Sibylle (Chapitre 75)
Sibylle se releva alors elle aussi sans attendre, tachant toujours d'ignorer le feu qui la consumait de l'intérieur et cria en posant une main sur le cou du loup à côté d'elle pour se rassurer :
— N'approchez-pas ! Qui êtes-vous ?
Le garçon au cheveux caramels leva ses mains en l'air pour bien montrer qu'il n'était pas dangereux et son compagnon fit de même. Celui qui avait pris l'initiative du geste commença à prendre la parole pour répondre.
— Je m'appelle Maxime et lui c'est Thomas. On vous cherche depuis qu'il y a eu les premières annonces en ville... Tous les enfants d'Astra de plus de treize ans ont été réquisitionné pour le faire en urgence. On peut s'approcher ?
Le cœur de Sibylle battait à cent à l'heure dans sa poitrine tandis qu'elle réfléchissait. Pouvaient-ils leur tendre un piège ? Mais quel intérêt ? Autant venir les capturer avec un maximum d'hommes que d'envoyer deux jeunes gens...
— Montrez vos tatouages avant, finit-elle par répondre.
Le dénommé Maxime hocha la tête, avant de se retourner et de soulever son tee-shirt. La marque indélébile d'Astra et de son rôle dans le plan 439 étaient effectivement inscrit sur sa peau. Le deuxième garçon, légèrement plus petit, la peau mate et les cheveux sombres, fit de même et Sibylle acquiesça alors.
— Vous pouvez vous approcher, lâcha-t-elle.
Ils ne se le firent pas dire deux fois et la jeune femme sentit que son frère sous sa forme de loup était aussi tendu qu'elle.
Lorsqu'ils les eurent rejoint, celui qui avait la peau plus foncée demanda tranquillement mais visiblement un peu déstabilisé voir énervé :
— Alors c'est vrai ? L'histoire des mutations ? C'est... Enfin je veux dire vous êtes l'empereur ?
Ses yeux se fixèrent sur l'énorme fauve à la fourrure argentée qui inclina la tête en continuant de légèrement gronder comme pour le prévenir de ne pas les trahir ou les attaquer.
Thomas échangea un regard avec son ami et Sibylle sentit sa gorge se serrer un peu plus. Allaient-ils accepter un dirigeant mutant ? Un monstre ?
Maxime passa une main d'un geste nerveux dans ses cheveux pâles.
— C'est tellement incroyable... marmonna-t-il. En tout cas on verra ça plus tard pour les explications avec les autres. Là il faut qu'on vous mette en sécurité d'urgence...
Il se tourna vers Sibylle, évitant de regarder le loup, et demanda d'une voix presque gênée :
— Il ne pourrait pas... Redevenir normal ? Reprendre une forme humaine ? Ça serait moins repérable...
Et vous seriez beaucoup moins effrayés. Elle ne divulgua pas à haute voix sa pensée mais se contenta de souligner l'aspect principal du problème :
— Vous avez des vêtements de rechange ? Parce que je crains qu'un homme nu ça attire au moins autant l'attention...
À sa grande surprise le dénommé Thomas hocha la tête en retirant de son épaule un sac à dos auquel elle n'avait pas fait attention jusque là. Ils en portaient tous les deux. À la vue de son regard interrogateur et de nouveau méfiant il expliqua :
— Nous nous sommes organisés pour vous chercher. Toutes nos équipes se sont pourvues d'un sac contenant un minimum d'affaires et notamment de quoi vous nourrir et habiller si jamais on devait de nouveau s'enfuir très vite. Vous sortir de la ville va être très difficile... D'autant qu'on suppose que le gouvernement s'est aperçu du fait que tous les enfants d'Astra se promenaient comme par hasard dans Graël en ratissant chaque quartier. Heureusement pour vous, nous avons des effectifs bien plus nombreux que la police officielle... Mais il faut qu'on se dépêche de partir d'ici.
Tout en expliquant tout ceci, il avait sorti du sac quelques vêtements un peu chiffonnés et les tendait avec une hésitation visible au loup qui les attrapa dans sa gueule d'un geste rapide avant de s'éloigner derrière un bac de plastique noir qui le cacha à la vue des jeunes gens.
Thomas marmonna d'une voix pleine d'excuse :
— Je ne suis pas très grand, j'espère que ça ira. Je ne croyais pas que ce serait nous qui vous retrouverions...
L'autre garçon ajouta près de lui :
— J'ai pris des affaires pour vous, princesse. À ma sœur adoptive.
— Merci. Tu peux me tutoyer, on a le même âge.
Elle l'avait lâché d'une voix distraite, restant malgré elle affreusement tendue et aux aguets. Elle ne pouvait croire que tous les enfants d'Astra s'étaient mobilisés pour eux... même en sachant qu'ils étaient d'horribles mutants. La jeune femme s'attendait toujours à les voir déguerpir d'un instant à l'autre mais non, ils restaient là, simplement terriblement anxieux eux aussi et ne cessant de regarder les alentours.
Un léger bruit de pas les firent tous sursauter et ils se retournèrent pour voir Rodolphe les rejoindre, habillé de pied en cap. Le pantalon laissait voir ses chevilles et la veste était un peu courte effectivement... et pourtant il conservait son incroyable charme, ce qui amusa et détendit un instant Sibylle.
Les deux autres garçons ouvraient des yeux ronds, stupéfaits visiblement de reconnaître les traits de leur prince alors même qu'ils ne devaient toujours pas arriver à croire aux mutations.
Rodolphe esquissa un sombre sourire plein d'ironie et demanda en faisant mine de montrer les dents :
— Vous me préfériez en loup peut-être ?
Puis il se reprit et en un instant Sibylle vit réapparaître l'homme que leur oncle avait formé pour être un parfait empereur. Il en avait l'attitude, le physique, l'intelligence et le charisme.
Pourtant à cet instant une tristesse sans nom se dégageait de ses prunelles aux couleurs incroyables et la jeune femme sentit son cœur se serrer un peu plus. Que lui cachait-il ? Regrettait-il comme elle que sauver Saedor n'ait pas pu être envisageable ? Elle n'arrêtait pas d'y penser mais ne voyait pas comment son frère aurait pu faire...
Sa fuite à elle seule était déjà un miracle en soi.
Rodolphe la tira de ses pensées en tendant une main ferme aux deux garçons. Maxime la serra sans hésiter après un léger salut mais Thomas mis plus de temps, comme légèrement méfiant.
Puis il se détendit et accepta la poignée de main offerte avant d'esquisser un sourire et de lâcher :
— Si on m'avait dit que je vous rencontrerai un jour, je...
— Tu peux me tutoyer aussi.
Ah, il avait entendu Sibylle tout à l'heure... Thomas acquiesça alors avant de poursuivre :
—... Je n'y aurais pas cru. Et si j'avais entendu que mon empereur était un mutant !... C'est en te voyant que j'y crois...
Les sourcils de Rodolphe se froncèrent très légèrement et Sibylle fut la seule à deviner la tension qui l'habitait à cet instant.
— Je n'ai jamais voulu l'être, ce n'est pas une mutation désirée comme certains pourraient le supposer. Peut-on savoir ce que tu en penses ?
Thomas échangea un regard avec Maxime et son sourire devint plus grave lorsqu'il répondit en lâchant la main du prince.
— J'ignore ce qu'en penseront nos frères et sœurs d'Astra. Mais pour moi, avoir un empereur capable de se défendre, qu'importe comment, c'est une force, c'est positif.
Et il n'y avait pas l'once d'une trace de rejet dans sa voix...
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