d'une voix rauque :
— Tu as entendu le commandant Theobald ?
Il laissa échapper un léger grognement qui pouvait passer pour un assentiment. Alors la reine se releva sans geste brusque, comme si elle avait peur d'effrayer son enfant, et elle se dirigea vers l'un des placards muraux pour l'ouvrir en passant son poignet sous un détecteur. Un instant après elle revenait avec à la main une combinaison claire comme celles que portaient souvent son fils.
Theobald fronçait le museau, secouait les oreilles, rayait le plancher de ses griffes, et Aileen échangea un coup d'œil angoissé avec Andrei.
Visiblement, se transformer de nouveau en humain n'était pas si facile. La jeune femme s'assit de nouveau face à l'enfant et reposa une main sur sa fourrure pour l'apaiser et l'encourager.
— Je suis certaine que tu peux le faire Theo. Tu es le meilleur petit prince de la galaxie, ce n'est pas ce que je te dis toujours ?
Elle s'efforçait de prendre un ton léger et de sourire comme si tout cela n'avait pas d'importance alors même qu'elle sentait son cœur battre avec force dans sa poitrine et qu'elle avait l'impression d'avoir les poumons comprimés par une énorme masse d'appréhension.
Son mari lui aurait été très utile pour se détendre... Lui aurait su quoi dire à Theobald, quoi faire.
Un relent d'amertume s'empara de la jeune femme tandis que le loup poussait un gémissement plaintif. Rodolphe l'avait épousée en ne lui disant rien de ses secrets...
Mais elle ne parvenait pas à beaucoup le regretter. Savoir la vérité, cela aurait été renoncer à lui dès le départ... Et ne pas avoir cet enfant qui était sa raison de vivre maintenant que celui qu'elle aimait lui était inaccessible pour toujours.
— Theobald... Essaie encore, je suis certaine que tu peux y arriver.
Alors, sous ses yeux encore sous le choc, elle vit les griffes du louveteau se raccourcirent, les poils disparaître, et un instant plus tard sans prévenir son fils tomba à genoux devant elle, ayant retrouvé forme humaine.
Elle lui tendit doucement les vêtements qu'il avait sorti et il s'habilla sans la regarder. Lorsqu'il eut terminé de remonter sa fermeture éclair, il osa enfin lever la tête vers sa mère.
— Maman... Je... J'ai peur. J'ai cru que je n'allais pas réussir à faire ce que vous me disiez, redevenir votre petit garçon... Et... Maman... Je... Je le sens encore au fond de moi.
Aileen se releva et posa d'un geste tendre ses mains sur les épaules de son fils.
— Quoi ? Qu'est-ce que tu sens ?
— Quelque chose. Quelque chose qui fait que je pourrais redevenir un... un quoi ? Cette... cette chose que j'étais là.
Et il s'observait lui-même avec un dégoût et une peur visible. Étrangement, ce fut cette attitude qui changea totalement celle du commandant resté jusque là silencieux à observer la scène.
Il s'approcha de quelques pas et vint lui dire :
— Un loup je crois, une espèce disparue depuis longtemps. Bien que je n'ai jamais entendu dire qu'il en avait existé à la fourrure argentée comme la votre. Écoutez, altesse, il est très important que vous appreniez à contrôler la transformation, d'accord ? Cela ne doit jamais se produire devant quelqu'un d'autre que votre mère et moi...
L'enfant se serra contre Aileen, tremblant, et il demanda d'une petite voix, angoissée parce qu'il ne comprenait pas tout mais qu'il avait tendance à considérer tout ce que disait Andrei comme parole d'évangile :
— Pourquoi ? Pourquoi je ne dois montrer... ça... à personne ?
Aileen murmura simplement en plongeant ses yeux dans les siens :
— Les gens ne sont pas près à voir un mutant, d'accord Theo ? Ils... Ils pourraient ne pas comprendre, avoir une attitude anormale.
— Maman... Il y a beaucoup de gens comme moi ?
Aileen leva la tête et échangea un regard avec le commandant qui hocha la tête.
— Eh bien chéri... très peu de personnes en fait. Tu l'as peut-être entendu à la télévision... Il y a l'empereur d'Astra qui est comme toi. Il y en a sûrement d'autre après, mais je ne sais pas qui ils sont... Les mutants se cachent, tu comprends ?
Aileen préférait laisser sous-entendre qu'il y en avait plusieurs plutôt que de dire clairement qu'à ce jour a priori il n'y avait que Rodolphe et Sibylle Astra ainsi que Theobald... Cela devenait trop évident alors.
L'enfant murmura sans attendre de réponse :
— Maman, vous n'êtes pas comme moi, n'est ce pas ?
Elle hocha la tête, cherchant à esquiver la discussion qu'elle commençait à trouver dangereuse mais son fils demanda alors d'une voix grave qu'elle ne lui connaissait pas :
— Maman, qui est mon Papa ?...
Aileen n'avait jamais menti à son fils qui avait toujours su qu'Andrei n'était qu'une couverture même s'il ne comprenait pas très bien pourquoi. La jeune femme refusait de ne pas dire la vérité sur un point aussi important à son enfant, mais en même temps elle ne pouvait pas prendre le risque de la lui dire maintenant...
Le commandant les regarda un instant, puis salua Aileen, décidant visiblement que le reste de la conversation ne le concernait pas. Il quitta la pièce, avant de sortir des appartements et la reine entendit les portes qui se refermaient tandis qu'elle plongeait son regard dans celui de son fils.
— Theobald, écoute-moi bien. Je te dirai la vérité, tu as ma parole, mais quand tu seras assez grand pour comprendre.
L'enfant la regarda gravement, sans chercher à tergiverser et toujours sous le coup de la panique qu'il avait ressenti en se transformant.
— Vous me le direz quand ?
Sachant qu'il allait prendre sa réponse très au sérieux, Aileen lui ébouriffa ses cheveux sombre d'un geste amusé de la main avant de répondre gravement avec calme :
— Disons à ta majorité. Tu sauras qui est ton père à tes dix-huit ans. En attendant, continue de faire semblant que c'est Andrei pour tout le monde, d'accord ?
Le petit garçon hocha la tête sentencieusement, comme s'il se rendait compte de la gravité exacte de la situation puis il demanda :
— Maman comment faire pour ne pas me... me transformer ?
— On va y arriver chéri. Il va falloir que tu t'entraines... et en attendant tu ne viendras plus avec moi aux réunions, je n'ai pas envie de prendre de risque.
Et elle serra doucement de nouveau son fils contre elle, sans savoir si c'était à lui ou à elle qu'elle voulait insuffler du courage. Qu'aurait dit Rodolphe de toute la scène qui venait d'avoir lieu ?
Elle aurait adoré l'avoir devant elle pour le lui demander... Quand cesserait-elle de l'aimer ?
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